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le veut! Dieu le veut! Ce cri unanime ses plus fidèles guerriers. Les barons fut répété à plusieurs reprises; il re- et les chevaliers qui avaient entendu tentit au loin dans la cité de Clermont, les exhortations d'Urbain firent tous le et jusque sur les montagnes du voisi- serment de venger la cause de Jésusnage. Quand le calme fut rétabli: Christ; ils oublièrent leurs propres Vous voyez ici, poursuivit le saint querelles, et jurèrent de combattre enpontife, l'accomplissement de la pro- semble les ennemis de la foi chrétienne; messe divine: Jésus-Christ a déclaré tous les fidèles promirent de respecter que, lorsque ses disciples s'assemble- les décisions du concile, et décorèrent raient en son nom, il serait au milieu leurs vêtements d'une croix rouge, de d'eux; oui, le Sauveur du monde est drap ou de soie; ils prirent dès lors le maintenant au milieu de vous, et c'est nom de croisés, et le nom de croisade lui-même qui vous inspire les accents fut donné à la guerre qu'on allait faire que je viens d'entendre. Que ces pa- aux Sarrasins. roles: Dieu le veut! soient désormais votre cri de guerre, et qu'elles annoncent partout la présence du Dieu des armées." En achevant ces mots, Urbain montra à l'assemblée des chrétiens le signe de leur rédemption. ,,C'est Jésus-Christ lui-même, leur dit-il, qui sort de son tombeau et qui vous présente sa croix: elle sera le signe élevé entre les nations qui doit réunir les enfants dispersés d'Israël; portez-la sur vos épaules ou sur votre poitrine; qu'elle brille sur vos armes et sur vos étendards; elle deviendra pour vous le gage de la victoire ou la palme du martyre; elle vous rappellera sans cesse que Jésus-Christ est mort pour vous et que vous devez mourir pour lui."

Lorsqu'Urbain eut cessé de parler, l'agitation fut grande; on n'entendait plus que ces acclamations: Dieu le veut! Dieu le veut! qui était comme la voix de tout le peuple chrétien. Le cardinal Grégoire, qui monta depuis sur la chaire de saint Pierre sous le nom d'Innocent, prononça à haute voix une formule de confession générale; tous les assistants se prosternèrent à genoux, se frappèrent la poitrine, et reçurent l'absolution de leurs péchés.

Adémar de Monteil, évêque du Puy, demanda le premier à entrer dans la voie de Dieu, et prit la croix des mains du pape; plusieurs évêques suivirent son exemple. Raymond, comte de Toulouse, s'excusa, par ses ambassadeurs, de n'avoir pu assister au concile de Clermont; il avait déjà combattu les Sarrasins en Espagne; il promettait d'aller les combattre en Asie, suivi de

LA PRISE DE JÉRUSALEM.

Tancrède était resté avec ses machines et sa tour élevée vers le côté nordouest de la ville, non loin de la porte de Béthléem et devant la tour angulaire qui porta son nom dans la suite. Le duc de Normandie et le comte de Flandre s'étaient un peu rapprochés du camp de Godefroy, ayant devant eux le côté septentrional de la ville, derrière eux la grotte de Jérémie. Le comte de Saint-Gilles, chargé de l'attaque méridionale, se trouvait séparé du rempart par une espèce de ravin qu'il fallait combler. Il fit publier par un héraut d'armes qu'il paierait un denier à chaque personne qui y jetterait trois pierres. Aussitôt une foule de peuple accourut pour seconder les efforts de ses soldats. Une grêle de traits et de flèches lancés du haut des remparts ne put ralentir l'ardeur et le zèle des travailleurs. Enfin, au bout du troisième jour, tout fut achevé, et les chefs donnèrent le signal d'une attaque générale.

