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Considérant que, dans son rapport du 6 juillet 1862, le préfet de police n'avait pas seulement à faire la narration des faits, mais qu'il devait rendre compte à l'autorité supérieure de sa conduite et des motifs qui l'avaient porté à user de ménagements;

Considérant qu'il était, dès lors, légitimement et sans qu'on puisse y voir aucune intention malveillante, autorisé à s'exprimer comme il l'a fait;

Nous sommes d'avis que, dans la manière dont les lois brésiliennes ont été appliquées aux officiers anglais, il n'y a eu ni préméditation d'offense, ni offense envers la marine britannique.

Fait et donné en double expédition, sous notre sceau royal, au château de Lacken, le dix-huitième jour du mois de juin 1863. Signé LÉOPOLD Ier.

:

ANNEXE J, page 272.

Avis du conseil d'État sur la compétence en matière de délits commis à bord des vaisseaux neutres, dans les ports et rades de France.

20 novembre 1806.

Le conseil d'État, qui, d'après le renvoi à lui fait par S. M., a entendu le rapport de la section de législation sur celui du grand juge ministre de la justice, tendant à régler les limites de la juridiction que les consuls des États-Unis d'Amérique, aux ports de Marseille et d'Anvers, réclament, par rapport aux délits commis à bord des vaisseaux de leur nation, étant dans les ports et rades de France; considérant qu'un vaisseau neutre ne peut être indéfiniment considéré comme lieu neutre, et que la protection qui lui est accordée dans les ports français ne saurait dessaisir la juridiction territoriale pour tout ce qui touche aux intérêts de l'Etat, qu'ainsi, le vaisseau neutre admis dans un port de l'État est de plein droit soumis aux lois de police qui régissent le lieu où il est reçu; que les gens de son équipage sont également justiciables des tribunaux du pays pour les délits qu'ils y commettraient, même à bord, envers des personnes étrangères à l'équipage, ainsi que pour les conventions civiles qu'ils pourraient faire avec elles; mais que si, jusque-là, la juridiction territoriale est hors de doute, il n'en est pas ainsi à l'égard des délits qui se commettent à bord du vaisseau neutre de la part d'un homme de l'équipage neutre envers un autre homme du même équipage; qu'en ce cas les droits de la puissance neutre doivent être respectés, comme s'agissant de la discipline intérieure du vaisseau, dans laquelle l'autorité locale ne doit pas s'ingérer, toutes les fois que son secours n'est pas réclamé, ou que la tranquillité du port n'est pas compromise;

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Est d'avis que cette distinction, indiquée par le rapport du grand juge et conforme à l'usage, est la seule règle qu'il convienne de suivre en cette matière; et appliquant cette doctrine aux deux espèces particulières, pour lesquelles ont réclamé les consuls des États-Unis; considérant que, dans l'une de ces affaires, il s'agit d'une rixe passée dans le canot du navire américain le Newton, entre deux matelots du même navire, et dans l'autre, d'une blessure grave faite par le capitaine en second du navire la Sally à l'un de ses matelots pour avoir disposé du canot sans son ordre; Est d'avis qu'il y a lieu d'accueillir la réclamation, et d'interdir aux tribunaux français la connaissance des deux affaires précitées.

Les navires de commerce étrangers, dans les ports français, sont soumis à la juridiction territoriale pour la répression des crimes et délits de droit commun commis à bord, alors surtout que les faits sont de nature à compromettre la tranquillité publique, que l'intervention de l'autorité locale est réclamée, ou que ces faits sont d'une gravité telle qu'ils nécessitent une répression immédiate de la part de l'autorité locale.

AFFAIRE JALLY.

Rapport de M. le conseiller FOUCHER, du 25 février 1849.

Messieurs, la question que soulève le pourvoi se présente pour la première fois devant la cour suprême, bien qu'elle ait été l'objet de l'examen des publicistes et des jurisconsultes, qu'elle se soit présentée plusieurs fois devant les tribunaux, et que, en ce qui touche la France, elle ait donné lieu à un avis du conseil d'État du 20 novembre 1806, qu'invoque le demandeur, et dont vous avez aujourd'hui à déterminer la portée.

Il est à remarquer que cet avis a été rendu à l'occasion d'actes qui se seraient passés à bord de navires de commerce américains se trouvant dans les ports français.

