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vainqueurs des approvisionnements de guerre immenses. Dans l'arsénal de Turin seul on trouva 1,800 pièces de canon,100,000 fusils, etc. Joubert, que six ans auparavant le roi Emmanuel avait fait jeter en prison, conserva pour le monarque vaincu des égards pleins de délicatesse et de générosité. Emmanuel voulut lui marquer sa reconnaissance, et lui offrit quelques tableaux d'un grand prix: « Nous serions tous les deux coupables, lui dit Joubert, vous en me les donnant, moi en les acceptant. » Lorsque, en janvier 1799, le Directoire voulut réformer les abus commis par plusieurs généraux dans les pays conquis, il trouva une grande résistance dans les états-majors. Championnet même, qui commandait à Naples, osa chasser les commissaires civils qui avaient ordre de faire cesser l'incroyable gaspillage des fonds prélevés au nom de la république française. Le Directoire ne faiblit pas, et destitua Championnet malgré l'éclat de ses dernières victoires. Le brave Joubert se persuada que l'honneur militaire était atteint par les arrêtés du Directoire, et ne voulut pas conserver le commandement aux conditions nouvelles prescrites aux généraux: il donna sa démission; elle fut acceptée. Bernadotte refusa de succéder à Joubert, parles mêmes motifs. Scherer, ministre de la guerre, fut alors nommé général en chef de l'armée d'Italie presque malgré lui. Le sort des batailles se déclara en effet contre lui, et bientôt l'armée française, battue à Magnano, puis sur les bords de la Trebbia, fut expulsée de l'Italie. Le vieux Scherer en avait remis la direction à Moreau; mais toute l'habileté de ce grand général ne put aboutir qu'à une glorieuse retraite. Le Directoire ayant été renouvelé (le 18 juin 1799, 30 prairial an vii), les nouveaux directeurs sentirent le besoin de ranimer le moral des soldats par un de leurs généraux les plus aimés, et Joubert fut réintégré dans le commandement supérieur (1). Moreau reçut l'ordre d'attendre son arrivée, et manqua ainsi l'occasion de reprendre l'offensive avec avantage.

« Joubert, dit M. Thiers, qu'on avait voulu, par un mariage et des caresses, attacher au parti qui projetait une réorganisation, perdit un mois entier (2), celui de messidor (juin et juillet), à célébrer ses noces (avec Mlle de Montholon), et manqua ainsi une occasion décisive. On ne l'attacha pas réellement au parti dont on voulait le faire l'appui; car il resta dévoué aux patriotes,

(1) On a pensé que cette faveur apparente du Directoire avait été l'effet d'une intrigue. Il paraît qu'en l'absence de Bonaparte ceux qui voulaient à tout prix la chute des Directeurs, ayant trouvé dans la faiblesse de Moreau un obstacle à ce qu'il se saisit du pouvoir, parvinrent à procurer un grand commandement à Joubert pour préparer les esprits à voir bientôt ce général à la tête du gouvernement. Quoi qu'il en soit, rien n'indique que Joubert se soit prêté à ces machinations.

(2) Quelques autres historiens ont écrit que Joubert, marié le 30 messidor (18 juillet), ne resta que six jours auprès de sa jeune épouse. Il l'aurait quittée le 6 vendémiaire à Pont-de-Vaux, et serait arrivé le 15 à Gènes.

et on lui fit perdre inutilement un temps précieux. Il partit en disant à sa jeune épouse : « Tu me reverras mort ou victorieux. » Il emporta en effet la résolution héroïque de vaincre ou de mourir. Ce noble jeune homme, en arrivant à l'armée dans le milieu de thermidor (premiers jours d'août)), témoigna la plus grande déférence au maître consommé auquel on l'appelait à succéder. Il le pria de rester auprès de lui pour lui donner des conseils. Moreau, tout aussi généreux que le jeune général, voulut bien assister à sa première bataille et l'aider de ses conseils : noble et touchante confraternité, qui honore les vertus de nos généraux républicains, et qui appartient à un temps où le zèle patriotique l'emportait encore sur l'ambition dans le cœur de nos guerriers. »

recrues

:

