Images de page
PDF
ePub

bouche ne se ternit pas, ne sont point des signes d'une mort certaine on cite mille exemples à l'appui de cette observation.

Souvent, après avoir continué quelque temps avec persévérance à administrer les secours à un asphyxié, on entend un léger soupir, qui se renouvelle au bout de quelques minutes. Ces soupirs sont bientôt suivis de petits hoquets: alors, dès que le malade donne ces premiers signes de vie, on fait des frictions avec des serviettes sur toutes les parties du corps, on le place dans un lit, on lui fait avaler quelques cuillerées d'eau toujours acidulée avec du vinaigre, ou bien quelques cuillerées d'eau et de vin; enfin, on a soin d'entretenir dans la chambre un courant d'air frais, sans lequel il risquerait de retomber dans son premier état.

Voilà pour les mineurs qui auraient été suffoqués par l'azote ou le gaz acide carbonique.

Quant à ceux qui auraient été submergés et que l'on considérerait comme noyés, voici quels sont les secours qu'il convient de leur donner.

1.° Aussitôt que le noyé sera sorti de l'eau, on s'empressera de le transporter dans le lieu le plus voisin où l'on pourra lui donner les secours que son état réclame; mais ce transport devra se faire avec précaution, en évitant les mouvemens brusques, les saccades, et pourra s'effectuer sur les bras de

deux ou trois personnes, sur une civière et même dans une charrette au fond de laquelle on aura mis de la paille ou un matelas. Pendant ce transport le noyé devra être couché sur le côté, la tête levée et en dehors d'une couverture qui lui enveloppera tout le corps.

2.o Le noyé, apporté dans le lieu des secours, sera dépouillé de ses habits que l'on

fendra d'un bout à l'autre avec des ciseaux.

3. On l'enveloppera largement dans une couverture de laine, et on le couchera sur un ou deux matelas en travers d'un grand feu, placé sur le côté, la tête élevée et couverte d'un bonnet de laine.

4. Sous cette large couverture on fera à la surface du corps, et particulièrement sur le bas-ventre, des frictions avec des étoffes de laine, d'abord sèches et chaudes, et ensuite imbibées de quelques liqueurs spiritueuses, telles que l'eau de mélisse, de Cologne, ou simplement de bonne eau-de-vie.

5. Pour parvenir à réchauffer le noyé, on remplira d'eau chaude des vessies ou des bouteilles, et on les appliquera sur la poitrine vers le cœur, sur le ventre, et l'on

1 Si l'individu s'était noyé dans de l'eau chaude, il ne faudrait point l'approcher du feu et le frotter avec des serviettes ou des flanelles chaudes : il faudrait qu'elles fussent froides. Si c'était dans une mare infecte, le traitement se compliquerait, puisqu'il y aurait eu asphyxie avant la suffocation causée par l'eau.

placera une brique ou une pierre chaude, enveloppée de linge, sous la plante des pieds.

6.° On lui poussera de l'air dans les poumons, et la meilleure manière d'y parvenir, c'est d'introduire le tuyau d'un soufflet dans l'une des narines, et de comprimer l'autre avec les doigts. Cependant l'air qui sort d'une autre poitrine a été reconnu meilleur, parce qu'il n'a perdu qu'un cinquième de son oxigène, et qu'il a une chaleur et un degré d'humidité convenables et propres à favoriser la dilatation des bronches et des vésicules pulmonaires. (D.' Fabre.)

7.° On fera, comme pour les asphyxiés, respirer de l'alkali volatil, et l'on chatouillera l'intérieur du nez avec la barbe d'une plume, un papier roulé, une paille, un brin d'herbe, etc.

8.° On lui fera avaler, si la chose est possible, une cuillerée à café d'eau-de-vie, de vin chaud ou d'eau de mélisse.

9.° Dès que le noyé pourra avaler, on en profitera pour lui faire prendre quelques autres cuillerées de ces liqueurs, mais en ayant soin de ne les donner qu'au fur et à mesure qu'il les aura avalées.

10. Les lavemens irritans salés, faits avec du tabac à fumer, hâteront le moment où le noyé reprendra ses sens.

11.° Enfin, la saignée au pied ou à la jugulaire ne doit pas être négligée dans les

sujets dont le visage est rouge, violet, noir, et dont les membres sont flexibles et encore chauds; mais il ne faut jamais la pratiquer sur des corps froids et dont les membres commencent à se roidir..

Les mineurs qui ont été brûlés par le grisou ou autrement, doivent être traités de la manière suivante.

On trempera des linges dans de l'eau froide, on les appliquera sur les points du corps où la brûlure est la plus considérable, et l'on renouvellera ces linges aussitôt qu'ils auront perdu leur fraîcheur par le contact de la peau. Ce sont des fomentations froides; mais s'il est possible de plonger la partie brûlée dans l'eau fraîche souvent renouvelée, et mieux encore dans l'eau de Goulard, si l'on est voisin d'une pharmacie ou d'un droguiste, on devra s'empresser de le faire; enfin, si la brûlure est très-étendue, le plus court est de plonger le malade dans un bain froid, qu'on renouvellera tous les quarts d'heure, et de l'y tenir jusqu'à ce que l'inflammation soit tombée.

Ici se termine l'énumération des soins qu'un bon directeur ou une cantinière intelligente peuvent et doivent donner aux mineurs asphyxiés, noyés ou brûlés; car, excepté la saignée, qui n'est pas susceptible d'être faite par tout le monde, et qu'il serait cependant bien utile qu'un directeur de mine sût faire à propos, tout le reste peut

se pratiquer par quiconque est animé de l'amour de son prochain, ce qui n'empêche pas qu'il faut, dès l'instant où l'on apprend qu'il est arrivé un malheur, envoyer chercher le chirurgien le plus voisin, qui doit toujours être celui de l'établissement; mais comme il y a beaucoup de mines qui sont situées à de grandes distances des villes, et que le chirurgien peut être absent, il faut commencer les soins que nous venons d'indiquer, les donner avec ordre et persévérance, et ne jamais perdre de vue que l'on est souvent parvenu à rappeler des asphyxiés et des noyés à la vie, huit heures après qu'ils ont été frappés.'

Quant aux fractures, elles exigent les secours d'un homme de l'art, et le devoir des directeurs se borne à le faire appeler dans le plus court délai possible.

du

1 Un colonel anglais qui aimait tendrement sa femme, la garda huit jours sans mouvement et sans aucun signe de vie, refusa obstinément de la laisser enterrer, et menaça de brûler la cervelle à celui qui serait assez hardi pour vouloir s'emparer corps de sa femme. L'excès de sa douleur parvint jusqu'à la reine, qui, en lui envoyant faire son compliment de condoléance, le fit engager à accorder les derniers honneurs à son épouse. Le colonel résista, disant que rien ne pressait, puisque le corps de sa femme ne donnait aucun signe de putréfaction. Quel fut le bonheur du brave colonel, lorsqu'au bout de huit jours de douleur et de désespoir, la dame se réveilla au son des cloches de l'église voisine, en disant: Voilà le dernier coup de la prière; allons, il est temps de partir. Elle guérit parfaitement et vécut encore fort long-temps. (Journal des savans, année 1746.)

« PrécédentContinuer »