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rons mettre un terme à nos souffrances, ne perdons jamais de vue cette maxime, que partout

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où il n'y a pas fusion, il doit y avoir un jour dissolution.

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LES ÉLECTIONS,

OU

L'EMBARRAS DU CHOIX.

Nous savons tous qu'un jour, lorsque la dernière assemblée générale des hommes aura lieu, on verra beaucoup d'appelés, mais peu d'élus : il en est de même aujourd'hui à Paris; chaque classe, chaque parti, chaque quartier, chaque coterie et presque chaque maison fait sa liste de .députés; tous les salons, tous les bureaux, tous les boudoirs et tous les comptoirs veulent meubler la chambre de la nation.

Chacun vante ses candidats et dénigre ceux des autres; jamais on ne vit tant de portraits des même personnes, peintes en beau dans un lieu, en charge dans un autre; l'exagération se montre partout, la ressemblance nulle part. Il faudra cependant finir par s'accorder, et sur un si grand

nombre d'appelés par les intérêts opposés, par les passions diverses, par les opinions contraires, nous n'aurons enfin que huit élus par l'opinion publique.

Oh! le bon temps que celui d'une élection pour un Parisien musard comme moi, qui, grâce aux caprices de la fortune, n'ai rien à faire, et ne suis ni éligible, ni même électeur ! Nous jouissons de l'intérêt et du plaisir de tout ce mouvement, sans en sentir l'embarras; onn'enflammenin'humilie notre amour-propre personne ne nous flatte ni ne nous calomnie; nous assistons sans péril aux jeux du cirque. Nous animons, nous calmons, nous applaudissons, nous raillons, nous jugeons à notre gré les lutteurs, les combattans; et, si c'est un grand plaisir pour tout homme de donner des conseils,' nous n'en sommes pas privés, car les conseils sont un bien qu'on aime plus à distribuer qu'à recevoir, que tout le monde prodigue, et que donnent même très-libéralement ceux qui ne possèdent rien.

Hier j'étais assis dans le jardin des Tuileries, au milieu d'un groupe d'indépendans comme moi, très-indépendans en effet, puisqu'ils n'ont aucune terre à gérer, aucune demande à faire, aucune charge à exercer, aucun supérieur à visiter, aucun devoir à remplir, et tous grands amateurs du repos, du soleil, de la promenade et des nouvelles.

Chacun d'eux parlait des candidats de son quartier, les passait sévèrement en revue, et faisait une telle énumération des qualités requises pour former un bon député, qu'à peine, je crois, les sept sages de la Grèce auraient pu remplir les conditions exigées par eux pour un · semblable choix.

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Tandis que nous discutions cette importante matière, avec autant de chaleur que si nous étions chargés de la décider, parlant beaucoup, écoutant peu, ne répondant qu'à nos propres idées, et tranchant légèrement les questions les plus ardues, comme cela se pratique dans le monde et même dans beaucoup d'assemblées, je fus frappé du maintien triste d'un de mes anciens camarades de collége, qui gardait un profond silence, et ne l'interrompait que par de fréquens soupirs,

Qu'avez-vous ? lui dis-je en m'approchant de lui; vous que j'ai toujours vu si calme, si gai, si serein? par quel hasard paraissez-vous aujourd'hui si morne, si chagrin ? votre bouche est muette, votre physionomie est agitée, quel est le sujet de votre peine et de votre inquiétude?

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Mon cher, me répondit-il tout bas, vous connaissez ma vie et mon caractère; heureux dans ma médiocrité, satisfait d'une modeste fortune,

exempt d'ambition, exact à bien remplir le seut rôle qui me convienne, celui d'honnête homme, j'ai placé tous mes plaisirs dans mes devoirs; j'ar fait un peu de bien dans mon petit cercle, et jamais de mal; j'étais content de mon sort, et comme l'horizon de mon activité et de mon influence ne s'étendait pas au delà de ma famille et de quelques amis, je n'avais jamais éprouvé le moindre embarras sur ce que je devais faire ou dire; mais voici que la loi me met au nombre des électeurs, et je me trouve chargé de contribuer au choix des députés qui vont agiter les plus grands intérêts de ma patrie.

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Ce devoir m'alarmait peu dans le premier moə ment, et je croyais qu'il suffisait, pour acquitter ma dette, de donner ma voix à des citoyens hồnnêtes, éclairés, qui ne séparent pas la patrie du Roi; à des hommes décidés à soutenir fermement les droits du peuple, ceux du prince, la liberté sans licence, et l'autorité sans arbitraire; en un mot, à des députés fidèles à la lettre et à l'esprit de la Charte

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Mais depuis que, quittant mes foyers cham pêtres, je suis venu à Paris, tout se complique et s'obscurcit à mes yeux. On écrit tant de pamphlets pour nous éclairer, que je n'y vois plus rien; on nous donne tant de conseils, que je ne sais plus

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