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plus bas (V. chap. II, sect. 2), l'absence sans nouvelles depuis dix ans, établissait, contre l'absent, une présomption de mort qui remontait au jour de sa disparition, et par suite de laquelle ceux qui voulaient exercer des droits subordonnés à son existence étalent obligés de prouver qu'il vivait encore.— « Le Tribunal;Attendu que la jurisprudence actuelle répute l'absent depuis dix ans sans nouvelles décédé du jour de son départ; que tel était l'avis du savant Lamoignon; que l'opinion de ce grand magistrat paraît avoir été adoptée par tous les tribunaux;-Que le projet du code civil fait remonter l'effet de l'absence au jour du départ; Que quoique le projet du code civil n'ait pas force de loi, quoique les observations faites par les tribunaux d'appel sur ce projet ne soient pas une règle absolue, ils en sont néanmoins la raison écrite; - Infirme. 2 pluv. an 11, trib. d'app. de Lyon, 2o sect., aff. Delestra.

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17. Il importe toutefois de faire observer que la fiction d'après laquelle l'absent était réputé mort, à compter du jour de sa disparition ou de ses dernières nouvelles, ne s'étendait pas au delà du cas dont on vient de parler, et surtout qu'elle ne pouvait dispenser ceux qui avaient à exercer des droits subordonnés à la mort de l'absent, de prouver qu'il était en effet décédé. Ainsi, par exemple, lorsque l'absent avait laissé un testament, les héritiers institués ou les légataires ne pouvaient invoquer cette fiction pour réclamer l'exécution du testament et l'envoi en possession provisoire; les héritiers légitimes les écartaient avec suocès par la présomption de vie de l'absent pendant cent ans et en leur opposant qu'un testament était un acte de dernière volonté qui ne pouvait produire d'effet que par la preuve de la mort du testateur. Catelan, liv. 2, chap. 7, cite en ce sens un arrêt du parlement de Toulouse rendu le 2 juin 1650, par lequel la jouissance provisoire des biens d'une personne absente depuis neuf ans fut accordée non à l'héritier institué par son testament, mais à ses plus proches parents. La conséquence de cette doctrine était de rendre les legs faits par l'absent susceptibles de devenir caducs par le décès des légataires arrivé avant le terme marqué aussi verronsnous que l'art. 123 du code civil a fait prévaloir un principe contraire.

18. Tels étaient les effets de l'absence relativement aux biens de l'absent et aux droits qui s'étaient ouverts en sa faveur depuis sa disparition. Il nous reste, pour compléter l'exposé des anciens principes, à parler des effets de l'absence relativement au mariage et à la surveillance des enfants. C'est sur ce point que le législateur moderne a le moins innové. Le grand principe de l'indissolubilité du mariage avait guidé les anciens parlements; et, à la place du doute et de l'hésitation par lesquels ils étaient passés pour arriver à établir une doctrine à peu près certaine sur les objets que nous avons parcourus, nous rencontrons ici une certitude parfaite et des décisions empreintes de la plus haute prévoyance.

19. La première et la plus grave question qui s'éleva, fut de savoir si, pendant l'absence du mari ou de la femme dont on n'avait pas reçu de nouvelles depuis longtemps, le conjoint présent pouvait se remarier. Le principe de l'indissolubilité du mariage, emprunté par l'ancienne législation aux décisions des conciles et aux lois canoniques, plaçait à l'abri de toute discussion la solution de cette question. On tenait invariablement que lorsqu'un des epoux s'était absenté, si l'autre voulait passer à de secondes noces, aucunes présomptions tirées des circonstances de son absence, quelque fortes qu'elles pussent être, ne pouvaient tenir lieu des preuves légales qu'il devait rapporter du décès qui avait rompu ses liens. On allait même, contre le sentiment de Pothier (Contr. de mariage, no 106, 4o), jusqu'à dire qu'il serait inutile à l'époux présent de prouver que le conjoint absent aurait plus de cent ans accomplis, parce qu'il ne saurait être permis de courir volontairement le plus léger risque de profaner un nœud aussi saint et aussi sacré que celui du mariage. « En un mot, lit-on dans le Nouveau Denisart, vo Absence du mari ou de la femme, art. 1, § 1, no 1, l'absence de l'un des conjoints forme un empêchement invincible toutes les fois qu'il y a à courir le hasard de former un engagement légitime ou sacrilége. » C'était, ainsi qu'on le voit, la reproduction, et même plus énergique, du principe posé par Justinien dans sa Novelle 117 (V. suprà, no 4). Par une suite de ce principe, la femme de l'absent était, en général, obligée de se faire autoriser par le juge dans tous les cas où elle aurait eu besoin TOME II.

de l'autorisation de son mari; néanmoins Pothier (de la Puiss. mari, no 27) enseigne qu'il faut excepter de la rigueur de ce solution les actes de simple administration, pour chacun desque il serait bien difficile de la suivre.

20. Mais à quelle règle devait-on obéir, lorsque de fait et ma gré la prohibition de la loi, un mariage avait été contracté p l'époux présent, sans preuve certaine de la mort de son conjoi absent? Ce mariage devait-il être annulé? Non, et sur ce poin la doctrine qui, d'ailleurs, a été consacrée par le Code civil, reproduite avec une netteté remarquable par l'avocat général G bert, à l'occasion d'une affaire jugée le 23 juillet 1723. « Il fa distinguer, disait ce magistrat, le cas où il s'agit de permettre d'empêcher la célébration d'un second mariage, et celui où il s' git d'y statuer lorsqu'elle est déjà faite. Dans le premier cas, n'y a point à douter: il faut aller au plus sûr, et exiger la preu la plus certaine.-Dans le second, on doit douter autant qu'on peut convenablement; ou, s'il faut prendre parti, choisir celui q entraîne le moins d'inconvénient. Et quel est, en général, cel qui en entraîne le moins? C'est celui qui laisse subsister les chos en l'état où elles se trouvent. Dans le doute et l'obscurité, y a-t comparaison à faire entre laisser deux personnes dans l'espè de bonne foi où l'ignorance de fait les met, et arracher une fem d'entre les bras d'un mari, qui en est en possession, troubl l'état d'une famille, mettre tout en confusion dans la société civil et cela sur la présomption d'un fait incertain de soi, et qui mên vraisemblablement n'est point. On dira que la présomption droit est que l'autre conjoint est vivant. Mais la proposition n'e pas vraie exactement; les lois supposent plutôt qu'un homme pe vivre cent ans, qu'elles ne présument qu'il les vive en effet. Pr sumeraient-elles indistinctement ce qui est si rare? C'est suiva les occasions et les matières qu'elles admettent cette présomption ou plutôt elles doutent toujours d'une chose si douteuse en so mais elles vont au plus sûr suivant les matières. »>-Cette doctri fut accueillie par l'arrêt du 23 juillet 1723; et elle repose sur grand nombre de décisions conformes rapportées dans le Nou Denisart, loc. cit., no 2 et suiv.

