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CHAPITRE QUATORZIÈME.

DES RÉFUGIÉS ET DES DÉSERTEURS.

SOMMAIRE.

Conduite à tenir par le commandant d'un navire de guerre ou par un capitaine marchand à l'égard des personnes qui demandent asile ou qui se sont réfugiées à son bord. Distinction à faire selon les causes pour lesquelles les

réfugiés sont poursuivis.

Droit d'expulsion dont jouit le commandant.

Le cas des réfugiés à bord ne doit pas être entièrement assimilé à celui des réfugiés sur le territoire, et les formes de l'extradition proprement dite n'y sont pas toujours applicables. Devoirs particuliers du commandant à l'égard de ses nationaux.

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Droits du gouvernement dans les eaux duquel se trouvent les navires, à l'occasion des réfugiés à bord. — Distinction à faire à ce sujet entre les navires de guerre et les navires de commerce. Les autorités locales n'ont aucun droit de poursuite, de recherche, ni d'arrestation des réfugiés à bord des navires de guerre. Elles n'ont d'autre recours que celui de réclamation auprès du commandant ou de négociations diplomatiques. Ces droits existent pour l'autorité locale sur les navires de commerce. Le capitaine marchand peut, en outre, selon les circonstances, être personnellement passible de poursuites pénales pour avoir recélé à son bord les réfugiés. Tous ces droits de l'autorité locale cessent lorsque le navire de commerce est en pleine mer. Examen de divers cas particuliers à ce sujet. Règles applicables au cas où des personnes sous le coup de poursuites ou de condamnations pénales ont fui du navire à terre. Démarches à faire par le commandant à l'occasion des individus de son bord saisis à terre pour des délits qu'ils y ont commis.

Caractères de l'extradition proprement dite.

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Règles communes qui la Elle est en dehors des attributions ordinaires

L'extradition des marins déserteurs des navires de guerre ou de commerce est généralement reconnue obligatoire.

Elle est stipulée dans un grand

nombre de traités. Les autorités du pays où ces déserteurs ont fui sont tenues de les faire arrêter et détenir, pour être remis à leur bord ou à la disposition de leur consul.

Le chapitre qui précède conduit naturellement à l'examen des règles internationales qui doivent être observées lorsque des navires, se trouvant dans les eaux territo

riales ou dans le voisinage d'un État étranger, des personnes placées sous le coup de condamnations ou de poursuites pénales de l'un ou de l'autre État se réfugient soit de la terre à bord des navires, soit des navires à terre.

Lorsque de pareilles personnes se présentent et demandent un refuge à bord, qu'il s'agisse soit de navires de guerre, soit de navires de commerce, le commandant ou le capitaine marchand ont incontestablement le droit de refuser de les recevoir.

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Pour le commandant de la marine militaire, le parti à prendre est toujours une question de service public, de justice ou de bons procédés entre États divers, de dignité ou d'humanité nationales: c'est par de telles considérations qu'il doit se guider. Quant au capitaine marchand, l'affaire peut être aussi pour lui ou pour ses armateurs une affaire d'intérêt pécuniaire, de salaire à gagner, de fret à faire de son navire; mais quoique ses actes ne soient que des actes privés, les considérations qui précèdent ne doivent pas être perdues de vue même par lui.

Le commandant ou même le capitaine marchand doivent refuser de recevoir ceux qui se présentent ainsi, lorsqu'il s'agit d'individus condamnés ou poursuivis pour des crimes communs qui violent la morale universelle, qui sont crimes dans tous les pays: ceux que les traités publics désignent fréquemment sous le nom de criminels ou de malfaiteurs. Les navires d'aucun État ne sont faits pour servir d'asile à de tels individus; et c'est un devoir pour les nations de ne mettre à cet égard aucun obstacle au cours de leur justice respective. Plusieurs traités contiennent la prohibition expresse, tant aux commandants des navires de guerre qu'aux capitaines marchands, de

recevoir de pareilles personnes (1), et cette prohibition existe indépendamment même des traités.

S'il s'agit de personnes condamnées ou poursuivies pour des infractions légères, ou pour des crimes qui ne sont crimes que dans la localité, peut-être par les erreurs d'une civilisation imparfaite, ou par le fanatisme des idées religieuses, comme celles des musulmans à l'égard de leurs renégats; ou enfin s'il s'agit de réfugiés politiques, dans des troubles, dissensions ou guerres civiles, l'accueil qu'ils sollicitent peut leur être plus facilement accordé. Quoiqu'il n'y ait jamais obligation absolue de les recevoir, l'honneur du pavillon, la générosité, l'humanité nationales du peuple auquel le navire de guerre appartient peuvent en faire un devoir moral au commandant. C'est à lui à apprécier les circonstances, et cette appréciation demande du tact, des sentiments de bienveillance et de générosité, unis à ceux de la justice et des procédés que se doivent entre elles les nations.