Vous connaissez les dispositions de cet avis; les principes qu'il établit peuvent se résumer en ces termes : Le bâtiment neutre (1) qui se trouve dans les ports de France est soumis à l'application du principe général posé en l'article 3 du Code Napoléon, que « les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire »; si par une fiction du droit des gens, on peut considérer son bord comme lieu neutre, la protection qui lui est accordée no saurait dessaisir la juridiction territoriale pour tout ce qui touche

(4) Cette expression de neutre tient évidemment à l'état de guerre qui subsistait alors. En temps de paix il n'y a point de neutres, et l'avis s'applique à tous les bâtiments étrangers, quels qu'ils soient.

aux intérêts de l'État; par suite, les gens de l'équipage sont justiciables des tribunaux du pays pour les délits qu'ils y commettraient, même à bord, envers des personnes étrangères à l'équipage, ainsi que pour les conventions civiles qu'elles pourraient faire avec elles. L'avis du conseil d'État ne fait qu'une exception à ce principe, c'est quand les délits sont commis à bord d'un bâtiment neutre par un homme d'un équipage neutre contre un autre homme du même équipage, pourvu encore que le secours de l'autorité locale ne soit pas réclamé ou que la tranquillité du port ne soit pas compromise. Le motif de cette exception est qu'alors le fait peut être considéré comme touchant seulement à la discipline intérieure du bâtiment, et qu'en conséquence les droits de la puissance neutre doivent être respectés.

L'avis du Conseil d'État ajoute que cette décision est conforme aux usages suivis entre les diverses nations.

Il n'aura pas échappé à l'attention de la cour que l'avis ne se fonde, pour légitimer l'exception qu'il admet de la compétence de la juridiction territoriale, que d'une manière hypothétique, sur ce motif que le bâtiment neutre peut être considéré comme un lieu neutre, parce qu'en droit des gens cette fiction ne saurait rigoureusement s'appliquer qu'aux bâtiments de guerre, malgré l'opinion de quelques jurisconsultes; et encore ces vaisseaux doivent-ils se conformer aux lois de police des ports où ils s'abritent, soit pour leur lieu de stationnement, soit pour l'extinction de leurs feux, soit et surtout pour le dépôt de leurs munitions de guerre, etc.

La raison en est simple: c'est que ce n'est là qu'une fiction de droit et non un principe de droit; qu'une fiction ne saurait jamais s'étendre fictio non ultra casum fictum extenditur, et que ce que les États se concèdent, en ce qui touche les bâtiments armés par eux pour en représenter la puissance partout où ils sont admis, ne saurait s'étendre à des bâtiments de commerce qui ne représentent que des intérêts privés, et n'ont légalement droit qu'à la même protection que celle qui est accordée aux étrangers transeuntes sur un territoire ou habitant ce territoire.

Cependant, messieurs, la France elle-même a les plus graves motifs pour faire respecter au dehors les principes posés dans le décret du 20 novembre 1806, car les exigences légitimes des relations commerciales commandent qu'on ne puisse, sans raison née de l'intérêt du territoire dans lequel se trouve le bâtiment, s'ingérer dans le fonctionnement et l'administration intérieure des bâtiments de commerce naviguant sous son pavillon, et qu'on puisse, sous prétexte de police ou de juridiction, en arrêter la marche ou en modifier l'équipage.

Aussi la France a-t-elle passé avec les États-Unis, le 22 septembre 1853, une convention dont les articles 8 et 9 sont ainsi conçus (suit le texte des articles).

Ces articles, loin de détruire les principes que nous avons posés, viennent les confirmer, car il en résulte que l'action consulaire se concentre dans tout ce qui concerne le fonctionnement et l'administration intérieure des bâtiments de commerce de leur nation, et spécialement le règlement des salaires, l'exécution des engagements réciproquement consentis, et l'arrestation des matelots déserteurs, mais que cette action ne saurait aller jusqu'à revendiquer, au profit de la nation sous le pavillon de laquelle navigue le bâtiment, la répression des crimes et délits, toutes les fois que la police du port lui-même y est intéressée, ou qu'il s'agit de crimes de droit commun que leur gravité ne permet à aucune nation de laisser impunis sans compromettre ses droits de souveraineté juridictionnelle et territoriale, parce que ces crimes constituent par eux-mêmes la violation la plus manifeste comme la plus flagrante des lois que chaque nation civilisée est chargée de faire respecter dans toutes les parties de son territoire.