Sans perdre un instant Joubert se porta vers les montagnes du Montferrat, qu'il traversa avec 20,000 hommes, s'empara d'Acqui, où il trouva les vivres des Austro-Russes, et opéra sa jonction avec les débris de l'armée de Naples, ramenés par Championnet. Ses forces s'élevèrent alors à 40,000 hommes, parmi lesquels beaucoup de il avait devant lui 70,000 hommes aguerris et victorieux; car le général russe Souwarow venait d'opérer sa jonction avec Kray et 20,000 Autrichiens. Alexandrie et Mantoue venaient de se rendre (22 et 30 juillet). Joubert résolut, mais trop tard, de se retirer dans les gorges des Apennins et d'attendre des renforts en restant sur la défensive. Le 28 thermidor (15 août 1799), dès cinq heures du matin, Souwarow attaqua les positions françaises avec son impétuosité accoutumée : il n'était plus temps de refuser la bataille. Joubert, sans nécessité reconnue, se jeta témérairement au milieu des tirailleurs; il était à cheval, le bras droit levé et le sabre à la main, lorsqu'une balle le frappa sous l'aisselle et pénétra jusqu'au cœur. En tombant il criait encore à ses soldats : « En avant, mes amis! en avant! marchez toujours! » Puis il dit au colonel Drave, un de ses aides de camp: << Prenez mon sabre, tirez-moi par les jambes et couvrez-moi; que les Russes me croient encore avec vous.» Moreau prit aussitôt le commandement. La mort de Joubert pouvait jeter le désordre dans l'armée: elle ne fit que rendre le combat plus furieux; les Austro-Russes furent culbutés une première fois sur toute la ligne; mais, revenant à la charge, après douze heures d'extermination, ils forcèrent les Français à abandonner le champ de bataille dans le plus grand désordre.

Les membres du corps législatif portèrent le deuil de Joubert durant cinq jours, et une fête funèbre fut célébrée en son honneur. Le Conseil des Anciens déclara qu'il avait bien mérité de la patrie. Son corps, transporté plus tard à Toulon, fut déposé par ordre du premier consul dans le fort Lamalgue, qui prit dès lors le nom de fort Joubert. Sa statue avait été placée dans le grand

escalier du sénat; elle en fut retirée sous la restauration (1). Un monument, que les habitants du département de l'Ain lui avaient fait élever à Bourg, fut démoli à la même époque; mais depuis 1852 une nouvelle statue du valeureux général républicain décore la façade extérieure du Carrousel du côté de la rue de Rivoli. Son éloge a été prononcé dans les assemblées législatives par Chénier, Garat, Riboud et Lamarque. Joubert était grand et maigre; il semblait d'une faible constitution; il l'avait mise à l'épreuve des grandes fatigues dans les Alpes, et s'y était endurci. Intrépide, vigilant, actif, il réunissait aux plus grands talents militaires toutes les vertus du citoyen: simple et sans faste, plein de douceur et de bonté, il était bienfaisant et désinterressé autant que brave. Admiré de tous les partis, il ne s'était lié à aucun. La gloire et le bonheur de sa patrie étaient son unique but, et tous ses efforts tendaient à établir la république sur des bases inébranlables. H. LESUEUR.

Moniteur universel: an IV, nos 218; an v, no 131, 155, 272, 326; an vI, 73, 83, 132, 271, 296, 334, 339, 350; an vIL, 24, 50, 54, 85, 90, 91, 97, 115, 121, 153, 220, 272, 288, 295, 335, 340, 842-345, 347, 349, 354, 357, 363. - Victoires et Conquêtes des Français, passim. Thiers, Histoire de la Révolution française, t. VII et VIII. Arnault, Jay, Jouy et Norvins, Biographie nouvelle des Contemporains (1823). — C.-A. Hallot, dans l'Encyclopédie des Cens du Monde. — Jos.-Jér. Lefrancois de Lalande, Notice sur le général B.-C. Joubert. - Las Cases, Mémorial de Sainte-Hélène, t. V, p. 393-394. - Léonard Gallois, Biographie des Contemporains par Napoléon. De Courcelles, Dict. historique des Généraux français. D.-J. Garat, Éloge funèbre de Barth.-Cath. Joubert; Paris, 1799, in-8°. Thomas Riboud; idem, ibidem. Sonthonax, id., ibid. — Joseph Lavallée, id., Paris, 1800, in-8°. P.-J.-E.-V. Guilbert, Notice sur la Vie de Barth.-Cath. Joubert, général en chef de l'armée d'ltalie; Rouen, 1799, in-12.

