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maire an 7 ne parle que de la préférence qui appartient à l'ancien propriétaire ou à ses ayant-cause, sur l'héritage aliéné, à raison de la portion du prix qui est encore dûe; qu'il dispose que la transcription du contrat conserve cette préférence; à l'effet de quoi, il soumet le conservateur à inscrire d'office la créance préférable;

» Qu'il est impossible d'induire de cet article, que l'inscription des créanciers délégués par le contrat de vente, faite d'office, et seulement par l'acquéreur, conserve à ces créanciers l'Hypothèque à laquelle ils pouvaient avoir droit, mais qui ne pouvait être conservée que par une inscription individuelle prise dans le délai utile, sur le vendeur même;

Que les créanciers délégués n'étaient ni propriétaires ni vendeurs de la maison acquise par la demoiselle Guerre ; qu'en s'inscrivant suivant ce que prescrivent les art. 37 et 38 de la loi, ils eussent conservé l'Hypothè que qui pouvait appartenir à leurs titres, mais qu'il ne pouvaient jamais avoir droit à la préférence dont parle l'art. 28 ».

Le sieur Boutry-Rouvel vend au sieur Bazin-Duclos le domaine d'Arclais: il reçoit comptant 12,936 livres ; charge l'acheteur de payer, à son acquit, aux sieurs Halbout et Hayes, non présens au contrat, une somme de 15,200 livres qu'il leur doit; et donne crédit pour le surplus.

Le contrat est transcrit au bureau des Hypothèques; et le conservateur fait l'inscrip

tion d'office.

Peu de temps après, s'ouvre un ordre pour la distribution du prix entre les créanciers du sieur Boutry-Rouvel.

Les sieurs Halbout et Hayes prétendent être colloqués à la date de la transcription du contrat, attendu, disent-ils, qu'elle a été immédiatement suivic d'une inscription d'office, qui, aux termes de l'art. 29 de la loi, a conservé le privilege du vendeur, non seulement pour lui, mais encore pour ses ayant-cause, et par conséquent pour les créanciers qu'il a délégués à son acquéreur.

Les créanciers chirographaires du sieur Boutry-Rouvel combattent cette prétention. Les sieurs Halbout et Hayes prennent alors des conclusions subsidiaires contre le sieur Bazin-Duclos : ils demandent que, dans le cas où il serait jugé que l'inscription d'office ne doit pas leur profiter contre les créanciers chirographaires, le sieur Bazin - Duclos soit condamné personnellement à leur payer le montant des délégations portées par son contrat, délégations (disent-ils) qu'il a accep

tees et qui l'ont constitué notre débiteur personnel.

Le sieur Bazin-Duclos répond qu'il n'a accepté les délégations que dans la supposition que les titres des créanciers délégués étaient à la fois valables et efficaces; que, si les créanciers délégués se trouvaient, par le résultat des débats ouverts entre eux et les autres créanciers, avoir moins de droit qu'il ne leur en avait supposé, il ne pourrait pas être tenu de leur faire un paiement qui tournerait à son préjudice.

Le 16 germinal an 13, arrêt de la cour d'appel de Caen, qui, en réformant un jugement du tribunal de première instance de Falaise, refuse la préférence aux sieurs Halbout et Hayes, et décharge le sieur Bazin-Duclos de leur demande subsidiaire,

«Attendu 19. que la clause du contrat relative aux créanciers du sieur Boutry-Rouvel, ne comporte que de simples indications qui n'ont attribué aux créanciers indiqués aucun droit d'action contre l'acquéreur, ni de préférence sur les sommes exprimées dans ses indications;

la pro

priété de l'immeuble vendu a été transmise à » 2o. Que, par la transcription, l'acquéreur, seulement avec les dettes et Hypothèques légalement conservées;

» 3o. Qu'aux termes de l'art. 29 de la loi du 11 brumaire an 7, les inscriptions d'office dues au précédent propriétaire de l'immeune doivent être faites que pour les sommes ble vendu, lorsqu'elles sont constatées par le titre de mutation et qu'elles ne peuvent profiter qu'à lui ou à ses ayant-cause ;

4°. Que celles invoquées par les sieurs Hayes et Halbout, ne se trouvent pas dans le cas prévu par la loi ;

» 5°. Que les indications énoncées au conde mettre les créanciers indiqués à la place trat, ne peuvent avoir d'autre effet que celui du vendeur; et que les inscriptions d'office faites sous ce rapport, ne peuvent attribuer aux sieurs Hayes et Halbout plus de droit, vis-à-vis de l'acquéreur, que n'en aurait le vendeur lui-même; que conséquemment l'acquéreur serait fondé à leur opposer l'exception du paiement constaté par l'acte de mutation, comme il pourrait l'opposer au vendeur, s'il lui demandait tout ou partie du prix du contrat ».

