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maison de Dieu d'avec ceux qui sont dans cette maison, il dit que c'est la maison qui a reçu les clefs et le pouvoir de lier, et que si quelqu'un méprise cette maison lorsqu'elle le reprend et le châtie, il doit être regardé comme un païen et un publicain; paroles que Bède, Hincmar et le concile de Bâle ont empruntées de ce saint docteur pour exprimer le pouvoir de l'Église1?

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Or, quoiqu'il soit vrai que les justes ont part à tout par leurs prières, même à la punition que l'Église fait des pécheurs pour les sauver, il semble que les paroles de ce saint docteur ne peuvent être entendues dans un sens plein et parfait, à moins qu'on ne conçoive que tout le corps de l'Église que saint Augustin regarde comme étant proprement composé des justes, liés entre eux et avec les méchants dans une même communion, que ce corps, dis-je, tout entier possède la propriété et le fonds de la puissance des clefs dont l'exercice juridique est confié aux pasteurs, et que c'est le corps qui agit par ces ministres, quant aux fonctions extérieures d'autorité, comme il agit par les saints auprès de Dieu pour obtenir par de ferventes prières que la grâce accompagne ces fonctions et que les châtiments même deviennent salutaires.

4. Domus Dei... quæ unica columba appellatur... Quæ domus etiam claves accepit ac potestatem solvendi et ligandi. Hanc domum si quis corripientem corrigentemque contempserit, sit tibi, inquit, tanquam ethnicus et publicanus. De Bapt., 1. VI, c. 51.

« C'est à quoi nous conduit, comme nous l'avons vu, l'idée de l'Église considérée comme république sacrée, ou comme épouse de Jésus-Christ. Mais c'est ce que l'on comprendra peut-être plus distinctement en suivant l'ouverture que nous donne saint Augustin dans un des passages que je viens de citer, qui est qu'il faut s'adresser aux prêtres, afin de garder l'ordre des membres du corps de l'Église.

« Il faut donc regarder l'Église comme un corps dont le Saint-Esprit est l'âme, et Jésus-Christ le chef. Il ne se fait rien d'utile dans ce corps qui ne doive être attribué à tout le corps et à quoi tous les membres vivants ne coopèrent, mais en différentes manières, chacun selon la place qu'ils occupent, par les fonctions auxquelles ils sont destinés, et suivant les mouvements du SaintEsprit qui les y applique.

«Le ministère des clefs est donné aux pasteurs comme membres de ce corps, et la fonction qui leur est propre ne convient point aux simples fidèles; mais les fidèles ont une autre fonction qui n'est pas moins importante, ni en un sens moins efficace, qui consiste à gémir. C'est le corps qui prie par les uns et qui juge par les autres; c'est à ce corps que convient le pouvoir de lier et de délier; mais pouvoir qu'il exerce par les seuls pasteurs, quant aux actes de juridiction, et par tout ce qu'il renferme de saints pasteurs et de chrétiens unis entre eux par la charité, quant aux prières qui

obtiennent que Dieu ratifie dans le ciel et rende utile à notre salut le jugement qui est prononcé sur la terre. Voilà, ce me semble, les vues qu'il est bon de réunir, pour bien entendre ce que saint Augustin nous inculque partout que les clefs ont été données à toute l'Église 1.

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Puisque dans ces passages saint Augustin attribue l'absolution, non-seulement aux pontifes, mais encore à l'Église, il est clair que lorsqu'il dit que les clefs ont été données à l'Église, il entend quelque chose de plus que les quatre premiers sens et que le sixième ou le pouvoir précatoire des saints. Cependant il n'en résulte pas que l'Église ait la propriété des clefs sans l'usage, ni les pasteurs l'usage sans la propriété. Car de ce que l'Église aurait la propriété du sacerdoce, mais n'en aula propriété, comprend-on qu'il fallùt lui rapporter l'exercice accompli par les pasteurs?

rait que

Et, les pasteurs ayant seuls l'exercice du sacerdoce, serait-il plus concevable qu'on dût mettre la propriété dans l'Église? Saint Augustin disant qu'absoudre est le ministère de l'Église, demande une autre explica

tion.

1. Renversement des libertés de l'Église gallic., t. I, p. 359.

CHAPITRE III

L'ÉGLISE A UN USAGE DES CLEFS.

Que l'Église ait un usage des clefs, c'est ce qui est formellement énoncé dans la 90° proposition de Quesnel, et soutenu par lui, par Legros et par tous ceux qui défendent cette proposition. La voici encore : C'est l'Église qui a l'autorité d'excommunier pour l'exercer par les premiers pasteurs, du consentement au moins présumé de tout le corps. »

« N'est-on pas obligé, dit Quesnel, non-seulement de présumer, mais même de croire que si le ministre exerce légitimement l'autorité qu'il a reçue de l'Église, l'Église y consent; comme, au contraire, si on savait que l'Église ne dût pas ratifier l'usage que son ministre fait de son autorité, il en faudrait conclure que l'usage n'a pas été légitime?

« Je n'avais rien avancé là que je ne puisse autoriser par les paroles du pape saint Innocent Ir. Ce pape, dans sa lettre décrétale écrite à Décentius, évêque d'Eugubio, s'élève contre la nouveauté de quelques prêtres ou évêques, qui se donnaient les uns aux autres la paix avant la célébration des saints mystères, au lieu de se

la donner après qu'ils étaient achevés. La raison qu'avait ce pape de s'opposer à ce renversement d'ordre, « c'est, dit-il, qu'il faut nécessairement faire donner la

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paix après qu'on a achevé les choses que je ne dois «< pas découvrir (c'est l'oblation du sacrifice de l'eucharistie), afin que par la paix il soit constant que le peuple a donné son consentement à tout ce qui se « célèbre dans l'Église, et que le baiser de paix soit «< comme le sceau qui fasse voir que tout est fini et ter«< miné1. »

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« A quoi pensait-il ce saint pape de parler du consentement du peuple pour la célébration des saints mystères? Il ne se contentait pas de présumer que les fidèles avaient ratifié par leur présence et en répondant amen à la bénédiction eucharistique, comme saint Paul nous l'insinue, ce que le prêtre avait fait à l'autel et dont le pape n'osait parler clairement; il voulait que l'aveu et le consentement des fidèles fût solennellement et publiquement marqué par le baiser de paix. Assurément, je n'en ai pas tant dit, lorsque j'ai parlé du consentement présumé du corps de l'Église dans l'usage que ses ministres font de son autorité, quand ils le font selon ses règles et dans son esprit...

« Je ne sais comment serait faite la conscience d'un évêque ou d'un autre supérieur, qui prononcerait une

1. Ep. ad Dec., cap. 1.

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