JOUBERT DE LA SALETTE (Pierre-Jean), général et musicien français, né à Grenoble en 1762, mort en 1832. Il entra fort jeune comme officier dans le régiment de La Fère; il était lieutenant-colonel en 1792, et mérita par sa conduite pendant les guerres de la révolution, le grade de général de brigade, puis celui d'inspecteur de l'artillerie. Il prit de bonne heure sa retraite, et se livra tout entier à la musique, vers laquelle son goût l'entraînait. Un nouveau système de notation musicale, consistant à substituer des lettres aux notes, et l'art d'accorder les instruments à clavier, furent de sa part l'objet de sérieuses études; il soutenait le principe de l'égalité des demi-tons. Ses théories furent attaquées par Chladni, dans la Gazette Musicale de Leipzig ( avril 1825, no 40), et par le savant de Prony dans le Bulletin des Sciences technologiques (juillet 1825, p. 42 ). L'ouvrage qu'il donna, en 1810, sur la musique ancienne et moderne, est plein de recherches, et, bien qu'on lui ait reproché de grossières bévues dans la partie qui concerne le moyen âge, on s'est ac

(1)« Il était fait, dit Napoléon, pour arriver à une grande renommée militaire; mais il n'avait pas encore acquis toute l'expérience nécessaire. »

cordé à lui reconnaître de l'érudition et de la sagacité. Il était membre de la Société Asiatique et de celle des Sciences et Arts de Grenoble.

On a de lui: Nouvelle Méthode d'accorder les Clavecins, et en général tous les Instruments à demi-tons fixes (inséré dans le Recueil des Connaissances élémentaires pour le Forté-Piano de Ricci); Paris, 1786; - Sténographie Musicale, ou manière abrégée d'écrire la musique, à l'usage des compositeurs et des imprimeurs; Paris, 1805, in-8°; Considérations sur les divers Systèmes de la Musique ancienne et moderne, et sur le genre enharmonique des Grecs, avec une Dissertation préliminaire relative à l'Origine du Chant, de la Lyre et de la Flûte attribuée à Pan; Paris, 1810, 2 vol. in-8°;

Lettre à

M. le rapporteur de la commission chargée par la seconde classe de l'Institut de France d'examiner les mémoires concernant le prix proposé sur les Difficultés qui s'opposent à l'introduction d'un rhythme régulier dans la versification française; Paris, 1815, in-8° (extr. du Magasin Encyclop.). De la Notation Musicale en général, et en particulier de celle du système grec; Paris, 1817, in-8° (extr. du même recueil); De la Fixité et de l'Invariabilité des Sons musicaux, et de quelques Recherches à faire à ce sujet dans les écrivains orientaux; Paris, 1824, in-8°. A. ROCHAS.