Les sieurs Halbout et Hayes se pourvoient en cassation, et emploient deux moyens: violation de la loi du contrat par lequel le sieur Bazin - Duclos s'était obligé d'acquitter leurs créances; violation de l'art. 29 de la loi du 11 brumaire an 7.

Par arrêt contradictoire du 22 avril 1807, au rapport de M. Vallée,

« Attendu, sur le premier moyen, que la clause du contrat relatif aux créances des demandeurs, n'est qu'une simple indication de paiement; qu'ainsi, la cour d'appel de Caen a pu juger, dans l'espèce, et sans violer la loi du contrat, que le sieur Bazin-Duclos n'était pas tenu de représenter aux créanciers indiqués les 12,936 livres qu'il avait données au vendeur;

» Sur le deuxième moyen, que, suivant l'art. 29 de la loi du 11 brumaire an 7, les créances que le conservateur doit inscrire sont, non pas toutes celles mentionnées dans l'acte que l'on présente à la transcription, mais celles la seulement qui emportent un droit de préférence par leur nature; tel celui du vendeur pour ce qui lui reste dû du prix ; tel celui du prêteur de fonds pour le paiement du bien acquis, et qui est subrogé au droit du vendeur;

» Que, dans l'espèce, les demandeurs, simples créanciers indiqués, n'ont, par-là même, aucun droit de préférence; que, dès lors, en jugeant que les créances des sieurs Hayes et Halbout n'étaient pas dans le cas d'être inscrites d'office, et que l'inscription faite à leur profit par le conservateur, pe pouvait leur servir, l'arrêt attaqué n'est en contravention ni à l'art. 29 de la loi du 11 brumaire an 7, ni à aucune autre loi ;

» La cour rejette le pourvoi... ».

La question s'est représentée sous le Code civil, dont l'art. 2108 reproduit la disposition de l'art. 29 de la loi du 11 brumaire an 7, mais en termes plus clairs; et l'on verra aux mots Inscription hypothécaire, §. 8 bis, no. 9, qu'elle a été jugée dans le même sens par trois arrêts des cours de Bruxelles, de Caen et de Limoges.

ART. XIV. Questions sur l'art. 37 de la loi du 11 brumaire an 7.

I. Le créancier hypothécaire, qui, avant la loi du 11 brumaire an 7, avait formé au bureau des Hypothèques, une opposition à la charge de laquelle un acquéreur avait fait sceller des lettres de ratification, a-t-il eu besoin, pour conserver son Hypothèque, de prendre une inscription dans les délais fixés par l'art. 37 de cette loi et par celle du 17 germinal suivant?

Le 24 janvier 1791, Alexis-Dominique Boistouzet décede, laissant une veuve et quatre enfans, Charles-François, Etiennette-Catherine, Joséphine - Irénée - Claire - Alexandrine et Françoise-Louise.

Le 4 juillet 1792, transaction entre la mère et les enfans. Par cet acte, Charles-François Boistouzet s'oblige de payer toutes les dettes de la succession du pêre commun. Il s'engage à payer des pensions à sa mère et à ses sœurs. Etil affecte à cette double obligation les terres de Loulans et d'Ornezans, qu'il possédait, non comme héritier de son père, mais en vertu d'une ancienne substitution de famille.

Le 5 juin 1793, les demoiselles Boistouzet forment une opposition aux Hypothèques sur Charles-François Boistouzet, leur frère.

Le 5 juillet suivant, Charles - François Boistouzet vend les terres de Loulans et d'Ornezans aux sieurs Barou et Saint-Didier, moyennant 1,000,000 livres.

Les acquéreurs prennent des lettres de ratification; elles sont scellées à la charge de l'opposition des demoiselles Boistouzet.