Dans le cas de réfugiés politiques, au milieu de dissensions ou de luttes civiles, le commandant doit bien observer, tant que son gouvernement conserve la neutralité, de ne prendre fait et cause pour aucun parti, se contentant de remplir à l'égard de l'un comme à l'égard de l'autre, indistinctement, les actes que peut exiger l'humanité. Il doit aussi éviter scrupuleusement que ces actes se tournent en un secours efficace donné aux uns contre les autres. Ainsi, après avoir, par exemple, embarqué les réfugiés politiques sur un point, il n'ira pas les

(1) Tels sont, par exemple, les traités : du 30 juin 1742 (art. 34), entre la Suède et les Deux-Siciles; — du 17 janvier 1787 (art. 14 et 15), entre les Deux-Siciles et la Russie; du 30 juillet 1789 (art. 26 et 30), entre le Danemark et la république de Gênes, traités qui sont rapportés ci-dessous.

débarquer, armés ou non armés, sur un autre où ils seraient à même d'aller recommencer avantageusement la lutte, ne s'étant servis du navire étranger que comme moyen de défense contre le danger qu'ils avaient couru.

Si les personnes en question se sont réfugiées à bord du navire à l'insu du commandant, il a le droit incontestable de les en renvoyer, de les faire mettre à terre; car le fait qu'on s'est introduit sans son aveu dans le navire qu'il commande ne peut constituer pour celui qui s'est ainsi introduit un droit d'y être gardé. A plus forte raison en est-il de même si l'introduction a eu lieu contre le gré et sur le refus du commandant. - Dans l'exercice de ce droit d'expulsion, le commandant doit se guider par les mêmes considérations que celles qui précèdent. Le fait de son autorité surprise ou méconnue est bien un reproche à faire aux réfugiés; mais il faut excuser quelque chose dans les personnes qui agissent sous le coup d'un danger imminent, pour sauver leur vie de ce danger. Le commandant examinera donc la question, et prendra son parti sans céder à aucune susceptibilité ou irritation personnelles, par les seules raisons générales de décider.

Enfin, lors même que le commandant a consenti à recevoir les réfugiés, si son consentement n'a été obtenu que parce que la vérité des faits lui a été cachée ou a été altérée, par exemple, si celui qui demandait à être reçu à bord s'est présenté comme condamné ou poursuivi pour crime politique, tandis que c'était pour des crimes communs, le commandant conserve toujours le droit de le renvoyer du moment que la vérité lui devient

connue.

Il en est de même si la présence des réfugiés est susceptible de troubler l'ordre ou la tranquillité de son navire, ou s'il y a nécessité quelconque pour le bien du

service à bord que cette présence cesse. En un mot, le commandant, sauf l'obligation morale de concilier autant que possible les besoins du service avec la protection d'humanité que les réfugiés peuvent mériter, reste toujours le maître de les faire sortir de son bord.

En effet, le gouvernement de chaque État a toujours le droit de contraindre les étrangers qui se trouvent sur son territoire à en sortir, en les faisant conduire jusqu'aux frontières. Ce droit est fondé sur ce que l'étranger ne faisant pas partie de la nation, sa réception individuelle sur le territoire est de pure faculté, de simple tolérance, et nullement d'obligation. L'exercice de ce droit peut être soumis, sans doute, à certaines formes par les lois intérieures de chaque pays; mais le droit n'en existe pas moins, universellement reconnu et pratiqué. En France, aucune forme spéciale n'est prescrite aujourd'hui en cette matière; l'exercice de ce droit d'expulsion est totalement abandonné au pouvoir exécutif.

Or le commandant, délégué de l'autorité de son pays sur le navire qu'il commande, ne fait qu'user d'un droit pareil relativement à ce navire, lorsqu'il en fait sortir les personnes étrangères qui s'y étaient introduites, ou même qu'il y avait reçues.

Il faut bien se garder de confondre ce droit d'expulsion avec le droit d'extradition. Bien qu'il puisse arriver souvent, en fait, que l'une et l'autre conduisent à un résultat semblable, l'expulsion du territoire diffère essentiellement de l'extradition. Par le premier de ces actes, le gouvernement d'un pays fait sortir simplement de son territoire un étranger qui s'y trouvait, sans s'inquiéter de ce qu'il adviendra de lui une fois qu'il en sera sorti. Par le second, au contraire, ce gouvernement se fait l'auxiliaire de la justice pénale d'un État étranger; il met ses

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