Images de page
PDF
ePub

de placer leurs coups de mine, que pour la quantité de poudre dont ils doivent charger; et c'est encore à eux de veiller à ce que chaque ouvrier ait un nombre suffisant d'outils en bon état enfin, si les pompes se dérangent, ils doivent ouvrir les regards ou chapelles et visiter les soupapes. Quand un caporal veut faire son devoir, il ne peut guère sortir de la mine avant d'avoir installé son second poste, et c'est le moment où son camarade vient le relever.

Le maître mineur doit faire sa tournée générale au moins une fois dans les vingt-quatre heures, et en varier l'époque à dessein, afin de ne pas trouver toujours les mêmes ouvriers à l'œuvre et le même caporal de service. Il est à désirer qu'il sache se servir de la boussole en l'absence du directeur, et dresser le projet d'un percement ou d'un nouvel ouvrage. C'est lui qui tient l'état des journées, et chez qui chaque ouvrier doit se présenter pour se faire marquer en sortant; enfin, c'est le maître mineur qui tient le magasin des outils et des provisions, et qui en dresse l'état: il doit être maître de renvoyer un ouvrier qui lui a manqué, ou qui ne fait pas son devoir; mais il ne doit pas le faire avant d'en avoir prévenu le directeur. Quant aux amendes, il les marque sur sa feuille de journées en présence de l'ouvrier qui en a mérité une, et en le prévenant que c'est telle faute qui la lui a value. Il doit donner ses ordres

sur place même, soit à l'un des caporaux, soit aux ouvriers, mais toujours en présence du caporal de service, afin d'éviter les mal-entendus et les mauvaises excuses. Le maître mineur ne reçoit d'ordres que du directeur, avec lequel il doit toujours s'entendre sur les travaux mêmes.

Le directeur, enfin, ne doit donner des ordres qu'au maître, qui est chargé de les faire exécuter; mais qui, étant responsable de tout ce qui se fait dans son atelier, doit tout ordonner et tout commander: sans cette marche régulière, il serait impossible d'obtenir de l'ensemble et de la précision. Si le directeur, en faisant sa tournée en l'absence du maître mineur, changeait les ouvriers de place, donnait des ordres aux caporaux et bouleversait le chantier, le maître mineur ne saurait plus à quoi s'en tenir, les ouvriers hésiteraient à lui obéir, dans la crainte d'être chassés par le directeur, et tout serait plongé dans le plus grand désordre. Le directeur ne doit parler, pour ainsi dire, qu'avec son maître mineur et ses autres maîtres-ouvriers, et ne doit jamais s'en prendre qu'à eux, si en visitant les travaux il s'aperçoit que ses ordres ont été mal compris et mal exécutés, et pour éviter ces méprises, il faut, autant que possible, qu'il les donne sur place, et qu'il ne la quitte que lorsqu'il est certain d'avoir été parfaitement entendu. Ce qui n'arrive pas toujours du premier jet, mais ce qui exige

souvent que l'on explique son idée à plusieurs reprises et dans des termes différens.

Si le directeur veut faire exécuter quelque chose de nouveau, qui sorte tant soit peu de la routine ordinaire, et qu'il ait mûrement réfléchi avant de se décider à en donner l'ordre, il doit exposer sa pensée le plus clairement possible, et couper court à toute discussion par un je le veux bien articulé ; mais s'il s'agit d'un travail important qui n'ait rien d'extraordinaire, il doit écouter les avis de son maître mineur et de ses caporaux, discuter avec eux sans emportement, examiner chose sur toutes ses faces, en bien peser les chances et ne combattre l'avis de ses subordonnés que par des chiffres ou des raisons évidentes, et il sera souvent étonné des lumières qu'il retirera de ces espèces d'enquêtes. Les chefs ne se rapprochent point assez souvent de leurs ouvriers; s'ils ne les tenaient pas toujours à une si grande distance, ils découvriraient souvent chez eux des talens ou du moins des dispositions cachées, dont ces bonnes gens ne se doutent pas ou qu'ils ont la bonhomie de méconnaître.

Depuis bien long-temps j'ai pris l'habitude d'interroger les ouvriers de toutes les professions, de causer longuement avec eux, et je suis rarement sorti de l'atelier d'un artisan sans avoir appris quelque chose que j'aurais vainement cherché dans les livres.

Si la mine est exploitée depuis très-long

temps, il est probable que les ouvriers sont presque tous du pays; mais si elle est nouvelle, ou qu'elle soit assez importante pour occuper plus de bras que la culture ne peut en céder, il faudra recourir aux mineurs étrangers qui sont répandus sur divers points de la France, ou dans le voisinage de ses frontières. Il est d'autant mieux de recevoir quelques-uns de ces mineurs étrangers dans les exploitations même où l'on ne manque pas d'ouvriers du pays, que ces hommes, qui ont vu beaucoup d'exploitations différentes, peuvent apporter avec eux quelque bonne méthode, que l'on doit s'empresser d'adopter.

L'homme le plus difficile à se procurer est le maître mineur; les bons sont très-rares en France, et l'on ne fait rien pour en former; car les études de l'école de Saint-Étienne sont trop élevées, pour que nous puissions jamais espérer d'en voir sortir ce que l'on doit entendre par un maître mineur: cette excellente école, qui fera toujours honneur à M. Beaunier son fondateur, a déjà produit plusieurs sujets distingués, qui feront d'excellens directeurs ; mais il reste une lacune à remplir, et il est urgent d'y songer.

Des mineurs français et étrangers.

Les mineurs français voyagent fort peu; ils sont excellens dans les travaux où ils ont été élevés, mais ils sont mauvais quand on les dépayse: n'ayant jamais vu qu'un seul atelier,

qu'un seul terrain, que les mêmes usages et les mêmes outils, ils se trouvent déplacés partout ailleurs; les mineurs d'Anzin, du Forez, du Bourbonnais, les Bretons et les Dauphinois, restent chacun chez eux et n'émigrent point; il ne m'est jamais venu qu'un ou deux Bretons et quelques Foréziens; mais en revanche il m'est passé par les mains quelques Saxons, beaucoup de Piémontais et de Savoyards, et un grand nombre de Tyroliens.

Les mineurs saxons sont les plus instruits de tous ceux qui voyagent en France; ils savent presque tous un peu dessiner, et comme ils ont été élevés dans le pays du monde où les mines sont le mieux exploitées, ils en rapportent de bons usages, d'excellentes méthodes et une pratique éclairée: malheureusement il en passe fort peu en France. Je suis parvenu à en fixer un et à le faire placer comme maître mineur dans une exploitation à laquelle je m'intéressais beaucoup, et un autre, qui a travaillé sous mes ordres, remplit aussi les mêmes fonctions dans une mine de l'Isère.

Les mineurs tyroliens ne sont pas aussi instruits que les saxons. Ils sortent presque tous du village de Kaltebrunn près Riedz, dans l'Oberkreisamt en Tyrol, d'où ils arrivent en France encore jeunes et novices; mais comme ils sont presque tous parens, et qu'ils se soutiennent mutuellement, les plus anciens montrent aux autres et ils se forment très

« PrécédentContinuer »