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et plus accélérées; mais c'est pour vous faire remonter au trot, jusqu'au belvédère, qu'il leur faut un travail continu, un art prodigieux, d'énormes dépenses, et presque du génie.

Ainsi, lorsqu'en suivant le torrent de leurs passions, les peuples se laissent tomber de l'ordre dans l'anarchie, de l'activité dans la mollesse, de la liberté dans la servitude, du patriotisme dans l'égoïsme, de la pureté de mœurs dans la corruption, les gouvernemens s'épuisent en efforts constans, coûteux, pénibles, et trop souvent impuissans, pour leur faire gravir, de nouveau, cette hauteur morale, d'où l'on descend avec tant de célérité, et qu'il est si difficile et si rare de

remonter.

Enfin, les échos joyeux de cette Montagne me semblent répéter à chaque instant: en morale et en politique préservons-nous de l'attrait de tout penchant, de tout mouvement violent et rapide, il en coûte trop après pour se relever. -Bravo! lui dis-je, mon ami, c'est prêcher à merveille! mais un peu tristement; pour moi, ce spectacle me donne des idées plus riantes. On ne dira pas, certes, de cette Montagne, qu'elle n'enfante qu'une souris, puisqu'elle fournit tant d'argent aux entrepreneurs, tant de plaisirs au public, et à vous tant de belles maximes. Mais

je la considère sous un point de vue différent, et elle me prouve qu'avec du courage, quelque vite que nous tombions, nous pouvons toujours nous relever. Ainsi je dirai comme vous, mais plus joyeusement: vivent les Montagnes !

DE LA FORCE DE L'HABITUDE

ET

DE L'AMOUR DE LA NOUVEAUTÉ.

Tous les hommes ont été, sont et seront éternellement dominés par deux puissances trèsopposées l'une à l'autre, la force de l'habitude et l'amour de la nouveauté: il est presque également impossible de leur résister et de les concilier, et c'est peut-être de leur opposition que naissent la plupart des contradictions et des bizarreries qu'on remarque dans le cœur humain.

Nous vantons sans cesse le bon vieux temps, et cependant les anciens usages nous semblent barbares ou ridicules; nous ne trouvons rien de plus respectable qu'une vieille amitié, et nous la négligeons presque toujours pour chercher des objets et des plaisirs nouveaux les anciens auteurs attirent seuls nos éloges, la satire déchire les

contemporains, et cependant on quitte Racine pour le mélodrame!! Molière parle dans le désert; la foule court aux Variétés. !imi of

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Vous versons de douces larmes en revoyant la vieille maison où nous avons passé les premiers momens de notre enfance ; le triste collége où le fouet et la férule nous punissaient d'avoir un pent trop prolongé des jeux innocens; et pourtant nous n'avons peut-être jamais éprouvé de plaisirs plus vifs que celui de notre sortie de ces deux paradis terrestres : le temps où nous y avons vécu nous semble, à présent, l'âge d'or de la vie; mais comme alors notre imagination volait au-devant de l'âge de fer avec quel transport nous dési rions tous ses fruits défendus dans l'enceinte qui nous renfermait ! Voyez avec quelle joie ce jeune homme quitte son respectable aïeul, son père chéri, sa tendre mère, sa sœure tremblante set désolée, pour courir, avec un uniforme neuf et une brillante épaulette', s'enterrer dans une garnison où le matin il se fatiguera sur l'esplanade, et dans un manége, avec des inconnus qu'il fait méthodiquement pirouetter, attendant avec impatience l'heure d'un mauvais dîner dans une sale auberge, et la consolation de végéter toute la soirée dans un ennuyeux café! Sa troupe part : il de rêve que triomphes, se couvre de poussière,

de blessures, de gloire et de fumée; écoutez ses plaintes, remarquez avec quelle ardeur il regrette les plaisirs de Paris, les douceurs de la paix, et les anciens loisirs du toit paternel!

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Connaissez-vous beaucoup de moyens en logique, de force en morale, qui puissent faire quitter à ce vieillard la funeste habitude d'obéir à sa gouvernante, ou empêcher cet autre de courir chez sa nouvelle maîtresse ?

Non, rien ne peut nous dégager des fers de ces deux tyrans, l'habitude et la nouveauté; il faut presque un miracle pour faire résister l'homme aux attraits d'un plaisir nouveau, ou pour le guérir d'un vice accoutumé : c'est ainsi que la nature nous a faits. Si l'on ne nous réveille par des voluptés nouvelles, l'uniformité nous plonge dans l'ennui; et si l'on dérange nos habitudes, notre vie devient une gêne, et presque un supplice. 15 Pourquoi les moeurs sont-elles plus difficiles à changer que les lois? c'est que les mœurs ne sont que des habitudes. Pourquoi les peuples sont-ils si souvent disposés aux révolutions ? c'est que ce sont les plus remuantes des nouveautés. Après les révolutions, pourquoi les réactions trouvent-elles tant de chauds partisans ? parce qu'elles ne sont qu'un retour aux habitudes.

Mais, puisqu'on ne peut combattre avec un

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