21. Néanmoins, si la nullité du second mariage ne pouva être prononcée tant que n'était pas faite la preuve de la non-diss lution du premier, il n'était pas moins certain que si l'abse reparaissait, le conjoint qui avait contracté le second mariage d vait rompre ces nouveaux liens et retourner aussitôt avec son pr mier époux (V. Bretonnier, Quest. de dr., des Absents, ch. 1 D'Aguesseau disait même dans son 28o plaidoyer (aff. Coliquet que dans le doute on oblige les nouveaux époux à demeurer s parément. Mais cet usage était contesté.-V. le Nouv. Denisar loc. cit., no 4.

22. Dans tous les cas, la bonne foi des nouveaux époux pr duisait en faveur des enfants du nouveau mariage son effet ord naire, et leur assurait, en conséquence, l'état et les droits d'e fants légitimes.

23. Relativement à la communauté de biens existante ent les époux, l'absence produisait des effets que le Code civil a con plétement changés. Pour être capable d'acquérir, disait-on, il fa avoir une existence certaine. Donc, la communauté des bie entre mari et femme étant un moyen réciproque d'acquérir, el est dissoute par l'absence proprement dite de l'un des conjoints de même qu'elle le serait par sa mort. Il n'y avait d'exception a principe que celle qui résultait de la loi qui veut que la commi nauté soit continuée en faveur des enfants mineurs, faute d'i ventaire des biens qui en font partie (arrêts des 15 mars 1674 12 déc. 1754, 20 janv. 1662, Nouv. Denisart, loc. cit., art. 2 § 1, nos 1 et suiv.). On verra comment et par quels justes moti l'art. 124 du c. civ. a établi sur ce point un droit nouveau et al solument différent.

24. Quant aux actions qui ne s'ouvrent que par la mort d mari ou de la femme, on s'en tenait à la règle générale qui imp sait au demandeur la nécessité de prouver le fait servant de for dement à son action. Ainsi, comme en général le douaire ne s'o vrait que par la mort du mari, la femme de l'absent ne pouva le demander qu'à l'époque à laquelle la mort de son mari était r gardée comme certaine, c'est-à-dire après cent ans révolus depu sa naissance (V. Pothier, Tr. du Douaire, no 156). Mais « la dol dit Bretonnier (quest. des Absents, ch. 1), étant le patrimoine d

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la femme, il y a de la justice à la lui rendre après un temps raisonnable; et quand on ne voudrait pas la lui accorder, elle a un moyen infaillible pour l'obtenir; c'est de se faire séparer de biens; car une longue absence est un moyen légitime de sépavation. »

25. Enfin, quant aux enfants laissés par l'absent, on devait, de même que dans le cas de mort du père ou de la mère, leur nommer un tuteur ou un curateur lorsqu'ils étaient mineurs (V. Bretonnier, loc. cit. ch. 2). Cet auteur pense que dans les ressorts des parlements où le mariage n'émancipait pas, si le père absent revenait après le mariage de son fils, contracté durant son absence, celui-ci ne rentrait point sous sa puissance, parce que les parents de la femme n'auraient peut-être pas consenti au mariage s'ils avaient cru que le mari ne dût pas rester libre. Mais, en ce point, Bretonnier est contredit dans le Nouv. Denisart, loc. cit. § 3, no 3.

26. D'ailleurs, les enfants mineurs qui voulaient se marier durant l'absence de leurs père et mère pouvaient s'y faire autoriser par un avis de parents ou d'amis assemblés en l'hôtel du juge. 27. Tel était l'état de l'ancienne jurisprudence, lorsque la révolution éclata. Les attaques auxquelles la France se vit alors exposée, ses conquêtes, et les expatriations qui en furent la suite, durent solliciter l'intervention du législateur. Mais comme la révolution française se trouvait en présence d'un état de guerre permanent, ce fut particulièrement de la position des militaires absents qu'on dut se préocuper d'abord. Le premier acte législatif, en matière d'absence, eut donc pour objet les militaires absents. Ce fut la loi du 11 vent. an 2, que nous nous bornons à indiquer ici, parce qu'elle doit faire, avec les autres

(1) Discours de M. Bigot-Préameneu au corps législatif, 1. Citoyens légistateurs, le titre du code civil qui a pour objet les Absents, offre les exemples les plus frappants de cette admirable surveillance de la loi, qui semble suivre pas à pas chaque individu pour le protéger aussitôt qu'il se trouve dans l'impuissance de défendre sa personne ou d'administrer ses biens.-Cette impuissance peut résulter de l'âge ou du défaut de raison, et la loi y pourvoit par les tutelles. Elle peut venir aussi de ce que l'individu absent n'est plus à portée de veiller à ses intérêts. Ici la loi et les juges ont besoin de toute leur sagesse.-Leur but est de protéger l'absent; mais lors même qu'ils ne veulent que le garantir des inconvénients de son absence, ils sont le plus souvent exposés aux risques de le troubler dans le libre exercice que chacun doit avoir de ses droits.

2. L'absence, dans l'acception commune de cette expression, peut s'appliquer à ceux qui sont hors de leur domicile, mais dont on connaît le séjour ou l'existence; il ne s'agit ici que des personnes qui se sont éloignées du lieu de leur résidence ordinaire, et dont on n'a point de nouvelles. Depuis longtemps le vœu des jurisconsultes était qu'il y eût enfin à cet égard des règles fixes. On n'en trouve presque aucune dans le droit romain. Il n'a point été rendu en France, à cet égard, de loi générale.-Les relations du commerce extérieur et les temps de troubles ont plus que jamais multiplié les absences. Enfin, il n'est point de matière sur laquelle la jurisprudence des tribunaux soit plus variée et plus incertaine.

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3. Lorsque l'absence, sans nouvelles, s'est prolongée pendant un certain temps, on en a tiré, dans les usages des différents pays, diverses conséquences. Dans les uns, et c'est le plus grand nombre, on a pris pour règle, que toute personne absente, et dont la mort n'est pas constatée, doit être présumée vivre jusqu'à cent ans, c'est-à-dire jusqu'au terme le plus reculé de la vie ordinaire, mais qu'alors même un autre mariage ne peut être contracté. Dans d'autres pays, on a pensé que, relativement à la possession, et même à la propriété des biens de l'absent, il devait être présumé mort avant l'âge de cent ans, et que le mariage était le seul lien qui dût être regardé comme indissoluble avant l'expiration d'un siècle écoulé depuis la naissance de l'époux absent. D'autres enfin ont distingué entre les absents qui étaient en voyage et ceux qui avaient disparu subitement dans ce dernier cas, on présumait plus facilement leur décès; après un certain temps, on les réputait morts du jour qu'ils avaient disparu, et ce temps était moins long, lorsqu'on savait qu'ils avaient couru quelque danger.