Le jeudi 14 juillet 1099, dès que le jour parut, les clairons retentirent dans le camp des chrétiens; tous les croisés volèrent aux armes, toutes les machines s'ébranlèrent à la fois; des pierriers et des mangonneaux lançaient contre l'ennemi une grêle de cailloux, tandis qu'à l'aide des tortues et des galeries couvertes, les béliers s'approchaient du pied des murailles. Les archers et les arbalétriers dirigeaient leurs traits contre les Égyptiens qui gardaient les murs

et les tours; des guerriers intrépides, couverts de leurs boucliers, plantaient des échelles dans les lieux où la place paraissait offrir moins de résistance. Au midi, à l'orient et au nord de la ville, les tours roulantes s'avançaient vers le rempart au milieu du tumulte et parmi les cris des ouvriers et des soldats. Godefroy paraissait sur la plus haute plate-forme de sa forteresse de bois, accompagné de son frère Eustache et de Baudouin du Bourg. Il animait les siens par son exemple. Tous les javelots qu'il lançait, disent les historiens du temps, portaient la mort parmi les assiégés. Raymond, Tancrède, le duc de Normandie, le comte de Flandre, combattaient au milieu de leurs soldats; les chevaliers et les hommes d'armes, animés de la même ardeur, se pressaient dans la mêlée et couraient de toutes parts au devant du péril.

Rien ne peut égaler la fureur du premier choc des chrétiens; mais ils trouvèrent partout une résistance opiniâtre. Les flèches et les javelots, l'huile bouillante, le feu grégeois, qua torze machines que les assiégés avaient eu le temps, d'opposer à celles de leurs ennemis, repoussèrent de tous côtés l'attaque et les efforts des assaillants. Les infidèles, sortis par une brèche faite à leur rempart, entreprirent de brûler les machines des assiégeants, et portèrent le désordre dans l'armée chrétienne. Vers la fin de la journée, les tours de Godefroy et de Tancrède ne pouvaient plus se mouvoir; celle de Raymond tombait en ruines. Le combat avait duré douze heures sans que la victoire parût se décider pour les croisés; la nuit vint séparer les combattants. Les chrétiens rentrèrent dans leur camp en frémissant de rage et de douleur; les chefs, et surtout les deux Robert, ne pouvaient se consoler de ce que Dieu ne les avait point encore jugés dignes d'entrer dans la ville sainte et d'adorer le tombeau de son fils.

La nuit se passa de part et d'autre dans les plus vives inquiétudes; chacun déplorait ses pertes et tremblait d'en essuyer de nouvelles. Les musulmans redoutaient une surprise; les eroisés

craignaient que les musulmans ne brûlassent les machines qu'ils avaient laissées au pied des remparts. Les assiégés s'occupèrent sans relâche de réparer les brèches faites à leurs murailles, les assiégeants, de mettre leurs machines en état de servir pour un nouvel assaut. Le jour suivant ramena les mêmes combats et les mêmes dangers que la veille.

Les chefs cherchaient par leurs discours à relever le courage des croisés. Les prêtres et les évêques parcouraient les tentes des soldats en leur annonçant les secours du ciel. L'armée chrétienne, pleine d'une nouvelle confiance dans la victoire, parut sous les armes, et s'avança en silence vers les lieux de l'attaque; le clergé marchait en procession autour de la ville sainte.

Le premier choc fut terrible. Les chrétiens, indignés de la résistance qu'ils avaient trouvée la veille, combattaient avec fureur. Les assiégés, qui avaient appris l'arrivée d'une armée égyptienne, étaient animés par l'espoir de la victoire; des machines formidables couvraient leurs remparts. On entendait de tous côtés siffler les javelots; les pierres, les poutres lancées par les chrétiens et par les infidèles, s'entre-choquaient dans l'air avec un bruit épouvantable et retombaient sur les assaillants. Du haut de leurs tours les musulmans ne cessaient de lancer des torches enflammées et des pots à feu. Les forteresses de bois des chrétiens s'approchaient des murailles au milieu d'un incendie qui s'allumait de toutes parts. Les infidèles s'attachaient surtout à la tour de Godefroy, sur laquelle brillait une croix d'or, dont l'aspect provoquait leurs fureurs et leurs outrages. Le duc de Lorraine avait vu tomber à ses côtés un de ses écuyers et plusieurs de ses soldats. En butte lui-même à tous les traits des ennemis, il combattait au milieu des morts et des blessés, et ne cessait d'exhorter ses compagnons à redoubler de courage et d'ardeur. Le comte de Toulouse, qui attaquait la ville au midi, opposait toutes ses machines à celles des musulmans; il avait à combattre l'émir de

Jérusalem, qui animait les siens par ses discours, et se montrait sur les murailles, entouré de l'élite des soldats égyptiens. Vers le nord Tancrède et les deux Robert paraissaient à la tête de leurs bataillons. Immobiles sur leur forteresse roulante ils se montraient impatients de se servir de la lance et de l'épée. Déjà leurs béliers avaient, sur plusieurs points, ébranlé les murailles derrière lesquelles les assiégés pressaient leurs rangs et s'offraient comme un dernier rempart à l'attaque des croisés.

