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ecla se fit en un instant, et parfaitement, dans saint Panl; et cela s'est encore fait dans sainte Magdeleine, sainte Pélagie, sainte Catherine de Sienne, et quelques autres Saints ou Saintes; mais un tel avantage est un aussi grand miracle dans l'ordre de la grâce, que la résurrection d'un mort dans celui de la nature, et nous ne devons pas y prétendre. La guérison de l'âme, Philothée, comme celle du corps, est lente, ne s'avance que par degrés, peu à peu, avec peine et à loisir, et Fon croit même qu'elle n'en est que plus sûre; car Vous savez ce que dit le vieux proverbe, que les maladies viennent à cheval et en poste, et qu'elles s'en vont à pied et au petit pas jugez ainsi des autres infirmités spirituelles.

Il faut done ici, ô Philothée, beaucoup de patience et de courage: hélas ! que je plains ces personnes qur, se voyant sujettes à plusieurs imperfections, commencent après quelques mois de dévotion à s'inquiéter et à se troubler, prêtes qu'elles sont de succomber à la tentation, de tout quitter pour retourner sur leurs pas. Mais une autre extrémnité aussi dangereuse, est celle de certaines âmes, qui, par une tentation contraire, se croient, dès les premiers jours, affranchies de leurs mauvaises inclinations; qui pensent être parfaites sans avoir presque rien fait, et qui prenant le grand vol sans avoir d'ailes, s'élèvent à

BLIOTHEQUE CRITONA (LAUSANNE

RSITAIRE

ce qu'il y a de plus sublime dans la dévotion. O Philothée, que la rechute est à craindre, pour avoir voulu se tirer trop tôt des mains du Médecin! elles devroient bien considérer les Anges de l'échelle de Jacob, qui ayant des ailes, y montoient cependant par ordre, d'échelon en échelon, Ah! dit le Prophète royal, il vous est bien inutile de vous lever avant que le jour soit venu. L'âme qui remonte du péché à la dévotion, est comparée à l'aube du jour; laquelle en s'élevant, ne dissipe pas les ténèbres en un instant, mais peu à peu, et d'une manière imperceptible.

Jamais personne n'a mieux pratiqué cé conseil de bien purifier le cœur que ce saint pénitent, qui ayant été déjà lavé de son iniquité, demanda néanmoins durant toute sa vie d'en être toujours lavé de plus en plus; ainsi cet exercice ne devant et ne pouvant finir qu'avec notre vie, ne nous troublons point à la vue de nos imperfections. Notre perfection consiste à les tombattre; et d'ailleurs nous ne saurions ni les combattre ni les vaincre, sans les sentir et sans les connoître; la victoire même que nous en espérons ne consiste pas à ne les point sentir, mais à n'y point consentir. 2 Au reste, ce n'est pas y consentir que d'en ressentir les impressions; il faut bien dans ce combat spirituel que, pour l'exercice de notre humilité, nous nous attendions à en recevoir quelques fâcheuses

atteintes. Cependant nous ne sommes jamais vaincus, que quand nous avons perdu la vie ou le courage; or, les imperfections et les fautes vénielles ne peuvent nous faire perdre cette vie spirituelle de la grâce que le seul péché mortel nous ravit, et il n'y a rien à craindre, sinon de perdre le courage; mais disons à Dieu comme David: Seigneur, délivrez-moi de l'esprit de lâcheté et de découragement. C'est donc pour nous une douce et heureuse condition dans cette milice spirituelle, que de pouvoir toujours vaincre, pourvu que nous voulions toujours combattre.

CHAPITRE

VI.

Il faut premièrement purifier l'Ame des péchés mortels.

LE

}

E dégagement du péché doit être le premier soin de celui qui veut purifier son cœur; et c'est ce que l'on fait dans le Sacrement de pénitence. Cherchez le plus digne Confesseur que vous pourrez trouver; ayez un de ces petits Livres qui ont été faits pour aider à la conscience, dans l'examen qu'on doit faire de sa vie, commet Grenade Bruno, Arias, Auger, ou autres semblables; lisez-les attentivement, et remarquez de point en de point en point en quoi vous avez offensé Lieu depuis l'usage de raison: et si vous vous défiez de votre

mémoire, écrivez ce que vous avez remarqué. Après cette recherche de vos péchés, détestez-les avec la contrition la plus vive et la plus parfaite que vous pourrez concevoir par la considération de ces quatre grands motifs: Que par le péché vous avez perdu la grâce de Dieu, abandonné votre droit sur le Paradis, mérité tes peines éternelles de l'Enfer, et renoncé à tout l'amour de Dieu.

Vous voyez bien, Philothée, que je vous parle d'une confession générale de toute la vie, et je vous avoue en même-temps que je ne la erois pas toujours absolument nécessaire; mais considérant l'utilité qu'elle porte pour ces commencemens, je vous la conseille extrêmement. Il arrive sou-. vent que les confessions ordinaires des personnes qui ont un certain train de vie commune, sont pleines de grands défauts: on ne s'y prépare point, ou fort peu; l'on n'a pas la contritition requise; l'on va se confesser avec une secrète volonté de pécher, soit parce que l'on ne veut pas éviter les occasions du péché; soit parce que l'on n'est pas disposé à prendre tous les moyens nécessaires à l'amendement de la vie : et en tous ces cas-là, une confession générale est nécessaire pour assurer le salut: mais outre cela elle nous donne une parfaite connoissance de nous-mêmes; elle nous remplit d'une confusion salutaire à la vue de tous nos péchés; elle soulage l'esprit de

beaucoup d'inquiétudes; elle tranquillise la conscience; elle excite en nous plusieurs bonnes résolutions; elle nous fait admirer la miséricorde de Dieu, qui nous a attendu avec tant de patience; elle met notre Père spirituel en état de nous donner des avis plus convenables; elle nous ouvre le cœur pour confesser nos péchés à l'avenir avec plus de confiance.

Ainsi, Philothée, puisqu'il s'agit du renouvellement entier de votre vie et de la parfaite conversion de votre âme à Dieu, c'est avec raison, ce me semble que je vous conseille de faire une confession générale.

CHAPITRE VII.

Il faut encore purifier l'Ame de toutes les affections au péché.

Tous les Israélites sortirent d'Egypte

mais plusieurs y laissèrent leur cœur; et c'est ce qui leur fit désirer dans le désert les oignons et les viandes d'Egypte. De même il est beaucoup de pénitens qui sortent de l'état du péché, et qui n'en quittent pas pour cela l'affection; je m'explique: ils se poposent de ne plus pécher. inais c'est avec une certaine répugnance à se priver des plaisirs du péché: leur cœur y renoncé et s'en éloigne ; mais il leur échappe toujours de certains retours qui les portent de ce côté-là, à peu près

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