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duisent rien, il retourne au fond des bois, se met en quête, cherche, suit à la piste, chasse, poursuit les animaux sauvages, dans l'espérance qu'un autre loup pourra les arrêter, les saisir dans leur fuite, et qu'ils en partageront la dépouille. Enfin, lorsque le besoin est extrême, il s'expose à tout, attaque les femmes et les enfants, se jette même quelquefois sur les hommes, devient furieux par ces excès, qui finissent ordinairement par la rage et la mort.

Le chien, même sauvage, n'est pas d'un naturel farouche; il s'apprivoise aisément, s'attache et demeure fidèle à son maître. Le loup pris jeune se prive, mais ne s'attache point: la nature est plus forte que l'éducation; il reprend avec l'âge son caractère féroce, et retourne, dès qu'il le peut, à son état sauvage. Les chiens, même les plus grossiers, cherchent la compagnie des autres animaux; ils sont naturellement portés à les suivre, à les accompagner, et c'est par instinct seul et non par éducation qu'ils savent conduire et garder les troupeaux. Le loup est au contraire l'ennemi de toute société; il ne fait pas même compagnie à ceux de son espèce: lorsqu'on les voit plusieurs ensemble, ce n'est point une société de paix, c'est un attroupement de guerre, qui se fait à grand bruit avec des hurlements affreux, et qui dénote un projet d'attaquer quelque gros animal, comme un cerf, un bœuf, ou de se défaire d'un redoutable mâtin. Dès que leur expédition militaire est consommée, ils se séparent et retournent en silence à leur solitude.

Le loup a beaucoup de force, surtout dans les parties antérieures du corps, dans les muscles du cou et de la mâchoire. Il porte avec sa gueule un mouton, sans le laisser toucher à terre, et court en même temps plus vite que les bergers, en sorte qu'il n'y a que les chiens qui puissent l'atteindre et lui faire lâcher prise. Il mord cruellement, et toujours avec d'autant plus d'acharnement qu'on lui résiste moins; car il prend des précautions avec les animaux qui peuvent se défendre. Il craint pour lui et ne se bat que par

nécessité, et jamais par un mouvement de courage. Lorsqu'on le tire et que la balle lui casse quelque membre, il crie; et cependant, lorsqu'on l'achève à coups de bâton, il ne se plaint pas comme le chien; il est plus dur, moins sensible, plus robuste; il marche, court, rôde des jours entiers et des nuits; il est infatigable, et c'est peut-être de tous les animaux le plus difficile à forcer à la course. Le chien est doux et courageux; le loup, quoique féroce, est timide. Lorsqu'il tombe dans un piège, il est si fort et si longtemps épouvanté, qu'on peut ou le tuer sans qu'il se défende, ou le prendre vivant, sans qu'il résiste; on peut lui mettre un collier, l'enchaîner, le museler, le conduire ensuite partout où l'on veut sans qu'il ose donner le moindre signe de colère ou même de mécontentement. Le loup a les sens très bons, l'œil, l'oreille et surtout l'odorat; il sent souvent de plus loin qu'il ne voit; l'odeur du carnage l'attire de plus d'une lieue; il sent aussi de loin les animaux vivants. Lorsqu'il veut sortir du bois, jamais il ne manque de prendre le vent; il s'arrête sur la lisière, évente de tous côtés et reçoit ainsi les émanations des corps morts ou vivants que le vent lui apporte de loin. Il préfère la chair vivante à la chair morte; il aime la chair humaine; et peut-être, s'il était le plus fort, n'en mangerait-il pas d'autre.

Il n'y a rien de bon dans cet animal que sa peau; on en fait des fourrures grossières qui sont chaudes et durables. Sa chair est si mauvaise qu'elle répugne à tous les animaux, et il n'y a que le loup qui mange volontiers du loup. Il exhale une odeur infecte par la gueule. Enfin, désagréable en tout, la mine basse, l'aspect sauvage, la voix effrayante, l'odeur insupportable, le naturel pervers, les mœurs féroces, il est odieux, nuisible de son vivant, inutile après sa mort.