Au milieu du combat, deux magiciennes parurent sur les remparts de la ville, conjurant, disent les historiens, les éléments et les puissances de l'enfer. Elles ne purent éviter la mort qu'elles invoquaient contre les chrétiens, et tombèrent sous une grêle de traits et de pierres. Deux émissaires égyptiens, venus d'Ascalon pour exhorter les assiégés à se défendre, furent surpris par les croisés lorsqu'ils cherchaient à entrer dans la ville. L'un d'eux tomba percé de coups; l'autre après avoir révélé le secret de sa mission, fut lancé, à l'aide d'une machine, sur les remparts où combattaient les musulmans.

Cependant le combat avait duré la moitié de la journée sans que les croisés eussent encore aucun espoir de pénétrer dans la place. Toutes leurs machines étaient en feu; ils manquaient d'eau, et surtout de vinaigre qui seul pouvait éteindre l'espèce de feu lancé par les assiégés. En vain les plus braves s'exposaient aux plus grands dangers pour prévenir la ruine des tours de bois et des béliers: ils tombaient ensevelis sous des débris, et la flamme dévorait jusqu'à leurs boucliers et leurs vêtements. Plusieurs des guerriers les plus intrépides avaient trouvé la mort au pied des remparts; un grand nombre de ceux qui étaient montés sur les tours roulantes avaient été mis hors de combat; les autres, couverts de sueur et de poussière, accablés sous le poids des armes et de la chaleur, commençaient à perdre courage. Les assiégés, qui s'en aperçurent, jetèrent de grands

Herrig, La France litt.

cris de joie. Dans leurs blasphèmes, ils reprochaient aux chrétiens d'adorer un Dieu qui ne pouvait les défendre. Les assaillants déploraient leur sort, et, se croyant abandonnés par Jésus-Christ, restaient immobiles sur le champ de bataille.

Des

Mais le combat allait bientôt changer de face. Tout à coup les croisés voient paraître sur le mont des Oliviers un cavalier agitant un bouclier et donnant à l'armée chrétienne le signal pour entrer dans la ville. Godefroy et Raymond, qui l'aperçoivent des premiers et en même temps, s'écrient que saint George vient au secours des chrétiens. Le tumulte du combat n'admet ni réflexion ni examen, et la vue du cavalier céleste embrase les assiégeants d'une nouvelle ardeur: ils reviennent à la charge. Les femmes mêmes, les enfants, les malades, accourent dans la mêlée, apportent de l'eau, des vivres, des armes, réunissent leurs efforts à ceux des soldats pour approcher des remparts les tours roulantes, effroi des ennemis. Celle de Godefroy s'avance au milieu d'une terrible décharge de pierres, de traits, de feu grégeois, et laisse tomber son pont-levis sur la muraille. dards enflammés volent en même temps contre les machines des assiégés, contre les sacs de paille et de foin et les ballots de laine qui recouvraient les derniers murs de la ville. Le vent allume l'incendie et pousse la flamme sur les musulmans. Ceux-ci, enveloppés de tourbillons de feu et de fumée, reculent à l'aspect des lances et des épées des chrétiens. Godefroy, précédé des deux frères Lethalde et Engelbert de Tournai, suivi de Baudouin du Bourg, d'Eustache, de Reimbaud Croton, de Guicher, de Bernard de Saint-Vallier, d'Amenjeu d'Albret, enfonce les ennemis, les poursuit et s'élance sur leurs traces dans Jérusalem. Tous les braves qui combattaient sur la plate-forme de la tour, suivent leur intrépide chef, pénètrent avec lui dans les rues, et massacrent tout ce qu'ils rencontrent sur leur passage.