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Fétis, Biographie univ. des Musiciens. Quérard, La France Littéraire. Rochas, Biographie du Dauphiné. JOUBERT (Joseph ), moraliste français, né à Montignac (Périgord), le 6 mai 1734, mort à Paris, le 4 mai 1824. Fils aîné d'un médecin et destiné au barreau, il alla achever ses études à Toulouse. Les Pères de la Doctrine chrétienne l'attirèrent dans leur collége. Il y resta jusqu'à l'âge de vingt-deux ans, sans prononcer de vœux, chargé du professorat des basses classes, et s'initiant, sous la direction des vieux maîtres de la Doctrine, aux secrets de l'antiquité grecque et latine. Sa santé ne suffisant pas aux travaux de l'enseignement, il quitta Toulouse, et, après avoir passé deux ans dans sa famille, il se rendit à Paris au commencement de 1778. Il se lia avec Marmontel, La Harpe, d'Alembert, et fut admis dans la familiarité de Diderot, dont la bonhomie et l'originalité le charmèrent. Une amitié plus intime et plus durable l'unit bientôt à Fontanes. Ces deux esprits distingués ne s'accordaient pas dans leurs admirations littéraires. Tandis que Fontanes, plus classique, craignait de s'écarter des modèles français du dix-septième et du dix-huitième siècle, Joubert, plus hardi, parlait de Shakspeare avec enthousiasme. Cette différence d'idées n'altéra en rien leur intimité, et, en 1788, Joubert, profitant d'un séjour de quelques mois à Villeneuve-le-Roi en Bourgogne, ménagea à son ami un riche mariage. Luimême songeait à s'établir dans cette petite ville

lorsque en 1790 ses compatriotes le rappelèrent à Montignac en l'élisant juge de paix. Il remplit ces fonctions, si difficiles dans des temps de troubles, avec une extrême sollicitude; mais, les trouvant trop pénibles pour sa santé, il refusa de les continuer plus de deux ans, et alla chercher à Villeneuve un abri contre la tourmente révolutionnaire. Il s'y maria, et au milieu des terribles agitations dont le bruit arrivait jusque dans sa paisible retraite, il poursuivit des recherches de philosophie morale dès longtemps commencées et qui l'occupèrent toute sa vie. Vers le même temps les troubles politiques amenèrent près de lui une femme jeune encore, de l'esprit le plus noble et le plus délicat, cruellement frappée dans sa famille et atteinte dans sa santé. Mme de Beaumont, dont le nom se rattache aux dernières pages d'André Chénier et aux débuts de Châteaubriand, exerça une vive influence sur son talent. « Ce qu'elle lui inspirait, dit M. SainteBeuve, serait difficile à définir : c'était une sollicitude active et tendre, perpétuelle, sans orage et sans trouble, pleine de chaleur, pleine de rayons. Cet esprit trop vif, qui ne savait pas marcher lentement, aimait à voler et à s'élever près d'elle. Il avait, comme il le dit, l'esprit « frileux »; il aimait qu'il fit tiède et doux autour de lui; il trouvait auprès d'elle cette sérénité et cette chaleur d'affection, et il y puisait la force et l'indulgence. » Aussitôt que l'agitation politique se fut calmée, Mme de Beaumont revint à Paris, et son salon rassembla une société dont les membres les plus fidèles étaient MM. Pasquier, Molé, de Vintimille, Chênedollé, Gueneau de Mussy, Mmes Krudner, de-Duras. Joubert, un des hôtes de ce cercle choisi, y introduisit d'abord Fontanes, puis Châteaubriand, que Fontanes lui avait fait connaître, et dont il devint le conseiller éclairé et l'admirateur affectueux. La mort de Mme de Beaumont, en 1803, laissa un grand vide dans son existence; son ardeur littéraire, qui n'avait jamais été bien vive, en fut tout à fait ralentie. Il continua de méditer, et se découragea d'écrire. En 1809, Fontanes, grandmaître de l'université, le porta, après MM. de Bonald et de Bausset, sur la liste des conseillers et des inspecteurs généraux. En le proposant à l'empereur, il ajoutait : « Ce nom est moins connu que les deux précédents, et c'est cependant le choix auquel j'attache le plus d'importance. M. Joubert est mon ami depuis trente ans. C'est le compagnon de ma vie, le confident de toutes mes pensées. Son âme et son esprit sont de la plus haute élévation. » Appelé pour la seconde fois, et sans l'avoir désiré, à des fonctions publiques, Joubert s'y dévoua entièrement. Il allait même jusqu'à négliger ses sujets de causerie habituelle pour ne plus s'entretenir que d'enseignement, de professeurs, de lycée: ce qui faisait dire à Mme de Châteaubriand :

L'ennui naquit un jour de l'université. La Restauration satisfit les idées de Joubert,

