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crimes ou délits qu'ils pourraient commettre dans ce lieu contre la tranquillité du pays. D'où il suit que le capitaine marchand, quand il reçoit dans les eaux d'un État étranger des personnes sous le coup de la justice répressive de cet État, expose à la fois son navire à des actes de visite judiciaire, et sa propre personne à des poursuites pénales, suivant les circonstances du fait et les lois du pays.Rien de tout cela n'a lieu à l'égard des commandants de navires de guerre, qui agissent comme fonctionnaires publics, et qui ne sont comptables de leur conduite qu'envers leur gouvernement. Cette différence se trouve encore

» à son bord les recherches qu'il jugera à propos pour s'en éclaircir, et » d'en tirer de force le fugitif, s'il s'y trouvait; bien entendu que le con>> sul ou vice-consul du capitaine marchand aura été prévenu préalable» ment, de la part du gouvernement, de la perquisition qu'il est inten» tionné de faire à bord du vaisseau, afin qu'il puisse y assister et veiller » au bon ordre; aussi cette recherche s'exécutera-t-elle par des soldats >> et non pas par les gens ordinaires de la police ou les sbires. » (Traité perpétuel d'amitié et de commerce conclu entre le Danemark et la répu. blique de Gênes le 30 juillet 1789. D'HAUTERIVE él DE CUSSY, Recueil de traités de comm. et de navig., tom. 2, part. 2, p. 77 à 96.)

Le même droit de recherche et d'arrestation des réfugiés à bord des navires de commerce se trouve encore expressément stipulé, ainsi qu'il suit, dans un traité entre la Suède et les Deux-Siciles :

Art. 34. «Non si riceveranno a bordo de' bastimenti o vascelli li sudditi >> fuggitivi della Potenza ne cui porti si troveranno ancorati, nè quel >> bastimento potrà in modo alcuno servir loro di asilo; anzi venendo » qualcheduno a ricaverarvisi, ne sarà incontanente scacciato; e molto » più venendone il padrone richiesto dal Governo, gli si dovrà il fuggitivo » subito e di buona fede restituire e consegnare, in modo tale che se gli >> fosse negato, sarebbe lecito di andarvi a fare la dovuta perquisizione >> nel bastimento, ed a levarglielo; dandone preventivamente avviso al >> console o vice-console della sua nazione, acciò assista, se gli piace, >> alla ricerca ed all' estrazione del fuggitivo, e si avrà pensiere che sotto >> tal pretesto non si commetta qualche disordine. » (Traité perpétuel de commerce et de navigation conclu à Paris entre la Suède et les DeuxSiciles le 30 juin 4742. D'HAUTERIVE et DE CUSSY, Recueil de traités de comm. et de navig., tom. 2, part. 2, p. 305.)

bien marquée dans un traité public entre les Deux-Siciles et la Russie, où la seule stipulation à l'égard des officiers commandant des vaisseaux de guerre, est qu'ils doivent livrer sans difficulté les déserteurs, contrebandiers, criminels ou malfaiteurs qui auraient trouvé refuge à leur bord; tandis qu'à l'égard des navires marchands, le traité porte que tous ceux qui contreviendraient à la défense de donner retraite à de pareilles personnes, seront poursuivis selon les lois et les usages établis à ce sujet dans ce pays (1).

Mais tous les droits que nous venons de reconnaître au gouvernement étranger pour la poursuite de ses réfugiés à bord des navires de commerce, n'existent qu'autant que ces navires se trouvent dans ses eaux territoriales; car s'ils sont en pleine mer ou dans les eaux d'un autre État, ils sont hors de tout acte d'autorité de sa part. Le gouvernement étranger ne peut plus réclamer ses transfuges qu'en s'adressant au gouvernement dont relève le navire marchand, par une demande d'extradition proprement dite.

Si le navire marchand avait embarqué les réfugiés en question, non pas dans les eaux de l'État qui les poursuit, mais bien en pleine mer ou dans un autre pays, ce

(1) Art. 14. « Aucun vaisseau marchand de l'une ou de l'autre nation »> ne pourra donner retraite dans son bord aux déserteurs de terre ou de » mer, ni aux contrebandiers criminels ou malfaiteurs; et contre tous >> ceux qui y contreviendront, il sera procédé selon les usages et lois » établis à ce sujet dans chaque pays. »

Art. 15. « Les officiers commandant des vaisseaux de guerre ne don>> neront point d'asile non plus sur leur bord à de pareils déserteurs, » criminels ou malfaiteurs, et, dans le cas échéant, ils ne feront aucune >> difficulté de le livrer. » (Traité du 17 janvier 1787, entre les DeuxSiciles et la Russie. D'HAUTERIVE et DE CUSSY, Recueil de traités de comm. et de navig., tom. 2, part. 2, p. 265.)

