Images de page
PDF
ePub

est dû, et que l'on néglige de payer; j'en fais la retenue et ne m'en dessaisis que lorsque les deux parties sont d'accord. Si la somme est trop forte pour pouvoir être payée du même mois, je la partage en deux, trois ou quatre paiemens, et de cette manière je fais payer beaucoup de dettes sans que l'on soit obligé d'en venir aux assignations, que j'ai en horreur. Lorsqu'on a un grand nombre d'ouvriers, il est bien de préparer leur compte d'avance, afin de n'avoir pas à les faire tous au moment de la paie: voici la manière que j'ai adoptée, et dont je me suis toujours très-bien trouvé.

Après avoir vérifié le compte de chaque ouvrier porté sur la feuille, et celui des prifacteurs et des fournisseurs, je fais autant de bulletins qu'il y a d'ouvriers, et j'exprime sur chacun d'eux le bordereau des espèces qui devront former le solde du compte de chacun, le nombre de ses journées, la somme qu'il laisse à ses créanciers, s'il en a, et à la masse des secours. Exemple:

[blocks in formation]

Quand tous ces bulletins sont faits, on met dessus les espèces désignées, en les rangeant sur une grande table, les uns à côté des autres et ayant soin de mettre les mineurs, manoeuvres et rouleurs séparément, afin de pouvoir trouver facilement celui qu'on cherche. On lit le bulletin à l'ouvrier en lui remettant son argent; on le lui fait emporter, afin que, s'il y a erreur, on puisse le vérifier de nouveau: l'essentiel est de lui bien faire reconnaître qu'il reçoit réellement la quantité des espèces désignées sur le bordereau. On voit que par ce moyen le caissier fait ses comptes à tête reposée et qu'il les vérifie deux fois : en mettant l'argent dessus, et en le donnant à l'ouvrier; il peut même faire sa caisse avant la paie, et s'assurer encore de cette manière s'il n'a point fait d'erreurs notables.

Livrets, passe-ports, congés.

Peu de mineurs ont des livrets; ils voyagent avec des passe-ports et des congés de chaque établissement où ils ont travaillé. Les livrets seraient préférables et beaucoup plus faciles à porter que toutes ces feuilles volantes; mais en général ils préfèrent des congés. Dans tous les cas le directeur doit se faire remettre les passe-ports et les déposer à la mairie. La loi le veut ainsi, et c'est une mesure très-sage.

Des élèves-mineurs.

[ocr errors]

Lorsqu'on est chargé de la direction d'une nouvelle mine, on ne doit rien négliger pour former des élèves pris parmi les habitans du pays, et c'est aux plus pauvres et à ceux qui n'ont que peu ou point de bien qu'il convient de s'adresser. Les enfans surtout doivent être l'objet des soins et de la sollicitude du directeur, qui doit voir en eux une pépinière d'ouvriers, qui deviendront d'autant meilleurs et d'autant plus attachés à l'établissement, qu'on aura pris plus de soin à leur faire sentir l'avantage d'une vie régulièrement occupée, d'un travail continu, toujours indépendant de l'état du ciel, des saisons, des rigueurs du froid et de l'ardeur brûlante du soleil. Le travail des mines présente un appât bien grand pour les gens de la campagne qui ont un petit domaine à cultiver : c'est celui de ne travailler que huit heures, et d'avoir encore huit heures de disponibles pour la culture et les soins du ménage; de cette manière tout est concilié. La mine fournit l'argent, le domaine donne du pain et du vin, et il reste encore huit heures de repos pour réparer les forces, et cela s'arrange d'autant mieux que les ouvriers alternent entre eux de semaine en semaine, afin que les postes de jour et ceux de nuit ne soient pas toujours remplis par les mêmes.

Il faut autant que possible laisser aux mi

neurs le soin de se choisir leurs camarades de travail; c'est un moyen d'éviter les disputes et les plaintes : si on les contrarie dans leurs petites associations, on est continuellement ennuyé de leurs doléances; tandis qu'en les laissant libres, ils n'ont aucun droit de se plaindre, et l'on s'aperçoit bientôt qu'un ouvrier est réellement mauvais, si personne ne veut s'associer avec lui. On ne doit, je le répète, ne rien négliger pour former des mineurs du pays; car il y a de grands inconvéniens à ne se servir que d'étrangers, et voici les principaux :

Ils exigent une plus forte paie, parce qu'étant forcés de tout acheter et ne récoltant rien, il leur est impossible de vivre à aussi bon compte que les paysans.

Il faut les loger, les coucher, les chauffer et les éclairer; autre inconvénient, qui exige un mobilier, qui, si simple qu'on peut le supposer, ne laisse pas que d'entraîner une dépense et un entretien assez considérables; aussi, quand on a le bonheur d'être voisin d'un village, on doit tâcher de les mettre en pension chez les habitans.

Ils prennent la maladie du pays, se dégoûtent et s'entendent quelquefois pour demander de l'augmentation ou quitter tous à la fois.

Enfin, il est rare de trouver le zèle et le dévouement chez un homme qui désire voyager et qui sait d'avance qu'il ne restera pas long-temps dans le même atelier; tandis qu'on

1

a droit d'en attendre de celui qui est attaché au pays par sa famille, l'héritage de ses pères, et qui ne pourrait jouir du surcroît de bien-être que lui procure le travail des mines, s'il cessait de s'y conduire avec honneur; il n'aurait pas, comme l'étranger, la ressource de changer d'atelier et d'aller chercher fortune ailleurs.

De la masse des secours.

L'un des grands moyens d'attacher les ouvriers à une exploitation, c'est d'òrganiser une masse des secours à l'aide de laquelle on peut faire soigner les malades, les blessés, leurs femmes et leurs enfans, secourir la veuve et l'orphelin, s'opposer à la rapacité des usuriers et réparer un malheur imprévu.

Le fonds de la masse des secours se compose de la retenue d'une journée de paie par mois, faite à chaque ouvrier, quel que soit son salaire; du produit des amendes imposées comme punitions, et d'une petite somme donnée par la compagnie à titre d'encouragement et qui varie en raison de l'importance de l'établissement. Cette mesure influe sur le moral des ouvriers beaucoup plus qu'on ne le croit; elle leur donne un esprit d'ordre et de prévoyance qui produit les meilleurs effets, et quand à tous ces avantages on peut joindre le bienfait d'une école pour les enfans et même pour les adultes, nous jouissons du bonheur d'avoir fait tout le bien possible

« PrécédentContinuer »