4. Ces diverses opinions manquent d'une base solide, et elles ont conduit des inconséquences que l'on aura occasion de faire observer. Il a paru préférable de partir d'idées simples et qui ne pussent pas être contestées. Lorsqu'un long temps ne s'est pas encore écoulé depuis que l'individu s'est eloigné de son domicile, la présomption de mort ne peut résulter de cette absence; il doit être regardé comme vivant. Mais si, pendant un certain nombre d'années, on n'a point de ses nouvelles, on considère alors que les rapports de famille, d'amitié, d'affaires, sont tellement dans le cœur et Jans l'habitude des hommes, que leur interruption absolue doit avoir des

lois qui ont complété cette législation exceptionnelle et spéciale, l'objet d'un chapitre distinct.-V. infrà, chap. 7.

28. Quant au droit commun sur l'absence, il devait aussi occuper l'attention du législateur et trouver nécessairement sa place dans le code civil. Quels que soient les efforts que l'ancienne jurisprudence eût pu faire pour arriver à établir un système à peu près arrêté, il n'y avait encore qu'une œuvre préparée. Et la matière, incomplète sur divers points, imparfaite sur d'autres, puis régie, sur des points essentiels, par des usages variables, demandait à être ramenée à des règles fixes. Ce fut le but que se pro posèrent les rédacteurs du code civil.

Le titre des absents (C. civ. liv. 1, tit. 4), qui forme aujourd'hui la loi commune en cette matière, fut présenté au conseil d'Etat pour la première fois, au nom de la section de législation, par Thibaudeau, dans la séance du 16 fructidor an 9 (3 sept. 1801); la discussion s'engagea immédiatement, et continua dans la séance du 24 et dans celle du 4 frim, an 10 (25 nov. 1801). A la suite de cette discussion, une nouvelle rédaction fut présentée dans la séance du 12 frim. an 10 (3 déc. 1801), et la rédaction définitive, faite sur les observations officieuses du Tribunat, fut adoptée dans la séance du 22 vend. an 11 (14 oct. 1802). Nommés ensuite par le premier consul, MM. Bigot-Préameneu, Cretet et Boulay présentèrent le projet au corps législatif, dans la séance du 12 vent. an 11 (3 mars 1803). Les motifs de la loi furent exposés par M, Bigot-Préameneu, dont nous plaçons les termes sous les yeux du lecteur, ainsi que le rapport et le discours dont nous allons parler. On y trouvera le commentaire le plus utile de la loi, et le guide le plus sûr pour en fixer l'esprit (1). Nous avons eu le soin de marquer le passage d'une idée à une

causes extraordinaires, causes parmi lesquelles se place le tribut même rendu à la nature. - Alors s'élèvent deux présomptions contraires, l'une de la mort par le défaut de nouvelles, l'autre de la vie par son cours ordinaire. La conséquence juste de deux présomptions contraires est l'état d'incertitude.-Les années qui s'écoulent ensuite rendent plus forte la présomption de la mort, mais il n'est pas moins vrai qu'elle est toujours plus ou moins balancée par la présomption de la vie; et si, à l'expiration de certaines périodes, il est nécessaire de prendre des mesures nouvelles, elles doivent être calculées d'après les différents degrés d'incertitude, et non pas exclusivement sur l'une ou l'autre des présomptions de vie ou de mort, ce qui conduit à des résultats très-différents.

Nous avons à parcourir les différentes périodes de l'absence, à examiner sur quel nombre d'années il a été convenable de les fixer, et quelles ont été, dans ch ane de ces périodes, les mesures exigées par le propre intérêt de l'absent, par celui de sa famille, et par l'intérêt public, qui veut aussi que les propriétés ne soient pas abandonnées ou trop longtemps incertaines.

5. La première période est celle qui se trouve entre le moment du départ et l'époque où les héritiers présomptifs peuvent être envoyés, comme dépositaires, en possession de ses biens.-Les usages sur la durée de cette période étaient très-variés. A Paris et dans une partie assez considérable de la France elle était de trois ans, dans d'autres pays de cinq, dans d'autres de sept et de neuf ans. Le cours de trois années n'a point paru suffisant on doit, en fixant la durée de cette première période, considérer la cause la plus ordinaire de l'absence; ce sont les voyages maritimes, pendant lesquels il est assez ordinaire que plusieurs années s'écoulent avant qu'on ait pu donner de ses nouvelles. - Mais si, pendant cinq années entières, il n'en a été reçu aucune, on ne pourra plus se dissimuler qu'il y a incertitude sur la vie; et lorsque les tribunaux auront fait, pour découvrir l'existence de l'absent, d'inutiles enquêtes, il y aura, dans le langage de la loi, absence proprement dite.

6. Quant aux précautions à prendre pendant les cinq premières années, la loi ne peut, pour l'intérêt des personnes absentes, que s'en rapporter à la surveillance du ministère public et à la prudence des juges. — L'éloignement fait présumer que l'absence proprement dite aura lieu; mais lorsqu'elle n'est encore que présumée, il n'est point censé que la personne éloignée soit en souffrance pour ses affaires; il faut qu'il y en ait des preuves positives; et, lors même que cette personne n'a point laissé de procuration, on doit croire que c'est à dessein de ne pas confier le secret do sa fortune. Avec quelle réserve les magistrats eux-mêmes, malgré leur caractère respectable et la confiance qu'ils méritent, doivent-ils donc se décider à pénétrer dans le domicile, qui fut toujours un asile sacré !

7. Cependant, celui qui s'est éloigné sans avoir donné une procuration peut avoir laissé des affaires urgentes, telles que l'exécution des congés de loyer, leur payement, celui d'autres dettes exigibles. Il peut se trouver intéressé dans des inventaires, dans des comptes, des liquidations, des partages. Ce sont autant de circonstances dans lesquelles les créan➡ ciers ou les autres intéressés ne doivent pas être privés de l'exercice de leurs droits. Ils ont le droit de provoquer la justice; et tout ce que peuvent

autre, par une série de numéros, qui, sans altérer le texte, facilite

les tribunaux en faveur de celui qui, par son éloignement, s'est exposé à ces poursuites, c'est de se borner aux actes qui sont absolument nécessaires pour que, sur ses biens, il soit satisfait à des demandes justes. Ainsi, lorsqu'il s'agira du payement d'une dette, ce sera le magistrat, dont le secret et la bonne foi ne peuvent être suspects à la personne éloignée, qui pénétrera un seul instant dans son domicile pour en extraire la partie de f'actif absolument nécessaire, afin de remplir ses engagements.

