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pulation ad hoc, sur tous les biens que le débiteur possède au moment où la reconnaissance de sa signature est déclarée par le juge. Qu'est-ce, dans le sens de la loi, qu'une créance résultant d'un acte privé dont la signature a été RECONNUE? Cela dépend du point de savoir si cette expression reconnue, doit, dans la première partie du no. 3, être prise isolement, au si elle se lie avec la seconde partie du même numéro, si elle fait corps avec les mots, ou déclaré tel par un ju

gement.

» Mais d'abord s'il y a sur ce point quelque ambiguité dans la structure grammaticale de la loi, il n'en peut du moins résulter aucun embarras dans l'application de la loi même.

la

» Et en effet, si le mot reconnue fait corps avec les expression suivantes, ou déclarée telle par un jugement,si la loi est censée dire,reconnue par un jugement, il est bien évident que, par-là, elie assimile la signature reconnue par un jugement à la signature qu'un jugement déclare reconnue; il est bien évident que créance résultant d'un acte privé dont la signature a été reconnue par un jugement, est, comme la créance resultant d'un acte privé dont un jugement a déclaré la signature reconnue, placée sur la même ligne que la condamnation judiciaire; il est par conséquent bien évident que l'Hypothèque que la loi déclare dériver de cette créance, à la charge de l'inscription, existe de plein droit, n'a pas besoin de stipulation spéciale, et frappe, même malgré le debiteur, sur les biens qu'il possede au moment de la prononciation du jugement qui reconnaît sa signature.

»Si, au contraire, le mot reconnue doit être pris isolément, s'il ne se lie en aucune manière avec les expressions qui le suivent, ou déclarée telle par un jugement, si enfin il doit s'entendre de toute reconnaissance qui se fait devant un officier public quelconque, et surtout devant un notaire, il est bien évi dent que la créance resultant d'un acte privé dont la signature a été ainsi reconnue, ne peut pas avoir plus d'effet que la créance dont il est parlé dans le premier numéro de l'article, que la créance directement consentie par acte notarié ; il est bien évident que la reconnaissance faite devant notaire de la signature apposée à un acte privé, ne peut pas donner au créancier plus de droit qu'il n'en aurait, si, au lieu de s'obliger envers lui par un acte privé, et de reconnaître ensuite sa signature devant notaire, son débiteur eût, dès le principe, passé devant notaire le titre constitutif de son obligation; et il est, par une conséquence nécessaire, bien évident qu'une telle

reconnaissance n'emporte pas Hypothèque de plein droit ; qu'il ne peut d'une telle reconnaissance, deriver qu'une Hypothèque conventionnelle; et que, si, en signant une telle reconnaissance, le débiteur n'a pas expressement et spécialement hypothéqué ses biens, il est impossible de prendre une inscription hypothecaire en vertu d'une telle reconnais

sance.

» Ainsi, en supposant, dans notre espèce, que l'acte du juge de paix de Maestricht, du 18 thermidor an 10, doive être considéré comme un procès-verbal de conciliation, nul motif, nul prétexte même plausible, pour prétendre qu'il en a dérivé de plein droit une Hypothéque susceptible d'inscription.

» Car, de deux choses l'une ou le mot reconnue a, dans le troisième numéro de l'art. 3, la première des deux significations que nous venons de lui prêter successivement, ou c'est dans la seconde qu'il doit être entendu.

>> Au premier cas, nous dirons qu'un juge de paix siegeant en bureau de conciliation, ne forme pas un tribunal; que, par suite, un proces-verbal de conciliation n'est pas un ju gement; que, dès-lors, l'acte du 18 thermidor an 10 ne peut pas avoir l'effet d'un jugement par lequel une signature est reconnue; et que, par une conséquence ultérieure, cet acte ne peut pas emporter Hypothèque.

» Au second cas, nous dirons qu'un juge de paix siégeant en bureau de conciliation, est bien un officier public; mais que ce n'est pas un officier public ayant caractère légal pour recevoir des actes volontaires; que les actes faits devant lui, ne sont pas des actes notariés; et que voulût-on, à toute force, assimiler à un acte notarié le procès-verbal du 18 thermidor an 10, toujours resterait-il que ce procès-verbal ne contient, de la part des débiteurs qui l'ont signé, aucune clause qui affecte spécialement tels ou tels de leurs biens à la sûreté de leur dette; qu'ainsi, ni ce proces-verbal ni l'obligation privée dont il déclare la signature reconnue, ne peuvent, sous aucun rapport, être rangés dans la classe des titres hypothécaires.

