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comme il arriva à la femme de Loth, qui tourna la tête vers Sodome. Ils s'abstiennent du péché comme les malades font des melons; vous le savez, ils n'en mangent pas, parce qu'ils craignent la mort dont le Médecin les menace; mais ils s'inquiètent de cette abstinence; ils en parlent avec chagrin, et doutent de ce qu'ils ont à faire, du moins ils veulent en sentir souvent l'odeur, et ils estiment heureux ceux qui peuvent en manger. Voilà le caractère de ces foibles et lâches pénitens; ils s'abstiennent pour quelque temps du péché, mais c'est à regret; ils voudroient bien pouvoir pécher sans être damnés; ils parlent du péché avec je ne sais quel goût qui en fait sentir le faux plaisir, et ils veulent toujours croire que les autres y trouvent de quoi se satisfaire. Un homme quitte dans la confession le dessein qu'il avoit de se venger; mais aussitôt après on le trouvera dans une conversation libre de ses amis avec qui il prendra plaisir de parler de sa querelle; il dira, que sans la crainte de Dieu, il auroit fait ceci et cela, que la Loi divine, sur cet article du pardon, est bien difficile; que plût à Dieu qu'il fût permis de se venger. Ah! que ce pauvre homme, tout hors de péché qu'il est, a le cœur embarrassé de l'affection au pêché, et qu'il est semblable aux Israélites dont j'ai parlé! Il faut dire la même chose de cette femme, qui ayant détesté ses

mauvaises amours, prend un reste de plaisir à de vaines assiduités, et à des démonstrations trop vives d'estime et d'amitié. Hélas! que ces pénitens et ces pénitentes sont dans un grand danger de leur salut!

Or, Philothée, puisque vous aspirez sincèrement à la dévotion, non-seulement Vous devez quitter le péché, mais vous devez encore purifier votre cœur de toutes les affections qui en ont été les causes, ou qui en sont les effets; car outre le danger de la rechute, il vous en resteroit une langueur d'âme et une pesanteur d'esprit, qui sont, comme je vous l'ai dit, incompatibles avec la Vie Dévote. Je compare ces âmes qui, après avoir quitté le péché, sont si languissantes et si pesantes dans le service de Dieu, aux personnes qui ont les pâles couleurs; elles ne sont pas absolument malades, mais l'on peut dire que leur air, leurs manières et toutes leurs actions sont bien malades; elles mangent sans goût, elles rient sans joie, elles dorment sans repos, et elles se traînent plutôt qu'elles ne marchent. C'est de cette sorte que ces âmes, dans leurs exercices qui ne sont pas fort à compter, ni pour le nombre, ni pour le mérite, font le bien avec tant de dégoût et de lassitude d'esprit, qu'elles lui font perdre tout le lustre et toute la grâce que la ferveur donne aux actions de piété.

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Comment l'on peut parvenir à ce second degré de pureté d'âme.

Il faut pour cela se former unc vive et

forte idée de tout le mal que porte le peché; afin que par la componction du cœur, elle nous excite à une forte et profonde contrition. Quelque foible que soit la contrition, pourvu qu'elle soit véritable, elle suffit pour purifier notre âme du péché, surtout quand elle est soutenue de la vertu des Sacremens; mais si elle est véhémente et pénétrante, elle va jusqu'à purifier le cœur de toutes les mauvaises affections qui dépendent du péché. Remarquez ces exemples: si nous ne haïssons un homme que foiblement, il n'y a guère que sa présence qui nous fasse de la peine, et nous nous contentons de la fuir; mais si nous le haïssons mortellement et violemment, nous ne nous en tenons pas à cette répugnance de cœur, et à cette faite, l'horreur que nous en avons se répand jusques sur ses alliés, ses parens et ses amis, dont nous ne pouvons souffrir la conversation; son portrait mème nous blesse les yeux et le cœur, et généralement tout ce qui a quelque rapport à lui nous déplait: ainsi quand le pénitent n'est que légèrement touché de la haine de ses péchés, et n'en a

au'une

il

qu'une foible contrition, mais très-réelle, ne laisse pas de se déterminer de bonne foi à ne plus pécher; mais quand sa haine est bien vive, et sa douleur bien profonde, il déteste tout ensemble et efficacement le péché, toutes les habitudes, et tout ce qui peut lui servir d'attrait et d'occasion. Il faut done, Philothée, donner à la douleur de vos péchés toute la force et l'étendue que vous pourrez, afin qu'elle s'étende aux moindres circonstances du péché : c'est ainsi que la Magdelaine, dès le premier moment de sa conversion, perdit tellement le goût de ses plaisirs, qu'elle n'en retint pas même l'idée ; c'est ainsi que David protestoit, qu'il haïssoit le péché, les voies et les sentiers du péché: c'est en cela que consiste ce renouvellement de l'âme, comparé par le même Prophète au renouvellement de l'aigle.

Mais pour prendre vivement cette idée de la malice du péché, et en concevoir une vraie douleur, il faut vous appliquer à bien faire les Méditations suivantes, dont l'usage détruira dans votre cœur, par la grace de Dieu, tout le péché jusqu'à ses racines; c'est à ce dessein que je vous les ai préparées, selon la méthode que j'ai jugée la meilleure; vous les ferez l'une après l'autre, en suivant l'ordre que je leur ai donné, et n'en prenant qu'une pour chaque jour. Je vous conseille, si cela est faisable, que ce soit le matin, parce que

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c'est le temps le plus propre aux fonctions de l'esprit; après cela, vous en repasserez ce que vous pourrez en vous-même durant le jour; et si votre esprit n'est pas encore fait à la Méditation, ayez recours, pour vous la faciliter, à la seconde partie de cet ouvrage.

CHAPITRE

IX.

Méditation sur la création de l'Homme.

PREPARATION.

1.° Mettez-vous en la présence de Dieu. 2.0 Suppliez-le qu'il vous inspire.

CONSIDERATION.

1. CONSIDÉREZ

ONSIDÉREZ qu'il n'y a que tant d'années que vous n'étiez pas au monde, et que votre être n'étoit qu'un vrai néant. Où étions-nous, & mon âine, en ce tempslà le monde avoit déjà subsisté durant une longue suite de siècles, et il n'étoit rien de tout ce que nous sommes.

2. Pensez que Dieu vous a tiré de ce néant pour vous faire ce que vous êtes, sans que vous lui fussiez nécessaire, et par la seule raison de sa bonté.

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3.0 Formez-vous une noble idée de l'être Dieu vous a donné; car il est le que mier et le plus parfait de tous les ètres de ce monde visible; il est créé pour une vie

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