8. Les successions, les comptes, les partages, les liquidations, dans lesquels les absents se trouvent intéressés, étaient, avant les lois nouvelles, autant de motifs pour leur nommer des curateurs. Trop souvent ces curateurs ont été coupables de dilapidations; trop souvent même, avec de la bonne foi, ils ont, soit par ignorance, soit par négligence à défendre les intérêts de l'absent, soit même par le seul fait du discrédit que causent de pareilles gestions, opéré leur ruine. Une loi de l'Assemblée constituante, du 11 février 1791, avait réglé que, «s'il y avait lieu de faire des >> inventaires, comptes, partages et liquidations, dans lesquels se trou» veraient intéressés des absents qui ne seraient défendus par aucun fondé » de procuration, la partie la plus diligente s'adresserait au tribunal » compétent, qui commettrait d'office un notaire pour procéder à la con»fection des actes. » L'absent lui-même n'eut pu choisir personne qui, plus qu'un notaire, fût en état de connaître et de défendre ses intérêts dans ce genre d'affaires. Une mesure aussi sage a été maintenue.

9. Il n'en résulte pas que les nominations de curateurs soient interdites dans d'autres cas où les tribunaux le jugeront indispensable, mais ils ne le feront qu'en cherchant tous les moyens d'éviter les inconvénients auxquels cette mesure expose.

10. Il peut encore arriver que le père qui s'est éloigné ait laissé des enfants mineurs. Il n'est pas de besoin plus urgent que celui des soins qui leur sont dus. Rien à cet égard n'avait été prévu ni réglé. - Il est conforme aux principes qui vous seront exposés au titre des tutelles, que si la femme de l'absent vit, elle ait la surveillance des enfants, et qu'elle exerce tous les droits de son mari, relatifs à leur éducation et à l'administration de leurs biens. C'est l'intérêt des enfants, qui sont, à cet égard, au nombre des tiers ayant droit d'invoquer la justice; c'est le droit naturel de la mère; c'est la volonté présumée et en quelque sorte certaine du père absent, lorsqu'il n'y a aucune preuve d'intention contraire.

11. Si la mère n'existe plus, on ne saurait croire que le père n'ait pris à son départ aucune précaution pour la garde et l'entretien de ses enfants; mais aussi on présume que ces précautions n'ont été que pour un temps peu long, et dans l'espoir d'un prochain retour: on présume qu'elles n'ont point été suffisantes pour établir toutes les fonctions et tous les devoirs d'une tutelle. Ainsi, lorsqu'un temps que l'on a fixé à six mois depuis la disparition du père, se sera écoulé, la surveillance des enfants sera déférée par le conseil de famille aux ascendants les plus proches, et, à leur défaut, à un tuteur provisoire. Cette mesure sera également nécessaire dans le cas où la mère serait morte depuis le départ du père avant que son absence ait été déclarée, et dans le cas où l'un des époux qui aurait disparu laisserait des enfants mineurs issus d'un mariage précédent.

12. Nous sommes parvenus à la seconde période, celle qui commence par la déclaration d'absence. C'est cette formalité qui doit avoir les conséquences les plus importantes. D'un côté les biens ne peuvent pas rester dans un plus long abandon; mais d'un autre côté un citoyen ne peut pas être dépossédé de sa fortune avant qu'on ait employé tous les moyens de découvrir son existence, et de lui faire connaître qu'on le met dans son pays au nombre de ceux dont la vie est incertaine. Des précautions si raisonnables, et qui seront désormais regardées comme étant d'une absolue nécessité, avient été jusqu'ici inconnues.

13. La déclaration d'absence ne consistait que dans le jugement qui envoyait les héritiers présomptifs de l'absent en possession des biens. Il n'y avait, pour faire prononcer cet envoi, d'autre formalité à remplir que celle de produire aux juges un acte de notoriété dans lequel l'absence, sans nouvelles, était attestée. Ceux qui déclarent qu'il n'y a point eu de nouvelles d'un absent, ne prouvent rien, si ce n'est qu'ils n'ont point entendu dire qu'il en ait été reçu. Ce n'est point une preuve positive. Il n'en résulte pas que dans le même pays, d'autres personnes n'aient point de enseignements différents: cela constate encore moins que dans d'autres villes, l'existence des absents, dans le cas surtout où ce sont des commergants, soit inconnue.

14. Il fallait chercher des moyens plus sûrs de découvrir la vérité; et, s'il en est un dont on puisse espérer de grands succès, c'est celui de donner à la déclaration d'absence une telle publicité, que tous ceux qui, en France, pourraient avoir des nouvelles de l'absent, soient provoqués à en donner, et que l'absent lui-même puisse connaître par là renommée les conséquences fâcheuses de son long silence.

15. Les formes les plus solennelles pour la déclaration de l'absence et pour sa publication, vous sont présentées. A la place d'un simple acte de notoriété dans le lieu du domicile, on propose une enquête qui sera contradictoire avec le commissaire du gouvernement.

16. L'envoi en possession était provoqué par des parents dont la cu

ront les recherches du lecteur, et lui donneront un moyen commode

pidité, dès lors allumée par l'espoir d'une propriété future, pouvait les porter à séduire le petit nombre de témoins qui étaient nécessaires pour un acte de notoriété, ou ils en trouvaient facilement de trop crédules. -Suivant la loi proposée, les témoins seront appelés non-seulement parles intéressés qui demanderont la déclaration d'absence, mais encore par le commissaire du gouvernement. Celui-ci se fera un devoir d'appeler tous ceux dont les relations avec l'absent pourront répandre sur son sont quelques lumières. L'acte de notoriété n'était qu'une formule signée par les témoins dans l'enquête, on verra les différences entre leurs dépositions. Ce sont ces variations et ces détails qui mettent sur la voie dans la recherche de la vérité.

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17. Il était encore plus facile aux héritiers de trouver des témoins complaisants ou crédules, lorsque la résidence de l'absent, avant son départ, était dans un autre arrondissement que son domicile. Cet inconvénient est écarté par la double enquête qui sera faite, l'une par les juges du domicile, et l'autre par ceux de la résidence.