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» Mais du reste est-il donc bien difficile de discerner, dans la manière dont est conçu le no. 3 du troisième article de la loi du 11 brumaire an 7, quel est le sens que donne le législateur au mot reconnue ? Est-il donc bien difficile de s'assurer que des deux sens qu'on pourrait lui prêter, c'est le premier qui doit prévaloir; et qu'en disant reconnue ou décla rée telle par un jugement, le législateur est censé avoir dit: Reconnue par un jugement,

ou qu'un jugement a déclarée et tenue pour

rconnue?

» 10. Le mot reconnue est tellement lié avec les expressions qui le suivent, ou déclarée telle par un jugement,il forme tellement avec elles un seul et même corps de phrase, que l'on ne peut pas l'en détacher, que l'on ne peut pas l'isoler, sans le rendre insignifiant, ou du moins sans lui donner une signification si vague, que, par son étendue indéfinie, elle tombe dans l'absurdité la plus complète. En effet, prenez ce mot isolément, détachez-le des expressions qui le suivent, faites dire au législateur que la signature reconnue équivaut, en fait d'Hypothèque, à la signature déclarée telle par un jugement, quelles seront les limites dans lesquelles vous renfermerez une disposition aussi singulièrement construite? Direz-vous que cette dispo sition doit s'entendre uniquement de la signa. ture reconnue devant notaires? Mais de quel droit le direz-vous? De quel droit restreindrez-vous ainsi une expression qui, par ellemême, peut également s'appliquer aux signatures reconnues devant un maire, devant un préfet, devant un receveur de l'enregistrement, devant un officier des forêts, devant un préposé des douanes ou des droits réunis, devant un huissier, devant un témoin quelconque ? Et si vous ne pouvez pas, en isolant ainsi le mot reconnue, lui donner un sens moins général; si vous ne pouvez pas, en le détachant ainsi du reste de la phrase, vous dispenser de l'étendre à toutes les especes possibles de reconnaissance, n'est-il pas clair, plus clair que le jour, que ce n'est pas dans ce sens que le législateur l'a entendu ; que, dans la pensée du législateur, il est modifié par les termes dont il est suivi; qu'enfin, le législateur ne l'emploie que pour désigner une reconnaissance judiciaire, une reconnaissance faite volontairement devant le juge?

» On vous parle des règles de la jurisprudence et de celles de la grammaire, et l'on dit que les unes et les autres sont blessées par cette interprétation. Mais y pense-t-on sérieu

sement?

» Les seules règles de jurisprudence que nous puissions ici prendre pour guides, sont celles qui s'accordent avec le système de la loi du 11 brumaire an 7. Or, dans ce système, l'Hypothèque ne peut avoir que trois sources la stipulation notariée avec désignation spéciale des biens à hypothéquer, la solennité des jugemens, la disposition de la loi. C'est donc contrarier, c'est donc bouleverser ce système, que de vouloir faire résulter une Hypothèque de la simple reconnaissance,

même devant notaire, d'un acte privé qui ne contient aucune stipulation hypothécaire, qui ne désigne aucun bien sur lequel cette stipulation doive porter.

» Et quant aux règles de la grammaire, où a-t-on vu qu'elles s'opposent à ce que nous rapportions le mot reconnue aux mots par jugement? Sans doute, lorsqu'un débiteur par acte privé, reconnait sa signature devant le juge, ce n'est pas le jugement qui constitue sa reconnaissance; mais s'il ne la constitue pas, il la déclare, il la constate; et c'en est assez pour que l'on puisse dire que sa signature est reconnue par jugement, comme on peut dire, comme on dit tous les jours qu'un tel s'est obligé par acte notarié, quoique l'acte notarié ne constitue pas son obligation et n'en forme que la preuve authentique.

» 2o. Si le mot reconnue avait, dans le 3.. no. de l'art. 3, le sens isolé que lui prête l'arrêt de la cour d'appel de Liége, il devrait être et il serait séparé du restant de ce même no. par un signe disjonctif; il devrait exister et il existerait réellement une virgule entre le restant de ce no. et l'expression recon

nue.

