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idées acceffoires, propres & particulieres à chacun d'eux: Et que cependant ils ont des fignifications différentes quoiqu'ils foient fynonimes; parceque la fignification des mots ne confifte pas dans la feule idée principale qu'ils préfentent, mais dans toute l'étendue & dans la jufte précision du fens qu'ils expriment.

Si l'on prend le terme de fynonime dans le fecond fens; je ne crois pas qu'il y ait de mot fynonime dans aucune Langue. Je le dis par conjecture des Langues étrangeres; parceque, les ignorant ou ne les fachant pas

affez parfaitement, ce feroit une témérité à moi de le proposer comme un sentiment. Mais je fuis très perfuadé & j'ofe dire prefqu'affuré qu'il n'y en a point dans la nôtre. Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à refléchir avec attention, comme je l'ai fait, fur tout ce qu'on nomme fynonimes, fur les différen tes circonstances & fur les divers endroits où ils peu vent être employés. Je ne doute pas que les perfonnes qui auront du goût ne fentent bien qu'il y a un choix à faire dans l'emploi de ces mots; que c'est quelquefois l'un quia meilleure

grace, & quelquefois l'autre; & que par conféquent cela ne peut venir que de la différence de leurs fignifications. Je ne doute pas nonplus que les perfonnes qui auront,avec la délicateffe du goût, cette vivacité de conception qui fait pénétrer dans les caufes ne décou vrent bientot ces différences, & ne diftinguent les vraies raifons qui produifent ce goût & qui autorifent.ce choix : Je m'imagine même que ce fera un plaifir pour elles, comme il l'a été pour moi, de les chercher & de les

trouver.

Au-refte quand je dis qu'il n'y a point de parfaits fyno

nimes dans la Langue ; j'entens la Langue dans fa pureté & dans fon état préfent. Je n'ai garde de nommer Langue un amas general & monftrueux de touts les mots, foit du bon foit du mauvais ufage, foit anciens foit nouveaux. En ce cas là on pourroit peut-être bien trouver de parfaits fynonimes. Mirer, qui eft dans les Lettres du Cardinal d'Offat, & qu'on dit encore dans quelques Provinces, le feroit de Confiderer: Mule, qui ceffe d'être en ufage, le feroit de Pantoufle, qui lui a fuccedé: Pourceque, toûjours emplayé dans Voiture, le feroit

auffi de Parceque, quia prévalus comme Maints de Plu

fieurs ; & une infinité d'au

tres, dont on voit bien qu'il

n'eft point ici queftion; ces mots aiant vieilli, & n'étant non-plus de la Langue que les Gaulois font de la Nation. C'est peutêtre même cette grande reffemblance qui eft caufe que l'Ufage n'a confervé qu'un de ces termes, & qu'il a rejetté l'autre comme inutile. En quoi l'Ufage a fuivi la raifon plûtôt que le goût de quelques Grammairiens, qui voudroient faire confifter la richeffe de la Langue dans ces fortes de fynonimes.

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