18. La formule en termes positifs que présentaient aux juges les actes de notoriété commandait en quelque sorte leur jugement d'envoi en possession. Ce jugement n'était lui-même, pour ainsi dire, qu'une simple formule.-Suivant la loi proposée, il sera possible aux juges de vérifier si l'absence n'a point été déterminée par des motifs qui existeraient encore, et qui devraient faire différer la déclaration d'absence. Tel serait le projet que l'absent aurait annoncé de séjourner plusieurs années dans quelque contrée lointaine; telle serait l'entreprise d'un voyage de terre ou de mer qui, par son objet ou par les grandes distances, exigerait un très-long temps. Les juges pourront encore apprendre dans l'enquête si des causes particulières n'ont point empêché qu'on ne reçût des nouvelles de l'absent. Tels seraient la captivité, la perte d'un navire ou d'autres événements qui pourront encore déterminer les juges à prolonger les délais. 19. A tous ces moyens de découvrir la vérité, il en a été ajouté un dont on attend des effets avantageux; c'est la publicité que le ministre de la justice est chargé de donner aux jugements qui auront ordonné les enquêtes pour constater l'absence sans nouvelles. Ce ministre emploiera nonseulement la voie des papiers publics, mais encore il provoquera dans les places de commerce des correspondances avec toutes les parties du globe. Cette publication des jugements deviendra l'enquête la plus solennelle e la plus universelle.

20. Les résultats en seront attendus pendant une année entière, qu sera la cinquième depuis le départ. Tous ceux qui auraient eu des nouvelles ou qui en recevraient, auront le temps d'en instruire la justice; et il suffira qu'un seul de ces avis nombreux parvienne à l'absent pour qu'il multiplic les moyens de faire connaître son existence. C'est ainsi que la loi viendra au secours de l'absent d'une manière bien plus efficace, et qui sera exempte d'une grande partie des risques et inconvénients auxquels il était expose dans l'ancienne forme d'envoi en possession. Lorsqu'avec un simple acte de notoriété un absent était dépossédé de tous ses biens, cette mesure présentait une idée dont on ne pouvait se défendre, celle d'un acte arbitraire et sans garantie pour le droit de propriété. · Mais lorsque d'une part les biens se trouveront dans l'abandon depuis cinq ans, lorsque de l'autre toutes les recherches possibles sur l'existence de l'absent auront été faites, que tous les moyens de lui transmettre des avis auront été épuisés, la déclara tion d'absence ne pourra plus laisser d'inquiétude. Elle ne saurait être dès lors aux yeux du public qu'un acte de conservation fondé sur une nécessité constante, et pour l'absent lui-même un acte de protection qui a garanti son patrimoine d'une perte qui devenait inévitable.

21. Le jugement qui déclarera l'absence ne sera même pas rendu dans le délai de cinq ans, si l'absent a laissé une procuration. Vous aurez encore ici à observer une grande différence entre le droit ancien et celu qui vous est proposé. L'usage le plus général était de regarder la procuration comme n'étant point un obstacle à l'envoi en possession après le délai ordinaire. Ainsi l'homme qui prévoyait une longue absence, et que avait pris des précautions pour que la conduite et le secret de ses affaires ne fussent pas livrés à d'autres qu'à celui qui avait sa confiance, n'er restait pas moins exposé à ce que sa volonté et l'exercice qu'il avait fait de son droit de propriété fussent anéantis après un petit nombre d'années. 22. Il est vrai que quelques auteurs distinguaient entre la procuration donnée à un parent et celle laissée à un étranger; ils pensaient que ta procuration donnée à un parent devait être exécutée jusqu'au retour de l'absent, ou jusqu'à ce que sa mort fût constatée, mais que celle donnée à un étranger était révocable par les parents envoyés en possession. Cette distinction, qu'il serait difficile de justifier, n'a point été admise, et la cessation trop prompte de l'effet des pouvoirs confiés par l'absent, a ét regardée comme une mesure qui ne peut se concilier ni avec la raison n avec l'équité.-En effet, l'on ne peut pas traiter également celui qui a formellement pourvu à l'administration de ses affaires, et celui qui les a laissées à l'abandon.-Le premier est censé avoir prévu une longue absence puisqu'il a pourvu au principal besoin qu'elle entraîne. Il s'est dispensé de la nécessité d'une correspondance, lors même qu'il serait longtemps éloigné. Les présomptions contraires s'élèvent contre celui qui n'a pas laissé de procuration on croira plutôt qu'il espérait un prompt retour, qu'on en

de s'y reporter immédiatement, toutes les fois que nous nous y ré

supposera qu'il ait omis une précaution nécessaire; et, lorsqu'il y a manqué, il s'est au moins mis dans la nécessité d'y suppléer par sa correspondance.-L'erreur était donc évidente lorsque, dans l'un et l'autre cas, on tirait les mêmes inductions du défaut de nouvelles pendant le même nombre d'années : il a paru qu'il y aurait une proportion juste entre les présomptions qui déterminent l'envoi en possession, si on exigeait, pour déposséder l'absent qui a laissé une procuration, un temps double de celui après lequel on prononcera l'envoi en possession des biens de l'absent qui n'a point de mandataire.—Ainsi la procuration aura son effet pendant dix années depuis le départ ou depuis les dernières nouvelles, et ce sera seulement à l'expiration de ce terme, que l'absence sera déclarée, et que les parents seront envoyés en possession.

23. On a aussi prévu le cas où la procuration cesserait par la mort ou par un autre empêchement. Ces circonstances ne changent point les induclions qui naissent du fait même qu'il a été laissé une procuration, et on a dû tirer de ce fait deux conséquences: la première, que les héritiers présomptifs ne seraient envoyés en possession qu'à l'expiration du même délai de dix ans; la seconde, qu'il serait pourvu, depuis la cessation du mandat, aux affaires urgentes, de la manière réglée pour tous ceux qui ne sont encore que présumés absents.

24. Il faut maintenant nous placer à cette époque où les absents déclarés tels par des jugements revêtus de toutes les formes ont pu être dépossédés. On avait à décider entre les mains de qui les biens devaient être remis. Il suffit que la loi reconnaisse qu'il y a incertitude de la vie pour que le droit des héritiers, sans cesser d'être éventuel, devienne plus probable et puisque les biens doivent passer en d'autres mains que celles du propriétaire, les héritiers se présentent avec un titre naturel de préférence. 25. La jurisprudence a toujours été uniforme à cet égard : toujours les héritiers ont été préférés. Personne ne peut avoir d'ailleurs plus d'intérêt à la conservation et à la bonne administration de ces biens que ceux qui en profiteront si l'absent ne revient pas. Heureusement encore l'affection et la confiance entre parents sont les sentiments les plus ordinaires, et on peut présumer que tels ont été ceux de l'absent.-On propose de maintenir la règle qui donne la préférence aux héritiers présomptifs.