Le 21 nivóse an 7, les demoiselles Boistouzet prennent au bureau des Hypothèques une inscription contre Charles-François Boistouzet, à l'effet de conserver l'Hypothèque qui leur était acquise par le traité du 4 juillet 1792.

Le 12 et le 22 germinal suivant, les sieurs Delamalle et Legay, créanciers personnels de Barou, prennent contre lui des inscriptions, l'un pour une somme de 50,000 francs, l'autre pour une somme presque aussi considérable.

Les demoiselles Boistouzet, de leur côté, ne se contentent pas de l'inscription qu'elles avaient prise le 21 nivose an 7, contre leur frère ; le 8 messidor an 8, elles en prennent une seconde contre Barou et Saint-Didier pour le montant de leurs pensions; et le 20 fructidor suivant, elles en prennent contre eux une troisième, pour la somme de 75,000 francs, montant des dettes de la succession de leur père, desquelles elles sont garantes.

Le 30 prairial an 10, le sieur Barou vend au sieur Le Roi-Dallarde la moitié qui lui appartient des terres de Loulans et d'Ornezans, moyennant 200,000 francs. Ce contrat est transcrit, et il se trouve plusieurs inscriptions sur Barou, notamment celle des demoiselles Boistouzet, celle du sieur Delamalle, celle du sieur Legay.

Le 28 fructidor an 10, le sieur Saint-Didier vend au même l'autre moitié de la terre de Loulans, moyennant 200,000 francs; le contrat est transcrit, et il se trouve sur le veudeur deux seules inscriptions, celle des demoiselles Boistouzet, et une autre inscription prise par Pierre-Antoine Saint-Didier.

Le tout est notifié aux créanciers inscrits ; il ne survient aucune sur-enchère.

Les demoiselles Boistouzet provoquent l'or

dre, devant le tribunal civil de l'arrondissement de Vesoul.

Le 20 pluviose an 11, jugement, qui distinguant les créanciers communs et les créanciers personnels des deux acquéreurs, collo que 10. les demoiselles Boistouzet, comme créancières ayant Hypothèque sur la totalité de la terre, moitié sur le prix de la vente Barou, moitié sur le prix de la vente SaintDidier; 20. le sieur Delamalle sur le prix de la vente Barou; 30. le sieur Legay sur le même prix; 40. Pierre-Antoine Saint-Didier, après les demoiselles Boistouzet, sur le prix de la vente Saint-Didier.

Les sieurs Delamalle et Legay appellent de ce jugement.

Par arrêt du 7 fructidor an 11, la cour d'appel de Besançon commence par l'ordre du prix de la vente Barou, du 30 prairial an 10, et elle juge que les demoiselles Boistouzet n'ayant point pris d'inscription sur Barou dans le délai prescrit par la loi du 11 brumaire an 7, et n'ayant pris cette inscription que le 8 messidor an 8, doivent être colloquées après les sieurs Delamalle et Legay, qui avaient pris inscription les 12 et 22 germinal an 7.

Vient ensuite l'ordre du prix de la vente Saint-Didier, du 28 fructidor an 10. Dans cet ordre, l'arrêt colloque 10. Pierre - Antoine Saint-Didier, qui avait conservé son ancienne Hypothèque, par une inscription faite dans le delai utile ; 2o. les demoiselles Boistouzet, d'abord pour les dettes de la succession de leur père en principal, arrerages et frais, ensuite pour leurs pensions.

Le sieur Saint-Didier se pourvoit en cassation.

« Le premier moyen de cassation du demandeur (ai-je dit à l'audience de la section des requêtes, le 13 thermidor an 12) est dirige contre la disposition de l'arrêt du 7 fructidor an 11, qui accorde la préférence aux Hypothèques des sieurs Delamalle et Legay, créanciers personnels du sieur Barou sur celles des demoiselles Boistouzet, créancieres de Charles François Boistouzet, leur frere; et cela sur le fondement que les demoiselles Boistouzet n'avaient pas conserve l'ancien rang de leur Hypothèque, par des inscriptions prises dans les trois mois de la publication de la loi du 11 brumaire an 7, contre les sieurs Barou et Saint-Didier.

