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promptement dans leur métier. Ils entrent en France par l'Italie, vont travailler dans les mines d'or et de fer des environs du Mont-Rose et du lac de Côme, et se rendent ensuite aux mines de Chessy près Lyon. C'était là où se bornaient ordinairement leurs excursions en France; mais depuis dix ans j'ai contribué à les répandre dans la Dordogne, la Corrèze, la Creuse, la Vienne, l'Aveyron, le Gard, les Bouches-du-Rhône et le Var, et partout ils se sont fait estimer de leurs chefs; plusieurs se sont mariés en France, sont devenus maîtres mineurs, et je puis assurer que ces Tyroliens sont si pleins d'honneur et de délicatesse, que je n'ai jamais eu à me plaindre d'eux. Il y en a environ deux cents en France, et comme ils voyagent beaucoup, ils deviennent fort habiles et surtout excellens boiseurs.

Les anciens maîtres mineurs de la mine d'argent d'Allemond, de la mine de plomb de Pesey, de la mine de cuivre de Chessy, des mines de Servoz, étaient tyroliens. Celui de Saint-Bel et Chessy près Lyon, de Chabrignac et d'Argentac, département de la Corrèze; celui du Lardin, mon élève; celui des mines de lignites d'Oriol et des Martigues près Marseille, ainsi que celui de Fréjus, département du Var, sont tous Tyroliens.

Je ne puis trop les recommander à mes confrères; leurs journées varient, suivant la cherté des vivres, depuis 2f jusqu'à 2 f 50c:

mais ils prennent volontiers des prix faits ou des parties d'ouvrages à l'entreprise, et dans ce cas ils portent leurs journées jusqu'à 3 alors ils travaillent plus de huit heures. Les maîtres mineurs gagnent de huit à douze cents francs par an.

Les mineurs piémontais sont de forts travailleurs quand ils sont à leurs pièces; mais ils sont sans instruction et nous apportent un si mauvais moral et de si mauvaises mœurs, qu'il est dangereux de les introduire dans un atelier où l'on doit avoir à cœur de maintenir la paix et la discipline. Leurs camarades se plaignent de leur manque de probité, ils se battent entre eux à chaque instant, se sauvent sans payer, et sont en général de fort mauvais sujets; j'ai eu tant à m'en plaindre personnellement et j'ai entendu porter tant de plaintes sur leur compte, que j'ai résolu de ne jamais en employer,

Du travail à la journée, et du travail à prix fait.

Il y a deux manières de faire travailler aux mines, à la journée et à la tâche. Il n'est pas toujours possible de donner le travail à l'entreprise, surtout quand on ne fait que commencer et que l'ouvrage n'est pas encore régulier; car il se passe presque toujours plusieurs semaines de mise en train, pendant lesquelles on ne peut travailler qu'à la journée; néanmoins, aussitôt que la chose est de

venue possible, je conseille fortement d'adopter le travail à la tâche ; car il avance toujours beaucoup plus vite qu'à la journée, et quoique l'ouvrier gagne réellement davantage, l'ouvrage ne revient point à un prix plus élevé, parce que l'ouvrier travaille plus fort qu'à la journée.

La consistance de la roche ou du minerai, l'abondance des eaux, et les dimensions des galeries ou des puits, font nécessairement varier le prix du mètre courant, puisque ce sont là les principales causes qui retardent ou entravent le travail du mineur. Il est donc prudent, surtout quand on n'a pas l'habitude de faire travailler, et que l'on ne connaît pas bien les roches sous le rapport de la résistance qu'elles opposent à l'effort de la poudre ou des outils, de faire travailler à la journée pendant un mois: en s'assurant par une surveillance convenable que le temps a été loyalement employé, on peut prendre le travail fait pendant ce premier mois pour base du prix du mètre courant. Ainsi, par exemple, je suppose que 6 mineurs, divisés en 3 postes, aient fait pendant 26 jours de travail 10 mètres courans d'une galerie de 2 mètres de haut, sur une largeur réduite de 1 33. Je dis, en multipliant 26 par 6, que 156 journées de mineur à 2f ont détaché 26,60 cubes, qui me sont revenus par conséquent à 312, soit à 11f 72° le mètre. Or, l'expérience m'a appris qu'en donnant

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l'ouvrage de tâche au même prix qu'il revient quand on le fait exécuter à la journée, l'ouvrier gagne un cinquième au moins en sus; le maître, sans payer plus cher, y trouve l'avantage de voir avancer son ouvrage plus rapidement, et il ne lui reste qu'à veiller à ce qu'il soit bien et dûment conditionné, Je donnerais donc environ 31f du mètre courant de cette galerie, puisqu'il représente 2",66 cubes de roche à abattre.

Je ne suis point d'avis de donner de grands prix faits à la fois; cette méthode ne tourne jamais à l'avantage du maître, peut souvent lui être préjudiciable, et voici comment. Je suppose que l'on ait donné 100 mètres de galerie à foncer à une compagnie de six mineurs, que l'on soit convenu, par l'examen et l'essai même de la roche d'entrée, qu'il faut 25f du mètre courant pour couvrir la journée. S'il survient une roche beaucoup plus dure ou beaucoup plus difficile à casser, et que les pauvres ouvriers ne puissent plus y gagner leur vie, on sera bien forcé d'augmenter le prix convenu, car il faut être humain avant tout; mais si, au contraire, la roche devient plus tendre, ces mêmes hommes consentiront difficilement à un rabais, ou s'arrangeront de manière à ce que leur travail du mois ne dépasse pas assez ce que l'on a droit d'en attendre, pour que l'on soit tenté de leur proposer de la diminution. Pour obvier à tous ces inconvéniens, voici com

ment je traite avec mes ouvriers: je ne donne mes prix faits que pour un mois, avec assurance de compléter la journée, si le prix que je propose n'en couvre pas la valeur, et pour m'en convaincre, je tiens note des journées faites; je m'assure qu'il n'y a pas eu négligence, et à la fin du mois je divise la somme du prix fait par le nombre de journées de travail. Si elle n'arrive pas à 21 50o, qui est le prix que je donne dans ce moment-ci, la complète; si elle dépasse 3, je diminue pour le mois suivant, et de cette manière il y a sécurité et confiance de part et d'autre.

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Le mètre cube du travail d'un puits se paye toujours un peu plus cher que celui d'une galerie, parce que l'ouvrier est continuellement exposé par la chute de la plus petite pierre, et parce qu'il doit avoir la précaution de se garer sous le puits d'échelle pendant que l'on monte et que l'on décroche la tine; parce qu'il est souvent exposé à recevoir l'eau sur le corps, qu'il perd beaucoup de temps à monter et à descendre par les échelles, et qu'il ne peut travailler pendant que le boiseur pose ses cadres. Quand il y a de bons boiseurs dans la compagnie des mineurs qui ont reçu le prix fait, je ne vois point d'inconvénient à ce que l'on y comprenne le boisage; au contraire, c'est encore un moyen d'accélérer le travail; mais dans tous les cas il faut éviter que le maître mineur soit intéressé dans les prix faits; car on

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