>> Ce n'est pas que l'existence d'une virgule entre l'un et l'autre, prouvât quelque chose contre not re interprétation; car la virgule n'est pas toujours, elle est même rarement un obstacle à la liaison des idées exprimées par les mots qu'elle sépare. Mais du moins toutes les fois qu'il y a séparation entre les idées exprimées par les mots dont se compose une phrase, il y a nécessairement une virgule entre les mots qui expriment ces idées.

» Or, dans l'édition officielle de la loi du 1 brumaire an 7, point de virgule entre le mot reconnue et les mots ou déclarée telle par un jugement; et dès qu'il n'en existe point dans cette édition, les tribunaux doivent tenir pour constant qu'il n'y en a effectivement pas.

» Nous avons cependant cru devoir remonter plus haut nous nous sommes adressés au garde des archives nationales, pour savoir si, dans ce que nous appelions la minute de la loi, il y avait une virgule entre les mots dont il s'agit et voici ce qu'il nous a répondu le 11 de ce mois: « La minute de la résolution » sur le régime hypothécaire, annexée au » procès-verbal du conseil des cinq-cents, du » 24 thermidor an 6, et signée Jacqueminot » (rapporteur) et Duplantier (secrétaire), » porte, art. 3, no. 3: reconnue, ou décla» rée telle....., avec virgule entre reconnue ou. Mais cette virgule ne se trouve

>> et

» point dans la copie de ce même procès-verbal » signé du président et des secretaires. Au » procès-verbal du conseil des anciens, séance » du 29 thermidor an 6, est annexée la résolu>tion sur le régime hypothécaire, apportée » dans le cours de cette séance par un messager » d'état du conseil des cinq cents, munie du » sceau de ce dernier conseil, et revêtue des » signatures de ses secrétaires et de son pré. »sident. Cet acte authentique sur lequel seul » le conseil des anciens a délibéré, et qu'il a » approuvé le 11 brumaire an 7, porte aussi » art. 3, no. 3, reconnue, ou déclarée telle » avec la virgule. Mais cette virgule a encore » été omisé dans la copie ou mise au net du » procès-verbal du conseil des anciens, sig» née de son président et de ses secrétaires. » — La virgule manque aussi dans l'exem» plaire authentique de la loi du 11 brumaire Dan 7, déposé aux archives par le minis» tre de la justice, et signe Lambrechts ».

» Il résulte de ces détails, que, dans le conseil des cinq-cents comme dans le conseil des anciens, on a attaché tres-peu d'impor tance à ce qu'il y eût ou n'y eût pas de virgule entre les mots reconnue et ou déclarée telle par un jugement. Mais il en résulte aussi qu'il n'existe réellement pas de virgule dans les actes qui forment véritablement la minute de la loi. Car, pour le conseil des cinq-cents, la minute de la loi ne consistait pas dans l'écrit remis sur le bureau par le rapporteur et contre-signé par un secrétaire seulement; elle consistait uniquement dans l'écrit qui était revêtu de la signature du président et des quatre secrétaires, c'est-à-dire, dans le proces-verbal. Et de même, pour le conseil des anciens, la minute de la loi ne consistait que dans le procès-verbal où la résolution du conseil des cinq-cents était transcrite avec l'approbation du conseil des anciens lui-même, attestée par les signatures de ses quatre secrétaires et de son président. Ce qui d'ailleurs est décisif, c'est que, dans l'expédition qui a éte transmise de la loi au directoire exécutif, que le directoire exécutif a fait passer au ministre de la justice, et dont le ministre de la justice a remis une ampliation aux archives nationales, il y a absence de virgule tout aussi bien que dans le procès-verbal du conseil des cinq-cents, tout aussi bien que dans le procèsverbal du conseil des anciens.

