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d'énormes paniers ou de grands sacs de charbon à la manière des bêtes de somme. Qui n'éprouverait un mouvement de pitié en voyant ces jeunes enfans, tout nus, monter sur leur tête ou sur leur dos, dans les mines de lignite des Bouches-du-Rhône, des couffes ou de gros morceaux de ce combustible? Ces jeunes mandits, car c'est ainsi qu'on les nomme, sont si nombreux et si parfaitement indispensables, qu'ils se vengent pour ainsi dire du triste métier qu'on leur fait faire, en formant de temps en temps de petites coalitions, tendant à se faire augmenter leur paye. Dans un temps où l'on s'occupe avec zèle de l'amélioration du sort des prisonniers, on devrait songer aussi à adoucir celui d'une foule d'ouvriers qui n'ont aucun crime à expier, et qui font cependant des travaux bien plus pénibles que ceux que l'on exige de la part des prisonniers. Le travail à col tordu, qui est bien pénible, il est vrai, est au moins autorisé par l'impossibilité physique d'y en substituer un autre ; et certes, il n'en est pas ainsi du transport à dos d'homme, qui peut facilement être remplacé par un autre : d'ailleurs, à part ces considérations morales, qui sont cependant bien d'un certain poids, ce mode est mauvais, mécaniquement parlant; car l'effet utile d'un homme qui monte et descend pendant un certain nombre d'heures en portant ce que sa force lui permet, est infiniment au-dessous de ce que ce même

homme aurait produit en appliquant sa même force au bout d'un levier, d'une manivelle ou d'une machine quelconque.

L'expérience a démontré, en effet, que le maximum de travail d'un porteur pendant une journée n'équivaut qu'à 52848 kilogr. élevés à un mètre; que le travail des mandits ou des enfans qui sortent le lignite des mines de la Provence, ne va guère au-delà de 42159 kilogr. élevés à un mètre, ainsi que mon neveu, M. Gindre, l'a calculé sur un assez grand nombre de ces enfans, qui portent, terme moyen, 23 kilogr., font trenteneuf voyages à 47 mètres de hauteur verticale, en montant sur de mauvais escaliers taillés dans la roche; tandis qu'en employant ces mêmes hommes à la poignée d'une manivelle qui décrit une circonférence de 23 décimètres, et à laquelle ils font faire vingt tours par minute, Coulomb à trouvé que leur effet utile égalait 116000 kilogr. élevés à un mètre par journée de travail.

Nous verrons bientôt, en parlant du transport à la brouette, quels sont encore les avantages de cette simple machine sur le transport à dos d'homme, qui ne doit jamais étre employé dans les ateliers où l'on veut exécuter avec économie et célérité des travaux continus. (Dupin, 3.o leçon de dynamie.)

S. 2.

Transport par brouette.

Ce moyen n'est pas le meilleur, mais c'est celui qui convient aux petites exploitations, qu'il ne faut point mépriser, et qui donnent quelquefois plus de bénéfice à leurs propriétaires que celles qui sont montées très en grand. Il est certains gîtes qui ne comportent pas les grands moyens d'extraction, et cependant il faut les exploiter aussi, ces petits gîtes, surtout quand il n'y en a pas d'autres dans. la contrée.

Ce moyen de transport exige l'établissement d'une suite de planches de chêne clouées les unes au bout des autres sur des traverses particulières, que l'on fixe solidement en travers des galeries ou sur les semelles des cadres, si le terrain l'exige.

Les brouettes doivent être solides, légères et d'une construction simple; telle est celle figurée planche XVI, figure 10, qui se compose, comme on le voit, de deux planches, qui forment à la fois les deux bras, deux côtés de la caisse et les supports de l'essieu de la roue. Les deux autres côtés de la caisse se font avec des bouts de planches clouées, et le fond, qui se cloue aussi avec les deux côtés, est soutenu par une traverse fixée dans deux étriers. Toute cette caisse est consolidée par du fer à ruban très-mince, qui

pèse peu et qui contribue beaucoup à la durée de toute la brouette. La

à

quatre rayons, doit être faite et ferrée avec soin; car elle doit user plusieurs caisses, et je conseille de faire traverser l'essieu d'un bout à l'autre du moyeu, plutôt que d'employer deux tourillons à pointe, qui se dérangent souvent, malgré les deux petits cercles. de fer dont il est bon de fortifier chaque bout du moyeu. On fera fort bien aussi de faire tourner les bouts de l'essieu dans des rondelles de tôle forte, percée au centre, et que l'on fixe sur les côtés par quatre clous rivés Ce modèle de brouette, dont je fais usage depuis bien des années, n'a pas besoin de pieds; il ne comporte ni tenons ni chevilles; il peut s'exécuter par les mineurs, sauf la roue, qu'il faut faire faire par un charron. Le bois de peuplier est excellent, parce qu'il est léger et difficile à fendre; mais c'est à cause de son peu de dureté que l'on doit border la caisse en tout sens avec du ruban de fer cloué à plat. Une brouette de cette sorte, bien conditionnée et bien ferrée, revient ordinairement à dix-huit ou vingt francs. Il faut en avoir de deux grandeurs au chantier, afin que les petits rouleurs ne soient pas forcés à trop 'écarter les bras. Je conseille de leur donner à chacun une bricole ou bretelle en corde ou en cuir, afin qu'une partie du poids de la brouette chargée soit supportée par les épaules et ne pèse pas en entier sur les bras

de ces jeunes enfans, qui commencent à faire ce métier à douze ans, sous les noms de rouleurs, traîneurs ou hiercheurs, et qui sont destinés à passer mineurs quelques années plus tard, ainsi que nous le dirons en parlant des ouvriers en général.

J'ai dit que ce mode de transport n'est pas le meilleur de tous, parce que nous en verrons bientôt de plus puissans, en effet; mais cependant l'expérience a prouvé qu'un homme qui pousse la brouette sur un chemin sec et uni, peut transporter dans la journée 14,5 mètres cubes de terre à 30 mètres de distance: avec la brouette ordinaire, l'homme ne supporte qu'une portion du poids du chargement, qui équivaut à 18 ou 20 kilogr., et qui n'exige qu'une force de 2 à 3 kil. pour la faire rouler. La charge moyenne d'une brouette est évaluée à 70 kil., dont 30 kil. environ pour le poids de la brouette elle-même. Maintenant, si l'on multiplie 14% kilomètres, par exemple, par ces 70 kil., on trouve qu'un homme qui pousse la brouette produit un effet utile égal à 1015 kilogr. transportés à un kilomètre; tandis que nous avons vu ci-dessus que le maximum d'un homme qui porte à dos ne produit que 696 d'effet; produits qui sont entre eux comme 100 est à 145, ou, en d'autres termes, que cent brouetteurs feront autant d'ouvrage que cent quarante-cinq porteurs. Les terrassiers d'Auvergne, qui sont excellens, multiplient beaucoup les relais et

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