26. Au surplus cette possession provisoire n'est qu'un dépôt confié aux parents. Ils se rendent comptables envers l'absent, s'il revient ou si on a de ses nouvelles.

27. La manière de constater quels avaient été les biens laissés par l'absent, était différente suivant les usages de chaque pays. Dans la plupart, les formalités étaient incomplètes ou insuffisantes. On a réuni celles qui donneront une pleine sûreté. La fortune de l'absent sera constatée par des inventaires en présence d'un magistrat. Les tribunaux décideront si les meubles doivent être vendus; ils ordonneront l'emploi des sommes provenant du prix de la vente et des revenus : les parents devront même, s'ils veulent éviter, pour l'avenir, des discussions sur l'état dans lequel les biens leur auront été remis, le faire constater. Ils seront tenus de donner caution pour sûreté de leur administration.-En un mot, la loi prend contre eux les mêmes précautions que contre un étranger; elle exige les mêmes formalités que pour les séquestres ordinaires; et lors même qu'elle a été mise par l'absent dans la nécessité de le déposséder, elle semble encore ne le faire qu'à regret, et elle s'arme, contre la cupidité ou l'infidélité, de formes qui ne puissent être éludées.

28. La loi proposée a écarté l'incertitude qui avait jusqu'ici existé sur l'exécution provisoire du testament que l'absent aurait fait avant son départ. En général, les testaments ne doivent être exécutés qu'à la mort de ceux qui les ont faits. La loi romaine portait même la sévérité au point de punir de la peine de faux quiconque se serait permis de procéder à l'ouverture du testament d'une personne encore vivante; mais en même temps elle décidait que s'il y avait du doute sur l'existence du testateur, le juge pouvait, après avoir fait les dispositions nécessaires, permettre de l'ouvrir.Il ne saurait y avoir d'enquêtes plus solennelles que celles qui précéderont l'envoi en possession des biens de l'absent. D'ailleurs, l'ouverture des testaments et leur exécution provisoire doivent être autorisées par les mêmes motifs qui font donner aux héritiers présomptifs la possession des biens. Le droit qu'ils tiennent de la loi, et celui que les légataires tiennent de la volonté de l'absent, ne doivent également s'ouvrir qu'à la mort: si donc, par l'effet de la déclaration de l'absence, le temps où la mort serait constatée est anticipé par l'envoi en possession des héritiers, il doit l'être également par une délivrance provisoire aux légataires.

29. Ces principes et ces conséquences s'appliquent à tous ceux qui auraient sur les biens de l'absent des droits subordonnés à son décès; ils pourront les exercer provisoirement. - Les mêmes précautions seront prises contre eux tous; ils ne seront, comme les héritiers, que des dépositaires tenus de fournir caution et de rendre des comptes.

30. Il n'y a point eu jusqu'ici de loi qui ait décidé si la communauté entre époux continuait lorsque l'un d'eux était absent. Suivant l'usage le plus général, la communauté, dans le cas de l'absence de l'un des deux époux, était provisoirement dissoute du jour où les héritiers présomptifs avaient, après le temps d'absence requis, formé contre l'époux présent ta demande d'envoi en possession des biens de l'absent. Elle était pa

férerons nous-mêmes dans notre travail. C'est sur l'Exposé des

reillement dissoute du jour que l'époux présent avait agi à cet égard contre les héritiers de l'absent. Si l'absence cessait, on considérait la communauté comme n'ayant jamais été dissoute, et les héritiers qui avaient été mis en possession étaient tenus de lui rendre compte de tous les biens qui la composaient. Cependant la raison et l'équité veulent que l'époux présent, dont la position est déjà si malheureuse, n'éprouve dans sa fortune que le moindre préjudice, et surtout qu'il n'en souffre pas au profit des héritiers et par leur seule volonté. Les héritiers n'ont jamais prétendu que l'époux présent fût tenu de rester malgré lui en communauté de biens avec eux de quel droit le forceraient-ils à la dissoudre si la continuation lui en était avantageuse, ou plutôt comment pourrait-on les admettre à contester un droit qui repose sur la foi du contrat de mariage? Si l'incertitude a suffi pour les mettre en possession provisoire des biens, co n'est pas sur une incertitude que des héritiers, n'ayant qu'un droit précaire et provisoire, peuvent, contre la volonté de l'une des parties, rompre un contrat synallagmatique. — Il faut conclure de ces principes, que l'époux présent doit avoir la faculté d'opter, soit pour la continuation, soit pour la dissolution de la communauté. -Tel a été le parti adopté dans la loi proposée.

31. On y a prévu quelles doivent être les conséquences de la continuation ou de la dissolution de communauté. Dans le premier cas, l'époux présent qui préfère la continuation de communauté, ne peut pas être forcé de livrer les biens qui la composent, et leur administration, aux héritiers de l'absent; ils ne seraient envoyés en possession que comme dépositaires. Et par quel renversement d'idées nommerait-on dépositaires d'une société ceux qui y sont étrangers, lorsque l'associé pour moitié se trouve sur les lieux! - L'époux présent sera le plus ordinairement la femme; mais les femmes ne sont-elles pas aussi capables d'administrer leurs biens? Et dans le cas où, sans qu'il y ait absence, le mari décède laissant des enfants, la femme ne gère-t-elle pas et sa fortune et toute celle des enfants, qui sont plus favorables que les héritiers présomptifs? - L'époux commun en biens, qui veut continuer la communauté, doit donc avoir la faculté d'empêcher l'envoi des héritiers en possession, et de prendre ou de conserver par préférence l'administration des biens.

32. Au surplus, la déclaration qu'aurait faite la femme, de continuer la communauté, ne doit pas la priver du droit d'y renoncer ensuite. Il est possible que des affaires, entreprises avant le départ du mari, réussissent mal; et d'ailleurs, les droits que lui donne l'administration des biens de la communauté ne sont pas aussi étendus que ceux du mari. Elle ne peut ni les hypothéquer ni les aliéner; leur administration, occasionnée par l'absence, n'est pour elle qu'une charge qui ne doit pas la priver d'un droit acquis, avant le départ de son mari, par le contrat de mariage ou par la loi. 33. Dans le cas où l'époux présent demande la dissolution provisoire de la communauté, l'usage ancien sur l'exercice des reprises et des droits matrimoniaux de la femme était abusif; il y avait une liquidation, mais tous les biens restaient dans les mains des héritiers envoyés en possession le motif était que si le mari reparaissait, la communauté serait regardée comme n'ayant point été dissoute, et que ce serait à eux à lui rendre compte de tous les biens qui la composaient. Ce motif n'est pas équitable: la conséquence à tirer d'une dissolution provisoire de communauté n'est-elle pas plutôt que la femme reprenne aussi provisoirement tous ses droits? Pourquoi les héritiers seraient-ils plutôt dépositaires de sa propre fortune qu'elle-même? Et s'il est un point sur lequel on a pu hésiter dans la loi proposée, c'est sur la charge imposée à la femme de donner caution pour sûreté des restitutions qui devraient avoir lieu.—C'est ainsi qu'on a réglé tout ce qui concerne l'envoi en possession des biens.