30. S'il pouvait encore rester quelques doutes sur le sens de l'art. 3 de la loi du 11 brumaire an 7, l'art. 4 suffirait pour les dissiper. Dans l'art. 4, la loi revient sur les differentes espèces d'Hypothèques dont elle a parlé dans les quatre numéros qui composent

l'art. 3; et pour déterminer clairement leurs effets, elle leur donne à chacune un nom particulier. Or, combien en distingue-t-elle, et quelles sont les dénominations dont elle se sert pour les distinguer? Elle n'en distingue que trois, et elle les appelle volontaire, judiciaire, légale : l'Hypothèque volontaire qui résulte des créances consenties par actes notaries, avec affectation spéciale des biens expressément désignés par les débiteurs; l'Hypothèque judiciaire que les jugemens produisent de plein droit : l'Hypothèque légale que la loi seule crée par sa toute-puis

sance.

» Dans cette nomenclature, le législateur oublie-t-il l'Hypothèque dont il s'est occupé dans le 3e. no. de l'art. 3? Non, et il serait ridicule de le supposer. Pourquoi donc ne donne-t-il pas à cette Hypothèque une dénomination particulière et qui lui soit toutà-fait propre ? C'est évidemment parceque, dans sa manière de parler, l'Hypothèque judiciaire est celle qui fait l'objet du no. 3, comme celle qui fait l'objet du no. 2 du 3e. article; c'est évidemment parcequ'il regarde l'Hypothèque dont il s'est occupé dans le no. 3, du même œil que l'Hypothèque dont il s'est occupé dans le no. 2; en un mot, c'est évidemment parcequ'à ses yeux,la créance résultant d'un acte privé dont la signature a été reconnue ou déclarée telle par un jugement, est véritablement une créance résultant d'une condamnation judiciaire.

défi

» 4o. Nous avons déjà dit que le Code civil tinction des Hypothèques, que traduire en n'a fait, sur la définition, la nature et la distermes plus clairs les dispositions de la loi du 11 brumaire an 7. Or, voici comment il définit l'Hypothèque judiciaire : c'est, dit-il, art. 2123, celle qui « résulte des jugemens, » soit contradictoires, soit par défaut, >> nitifs ou provisoires, en faveur de celui qui >> les a obtenus ; elle résulte aussi des recon» naissances ou vérifications, faites en ju»gement, des signatures apposées à un acte » obligatoire sous seing-privé ». On voit que, dans l'intention du Code civil, les reconnaissances d'écrits privés faites en jugement, sont, aussi bien que les vérifications faites en jugement de ces écrits, parfaitement assimilées, quant aux effets hypothécaires, à des condamnations judiciaires proprement dites; et puisque le Code civil n'a rien innové en cette matière, il faut bien demeurer d'accord qu'en cette matière, la loi du 11 brumaire an 7 disposait absolument comme le Code civil.

» Mais, encore une fois, si, dans le no. 3 da

3e. article de la loi du 11 brumaire an 7, il n'est question que des signatures de billets privés reconnues par des jugemens, comment pourrat-on, toujours dans la supposition que l'acte du juge de paix de Maestricht, du 18 thermidor an 10, ne pût être regardé que comme un proces-verbal de conciliation,donner au billet dont il contient la reconnaissance, l'effet d'un titre hypothecaire? Dans cette supposition, l'acte du 18 thermidor an 10 n'est point un jugement. Il n'emporte donc pas Hypothèque de plein droit, même à la charge de l'inscription; il y a donc, dans cette supposition, er reur manifeste dans l'arrêt qui vous est dé noncé ; cet arrêt doit donc, si cette supposi tion est exacte, être cassé sans ménage

ment.

>> Maintenant examinons quel doit être le sort de cet arrêt dans la supposition contraire, c'est-à-dire, dans la supposition que l'acte du 18 thermidor an 10 ne soit pas un procèsverbal de conciliation, mais un jugement.

» A la première vue, il semble qu'ainsi envisagé, l'acte du 18 thermidor an 10 a dû, sans difficulté, convertir en titre hypothe caire l'obligation sous seing-privé dont il cons tate la reconnaissance: il semble que, par cela seul que cet acte est un jugement, la question est résolue en faveur de la dame Albrechts; et que l'arrêt dont elle defend les dispositions, doit, quoique très-mal motivé, être maintenu sans la moindre hésitation.