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sans éveiller ses passions, et quoique diverses circonstances le fixassent dans un monde tout royaliste, les vivacités de la politique n'altérèrent point la sérénité de son intelligence et la bienveillance de son commerce. « Il eut le rare bonheur, dit M. Raynal, d'arriver au terme de la vie sans avoir perdu une des amitiés formées pendant la route. » Dans les premiers mois de 1824, ses indispositions habituelles s'aggravèrent, et le 22 mars il écrivit à la fin de son journal ces derniers mots qui résument sa vie : le vrai, le beau, le juste, le saint ». Il n'avait publié que quelques articles de journaux; mais il laissait de nombreux manuscrits. Sa veuve les confia à Châteaubriand, qui en tira un volume de Pensées. Ce volume, qui n'était point destiné au public, obtint un vif succès dans le cercle restreint où il fut répandu. Une édition beaucoup plus complète parut par les soins de M. Paul Raynal, neveu de l'auteur : Pensées, Essais, Maximes et Correspondance; Paris, 1842, 2 vol. in-8°. Une troisième édition, encore augmentée, a été publiée en 1849. Malgré ce succès, les Pensées de Joubert ne paraissent pas destinées à la popularité; mais, pour une certaine classe de lecteurs, elles forment un livre original, charmant, quoique trop subtil, et qui restera. L. J.

Paul Raynal, Notice sur Joubert, en tête de ses Pensées. Sainte-Beuve, Portraits Littéraires, t. II. — Causeries du lundi, t. I.

JOUBERT (Arnaud), magistrat français, frère du précédent, né à Montignac, en 1768, mort le 20 juillet 1854. Il comptait douze ans de services judiciaires lorsqu'il entra à la cour de cassation, en 1813, avec les fonctions d'avocat général. Il conserva ces fonctions jusqu'au 6 août 1832, époque à laquelle il fut nommé conseiller. Il prit sa retraite en 1849. « Cette vie modeste, obligeante et dévouée, étrangère aux ambitions politiques, s'était fait, dit M. de Royer, un cercle d'affections intimes et distinguées, parmi lesquelles les noms de Châteaubriand et de Fontanes se rencontrent à côté de celui de son frère. » Après la mort de ce frère, << sa grande préoccupation, dit M. F. Barrière, fut la publication des Pensées et des Fragments qu'il avait laissés. Un premier choix, encore incomplet, fut d'abord imprimé pour un petit nombre d'amis par les soins d'un glorieux éditeur, M. de Châteaubriand; mais bien des recherches restaient encore à exploiter, et il fallait une publicité plus étendue. M. Joubert en chargea son gendre, M. Paul Raynal, et le livre publié en 1842 montra qu'il avait dignement placé sa confiance. Quelques années après, privé par une mort prématurée de ce gendre si cher, M. Joubert, à plus de quatre-vingts ans, se vit forcé de présider lui-même à une nouvelle édition devenue nécessaire. >> On a de lui: Notice historique sur Jos. Joubert, ancien inspecteur général de l'Université; Paris 1824, in-8°. J. V,

F. Barrière, Nécrologie dans le Journal des Débats,
des 16 et 17 août 185. M. de Royer, Discours de ren-
trée de la Cour de Cassation, le 3 novembre 1854.