34. Il fallait ensuite prévoir ce qui pourrait arriver pendant l'absence, et comment seraient exercés les droits de succession, ou tous autres dans lesquels l'absent se trouverait intéressé. L'usage ancien à Paris, usage encore existant dans quelques pays, était que l'absent fût considéré, par rapport aux droits qui s'ouvraient à son profit, comme s'il eût été présent. Ainsi on l'admettait au partage d'une succession, et ses créancier avaient le droit d'exercer pour lui les actions du même genre ; en donnan caution. On est ensuite revenu à une idée plus simple et la seule qu soit vraie, celle de ne point considérer la présomption de vie ou celle d mort de l'absent, mais de s'en tenir, à son égard, à la règle, suivan laquelle quiconque réclame un droit échu à l'individu dont l'existence n'es pas reconnue, doit prouver que cet individu existait quand le droit a ét ouvert, et, jusqu'à cette preuve, doit être déclaré non recevable dans s demande.-S'il s'agit d'une succession, elle sera dévolue exclusivement ceux avec lesquels celui dont l'existence n'est pas reconnue, aurait eu 1 droit de concourir, ou à ceux qui l'auraient recueillie à son défaut.Cette règle a été maintenue, et on continuera de l'appliquer aux absents à l'égard de tous les droits qui pourraient leur échoir.

35. Après avoir prévu ce qui peut arriver pendant l'absence, il fallai encore déterminer quels sont les droits de l'absent lorsqu'il revient.Il est évident que s'il revient, ou si son existence est prouvée pendan l'envoi des héritiers en possession, les effets du jugement qui a déciar l'absence doivent cesser, et que, dans le second cas, celui où l'on sai seulement qu'il existe sans qu'il soit de retour, on doit se borner, dan

motifs, dans lequel l'orateur du gouvernement a signalé, avec la plus remarquable précision, toutes les difficultés de la matière, tellement qu'il semble que les auteurs n'ont eu plus tard qu'à les développer, quele corps législatif adopta le projet et le communiqua l'administration de ses biens, aux mesures conservatoires prescrites pour le temps antérieur à la déclaration d'absence.

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36. Mais un point qui souffrait difficulté, et sur lequel les usages étaient très-variés, c'était celui de la restitution des revenus recueillis par les héritiers envoyés en possession. Partout on s'accordait sur ce qu'il eût été trop onéreux aux héritiers de rendre compte des revenus qu'ils auraient reçus pendant un nombre d'années. L'existence de l'absent, qui chaque année devient plus incertaine, les malheurs que les héritiers peuvent éprouver, l'accroissement du dépôt, la continuité des soins qu'il serait injuste de laisser aussi longtemps sans aucune indemnité, le refus qui serait fait d'une charge aussi pesante, tous ces motifs ont fait jusqu'ici décider qu'après un certain temps les héritiers doivent profiter des revenus. L'époque où finissait l'obligation de les restituer à l'absent, dans le cas de retour, était différente selon les divers pays, et, dans tous, la restitution cessait à cette époque d'une manière absolue; en sorte que si l'absent revenait, il se trouvait, même avec une fortune considérable, privé des ressources qui pouvaient lui être nécessaires au temps de son arrivée. En Bretagne et dans d'autres provinces, les héritiers n'étaient plus tenus, après dix ans, de restituer les revenus; ailleurs, il fallait, pour être dispensé de cette restitution, quinze ans à compter de l'envoi en possession; à Paris, l'usage était qu'il y eût vingt années depuis cet envoi. système était vicieux: les sentiments d'humanité le repoussent. Comment concilier, avec les idées de justice et de propriété, la position d'un absent qui voit ses héritiers présomptifs enrichis de ses revenus pendant une longue suite d'années, et qui ne peut rien exiger d'eux pour satisfaire aux besoins multipliés que son dénûment peut exiger? Et d'ailleurs, la jouissance entière des revenus au profit des héritiers est en opposition avec leur titre, qui n'est que celui de dépositaires. Qu'ils aient à titre d'indemnité une portion de ces revenus, que cette portion soit plus ou moins forte, suivant la longueur de l'absence; mais que l'absent, s'il revient, puisse se présenter à ses héritiers comme propriétaire ayant droit à une portion des revenus dont ils ont joui.Telles sont les règles adoptées dans la loi qu'on vous propose: ceux qui par suite de l'envoi provisoire, ou de l'administration légale, auront joui des biens de l'absent, ne seront tenus de lui rendre que le cinquième des revenus s'il reparaît avant quinze ans révolus d'absence, et le dixième s'il ne reparaît qu'après les quinze ans. - Il vaut mieux, pour l'intérêt de l'absent, qu'il fasse, pendant les premières années, le sacrifice d'une partie de ses revenus, pour ensuite conserver l'autre.

37. Cependant il est un terme au delà duquel il ne serait ni juste, ni conforme à l'intérêt public, de laisser les héritiers dans un état aussi précaire. Lorsque trente-cinq ans au moins se sont écoulés depuis la disparition, d'une part le retour serait l'événement le plus extraordinaire, d'autre part il faut que le sort des héritiers soit enfin fixé. L'état de leur famille peut avoir éprouvé de grands changements par les mariages, par la mort, et par tous les événements qui se succèdent dans un si long intervalle de temps. Il faut enfin que les biens de l'absent puissent rentrer dans le commerce; il faut que toute comptabilité des revenus cesse de la part des héritiers. On a, par ces motifs, établi comme règle d'ordre public, à laquelle l'intérêt particulier de l'absent doit céder, que si trente ans sont écoulés depuis que les héritiers ou l'époux survivant ont été mis en possession des biens de l'absent, ils pourront, chacun selon leur droit, demander à la justice l'envoi définitif en possession.

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38. Le tribunal constatera dans la forme ordinaire, qui sera celle d'une enquête contradictoire avec le commissaire du gouvernement, que, depuis le premier envoi en possession, l'absence a continué sans qu'on ait eu des nouvelles, et il prononcera l'envoi définitif.