» Nous ne prétendons pas nous élever contre cette manière de voir. Cependant nous devons vous soumettre la raison qu'il y a d'en douter.

dit

» Quand la loi du 11 brumaire an 7 que l'Hypothéque existe, à la charge de l'inscription, pour une créance résultant d'un acte privé dont la signature a été reconnue ou tenue pour reconnue par un jugement, entend-elle que tout jugement qui, même rendu par un tribunal incompetent ratione materiæ, pour condamner le débiteur d'une obligation sous seing-privé, constate la reconnaissance de la signature apposée à cette obligation, peut être inscrit comme emportant Hypothèque de plein droit ? Entend-elle que, si, devant une cour de justice criminelle, ou devant un conseil de guerre, un accuse produit pour sa défense une obligation sous seing-privé souscrite à son profit par la partie plaignante, que la partie plaignante reconnaisse avoir effectivement signé cette obligation, le jugement qui constatera cette reconnaissance, pourra être inscrit au bureau des Hypothèques? Non certainement; et pourquoi ? Parceque ni la cour de justice

criminelle ni le conseil de guerre n'ont le pouvoir de condamner la partie plaignante au paiement de l'obligation; parceque, si la reconnaissance faite en justice d'une obligation sous seing-privé, tient de la loi l'effet d'emporter Hypothèque, ce n'est qu'en considération de ce que le jugement qui donne acte de cette reconnaissance, est une sorte de condamnation; parceque c'est tellement à une condamnation qu'elle assimile ce jugement, qu'il est dans son esprit, comme dans son texte, de n'admettre que trois espèces d'Hypothèques : l'Hypothèque conventionnelle, l'Hypothèque judiciaire, l'Hypotheque légale ; et que l'Hypothèque qu'elle fait résulter de la reconnaissance faite en justice d'un écrit privé, n'appartenant ni à la classe des Hypothèques conventionnelles, ni à la classe des Hypothèques légales, il faut bien qu'on la range dans la classe des Hypothèques judiciaires; parceque, du moment que l'Hypothèque résultant de la reconnaissance faite en justice d'un écrit privé, ne peut être considérée que comme le produit d'une condamnation, il est impossible de concevoir l'idée d'une Hypothèque qui s'attacherait à un écrit privé, par le seul effet de sa reconnaissance devant un tribunal incompétent pour con damner le signataire de cet écrit à en payer le montant; en un mot, parceque là où il ne peut pas y avoir de condamnation, il ne peut pas non plus y avoir d'Hypothèque par l'effet de la reconnaissance.

» Nous savons bien que, sous l'ancien régime hypothécaire, plusieurs auteurs, et notamment Basnage, sur l'art. 546 de la coutume de Normandie, tenaient pour maxime que les reconnaissances de cédules devant les tribunaux d'exception, tels que les requêtes du palais, les élections, les juridictions consulaires en matière étrangère au commerce, emportaient Hypothèque, tout aussi bien que si elles eussent été faites devant des tribunaux ordinaires, et que cette opinion pouvait, jusqu'à un certain point, être justifiée par l'art. 10 de l'ordonnance de Roussillon du mois de janvier 1563.

» Mais 10. cette opinion n'était pas, à beaucoup près, sans contradicteurs ; et nous trouvons dans le Recueil de Bouvot, tome 2, au mot Schedule, quest. 6, un arrêt du parle. ment de Dijon, du 16 juin 1616, qui l'a proscrite formellement.

» 20. Il y avait pour faire accueillir cette opinion sous l'ancien régime hypothécaire, une raison qui n'est plus aujourd'hui d'aucun poids. C'est qu'alors l'Hypothèque était, de plein droit, inherente à tout acte authenti

que, et qu'un acte privé devenait nécessai rement authentique, dès qu'il était reconnu devant un officier public quelconque ; au lieu que, de nos jours, l'authenticité d'un titre ne suffit pas seule pour le rendre susceptible d'inscription, et qu'il faut de plus, ou que ce soit un acte notarie et qu'il contienne expressement la stipulation d'Hypothèque avec désignation specifique des biens à hypothéquer, ou que ce soit une condamnation judiciaire. » Mais si de là il suit que, dans la législation actuelle, la reconnaissance faite d'un billet privé devant un tribunal incompétent pour en condamner le signataire, ne peut pas conferer Hypothèque ni par conséquent être inscrite, comment la dame Albrechts auraitelle pu acquérir Hypothéque, comment aurait-elle pu prendre inscription, en vertu de la reconnaissance passée à son profit, le 18 thermidor an 10, devant le juge de paix de Maestricht? Le juge de paix de Maestricht aurait-il pu condamner les signataires de l'obligation sous seing-privé, qui est l'objet de cette reconnaissance? Non, le montant de cette obligation excédait de beaucoup les limites de sa compétence. Dès-lors, point de condamnation possible de sa part; dès lors, point d'effet hypothécaire à donner à la reconnaissance faite devant lui.

