Images de page
PDF
ePub

votre âme le désir de l'imiter sur le pardon et l'amour des ennemis; cela est peu de chose, si vous ne formez votre résolution en cette manière. Eh bien! je ne m'offenserai plus de telles et telles paroles fâcheuses de la part d'un tel ou d'une telle, ni de tel et tel mépris, que celui-ci ou celui-là fait de moi; au contraire, je dirai et ferai telle ou telle chose pour adoucir l'esprit de l'un, et pour gagner le cœur de l'autre. Voilà, Philothée, le vrai moyen de vous. corriger promptement de vos fautes; au lieu que vous n'y réussirez, avec ces affections générales, que difficilement, fort tard, et peut-être jamais.

[blocks in formation]

De la Conclusion, et du Bouquet spirituel.

ENFIN, P'on doit terminer la méditation

par trois actes qui demandent beaucoup d'humilité. Le premier est de remercier Dieu de la connoissance qu'il nous a donnée de sa miséricorde, ou d'une autre de ses perfections, et de toutes les saintes affections et résolutions que sa grâce a opé

rées en nous.

Le second est d'offrir à sa divine Majesté toute la gloire qui peut lui revenir de sa miséricorde, ou d'une autre de ses perfections, lui présentant encore toutes nos affections et résolutions en union des vertus

de Jésus-Christ son Fils et des mérites

de sa mort.

Le troisième doit être une humble prière, par laquelle nous demandons à Dieu la grâce de participer aux mérites de son Fils,

grace de ses vertus, et principalement la

fidélité à nos résolutions, dont nous devons reconnoitre que l'exécution dépend de sa sainte bénédiction. Priez en mème-temps pour l'Eglise, pour vos pasteurs, vos parens, amis et autres personnes, par l'intercession de Notre-Dame, des Anges et des Saints et finissez par dire le Pater et l'Ave, qui sont les prieres communes et nécessaires à tous les Fideles.

Au reste, vous savez ce que je vous ai dit du Bouquet spirituel de la méditation, et voici, encore une fois, ce que j'en pense. Ceux qui se sont promenés le matin dans un beau jardin, n'en sortent pas bien satisfaits, s'ils n'en prennent quelques fleurs pour avoir le plaisir de les sentir le reste du jour. C'est ainsi qu'il faut recueillir le fruit de votre méditation, en vous formant une idée de deux ou trois choses qui vous auront plus frappé l'esprit et plus touché le cœur, pour les repasser de temps en temps dans le cours de la journée, et pour vous soutenir dans vos bons propos. C'est ce que l'on fait au lieu mème où l'on a médité, en se promenant un peu de temps, ou autrement avec une douce attention.

CHAPITRE VIII.

Avis très-utiles sur la pratique de la Méditation.

Il faut, Philothée, que durant le jour

vous teniez vos bonnes résolutions si présentes à votre esprit et à votre cœur, que yous ne manquez pas de les pratiquer dans l'occasion; car c'est là le fruit de Poraison mentale, et sans cela, non-seulement elle ne sert de rien, mais souvent elle nuit beaucoup. Il est vrai, la fréquente méditation des vertus, sans la pratique, nous enfle l'esprit et le cœur, et nous fait croire insensiblement que nous sommes tels que nous avons résolu d'ètre. Certainement cela seroit ainsi si nos résolutions avoient de la force et de la solidité; mais, parce qu'elles en manquent, elles sont toujours vaines; et parce qu'elles sont sant effet, elles sont toujours dangereuses. Il faut donc tâcher par toutes sortes de moyens de les mettre en pratique; l'on doit même en chercher les occasions, et les petites aussi-bien que les grandes par exemple, si j'ai résolu de gagner, par douceur, l'esprit des personnes qui m'offensent, je les chercherai ce jour-là pour les saluer d'un certain air d'estime et d'amitié; et si je ne puis pas les rencontrer, du moins j'en parlerai avantageusement, et je prierai Dieu pour elles. Mais, en sortant de l'oraison, prenez garde

de ne donner à votre cœur aucune agitation violente; car, en s'épanchant dans ce mouvement, il perdroit ce baume céleste qu'il a reçu dans la méditation: je veux dire qu'il faut un peu demeurer dans le silence si vous le pouvez, et retenant l'idée et le goût de vos bonnes affections, faire passer doucement votre cœur de l'oraison aux affaires. Imaginez-vous un homme qui à reçu dans un beau vase de porcelaine quelque liqueur de grand prix pour l'emporter chez lui: voyez-le marcher pas à pas sans regarder derrière soi ni à côté; mais toujours devant soi, de peur de faire un faux pas ou de heurter à quelque pierre, et il s'arrête même quelquefois pour voir si le mouvement de ce vase ne lui fait rien perdre de sa précieuse liqueur. Conduisez-vous de la sorte après votre méditation; ne vous laissez pas distraire et dissiper tout d'un coup, mais regardez avec une simple et tranquille attention le chemin que vous ávez à tenir: s'il se présente une personne à qui vous deviez parler, c'est une nécessité, et il faut s'y accommoder; mais ayez de l'attention sur votre cœur, de peur qu'il ne perde la précieuse suavité dont le SaintEsprit l'a rempli dans l'oraison.

il faut même vous accoutumer à passer de l'oraison à toutes les actions que votre profession exige de vous, bien qu'elles vous paroissent fort éloiguées des sentimens et des résolutions de votre méditation. Ainsi,

un Avocat doit savoir passer de la méditation au barreau, un Marchand au trafic, une Femme au soin de son domestique, avec tant de douceur et de tranquillité, que l'esprit n'en souffre aucun trouble; car puisque l'un et l'autre sont également de la volonté de Dieu, il faut passer de l'un à l'autre avec une entière égalité de dévotion et de soumission à la volonté de Dieu. '

I arrivera quelquefois, qu'apres avoir fait la préparation de votre méditation, votre âme sentira une douce émotion, qui la transportera tout d'un coup en Dieu. Alors, Philothée, laissez toute cette méthode que je vous ai donnée; car bien que l'exercice de l'entendement doive précéder celui de la volonté, cependant si le Saint-Esprit opère en vous, par ses impressions sur votre volonté, ces saintes affections que les considérations de la méditation y doivent exciter, n'allez plus chercher dans votre esprit ce que vous avez déjà dans le cœur. Enfin, c'est une règle générale qu'il faut toujours ouvrir le cœur aux affections qui y naissent, bien loin de les réprimer ou de les y retenir captives en quelque temps que ce soit, soit avant les considérations, soit après. Vous devez encore suivre cette règle pour tous les actes de Religion qui entrent dans la méditation, comme l'action de grâces, l'oblation de soi-même, et la prière; pourvu que vous leur conserviez toujours leur place

« PrécédentContinuer »