En même temps le bruit se répand dans l'armée chrétienne que le saint

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pontife Adhémar et plusieurs croisés | devant l'ennemi qu'ils avaient vaincu, morts pendant le siège viennent de pa- lorsque Évrard de Puysaie, dont Raoul raître à la tête des assaillants et d'ar- de Caen a célébré la bravoure, ranime borer les drapeaux de la croix sur les le courage de ses compagnons, se met à tours de Jérusalem. Tancrède et les leur tête, et porte de nouveau la terreur deux Robert, animés par ce récit, font parmi les infidèles. Dès lors les croisés de nouveaux efforts, et se jettent enfin n'eurent plus d'ennemis à combattre. dans la place, accompagnés de Hugues de Saint-Paul, de Gérard de Roussillon, de Louis de Mouson, de Conon et Lambert de Montaigu, de Gaston de Béarn. Une foule de braves les suivent de près: les uns entrent par une brèche à demi ouverte, les autres escaladent les murs avec des échelles, plusieurs s'élancent du haut des tours de bois. Les musulmans fuient de toutes parts, et Jérusalem retentit du cri de victoire des croisés: Dieu le veut! Dieu le veut! Les compagnons de Godefroy et de Tancrede vont enfoncer à coups de hache la porte de Saint-Étienne, et la ville est ouverte à la foule des croisés, qui se pressent à l'entrée et se disputent l'honneur de porter les derniers coups aux infidèles.

Raymond éprouvait seul encore quelque résistance. Averti de la conquête des chrétiens par les cris des musulmans, par le bruit des armes et le tumulte qu'il entend dans la ville, il relève le courage de ses soldats. Ceux-ci, impatients de rejoindre leurs compagnons, abandonnent leur tour et leurs machines qu'ils ne pouvaient plus faire mouvoir. Se pressant sur des échelles et s'aidant les uns les autres, ils parviennent au sommet du rempart: ils sont précédés du comte de Toulouse, de Raymond Pelet, de l'évêque de Bira, du comte de Die, de Guillaume de Sabran. Rien ne peut arrêter leur attaque impétueuse: ils dispersent les musulmans, qui vont se réfugier avec leur émir dans la forteresse de David, et bientôt tous les croisés, réunis dans Jérusalem, s'embrassent, pleurent de joie, et ne songent plus qu'à poursuivre leur victoire.

Cependant le désespoir a rallié un moment les plus braves des Égyptiens; ils fondent sur les chrétiens qui s'avançaient en désordre et couraient au pillage. Ceux-ci commençaient à reculer

L'histoire a remarqué que les chrétiens étaient entrés dans Jérusalem un vendredi à trois heures du soir; c'était le jour et l'heure où Jésus-Christ expira pour le salut des hommes. Cette époque mémorable aurait dû rappeler leurs cœurs à des sentiments de miséricorde; mais, irrités par les menaces et les longues insultes des musulmans, aigris par les maux qu'ils avaient soufferts pendant le siège et par la résistance qu'ils avaient trouvée jusque dans la ville, ils remplirent de sang et de deuil cette Jérusalem qu'ils venaient de délivrer et qu'ils regardaient comme leur future patrie. Bientôt le carnage devint général; ceux qui échappaient au fer des soldats de Godefroy et de Tancrède couraient audevant des Provençaux également altérés de leur sang. Les musulmans étaient massacrés dans les rues, dans les maisons; Jérusalem n'avait point d'asile pour les vaincus; quelques-uns purent échapper à la mort en se précipitant des remparts; les autres couraient en foule se réfugier dans les palais, dans les tours, et surtout dans leurs mosquées, où ils ne purent se dérober à la poursuite des chrétiens.

Les croisés, maîtres de la mosquée d'Omar, où les musulmans s'étaient défendus quelque temps, y renouvelèrent les scènes déplorables qui souillèrent la conquête de Titus. Les fantassins et les cavaliers y entrèrent pêle-mêle avec les vaincus. Au milieu du plus horrible tumulte, on n'entendait que des gémissements et des cris de mort; les vainqueurs marchaient sur des monceaux de cadavres pour atteindre ceux qui cherchaient vainement à fuir. Raymond d'Agiles, témoin oculaire, dit que dans le temple et sous le portique de la mosquée le sang s'élevait jusqu'aux genoux et même jusqu'au frein des chevaux. Pour peindre ce terrible spectacle que la guerre a présenté deux fois dans le même lieu,

il nous suffira de dire, en empruntant | se répand dans l'armée chrétienne; les paroles de l'historien Josèphe, que aussitôt toutes les vengeances, toutes le nombre des victimes immolées par les fureurs s'apaisent; les croisés se déle glaive surpassait de beaucoup celui des vainqueurs accourus de toutes parts pour se livrer au carnage, et que les montagnes voisines du Jourdain répétèrent en gémissant l'effroyable bruit qu'on entendait dans le temple.