» A cette disposition, le demandeur oppose 1o. que, dans le fait, les demoiselles Boistouzet avaient pris, le 21 nivòse an 7, et par conséquent dans les trois mois de la publica tion de la loi 11 brumaire précédent, une ins cription sur le sieur Boistouzet, leur frère;

que, par-là, elles avaient conservé leur Hypothèque dans son rang primitif; qu'elles devaient en conséquence être colloquées avec les sieurs Delamalle et Legay, et qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel de Besançon a violé l'art. 37 de la loi du 11 brumaire; 2o. que, quand même les demoiselles Boistouzet n'auraient pris aucune inscription dans les trois mois de la publication de la loi du 11 brumaire, ou, ce qui est la même chose, quand leur inscription du 21 nivòse an 7 serait sans effet contre Barou et Saint-Didier, elles n'en auraient pas moins conservé leur Hypothèque primordiale sur ceux-ci, parcequ'elles avaient formé sur leur frère, le 4 juin 1793, une opposition au bureau des Hypothèques établi par l'édit de juin 1771; parceque les lettres de ratification de Barou et SaintDidier n'avaient été scellées qu'à la charge de cette opposition; parceque de cette double circonstance, l'art. 49 de la loi du 11 brumaire an faisait résulter en faveur des demoiselles Eoistouzet, la dispense d'une nouvelle inscription pour conserver leur Hypothèque.

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Ainsi, le premier moyen de cassation du demandeur se divise en deux branches; et il vous offre dans la première, la question de savoir si des lettres de ratification ayant été, avant la loi du 11 brumaire an 7, scellées à la charge de l'opposition d'un créancier hypothécaire du vendeur, ce créancier a pu conserver le rang de son Hypothèque, en prenant dans le délai fixé par l'art. 37 de la loi citée,uneinscription sur le vendeur lui-même; ou s'il n'a pas dû pour cela prendre une inscription sur l'acquéreur qui avait obtenu des lettres de ratification?

» Mais cette question, y a-t-il lieu de l'agiter devant vous? Il nous paraît évident que non: elle n'a pas été agitée devant la cour d'appel, la cour d'appel ne l'a donc pas jugée. Et pourquoi la cour d'appel ne l'a-t-elle pas jugée ? Pourquoi ne l'a-t-on pas agitée devant elle? Parceque les demoiselles Boistouzet n'avaient pas produit leur inscription du 21 nivóse an 7; parcequ'elles ne s'en étaient pas prévalues; parcequ'elles l'avaient tacitement abandonnée, sur le fondement sans doute qu'elles y ayaient reconnu quelque irrégularité.

» Le premier moyen de cassation du demandeur porte donc à faux dans sa première branche.

>> Examinons maintenant ce moyen dans sa seconde branche, et voyons si, par l'art. 49 de la loi du 11 brumaire an 7, les demoiselles Boistouzet étaient dispensées de prendre une inscription pour conserver le rang de l'Hypo

thèque à la charge de laquelle avaient été scellées les lettres de ratification des sieurs Barou et Saint-Didier.

» Que porte donc l'art. 49 de la loi du 11 brumaire an 7? Le voici : Il n'est rien innové pour les mutations antérieures à la présente, aux lois et usages qui auraient pu obliger le nouveau propriétaire à la représentation et au paiement de son prix, ni aux droits et actions des créanciers, soit pour l'exiger soit pour suivre l'immeuble dans les mains du tiers possesseur.

"A la lecture de cette disposition, une première idée se présente d'elle-même à l'esprit le moins attentif : c'est qu'elle ne dit ni expressément ni d'une manière implicite, ce que le demandeur prétend lui faire dire; c'est que, relativement aux créanciers hypothé caires dont les Hypothèques ont été précé demment conservées par des oppositions sur un nouvel acquéreur, elle ne déroge nulle ment à l'obligation que leur imposent les art. 37, 38 et 39, de prendre des inscriptions pour maintenir ces Hypothèques dans le rang que leur assignaient les lois anciennes ; c'est, en un mot, que dans l'art. 49, il n'est point du tout question du prétendu effet que l'on sup pose aux lettres de ratification précédemment scellées à la charge d'oppositions, de tenir lieu des inscriptions nouvelles qu'exigent les art. 37, 38 et 39.