gouvernement pourrait-il profiter de ce que le navire de commerce serait venu aborder dans un de ses ports, pour faire à bord de ce navire la recherche et l'arrestation des personnes qui s'y trouveraient réfugiées ?— Nous croyons devoir décider en principe que non. Ces personnes étaient hors de son territoire lorsque le navire de commerce les a reçues; elles n'y ont donc pas été reçues au mépris de sa police et de sa juridiction territoriales: nous croyons en conséquence que le gouvernement ne peut s'en emparer de sa propre autorité; qu'il doit respecter sur ce point la nationalité du navire de commerce, et qu'il ne lui reste d'autre ressource que de réclamer ces réfugiés, par demande d'extradition proprement dite de gouvernement à gouvernement. Bien entendu que la présence de ces personnes dans ses eaux, à bord du navire où elles sont réfugiées, est inoffensive et sans mauvais dessein; que ces personnes ne sont pas là pour saisir l'occasion favorable de redescendre à terre et de troubler la paix publique du pays; car l'État menacé tirerait alors de ces circonstances tous les pouvoirs que donne le droit de légitime défense.

Mais que décider si les réfugiés ayant été embarqués par le navire de commerce dans un port de l'État qui les poursuit, ce navire a pris la haute mer, et est venu aborder dans un autre port du même État? L'autorité locale peut-elle en faire l'arrestation à bord du navire, ou, par le seul fait que le navire, dans sa traversée, a tenu quelque temps la haute mer, les réfugiés doivent-ils être à l'abri du gouvernement auquel ils se sont soustraits? Ce fait s'est présenté en 1840. Le bâtiment français de commerce l'Océan, ayant embarqué à Valence M. Sotelo, ex-ministre d'Espagne, déchu et poursuivi par suite des événements politiques, et de là, après avoir repris la

mer, étant venu aborder dans le port d'Alicante, les autorités de cette ville firent une visite à son bord, et y arrêtèrent M. Sotelo (1). Nous croyons que, dans un pareil cas, le droit de visite et d'arrestation sur les navires de commerce existe en principe, pour le gouvernement local, même à l'occasion des réfugiés politiques. C'est au navire de commerce qui est parvenu à échapper aux autorités du port dans lequel il a embarqué les réfugiés, à ne plus rentrer dans un port soumis à la juridiction du même gouvernement. Il ne faut pas oublier, d'une part, que les actes des capitaines de navires marchands, relativement aux personnes qu'ils embarquent sur leur navire ou qu'ils en débarquent, sont des actes privés dont l'État auquel appartient le navire de commerce ne prend pas responsabilité; et, d'autre part, que les navires de commerce, pour tout ce qui ne se renferme pas dans leur intérieur et dans leur équipage, sont soumis aux lois de police et de sûreté du lieu où ils se trouvent; de telle sorte que les faits commis dans ce lieu peuvent être poursuivis et punis par les autorités et selon les lois du pays, dans tout le territoire où s'étend le pouvoir de ces lois et de ces autorités.

la

Bien entendu que dans tous les cas où le gouvernement local a droit de visite judiciaire et d'arrestation sur les navires de commerce étrangers mouillés dans ses eaux, c'est à la condition expresse qu'il sera procédé à cette visite ou à ces arrestations d'une manière régulière, conforme aux lois locales et aux devoirs internationaux; car si ces actes étaient faits irrégulièrement, avec arbi

(1) Voir, dans la Gazette des tribunaux du 21 octobre 1840, dans le Constitutionnel et autres feuilles publiques, les discussions de la presse française au sujet de cette arrestation.

traire ou violence, ils pourraient, selon les circonstances, constituer un véritable grief international, l'État dont le navire de commerce a légitimement la nationalité devant prendre fait et cause pour protéger sa marine marchande et pour obtenir réparation des vexations ou illégalités dont elle aurait été l'objet.

Les motifs qui commandent de faire participer à quelques-unes des franchises des bâtiments de guerre les paquebots-poste employés au service périodique et régulier de la correspondance écrite publique et privée et du transport des voyageurs (1), rendent raison de la clause suivante que renferment plusieurs conventions internationales de poste récemment conclues: « Les passagers admis sur ces paquebots qui ne jugeraient pas à propos de descendre à terre pendant la relâche dans un des ports des contractants, ne pourront, sous aucun prétexte, être enlevés du bord ni assujettis à aucune perquisition, ni soumis à la formalité du visa de leurs passe-ports (2)

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Tout ce qui précède est relatif au cas où des personnes se sont réfugiées de la terre à bord des navires. Le cas inverse, c'est-à-dire celui où des personnes se sont réfugiées des navires à terre, offre des principes analogues de réciprocité.

La réclamation de ces réfugiés et leur réintégration à bord des bâtiments d'où ils se sont échappés, tant que ces bâtiments se trouvent dans les eaux territoriales de l'État, ne doivent pas être assimilées non plus à une extradition proprement dite. La situation spéciale et les

(1) Ci-dessus, chap. X, pag. 205, 206.

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(2) Convention de poste du 24 septembre 1856, de la France avec la Grande-Bretagne, art. 6. Avec la Sardaigne, du 4 septembre 4860, art. 7. Convention entre la Grèce et l'Italie, du 12-24 octobre 1861,

art. 9.

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