LE CYGNE.

Dans toute société, soit des animaux, soit des hommes, la violence fit les

tyrans, la douce autorité fait les rois. Le lion et le tigre sur la terre, l'aigle et le vautour dans les airs, ne règnent que par la guerre, ne dominent que par l'abus de la force et par la cruauté, au lieu que le cygne règne sur les eaux à tous les titres qui fondent un empire de paix, la grandeur, la majesté, la douceur; avec des puissances, des forces, du courage, et la volonté de n'en pas abuser et de ne les employer que pour la défense, il sait combattre et vaincre sans jamais attaquer: roi paisible des oiseaux d'eau, il brave les tyrans de l'air; il attend l'aigle sans le provoquer, sans le craindre; il repousse ses assauts en opposant à ses armes la résistance de ses plumes et les coups précipités d'une aile vigoureuse qui lui sert d'égide; et souvent la victoire couronne ses efforts. Au reste, il n'a que ce fier ennemi; tous les autres oiseaux de guerre le respectent, et il est en paix avec toute la nature: il vit en ami plutôt qu'en roi parmi ces nombreuses peuplades d'oiseaux aquatiques, qui toutes semblent se ranger sous sa loi; il n'est que le chef, le premier habitant d'une république tranquille, où les citoyens n'ont rien à craindre d'un maître qui ne demande qu'autant qu'il leur accorde, et ne veut que calme et liberté.

Les grâces de la figure, la beauté de la forme, répondent dans le cygne à la douceur du naturel; il plaît à tous les yeux; il décore, embellit tous les lieux qu'il fréquente; on l'aime, on l'applaudit, on l'admire. Nulle espèce ne le mérite mieux: la nature en effet n'a répandu sur aucune autant de ces grâces nobles et douces qui nous rappellent l'idée de ses plus charmants ouvrages; coupe de corps élégante, formes arrondies, gracieux contours, blancheur éclatante et pure, mouvements flexibles et ressentis, attitudes tantôt animées, tantôt laissées dans un mol abandon, tout dans le cygne respire la volupté, l'enchantement que nous font éprouver les grâces et la beauté; tout nous l'annonce, tout le peint comme l'oiseau de l'amour; tout justifie la spirituelle et riante mythologie d'a

voir donné ce charmant oiseau pour père à la plus belle des mortelles.

A sa noble aisance, à la facilité, à la liberté de ses mouvements sur l'eau, on doit le reconnaître non-seulement comme le premier des navigateurs ailés, mais comme le plus beau modèle que la nature nous ait offert pour l'art de la navigation. Son cou élevé et sa poitrine relevée et arrondie semblent en effet figurer la proue du navire fendant l'onde; son large estomac en représente la carène; son corps, penché en avant pour cingler, se redresse à l'arrière et se relève en poupe; la queue est un vrai gouvernail; les pieds sont de larges rames, et ses grandes ailes demi-ouvertes au vent et doucement enflées sont les voiles qui poussent le vaisseau vivant, navire et pilote à la fois.

Fier de sa noblesse, jaloux de sa beauté, le cygne semble faire parade de tous ses avantages; il a l'air de chercher à recueillir des suffrages, à captiver les regards; et il les captive en effet, soit que, voguant en troupe, on voie de loin, au milieu des grandes eaux, cingler la flotte ailée; soit que, s'en détachant et s'approchant du rivage aux signaux qui l'appellent, il vienne se faire admirer de plus près en étalant ses beautés, et développant ses grâces par mille mouvements doux, ondulants et suaves.

Aux avantages de la nature, le cygne réunit ceux de la liberté; il n'est pas du nombre de ces esclaves que nous puissions contraindre ou renfermer: libre sur nos eaux, il n'y séjourne, ne s'y établit qu'en jouissant d'assez d'indépendance pour exclure tout sentiment de servitude et de captivité; il veut à son gré parcourir les eaux, débarquer au rivage, s'éloigner au large, ou venir, longeant la rive, s'abriter sous les bords, se cacher dans les joncs, s'enfoncer dans les anses les plus écartées; puis, quittant sa solitude, revenir à la société, et jouir du plaisir qu'il paraît prendre et goûter en s'approchant de l'homme, pourvu qu'il trouve en nous ses hôtes et ses amis, et non ses maîtres et ses tyrans.