>> Quel est donc l'objet de l'art. 49 ? Dans quel esprit a-t-il été fait ? Et quel a été l'intention du legislateur, en le rédigeant tel qu'il est conçu ? Nous l'apprendrons facilement, si nous voulons prendre la peine de remonter à sa généalogie.... (Icij'ai placé le déve. loppement dans lequel j'étais précédemment entré dans mon Recueil de Questions de droit, au mot Hypothèque, §. 6, pour établir que l'art. 49 de la loi du 11 brumaire an 7 n'avait pas eu d'autre objet que d' apposer une exception à l'art. 15 de la méme loi ).

a Comment donc a-t-on pu imaginer que, par cet article, le corps législatif avait voulu conserver le rang des Hypothèques à la charge desquelles avaient été précédemment scellées des lettres de ratification, sans que, pour cela, il fût nécessaire de prendre des inscriptions dans le délai déterminé par l'art. 37? Bien évidemment le corps législatif n'a pensé à rien de semblable en décrétant l'art. 49. II ne s'est occupé que d'une exception limitative de l'art. 15, et c'est à cette exception seule qu'il s'est attaché....

» Le quatrième moyen des demandeurs offre à votre examen la question de savoir si la disposition de l'art. 19 de la loi du 11

brumaire an 7, qui veut que les intérêts d'une créance hypothécaire ne soient colloques que pour deux ans au même rang que le principal, est applicable aux dont l'Hypothèque était antérieure à cette loi ?

créances

» Le demandeur soutient l'affirmative, et il attaque, sur ce fondement, la disposition de l'arrêt de la cour d'appel de Besançon du 7 fructidor an 11, qui, dans l'ordre du prix du domaine de Loulans, colloque les créanciers de feu Boistouzet père, non seulement pour les capitaux de leurs créances, mais encore pour tous les intérêts qui en étaient arriéres depuis plus de deux ans ; il prétend que, par-là, on a violé l'art. 19 de la loi du 11 brumaire an 7.

» Ce moyen de cassation serait décisif et sans réplique, s'il était ici question, ou d'arrérages et d'intérêts de créances qui n'eussent acquis Hypothèque que depuis la publication de la loi du 11 brumaire an 7; ou d'arrérages et d'intérêts échus depuis la même époque. Alors, en effet, le tribunal d'appel de Be sançon n'eût pas pu, sans contrevenir à l'art. 19 de cette loi, communiquer à plus de deux années de ces intérêts et arrérages, l'Hypotheque des capitaux qui les auraient pro

duits.

» Mais l'art. 19 de la loi du 11 brumaire an 7 ne dispose que pour les Hypothèques qui seront créées d'après les nouvelles règles qu'elle établit ; il ne s'occupe point des Hypothèques créées antérieurement : ce n'est que dans les art. 37 et suivans qu'il est question de cellesci. Or, ni par l'art. 37, ni par aucun de ceux qui le suivent, il n'est dit que les anciennes Hypothèques ne vaudront que pour deux années d'arrérages antérieurs; et non seulement ces articles ne le disent pas, mais même ils ne pourraient pas le dire sans rétroactivité.

» Le législateur était bien le maître, en fondant un nouveau régime hypothécaire, d'ordonner qu'à l'avenir l'Hypothèque que l'on acquerrait pour un capital, ne s'étendrait aux intérêts ou arrérages que jusqu'à la concurrence de deux années. Mais il ne pouvait pas toucher aux Hypothèques déjà existantes; il ne pouvait pas plus en diminuer les effets qu'il ne pouvait les éteindre absolument.

» Si donc, avant la loi du 11 brumaire an 7, l'Hypothèque donnée ou acquise pour le capital, s'étendait à toutes les années exigibles des intérêts ou arrérages échus, il n'y a nulle doute que les Hypothèques créées avant la loi du 11 brumaire an 7, et qui ont été conservées par les moyens indiqués par les art. 37 et suivans de cette loi, ne doivent

encore jouir du même avantage pour les intérêts et arérrages échus antérieurement.

» Or, quel était à cet égard l'état de la jurisprudence avant la loi du 11 brumaire an 7?

» Dans le droit romain, les intérêts conventionnels étaient toujours colloqués au même rang que l'obligation principale. Cela est prouvé par la loi 12, S. Sciendum, et par la loi 18, D. Qui potiores in pignoribus ; et sur ce fondement on n'avait jamais douté parmi nous, avant la loi du 11 brumaire an 7, que l'on ne dût étendre l'Hypothèque du capital d'une rente à tous ses arrérages, et celle d'une somme exigible à tous les intérêts qu'elle avait pu produire d'après des conventions légales.... (V. ci-devant,sect. 1, §. 11).