39. L'effet de cet envoi à l'égard des héritiers sera que les revenus leur appartiendront en entier; ils ne seront plus simples dépositaires des biens, la propriété reposera sur leur tête: ils pourront les aliéner,

40. Le droit de l'absent, s'il reparaît, sera borné à reprendre sa fortune dans l'état où elle se trouvera; si ses biens ont été vendus, il ne pourra en réclamer que le prix, ou les biens provenants de l'emploi qui aurait été fait de ce prix.

41. Si depuis l'envoi provisoire en possession, et avant l'envoi définitif, l'absent était parvenu au plus long terme de la vie ordinaire, celui de cent ans révolus, alors la présomption de mort est telle qu'il n'y a aucun inconvénient à ce que l'envoi des héritiers en possession soit déclaré définitif.

42. Un cas qui ne sera point aussi rare, est celui où l'absent aurait une postérité, dont l'existence n'aurait point été connue pendant les trente-cinq ans qui doivent au moins s'être écoulés avant que les autres héritiers présomptifs aient été définitivement envoyés en possession.-Les descendants ne doivent pas être dépouillés par les collatéraux, sous prétexte de cet envoi définitif. En effet, s'ils prouvent l'existence ou la mort de l'absent, tout droit des collatéraux cesse : s'ils ne prouvent ni l'un ni l'autre de ces faits, ils ont au moins, dans leur qualité de descendants, un titre préférable pour obtenir la possession des biens.

au Tribunat le 15 vent. an 11 (6 mars 1803). M. Leroy en rapport au nom de la section de législation, le 21 du n mois (1). Personne ne demanda la parole; le Tribunat l'adoption dans la séance du 23 vent. an 11 (14 mars 1803

43. Néanmoins leur action ne devra plus être admise, s'il s'est e écoulé trente années depuis l'envoi définitif. Cet envoi a transport collatéraux la propriété des biens, et postérieurement encore ils a possédé pendant le plus long temps qui soit requis pour opérer la cription. Ils doivent avoir le droit de l'opposer même aux descenda l'absent, qui ne pourront pas se plaindre, si, après une révoluti soixante-cinq ans au moins depuis la disparition, ils ne sont plus à une recherche qui, comme toutes les actions de droit, doit être so à une prescription.

44. Il est de règle consacrée dans tous les temps, qu'on ne peut tracter un second mariage avant la dissolution du premier.- Suivan jurisprudence presque universelle, la présomption résultant de l'ab la plus longue et de l'âge le plus avancé, fût-il même de cent n'est point admise comme pouvant suppléer à la preuve du décès d des époux. Le plus important de tous les contrats ne saurait dép d'une simple présomption, soit pour déclarer anéanti celui qui aura formé, soit pour en former un nouveau, qui ne serait, au retour d poux absent, qu'un objet de scandale ou de troubles.

45. Si l'époux d'un absent était contrevenu à des règles aussi taines, s'il avait formé de nouveaux liens sans avoir rapporté la p que les premiers n'existaient plus, ce mariage serait nul, et l'abse paraîtrait, conserverait seul les droits d'un hymen légitime.

46. L'état civil de l'enfant né d'un pareil mariage dépend de la foi avec laquelle il a été contracté par ses père et mère, ou même pa d'eux. Non-seulement la personne avec laquelle se fait le second ma peut avoir ignoré que le premier existait; il est encore possible que l' de l'absent ait cru avoir des preuves positives de sa mort, qu'il a trompé par de faux extraits, par des énonciations erronées dan actes authentiques, ou de toute autre manière.

47. On a voulu, dans la loi proposée, que le mariage contracté dant l'absence, ne pût être attaqué que par l'époux même à son retou par celui qui serait chargé de sa procuration. La dignité du ma ne permet pas de le compromettre pour l'intérêt pécuniaire des co raux, et il doit suffire aux enfants nés d'une union contractée de foi, d'exercer leurs droits de légitimité; droits qui, dans ce cas, ne raient être contestés par les enfants même nés du premier mariag Tels sont, citoyens législateurs, les motifs qui ont déterminé les dis tions proposées sur l'absence. Vous verrez sans doute avec plaisi cette partie de la législation soit non-seulement améliorée; mais en qu sorte nouvellement créée à l'avantage commun de ceux qui s'abse de leurs familles et de la société entière.

(1) Rapport fait au Tribunat par M. Leroy (de l'Orne). 1. Tribuns, votre section de législation, à laquelle vous avez re le projet de loi formant le titre 4 du code civil, et relatif aux absents chargé de vous rendre compte de l'examen qu'elle en a fait. Je vais m cer de remplir la tâche qu'elle m'a imposée.

2. Les spéculations d'un commerce cosmopolite, le goût des arts mour des découvertes, déplacent partout l'homme dans ces siècles dernes. Les conquêtes du commerce enrichissent une nation, cell la science l'éclairent. Les lumières sont pour elle un autre genre d chesses. Leur flambeau semble ne s'allumer chez cette nation que lui faire apercevoir de nouveaux moyens de prospérité. Devant ce flambeau fuit le préjugé dégradant et la servitude sa fidèle compa Tout état donc qui, comme le nôtre, tend à s'asseoir sur la double de la puissance d'un peuple, l'opulence et la liberté, ne doit pas nég d'offrir, dans ses lois, quelques dispositions protectrices au citoyen q flamme la passion des voyages utiles: tant d'événements malheur tant de combinaisons imprévues et nécessaires au succès de ses projets vent enchaîner son retour! Et pourquoi n'aurait-il pas aussi sa pa la faveur de la législation, l'homme que des chagrins souvent resp bles entraînent loin des objets qui les firent naître, et dont la prés ne servirait qu'à les nourrir au fond d'une âme que la douleur a bri Les peines profondes sont presque toujours l'ouvrage de l'état so n'est-il pas aussi juste que nécessaire qu'il accueille le remède aux qu'il a causés? A ces considérations générales, j'en ajouterai une appartient à notre position présente. La lutte civile et étrangère d'où sortons a singulièrement multiplié les déplacements. Le sort d'une in de militaires surtout est enveloppé d'une obscurité funeste au repos familles. L'instant de la victoire devait être aussi, pour le gouvernem celui de l'ordre et de la sollicitude.

Toutes ces diverses réflexions nous amènent à reconnaître la néce de bonnes règles sur l'absence. Le jurisconsulte célèbre qui a dévelo en présence du corps législatif, les motifs du projet de loi qui occupe, a signalé les lacunes qu'offrent celles actuellement en vigu ainsi que la marche peu assurée de la jurisprudence, qui tâche de remplir. Il a parlé d'une bonne théorie sur les absents comme d'une c presque tout entière à créen. H a fait observer que le droit romain

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