LE BLÉ.

Le blé est une plante que l'homme a changée au point qu'elle n'existe nulle part à l'état de nature: on voit bien qu'il a quelque rapport avec l'ivraie, avec les gramens et quelques autres herbes des prairies, mais on ignore à laquelle on doit le rapporter; et comme il se renouvelle tous les ans; comme, servant de nourriture à l'homme, il est de toutes les plantes celle qu'il a le plus travaillé, il est aussi de toutes celle dont la nature est le plus altérée.

L'homme peut donc non-seulement faire servir à ses besoins tous les individus de l'univers, mais, avec le temps, changer, modifier et perfectionner les espèces: c'est le plus beau droit qu'il ait sur la nature. Avoir transformé une herbe stérile en blé est une espèce de création dont cependant il ne doit pas s'enorgueillir, puisque ce n'est qu'à la sueur de son front et par des cultures réitérées qu'il peut tirer du sein de la terre ce pain, souvent si amer, qui fait sa subsistance.

J. J. ROUSSEAU.

DE LA CONSCIENCE.

Voyez p. 248.

Il existe pour toute l'espèce humaine une règle antérieure à l'opinion. C'est à l'inflexible direction de cette règle, que se doivent rapporter toutes les autres. Elle juge le préjugé même; et ce n'est qu'autant que l'estime des hommes s'accorde avec elle, que cette estime doit faire autorité pour nous.

La conscience est le plus éclairé des philosophes. On n'a pas besoin de savoir les offices de Cicéron pour être homme de bien; et la femme du monde la plus honnête sait peut-être le moins ce que c'est que l'honnêteté.

Toute la moralité de nos actions est dans le jugement que nous en portons nous-mêmes. S'il est vrai que le bien soit bien, il doit l'être au fond de nos cœurs comme dans nos œuvres; et le premier prix de la justice est de sentir qu'on la pratique. Si la bonté morale est conforme à notre nature, l'homme ne saurait être sain d'esprit, ni bien constitué, qu'autant qu'il est bon. Si elle ne l'est pas, et que l'homme soit méchant naturellement, la bonté n'est en lui qu'un vice contre nature; un homme humain serait un animal aussi dépravé qu'un loup impitoyable; et la vertu seule nous laisserait des remords.

Rentrons en nous-mêmes; examinons,

tout intérêt personnel à part, à quoi nos penchants nous portent. Quel spectacle nous flatte le plus, celui des tourments ou du bonheur d'autrui? Qu'est-ce qui nous est plus doux à faire, et nous laisse une impression plus agréable après l'avoir fait, d'un acte de bienfaisance ou d'un acte de méchanceté? Pour qui vous intéressezvous sur vos théâtres? Est-ce aux forfaits que vous prenez plaisir? est-ce à leurs auteurs punis que vous donnez des larmes? Tout nous est indifférent, dites-vous, hors notre intérêt; et tout au contraire, les douceurs de l'amitié, de l'humanité nous consolent dans nos peines; et même, dans nos plaisirs nous serions trop seuls, trop misérables, si nous n'avions avec qui les partager. S'il n'y a rien de moral dans le cœur de l'homme, d'où lui viennent donc ces transports d'admiration pour les actions héroïques, ces ravissements d'amour pour les grandes âmes? Cet enthousiasme de la vertu, quel rapport a-t-il avec notre intérêt privé? Pourquoi voudrais-je être Caton qui déchire ses entrailles, plutôt que César triomphant? Otez de nos cœurs cet amour du beau, vous ôtez tout le charme de la vie. Celui dont les viles passions ont étouffé dans son âme étroite ces sentiments

délicieux; celui qui, à force de se con- | faisant notre bien aux dépens d'autrui, centrer au dedans de lui, vient à bout de n'aimer que lui-même, n'a plus de transports; son cœur glacé ne palpite plus de joie; un doux attendrissement n'humecte jamais ses yeux; il ne jouit plus de rien; le malheureux ne sent plus, ne vit plus; il est déjà mort.