JOUBERT (Joseph - Antoine - René, vi-
comte), général français, né le 11 novembre
1772, à Angers, mort le 23 avril 1843 à Paris.
Volontaire de 1791 au 2o bataillon de Maine-et-
Loire, il franchit rapidement les grades in-
férieurs, fit les campagnes de l'armée du nord,
et fut envoyé en Italie avec l'épaulette de lieute-
nant. A Rivoli, à la tête de 50 hommes de la
85€ demi-brigade, il surprit un corps de 2,000
Autrichiens, qu'il emmena prisonniers; cette ac-
tion d'éclat lui valut un sabre d'honneur et le
grade de capitaine (an vi). En Égypte, il se dis-
tingua de nouveau aux batailles de Chébréiss et
des Pyramides, passa dans le régiment des dro-
madaires, fut blessé de deux coups de feu devant
le fort d'El-Arisch, et combattit avec la plus
grande valeur à Aboukir et à Héliopolis. Nommé
successivement aide-de-camp du général La-
grange (an Ix), chef de bataillon (an x') et offi-
cier de la Légion d'Honneur (an XII), il fit, à la
grande armée, les campagnes d'Autriche, de
Prusse et de Pologne, devint colonel le 20 jan-
vier 1806, et prit une part importante aux ba-
tailles de Friedland, d'Eckmühl et de Wagram;
blessé à cette dernière journée, il reçut en ré-
compense le titre de baron (1809). Deux ans
plus tard, il était promu général de brigade
(6 août 1811). En cette qualité il commanda en
Russie, contribua à la prise de Smolensk, fit à
Lutzen des prodiges de valeur, et se replia sur
le Rhin avec les débris du sixième corps. Durant
la campagne de France, il donna de nouvelles
preuves de son intrépidité, à Brienne et à Mont-
mirail. La Restauration conserva le général
Joubert dans le cadre d'activité. D'abord inspec-
teur géneral d'infanterie, il commanda ensuite les
département du Morbihan et d'Ille-et-Vilaine. En
1835 il fut admis à la retraite. Il tenait son titre
de vicomte du roi Louis XVIII. P. LOUISY.

Victoires et Conquêtes. Fastes de la Legion
d'Honneur. — Moniteur de l'Armée. - Pascal, Les Bul-
letins de la Grande Armée.

JOUENNEAUX ( Guy), grammairien et théo-
logien français, né dans le Maine, vers le milieu
du quinzième siècle, mort en 1507. La pauvreté
de ses parents ne lui permettant pas de se consa-
crer tout entier à l'étude, il se rendit à Paris,
avant même d'avoir achevé ses humanités, et
se procura la plus modeste subsistance en sur-
veillant l'éducation de quelques enfants. En
1490 il avait acquis de la renominée, occupait
une chaire, et faisait des cours publics, entouré
d'auditeurs. C'est pourtant vers cette époque
qu'il crut devoir chercher au fond d'un cloître
une existence mieux garantie et plus tranquille,
et qu'il alla revêtir la robe noire à l'abbaye de
Chesal-Benoît, récemment réformée. En 1497
nous le voyons institué abbé triennal de Saint-
Sulpice de Bourges, après l'abdication de Jean

ou Guillaume Alabat. Il fut ensuite, suivant dom
Liron, confesseur de Jeanne de France.

Le premier ouvrage publié par Guy Jouen-
neaux est un Commentaire sur Térence, qui
parut d'abord à Paris, chez Marnef, en 1492,
in-fol. On l'a souvent réimprimé. Nous dési-
gnerons ensuite: Guidonis Juvenalis, patria
Cenomani, in Linguæ Latinæ Elegantias tam
a Laurentio Valla quam a Gelio memoriæ
proditas Interpretatio dilucida; Paris, 1494,
in-4°. Dom Liron lui attribue en outre un traité
spécial sur la grammaire, Guidonis Juvenalis
Grammatica, publié à Limoges en 1518. Mais
nous avons vainement recherché cet ouvrage, et
peut-être il ne diffère pas du commentaire sur
les Élégances de Valla. Les œuvres ascétiques de
Guy Jouenneaux sont : une traduction française
de la Règle de Saint-Benoit, publiée, suivant Ca-
therinot, en 1500, suivant dom Liron en 1505,
et un traité intitulé: Vindiciæ, seu defensio
reformationis monasticæ; Paris, 1503, in-8°.
B. H.

-

D. Liron, Singularites Hist. et Litt., t. III. -Catheri-
not, Annal. typogr. de Bourges. Corresp. litter.
du président Bouhier, t. V (Manuscrits de la Biblio-
thèque impériale). B. Hauréau, Hist. Litter. du
Maine, t. I, p. 233, et t. IV, p. 397.