Cette interprétation ressort encore des traités passés par la France avec plusieurs autres nations et de l'ordonnance royale du 29 octobre 1833, sur les pouvoirs des consuls de France à l'étranger. (Voir l'art. 15 du traité du 8 mai 1827 avec le Mexique, l'art. 24 du traité du 25 mars 1848 avec la république de Venezuela, l'art. 22 de l'ordonnance du 29 octobre 1833, sur l'organisation consulaire.)

Cette interprétation des règles de droit international n'est pas seulement particulière à la France, elle est surtout le résultat de l'usage, comme le dit l'avis du 20 novembre 1806, et elle est également celle admise par trois grandes nations maritimes: les États-Unis, l'Angleterre et la Russie.

Wheaton, le plus accrédité des publicistes des États-Unis, et dont les opinions ont tant de poids en Europe, pose même le principe en termes si absolus qu'il va jusqu'à critiquer les tempéraments admis par la législation française.

Plus loin, le célèbre publiciste, et son opinion prend ici une force considérable, puisqu'en droit international, alors que c'est surtout l'usage qui forme la règle, la question de réciprocité doit avoir le plus grand poids, ajoute : « La jurisprudence maritime >> reconnue en France par rapport aux bâtiments marchands étrangers entrant dans les ports français ne parait pas s'accor» der avec les principes établis par l'arrêt de la cour suprême des » États-Unis.... ou, pour parler plus correctement, la législation

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» française, en exemptant ces bâtiments de l'exercice de la juri» diction du pays, leur accorde de plus grandes immunités que » celles exigées par les principes du droit international. »

En Angleterre, les magistrats territoriaux n'hésitent pas à connaître des crimes et délits commis à bord des navires étrangers, mème entre hommes de l'équipage, et c'est surtout à l'égard des bâtiments venant des États-Unis qu'ils exercent leur juridiction avec une sévérité dont les feuilles publiques nous révèlent souvent les monuments.

Ainsi, le Moniteur français qui, dans l'intérêt de notre commerce, enregistre, par les soins du ministère des affaires étrangères, les décisions des tribunaux étrangers qu'il importe de connaître, nous en fournit plusieurs exemples; je vous demande la permission d'en indiquer deux seulement, parce qu'ils ont avec les faits de la cause une grande analogie, et qu'ils concernent des bâtiments américains. (Voir le Moniteur des 30 janvier et 19 août 1857, p. 119 et 431.)

En Russie, le même principe a été constamment maintenu, et une note verbale émanée de M. Tolstoy, ministre de cette puissance, cite un fait qui s'est passé en 1844, à bord d'un bâtiment anglais stationnant dans le port de Riga, qui prouve jusqu'à quel point les deux puissances maritimes ont à cœur de conserver intact leur droit exclusif de juridiction territoriale.

Un matelot d'un bâtiment anglais avait assassiné à bord son timonier; l'un et l'autre étaient sujets anglais. L'assassin fut saisi par l'autorité locale, une enquête eut lieu à Riga même, et, avant de statuer définitivement, le gouvernement russe proposa à celui de la Grande-Bretagne de lui livrer le coupable, sous la réserve expresse d'une juste réciprocité, si des cas semblables venaient à se présenter en Angleterre; mais le gouvernement britannique ne crut pas pouvoir accepter cette proposition; le coupable, sujet anglais, fut done jugé et condamné en Russie, pour un crime commis à bord d'un bâtiment anglais, sur un individu de sa nation, et il a subi sa peine en Russie.

Tels sont, messieurs, les usages actuellement en vigueur chez les grandes nations maritimes, et spécialement à l'égard des bâtiments de commerce américains; nous avons dù vous les faire connaître, parce que non-seulement il était essentiel de bien poser le principe, mais aussi de prouver qu'aujourd'hui, comme en 1806, les usages qu'invoquait le Conseil d'Etat dans son avis, loin de s'ètre modifiés, n'avaient fait que se fortifier, et peut-être restreindre les exceptions apportées au principe de la plénitude de la juridiction territoriale. C'est ce que démontre encore une circulaire concertée entre les ministres des affaires étrangères et de la marine,

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