Mais quel que soit le nombre des méchants sur la terre, il est peu de ces âmes cadavéreuses devenues insensibles, hors leur intérêt, à tout ce qui est juste et bon. L'iniquité ne plait qu'autant qu'on en profite: dans tout le reste on veut que l'innocent soit protégé. Voit-on dans une rue ou sur un chemin quelque acte de violence et d'injustice à l'instant un mouvement de colère et d'indignation s'élève au fond du cœur, et nous porte à prendre la défense de l'opprimé. Au contraire, si quelque acte de clémence ou de générosité frappe nos yeux, quelle admiration, quel amour il nous inspire! Qui est-ce qui ne se dit pas: Je voudrais en avoir fait autant? Il nous importe assurément fort peu qu'un homme ait été méchant ou juste il y a deux mille ans; et cependant le même intérêt nous affecte dans l'histoire ancienne, que si tout cela s'était passé de nos jours. Que me font à moi les crimes de Catilina? Ai-je peur d'être sa victime? Pourquoi donc ai-je de lui la même horreur que s'il était mon contemporain? Nous ne haïssons pas seulement les méchants parce qu'ils nous nuisent, mais parce qu'ils sont méchants. Nonseulement nous voulons être heureux; nous voulons aussi le bonheur d'autrui; et quand ce bonheur ne coûte rien au nôtre, il l'augmente. Enfin, l'on a, malgré soi, pitié des infortunés; quand on est témoin de leur mal, on en souffre. Les plus pervers sauraient ne perdre tout à fait ce penchant: souvent il les met en contradiction avec euxmêmes. Le voleur qui dépouille les passants, couvre encore la nudité du pauvre; et le plus féroce assassin soutient un homme tombant en défaillance. Le premier de tous les soins est celui de soi-même; cependant combien de fois la voix intérieure nous dit qu'en

nous faisons mal? Nous croyons suivre l'impulsion de la nature, et nous lui résistons: en écoutant ce qu'elle dit à nos sens, nous méprisons ce qu'elle dit à nos cœurs: l'être actif obéit, l'être passif commande. La conscience est la voix de l'âme; les passions sont la voix du corps. Est-il étonnant que souvent ces deux langages se contredisent, et alors lequel faut-il écouter? Trop souvent la raison nous trompe, nous n'avons que trop acquis le droit de la récuser: mais la conscience ne trompe jamais; elle est le vrai guide de l'homme; elle est à l'âme ce que l'instinct est au corps; qui la suit, obéit à la nature et ne craint point de s'égarer.

Conscience! conscience! instinct divin, immortelle et céleste voix, guide assuré d'un être ignorant et borné, mais intelligent et libre; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l'homme semblable à Dieu; c'est toi qui fais l'excellence de sa nature et la moralité de ses actions; sans toi, je ne sens rien en moi qui m'élève au-dessus des bêtes, que le triste privilège de m'égarer d'erreurs en erreurs à l'aide d'un entendement sans règle et d'une raison sans principes.

Mais ce n'est pas assez que ce guide existe, il faut savoir le reconnaître et le suivre. S'il parle à tous les cœurs, pourquoi donc y en a-t-il si peu qui l'entendent? Eh! c'est qu'elle nous parle la langue de la nature, que tout nous a fait oublier. La conscience est timide; elle aime la retraite et la paix; le monde et le bruit l'épouvantent; les préjugés dont on la fait naître sont ses plus cruels ennemis; elle fuit ou se tait devant eux; leur voix bruyante étouffe la sienne, et l'empêche de se faire entendre; le fanatisme ose la contre-faire et dicter le crime en son nom. Elle se rebute enfin à force d'être éconduite; elle ne nous parle plus; elle ne nous répond plus; et après de si longs mépris pour elle, il en coûte autant de la rappeler qu'il en coûta de la bannir.