» Voilà, Messieurs, l'objection qui se présente naturellement à l'esprit, lorsqu'envisageant le procès-verbal du juge de paix de Maestricht comme un jugement, on vient à considérer que c'est du moins un jugement qui sort du cercle des attributions de ce magistrat. Mais cette objection est-elle aussi bien fondée qu'elle le paraît au premier coup-d'oeil? » Rappelons-nous d'abord qu'il y a deux sortes d'incompétences, l'incompétence absolue et l'incompétence relative: -L'incompetence absolue qui ne peut être couverte ni par le consentement ni par le fait des parties intéressées; telle est celle des tribunaux criminels et des conseils de guerre, pour connaître des obligations contractuelles;-L'incompétence relative, qui cesse à l'instant même où les parties intéressées consentent à procéder, ou procèdent de fait sans réclamation, devant les juges qu'elles auraient le droit de décliner; telle est celle d'un tribunal de première instance devant lequel est assigné en paiement d'une obligation contractuelle, un défendeur qui n'est pas domicilié dans son ressort.

» Ainsi, que la reconnaissance faite d'un écrit privé devant une cour de justice criminelle ou devant un conseil de guerre, ne puisse pas être considérée, quant aux effets

hypothécaires, comme une reconnaissance faite en jugement, cela est incontestable.

» Mais qu'un débiteur par acte sous seingprivé reconnaisse sa signature devant un tribunal civil qui n'est pas celuide son domicile, bien sûrement sa reconnaissance emportera Hypothèque ; bien sûrement le jugement qui donnera acte de sa reconnaissance, sera susceptible d'inscription.

» Il ne reste donc plus qu'à savoir s'il en est d'un juge de paix, relativement aux sommes qui excèdent les bornes de ses attributions, comme d'un tribunal civil ordinaire, relativement aux personnes non domiciliées dans son ressort; si l'incompétence du premier est, pour ces sommes, aussi absolue que celle des tribunaux criminels et des conseils de guerre; ou si, comme celle du second, elle n'est que relative; enfin, pour nous servir des termes consacrés par les lois en cette matière, si la juridiction de l'un est, comme celle de l'autre, susceptible de prorogation.

» La règle généraleest que l'on ne peut proroger la juridiction d'un juge incompetent par soi, qu'autant que ce juge est investi d'une autorité qui lui donnerait le droit de connaitre de l'objet litigieux entre ses propres justiciables.

» Ainsi, on peut bien, dans les affaires commerciales, proroger la juridiction d'un tribunal de commerce dans l'arrondissement duquel on n'a ni acquis un domicile, ni passé contrat et reçu livraison, ni promis de payer. Mais vainement se soumettrait-on à la juridiction d'un tribunal de commerce pour une affaire purement civile ; la soumission serait nulle, et le jugement qui interviendrait en conséquence, serait entaché d'excés de pouvoir. Quelle en est la raison ? C'est que la faculté de se soumettre à la ju ridiction qui appartient à un juge, ne renferme pas celle de l'investir d'une juridiction qu'il n'a pas ; c'est, comme l'établit d'Argentrée sur l'art. 11 de la coutume de Bretagne, parceque la prorogation de la juridiction présuppose nécessairement l'existence de la juridiction elle-même ; juridictionem ergò, dit ce grand jurisconsulte, subsistere oportet in persona ejus cujus cognitio prorogatur.... Cùm juridictionem dicimus, intellige similem ei quæ prorogatur... Judicem esse opor tet, atque adeò similem jurisdictionem habere ; et de judice ordinario intellige jurisdictionem contensiosam habente..,; quare de criminali causa in judicem civilem non prorogabitur, nec e contrà ... Sed delegati potestas prorogationem admittit... ; non ta men... officialium qui ad certas causas de pu

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