» La cour d'appel de Besançon n'a donc fait, en étendant à tous les arrérages et intérêts qui étaient dus aux créanciers de la succession Boistouzet, les Hypothèques acquises à ceux-ci avant la loi du 11 brumaire an 7, que se conformer à une règle du droit romain qui avait pour elle toute la force d'une loi proprement dite, et à une jurisprudence qui n'avait jamais varié depuis près de deux siècles.

» Nous ne pouvons donc que requérir la confirmation de son arrêt en cette partie....

» Par ces considérations nous estimons qu'il y a lieu de rejeter la requête des demandeurs....".

Par arrêt du 13 thermidor an 12, au rap port de M. Oudot,

<«< Attendu, sur le premier moyen, que le vœu de la loi du 11 brumaire an 7 est qu'une inscription soit faite sur le propriétaire des fonds hypothéqués à une créance pour la conservation de l'Hypothèque; que l'inscription faite à la requête des filles de Dominique Boistouzet, le 21 nivóse an 7, sur Charles Boistouzet, leur frère, ne pouvant avoir l'effet de leur conserver la date de leur Hypothèque sur le sieur Barou, propriétaire des biens hypothéqués, au préjudice des sieurs Delamalle et Legay, qui avaient eux-mêmes fait inscrire leur créance sur ledit Barou, l'arrêt attaqué, loin d'avoir contrevenu à la loi du 11 brumaire an 7,s'y est exactement conforme....; » Attendu, sur le quatrième moyen, qu'il s'agissait d'intérêts échus avant la promulga. tion de cette loi du 11 brumaire; et que d'ailleurs il n'y a point eu de contestation sur la quotité des ces intérêts ni en cause principale, ni en cause d'appel.... ;

» La cour rejette le pourvoi.... ». On voit que cet arrêt ne s'explique pas for. mellement sur la seconde branche du premier

moyen de cassation du sieur Barou ; mais il ne la condamne pas moins par son résultat. A l'égard du motif sur lequel il fonde le rejet de la première branche du même moyen, V. ci-après, art. 16, no. 2

II. Le privilége qui, à l'époque de la publication de la loi du 11 brumaire an 7, appartenait au vendeur d'un immeuble précédemment aliéné, s'est-il éteint, faute par celui-ci de l'avoir fait inscrire au bureau des Hypothèques dans le délai fixé par l'art. 37 ?

Cette question a été jugée pour l'affirmative par un arrêt de la cour de cassation, du 26 février 1806, qui est rapporté à l'article Garantie des créances, no. 3.

Elle l'avait été de même par un autre arrêt de la même cour, du 16 fructidor an 13 dont voici l'espèce.

En 1779, le sieur Platz vend au sieur Weilbrenna une maison située dans le Palatinat, et sur le prix de laquelle celui-ci reste débiteur d'une somme de 2,750 florins.

A défaut de paiement de cette somme, il poursuit l'expropriation forcée de la maison. Le 19 brumaire an 9, la dame Weilbrenna prend sur cette maison une inscription hypothécaire pour la conservation de ses apports.

Lesieur Platz prend également inscription, pour la conservation de son privilége, mais après la dame Weilbrenna.

Question de savoir laquelle des deux créances doit primer l'autre.

Jugement du tribunal civil du département du Mont-Tonnerre, qui prononce en faveur de la dame Weilbrenna.

Le sieur Platz appelle de ce jugement; et par arrêt du 9 fructidor an 11 la cour d'appel de Tréves,

« Attendu qu'il ne conste pas que Catherine Landemann (femme Weilbrenna) soit séparée de biens de son mari; qu'au contraire, elle a été défendue au tribunal de Mont-Tonnerre, par lui, comme poursuivant les droits de sa femme en cette cause; que la maison dont il s'agit, est un acquêt fait constant la communauté, et qu'elle est un effet de communauté;

» Que le vendeur a conservé une Hypotheque tacite du jour de la vente jusqu'au parfait paiement, conformément au §. 4, tit. 17, partie 2o, du droit statutaire palatin, ainsi conçu: un bien vendu restera tacitement hypothéqué au vendeur, jusqu'au parfait payement ;

Dit qu'il a été mal jugé.... ».

La dame Weilbrenna se pourvoit en cas

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