Jetez les yeux sur toutes les nations du monde; parcourez toutes les histoi

res; parmi tant de cultes inhumains et bizarres, parmi cette prodigieuse diversité de mœurs et de caractères, vous trouverez partout les mêmes idées de justice et d'honnêteté, partout les mêmes notions du bien et du mal. Le vice, armé d'une autorité sacrée, descendait en vain du séjour éternel; l'instinct moral le repoussait du cœur des humains. En célébrant les débauches de Jupiter, on admirait la continence de Xénocrate; la chaste Lucrèce adorait l'impudique Vénus; l'intrépide Romain sacrifiait à la peur; il invoquait le dieu qui mutila son père, et mourait sans murmure de la main du sien: les plus méprisables divinités furent servies par les plus grands hommes. La sainte voix de la nature, plus forte que celle des dieux, se faisait respecter sur la terre, et semblait reléguer dans le ciel le crime avec les coupables.

Du système moral, formé par le double rapport à soi-même et à ses semblables, naît l'impulsion de la conscience. Connaître le bien, ce n'est pas l'aimer; l'homme n'en a pas la connaissance innée: mais sitôt que sa raison le lui fait connaître, sa conscience le porte à l'aimer; c'est ce sentiment qui est inné.

Par la raison seule, indépendamment de la conscience, on ne peut établir aucune loi naturelle; et tout le droit de la nature n'est qu'une chimère, s'il n'est fondé sur un besoin naturel au cœur humain. Le précepte même d'agir avec autrui comme nous voulons qu'on agisse avec nous, n'a de vrai fondement que la conscience et le sentiment. Car où est la raison précise d'agir, étant moi, comme si j'étais un autre, surtout quand je suis moralement sûr de ne jamais me trouver dans le même cas? Et qui me répondra qu'en suivant bien fidèlement cette maxime, j'obtiendrai qu'on la suive de même avec moi? Le méchant tire avantage de la probité du juste et de sa propre injustice; il est bien aise que tout le monde soit juste, excepté lui. Cet accord-là, quoi qu'on en disc, n'est pas fort avantageux aux gens de bien." Mais quand la force d'une âme expansive m'identifie avec

mon semblable, et que je me sens, pour ainsi dire, en lui, c'est pour ne pas souffrir, que je ne veux pas qu'il souffre; je m'intéresse à lui pour l'amour de moi; et la raison du précepte est dans la nature elle-même, qui m'inspire le désir de mon bien-être, en quelque lieu que je me sente exister. D'où je conclus qu'il n'est pas vrai que les préceptes de la loi naturelle soient fondés sur la raison seule; ils ont une base plus solide et plus sûre. L'amour des hommes, dérivé de l'amour de soi, est le principe de la justice humaine. Le sommaire de toute la morale est donné dans l'évangile par celui de la loi.

Les lois éternelles de la nature et de l'ordre tiennent lieu de loi positive au sage; elles sont écrites au fond de son cœur par la conscience et par la raison; c'est à celles-là qu'il doit s'asservir pour être libre; et il n'y a d'esclave que celui qui fait mal; car il le fait toujours malgré lui. La liberté n'est dans aucune forme de gouvernement; elle est dans le cœur de l'homme libre; il la porte partout avec lui. L'homme vil porte partout la servitude. L'un serait esclave à Genève, et l'autre libre à Paris.

Justice et vérité, voilà les premiers devoirs de l'homme; humanité, patrie, voilà ses premières affections. Toutes les fois que des ménagements particuliers lui font changer cet ordre, il est coupable.

DE L'AMITIÉ.

Les âmes humaines veulent être accouplées pour valoir tout leur prix; et la force unie des amis, comme celle des lames d'un aimant artificiel, est incomparablement plus grande que la somme de leurs forces particulières. Divine amitié, c'est là ton triomphe!

Rien n'a tant de poids sur le cœur humain que la voix de l'amitié bien reconnue; car on sait qu'elle ne nous parle jamais que pour notre intérêt. On peut croire qu'un ami se trompe; mais non qu'il veuille nous tromper: quelquefois on résiste à ses conseils; mais jamais on ne les méprise.

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