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X.

SAINT CLÉMENT.

Passons à saint Clément d'Alexandrie.

Quoique, dans votre analyse, vous placiez saint Clément après Tertullien, je pense que vous n'entendez pas y trouver un progrès du dogme relativement à Tertullien, puisque Tertullien n'est mort que vingt-huit ans après saint Clément. Toujours est-il que vous lui donnez de grands éloges auxquels je m'associe.

Mais vous commencez par le louer de sa grande idée de la foi.

« Qu'est-ce que la foi? Sur ce point la pensée << de saint Clément est bien remarquable. » Vous la remarquez parce qu'elle vous paraît philosophique, et elle est en effet profondément philosophique. Vous citez le texte de saint Clément et vous le traduisez ainsi : « La foi est l'intuition « des principes, la perception de ce qui est supé<< rieur à la démonstration. » Et puis vous déve

loppez cette pensée par d'autres textes de saint Justin. Mais vous ne faites pas attention que le texte cité par vous comme définition de la foi, dans saint Clément, texte dont le reste découle, est littéralement de saint Paul. C'est le mot si connu de saint Paul, trop librement traduit par vous : « La foi est la substance des choses que «< nous espérons, et la preuve de celles que nous << ne voyons pas encore '. » Il n'y a donc, sur ce point, pas de progrès philosophique de saint Paul à saint Clément. C'est la donnée même de saint Paul, développée par saint Clément.

Vous auriez pu citer, à propos de saint Clément, cette formule de la Trinité: « Au seul Dieu, Père « et Fils, Fils et Père dans l'unité de l'Esprit ; un << en tout; absolument bon, absolument beau, << absolument sage, absolument juste; à qui soit la gloire maintenant et dans les siècles des siècles, <<< ainsi soit-il. »

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On parlait donc dans l'église chrétienne, vous le voyez, avant la naissance du Néoplatonisme, comme on parle aujourd'hui dans les livres de

1 Les mots πίστις δε.... ἐλπιζομένων ὑπόστασις πραγμάτων, ἔλεγχος cù Cheжquévwv, qui paraissent cités comme étant de saint Clément, sont le texte même de saint Paul, Épître aux Hébreux, chap. II, v.1.

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Messe. Il faut bien remarquer combien ce texte de saint Clément exprime clairement l'égalité des trois personnes par ces mots appliqués également à chacune : « Un en tout, absolument bon, absolument beau, absolument sage, absolument juste. » Quant à la théorie du Verbe, que vous trouvez, avec raison, si profonde dans saint Clément, elle ne differe pas de celle de Tertullien. En effet, «le Verbe, selon saint Clément, n'est pas simple<<ment la production extérieure de la pensée di<< vine, comme semblerait l'indiquer le mot, mais « bien la sagesse et la bonté même de Dieu dans << sa suprême manifestation; c'est en quelque sorte « la face même de Dieu, coéternelle et adéquate << à sa nature. » Nous venons de trouver tout ceci dans Tertullien, comme nous l'avions trouvé dans saint Paul. Il n'y a pas là un seul mot, un seul détail qui appartienne en propre à saint Clément. La philosophie chrétienne d'Alexandrie n'a rien inventé de tout cela.

Vous ajoutez que, selon saint Clément, « le Père « et le Fils ne sont qu'un et se confondent en un << seul Dieu 1. »

T. I, p. 255.

Ainsi, Monsieur, d'après vous, saint Clément présente le Verbe comme coéternel à Dieu, adéquat à sa nature, le Père et le Fils ne faisant qu'un et n'étant qu'un seul Dieu.

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Comment alors, quelques pages plus bas, en résumant la doctrine des pères alexandrins, ditesvous que « l'Orient domine encore dans l'œuvre « des pères alexandrins, » et que «< tant que la théologie chrétienne resta soumise aux influen« ces de l'Orient, elle maintint le Verbe et l'Esprit « saint en dehors de la nature divine. » Vous venez de reconnaître que, pour saint Clément, le Père et le Fils sont un seul Dieu. Bien plus, vous avez reconnu que saint Jean avait déjà dit que le Verbe était Dieu (il fallait bien le reconnaître puisque le début de l'Évangile de saint Jean porte ces mots : Et le Verbe était Dieu), et, après cela, vous posez cette conclusion : « La théologie chré

tienne, tant qu'elle resta soumise aux influences << de l'Orient, maintint le Verbe et l'Esprit saint en << dehors de la nature divine. >>

Permettez-moi de le dire, Monsieur, tout ceci est surprenant, invraisemblable. On n'y peut croire qu'en relisant dix fois les textes comme je l'ai fait.

XI.

ORIGENE.

Celui des Pères de l'Église dont on a le plus abusé, c'est Origène. Aucun savant ne conteste que les nombreux écrits d'Origène n'aient été falsifiés, interpolés, même de son vivant. De bons esprits ont diversement interprété Origène sur plusieurs points. Mais si l'on veut être sûr de la pensée d'Origène, il faut s'en tenir à ses livres contre Celse, qui forment son principal ouvrage, le plus travaillé, le plus pur sans comparaison, le plus incontesté dans ses détails.

Pour vous, Monsieur, vous analysez la pensée d'Origène de deux manières.

Voici l'une':

« Dans la pensée d'Origène, il n'y a de vrai « Dieu que le Père; le Fils est divin bien plutot

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qu'il n'est Dieu. La divinité qui est en lui n'est

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