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dans la politique, intérieurement à Dieu. Envahissant tous les pouvoirs civils, elle était devenue le seul pouvoir en Europe. C'est personnifié dans les papes que ce pouvoir agit avec toute son énergie et qu'il broya le monde de la chute. Pas plus assemblée que dispersée, l'Église n'aurait trouvé l'audace salutaire qu'ils déployèrent. Aurait-elle déclaré, comme Grégoire VII, que la puissance séculière est l'œuvre de Satan? comme Boniface VIII, qu'elle est établie sur les nations et sur les royaumes pour arracher et pour détruire, pour perdre et pour dissiper, pour édifier et pour planter ? Voilà cependant la vérité même dans ces apparentes et si révoltantes, si formidables excentricités! Serait-elle entrée dans les puissances et les fureurs du Très-Haut, afin d'abattre la cité du mal et délivrer celle du bien? Prendre à tels princes les royaumes, les jeter à tels autres, les tenir tous dans la crainte continuelle d'être dépossédés, dans l'idée qu'ils ne sont que des commissaires du vicaire de Dieu, n'est-ce pas relever les peuples à Dieu, rompre l'intermédiaire de l'autorité publique qui se plaçait entre eux et lui? En mettant le pied sur le corps des monarques au nom de Dieu, les papes reportaient la souveraineté sociale dans la souveraineté divine.

Ne dites pas que les papes ne font que mettre leur pouvoir à la place de celui qu'ils détruisent, se constituer intermédiaires entre les peuples et Dieu; ce pouvoir emprunté et surnaturel n'est que provisoire, et

reporte sans cesse la pensée vers la source d'où il dérive, du vicaire de Jésus-Christ, revêtu de l'humanité, à Jésus-Christ, éternelle Raison.

Rappelons-nous encore que les peuples du Nord, par qui l'empire romain fut démembré, créèrent une multitude d'États indépendants, et que sans une puissance qui les dominât, ils auraient anéanti l'association européenne, ébauchée par l'empire dans le paganisme, et que le christianisme devait achever sur des principes évangéliques. Les papes, déployant sur eux leur despotisme, les forcèrent de se rapprocher, leur imprimèrent les mêmes dispositions sociales, et produisirent ce qu'on appelle la chrétienté. Comme si cette dictature n'eût pas suffi, le mahométisme vint par l'épouvante resserrer les liens. En lançant contre lui l'Europe, les papes la sauvèrent de son mortel ennemi, et en la sauvant l'unifièrent davantage. Son unité se trempa à la double terreur papale et musulmane. La nouvelle Rome, comme l'ancienne et pour la détruire, emporta l'Europe. Plus les papes furent hautains, audacieux, intraitables, mieux ils la servirent par une mise en état de siége pendant trois ou quatre cents ans. Elle n'eut d'autres lois que leur volonté. Toute autre ville sembla disparaître, Rome s'appela par emphase la ville, Urbs, comme le centre des affaires. Voilà comment ils ont foudroyé, pulvérisé le monde de la chute. Comme Moïse, ils ont tiré le peuple chrétien de la maison de

servitude. Pendant trois siècles, ils l'ont forgé dans le désert du moyen âge. Il a vécu surnaturellement aussi, comme les Juifs dans le désert. L'épouvante et la mort marchèrent à côté des papes comme leurs officiers, ainsi qu'à côté de Moïse.

⭑ UNION ESSENTIELLE DES POUVOIRS GOUVERNEMENTAUX ET DES POUVOIRS RÉGÉNÉRATEURS1.

Refusez aux laïques et aux prêtres le droit d'enseigner, de gouverner, vous brisez à leur égard le droit commun qui les constitue en société avec les évêques, et vous dissolvez l'Église. Effectivement, aucun catholique n'est exclu du pouvoir précatoire, ni du sacerdoce ni du gouvernement. Tous coopèrent à sanctifier le monde, et à instruire et régir l'Église. Le pouvoir précatoire, l'un des deux pouvoirs sanctificateurs, agit sans cesse dans le gouvernement; car si le dogme se conserve, s'éclaircit, si la discipline se soutient ou se réforme, si des pontifes vertueux, éclairés, savants, sont nommés, ne le doit-on pas avant tout aux supplications des saints? De même, les pouvoirs gouvernementaux se mêlent continuellement à la sanctification, puisque les pouvoirs sanctificateurs, spécialement le sacerdoce (extérieur), suivent des règles sous l'au

4. Nous intercalons ici ce fragment isolé.

ÉD.

torité de l'Église. Qu'un membre tombe, les autres tombent en quelque sorte avec lui, étant privés de ses oraisons et de ses exemples. Ne nous lassons point de le répéter: Quelle vaste, quelle ineffable, quelle divine unité ! Quelle divine unité dans les pouvoirs régénérateurs! Quelle divine unité dans les pouvoirs gouvernementaux ! Quelle divine unité dans les pouvoirs gouvernementaux et régénérateurs ensemble!

FIN DU LIVRE QUATRIÈME.

CONCLUSION

De tout ce que nous venons de dire, que reste-t-il établi ?

C'est que l'Église a deux pouvoirs : l'un intérieur, exercé par les saints vivants et morts et par les esprits célestes; l'autre extérieur, exercé par tous les fidèles vivants.

Le pouvoir extérieur a plusieurs degrés, qui forment en lui trois pouvoirs : l'épiscopat, la prêtrise, le laïcisme. L'épiscopat, la prêtrise, le laïcisme régénèrent l'homme, ou gouvernent l'Église.

Quand ils régénèrent l'homme, ils confèrent les sacrements. L'épiscopat les confère tous; la prêtrise en confère six; le laïcisme, un.

Quand ils gouvernent l'Église, ils enseignent, ils prononcent sur la doctrine; ils portent ou abrogent les règles de discipline; ils établissent, ils déposent, ils jugent les pasteurs; ils administrent. Chacun des trois pouvoirs y participe, dans la proportion qu'il confère les sacrements.

Parmi les évêques, il en existe un qui est chargé

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