JOUET (Jean), archéologue français, né à
Chartres, en 1629, mort en la dite ville, le 20 no-
vembre 1702. Chanoine de Saint-Piat, cathé-
drale de Chartres, il fut reçu maître de psallette
(musique), le 2 mai 1652, charge dont il se dé-
mit le 10 septembre 1687. On a de lui: Trois
Lettres pour l'éclaircissement de la fonda-
tion de la victoire de Philippe le Bel à
Chartres et à Paris, et de l'offrande de son
cheval et de ses armes à Notre-Dame de
Paris, imprimées, pag. 339 et suiv., dans le
Voyage de Munster et de Hollande par Joly,
chanoine de Paris; Paris, 1672. R. (de Chartres).
Brillon, Add. mss., p. 220. — Janvier de Flainville,
Mss., v. auteurs, p. 601.

JOUFFROI (Jean DE), en latin Joffredus,
prélat français, né à Luxeuil (Franche-Comté),
vers 1412, mort au prieuré de Rully, le 24 no-
vembre 1473. Né d'une ancienne famille, il
commença ses études à Dôle, et les termina à Co-
logne et à Pavie; il prit l'habit religieux dans
l'abbaye de Saint-Pierre de Luxeuil. Il retourna
ensuite à Pavie, où il professa pendant trois ans
la théologie et le droit canon. A la sollicitation
du pape Eugène IV, il assista au concile de Fer-
rare (10 janvier 1438), dans lequel il porta plu-
sieurs fois la parole avec distinction. De retour
à Luxeuil, il se mit au service du duc de Bour-
gogne, qui le nomma aumônier de son commun,
l'admit dans son conseil et le chargea de diverses
missions en Espagne, en Portugal et en Italie.
Lorsque Philippe le Bon institua l'ordre de la
Toison d'Or (27 novembre 1430), il envoya Jouf-
froi à Rome solliciter d'Eugène IV l'approbation
de cet ordre de chevalerie. A son retour, le duc
prit Jouffroy pour son secrétaire intime, le fit

élire abbé de Luxeuil et nommer évêque d'Arras. Joubert ne se trouva pas satisfait de sa haute fortune: il s'attacha au dauphin (depuis Louis XI), alors réfugié en Brabant. Ce prince, devenu roi, donna à Jouffroy toute sa confiance, et sollicita pour lui le chapeau de cardinal. Pie II le promit, à condition que le prélat engagerait le roi à supprimer la pragmatique sanction. Jouffroi obtint du monarque une déclaration telle que le pape la souhaitait; mais Louis XI exigeait de son côté que le pape accordât l'investiture du royaume de Naples à Jean de Calabre. Pie II accorda, en 1461, le chapeau rouge à Jouffroy, et le nomma à l'évêché d'Albi; mais il refusa sa protection à Jean de Calabre. Louis XI déclara alors qu'il avait été joué par le pape, et fit de nouvelles ordonnances touchant les réserves et les expectatives, qui étaient presque le seul avantage que l'abolition de la pragmatique sanction avait procuré au souverain pontife. C'était, par le fait, rétablir les choses en leur ancien état. Louis XI ne manifesta pas de déplaisir à Jouffroy; il le fit son aumônier, lui donna l'abbaye de Saint-Denis, et, en 1469, l'envoya en Castille solliciter la main de l'infante Isabelle (la Catholique), sœur du roi Henri l'Impuissant, pour le duc de Guyenne. Isabelle refusa; mais Jouffroy réussit à fiancer le duc de Guyenne avec Juana dite la Beltraneja, fille d'Henri. Il fut ensuite chargé de réduire le duc d'Armagnac, bloqué dans Lectoure; il feignit de vouloir traiter, et, profitant de la confiance des assiégés, il s'introduisit dans la ville, et fit massacrer le duc et ses principaux partisans. Jouffroy suivait l'armée en Catalogne lorsque, surpris d'une fièvre aiguë, il s'arrêta au prieuré de Rully, où il monrut âgé de soixante ans. D'Achery a publié plusieurs discours de ce prélat dans son Spicilegium. A. L. Grappin, Éloge historique de J. Jouffroy, cardinal d'Alby; Besançon, 1785, in-8°. - Cellier, Journal de Verdun, mars 1758. - Morért, Le Grand Dictionnaire Historique.

