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CHAPITRE VI

⭑ CONFIRMATION DES DROITS DES PRÊTRES ET DEs laïques, ET RÉFUTATION DE L'OBSERVATEUR CATHOLIQUE.

L'Observateur catholique admet avec nous que « l'infaillibilité n'est donnée et n'a été promise qu'à l'Église : que les laïques font aussi bien partie de l'Église que les évêques, y compris le pape 1. » Cependant il refuse aux laïques et aux prêtres le droit de prononcer sur la foi. Il parle de Port-Royal, cite Arnauld et allègue le concile de 1801, célébré par l'Église constitution

nelle.

« Arnauld, dit l'Observateur 2, ne reconnaît comme nous qu'aux évêques le droit de parler et d'enseigner au nom de l'Église, et il refuse ce droit même aux prêtres; voici ses paroles : « Il n'y a, dit-il, que les

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évêques qui peuvent souscrire les décrets des conciles

« généraux 3. » Le texte porte doivent au lieu de peuvent, ce qui permet de supposer que d'autres que les évêques ont le droit de souscrire les décrets, mais que les évêques seuls y sont obligés.

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L'Observateur ajoute: «Arnauld ne veut pas même que le simple prêtre ait autorité dans le synode diocésain, où cependant l'on agite des questions qui l'inté– ressent directement : « Dans ces assemblées, les prêtres, « dit Arnauld, ne sont que consultés, et c'est l'évêque qui est le seul juge 1. » Quoiqu'aux deux citations il y ait le même renvoi, on ne trouve point celle-ci à la page, ni dans l'écrit dont l'autre est tirée.

Au reste, peu importe. On sait que Saint-Cyran, Arnauld, Nicole, ont exagéré le pouvoir épiscopal. La cause en est visible. La mission de Port-Royal était de combattre les doctrines corrompues des jésuites. Une partie de l'épiscopat l'appuyait ostensiblement. Le livre de la Fréquente communion, d'Arnauld, présente dix-neuf approbations d'archevêques ou d'évêques, et le Rituel d'Alet vingt-neuf. Les jésuites étant prêtres, et prêtres turbulents et insubordonnés, Port-Royal s'imaginait les accabler en exaltant l'évêque et abaissant, anéantissant devant lui le prêtre.

Les fauteurs du prélatisme étalent avec complaisance un passage d'Arnauld. Dans l'épître dédicatoire au pape Clément IX, de la Perpétuité de la foi, il parle ainsi : « Nous savons que tout ce que les théologiens particuliers peuvent contribuer par leurs travaux et par leurs écrits pour ramener au sein de l'Église ceux qui sont

1. CEuv., t. XXI, p. 104.

dans l'erreur, doit être attribué aux premiers pasteurs, c'est-à-dire aux évêques et surtout au souverain pontife qui conduit toute l'Église; car ils ne défendent pas la doctrine de l'Église en leur propre et privé nom, mais au nom de l'Église et de ses pasteurs, et surtout au nom et par l'autorité du prince des pasteurs, et ils ne doivent se regarder que comme des instruments dont ceux qui gouvernent veulent bien se servir. »

Quoiqu'un tel langage soit de lui-même condamné, je crois devoir rapporter les observations de Maultrot. << Tous ces textes, dit-il, sont propres à faire sentir l'inconvénient de ces compliments outrés qu'on regarde comme sans conséquence; ils fournissent des armes aux ennemis de la saine doctrine et de la hiérarchie; ils auraient eu beaucoup moins de danger dans les premiers siècles de l'Église, où les évêques, remplis d'humilité, étaient bien éloignés d'entreprendre sur les droits des pasteurs inférieurs. Qu'on ait fait ces mêmes compliments à la fin du dernier siècle, dans un temps où les évêques ne négligeaient rien pour ériger en dogme leur domination absolue, c'est ce qu'on ne peut pardonner à MM. de Port-Royal, si dignes d'ailleurs de toute vénération. Pesons tous ces mots au poids du sanctuaire, et on verra à quoi ils se réduisent.

« Tout ce que font les théologiens particuliers pour ramener les hérétiques par leurs soins et par leurs écrits, tout cela doit être attribué aux évêques et par

ticulièrement au pape, soit le travail même, soit le fruit du travail.

« Si on disait qu'en cela les théologiens particuliers font tout ce que devraient faire les évêques, on dirait vrai; si l'on disait qu'en cela les théologiens particuliers, rendant service à l'Église entière, en rendent par conséquent aux évêques, qui en sont les gouverneurs en chef, en leur facilitant le moyen de contenir les fidèles dans l'unité et d'y faire rentrer les hérétiques, on dirait vrai encore; mais malgré toute l'humilité du célèbre docteur, jamais je n'attribuerai à Clément IX, ni l'excellent ouvrage de la Perpétuité de la for, ni les heureux effets qu'il a produits; il n'y a pas plus de part que moi, et nous en profitons chacun dans notre ordre, moi en ce que je suis par là confirmé dans la foi de mes pères, lui comme chef visible de l'Église, en ce qu'il aura une plus grande facilité à

convaincre les calvinistes d'avoir abandonné l'ancienne doctrine sur la présence réelle de Jésus-Christ dans l'eucharistie. Vouloir que cet ouvrage soit attribué au pape, c'est vouloir qu'il en soit jugé l'auteur. Je ne vois rien, dans sa primauté, qui doive faire regarder comme des productions de son esprit tous les livres utiles à l'Église. Le succès d'un livre ne vient d'ailleurs ni de l'auteur, ni des évêques, ni du pape, mais du Père des esprits, qui les tourne où il veut et les ouvre aux vérités enseignées dans un livre. Cette vérité semble

avoir été oubliée pour faire place à un hommage excessif rendu au Pape et aux évêques.

« Ce n'est pas en leur nom que les théologiens particuliers défendent la doctrine de l'Église; c'est au nom, par l'autorité et la puissance de l'Église, de ses pasteurs et surtout du prince des pasteurs.

« Je soutiens, moi, que c'est en son nom que le célèbre docteur a fait et a dû faire l'ouvrage de la Perpétuité de la foi, et qu'il aurait dû le faire quand le pape et une grande partie des évêques s'y seraient opposés. Il était docteur en théologie; il avait juré sur l'autel des martyrs de verser son sang pour la défense de la vérité : c'était pour lui un devoir, et un devoir étroit, d'employer contre l'erreur les grands talents qu'il avait reçus de Dieu; il en avait le droit et l'autorité comme prêtre et comme docteur.

<< Veut-on absolument que cet ouvrage n'ait pu être fait que par l'autorité des pasteurs? Celle de l'archevêque de Paris ne suffisait-elle pas? En quel sens peut-il être vrai qu'un livre de controverse publié dans le diocèse de Paris par un docteur en théologie de la Faculté de Paris, n'a pu être fait qu'au nom, par l'autorité et la puissance du pape?

« Si on veut absolument faire intervenir l'autorité des pasteurs, pourquoi ne parler que des premiers? Un livre de controverse doit être fait au nom de tous les pasteurs qui sont chargés de l'enseignement. Les

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