L'imagination se détourne avec effroi de ces scènes de désolation, et peut à peine, au milieu du carnage, s'arrêter au tableau touchant des chrétiens de Jérusalem, dont les croisés venaient de briser les fers. A peine la ville venaitelle d'être conquise, qu'on les vit accourir au-devant des vainqueurs; ils partageaient avec eux les vivres qu'ils avaient pu dérober à la recherche des musulmans; tous remerciaient ensemble le Dieu qui avait fait triompher les armes des soldats de la croix. L'ermite Pierre qui, cinq ans auparavant, avait promis d'armer l'Occident pour la délivrance des fidèles de Jérusalem, dut jouir alors du spectacle de leur reconnaissance et de leur joie. Les chrétiens de la ville sainte au milieu de la foule des croisés, semblaient ne chercher, ne voir que le généreux cénobite qui les avait visités dans leurs souffrances et dont toutes les promesses venaient d'être accomplies. Ils se pressaient en foule autour de l'ermite vénérable; c'est à lui qu'ils adressaient leurs cantiques, c'est lui qu'ils proclamaient leur libérateur; ils lui racontaient les maux qu'ils avaient soufferts pendant son absence; ils pouvaient à peine croire ce qui se passait sous leurs yeux, et, dans leur enthousiasme, ils s'étonnaient que Dieu se fût servi d'un seul homme pour soulever tant de nations et pour opérer tant de prodiges.

A la vue de leurs frères qu'ils avaient délivrés, les pèlerins se rappelèrent sans doute qu'ils étaient venus pour adorer le tombeau de Jésus-Christ. Le pieux Godefroy, qui s'était abstenu du carnage après la victoire, quitta ses compagnons, et, suivi de trois serviteurs, se rendit sans armes et les pieds nus dans l'église du Saint-Sépulcre. Bientôt la nouvelle de cet acte de dévotion

pouillent de leurs habits sanglants, font retentir Jérusalem de leurs sanglots, et, conduits par le clergé, marchent ensemble, les pieds nus, la tête découverte, vers l'église de la Résurrection.

Lorsque l'armée chrétienne fut ainsi réunie autour du saint tombeau, la nuit commençait à tomber. Le silence régnait sur les places publiques et sur les remparts; on n'entendait plus dans la ville sainte que les cantiques de la pénitence et ces paroles d'Isaï: Vous qui aimez Jérusalem, réjouissez-vous avec elle. Les croisés montrèrent alors une dévotion si vive et si tendre, qu'on eût dit, selon la remarque d'un historien moderne, que ces hommes qui venaient de prendre une ville d'assaut et de faire un horrible carnage sortaient d'une longue retraite et d'une profonde méditation de nos mystères. Ces contrastes inexplicables se font souvent remarquer dans l'histoire des croisades. Quelques écrivains ont cru y trouver un prétexte pour accuser la religion chrétienne; d'autres, non moins aveugles et non moins passionnés, ont voulu excuser les déplorables excès du fanatisme; l'historien impartial se contente de les raconter, et gémit en silence sur les faiblesses de la nature humaine.

La pieuse ferveur des chrétiens ne fit que suspendre les scènes du carnage. La politique de quelques-uns des chefs put leur faire croire qu'il était nécessaire d'inspirer une grande terreur aux musulmans; ils pensèrent peut-être aussi que, s'ils renvoyaient ceux qui avaient défendu Jérusalem, il faudrait encore les combattre, et qu'ils ne pouvaient dans un pays éloigné, environnés d'ennemis, garder sans danger des prisonniers dont le nombre surpassait celui de leurs soldats. On annonçait d'ailleurs l'approche de l'armée égyptienne, et la crainte d'un nouveau péril ferma leurs cœurs à la pitié. Dans leur conseil, une sentence de mort fut portée contre les musulmans qui restaient dans la ville.

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