JOUFFROY (Théodore-Simon), célèbre philosophe français, né en 1796, au hameau des Pontets, près de Mouthe, département du Doubs, mort à Paris, le 4 février 1842. Son père était agriculteur et en même temps percepteur de sa commune. Vers l'âge de dix ans, le jeune Théodore fut confié à l'un de ses oncles, ecclésiastique et professeur au collége de Pontarlier. Ce fut au collège de cette ville qu'il fit la plus grande partie de ses études classiques; mais il alla, comme élève de rhétorique, les achever au lycée de Dijon. Il y fut remarqué, parmi les plus brillants élèves, par M. Roger, inspecteur général des études et membre de l'Académie Française, qui, au commencement de l'année 1814, obtint son admission à l'École Normale. Une conférence de philosophie venait d'être confiée à M. Victor Cousin. Le jeune Jouffroy suivit cet enseignement; et de même que, quelques années auparavant, M. Cousin s'était senti philosophe en entendant les leçons

de Laromiguière, de même Jouffroy eut conscience de sa vocation en écoutant les leçons de M. V. Cousin. En 1817 Jouffroy fut nommé élève-répétiteur pour la philosophie à l'École Normale, et, en même temps, il fut chargé d'un cours de philosophie au collège Bourbon, aujourd'hui lycée Bonaparte. Il quitta cette chaire en 1820, et, deux ans après, la suppression de l'École Normale lui fit perdre ses fonctions de répétiteur. Il ouvrit alors chez lu des cours particuliers, et devint en même temps collaborateur à quelques journaux et recueils littéraire, tels que Le Courrier français, Le Globe, La Revue Européenne, L'Encyclopédie moderne. Un grand nombre d'entre les articles qu'il y publia furent reproduits plus tard dans ses Mélanges Philosophiques. En 1828, sous un ministère réparateur, Jouffroy reparut dans l'enseignement public comme suppléant de M. Milon dans la chaire de philosophie ancienne à la Faculté des Lettres de Paris. Mais ce ne fut qu'à la révolution de 1830 que les portes de l'École Normale (1) se rouvrirent pour lui : il y rentra en qualité de maître de conférences de philosophie, en même temps qu'il était nommé, à la Faculté des Lettres de Paris, professeur adjoint de l'histoire de la philosophie moderne, dont le titulaire était alors Royer-Collard. Ce fut là que Jouffroy fit une série de leçons sur le droit naturel, qui, recueillies par la sténographie et imprimées, constituèrent dans leur ensemble, au nombre de trente-deux, le Cours de Droit naturel. En 1833, nous voyons Jouffroy succéder, au Collège de France, à M. Thurot, qui y avait exercé les fonctions de professeur de lettres et de philosophie grecques. Sculement, ce cours fut changé pour Jouffroy en un cours de philosophie grecque et latine. Vers le même temps, Jouffroy fut élu membre titulaire de l'Académie des Sciences morales et politiques d'abord dans la section de morale, puis dans celle de philosophie. En 1835, une première invasion de la terrible maladie qui, sept ans plus tard, devait le conduire au tombeau, força Jouffroy à aller demander la santé au soleil de l'Italie. Ce fut à cette époque qu'il acheva sa traduction des Euvres complètes de Thomas Reid: travail qui, avec la traduction des Esquisses de Philosophie morale de Dugald-Stewart, et les Préfaces ou Introductions annexées par Jouffroy à ces traductions, contribua puissamment à populariser en France cette philosophie écossaise dont Royer-Collard, dans son cours à la Faculté, avait donné de si savantes analyses. De retour à Paris, Jouffroy quitta, en 1838, sa chaire

(1) Cette école, supprimée en 1822 par M. de Corbière, avait été rétablie en 1826, sous le ministère de M. l'abbé de Frayssinous, évêque d'Hermopolis. De 1826 à 1828, elle occupa un des quartiers du collège Louis le Grand. Vers la fin de 1823 elle fut transférée au collège du Plessis. Elle portait alors le modeste nom d'École préparatoire. Son ancien nom, celui d'École Normale, ne lui fut restitué qu'à la révolution de 1830.

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