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couvert de ravages la moitié de son territoire, s'étaient fixés dans la Neustrie. Un Boson avait fondé dans le Midi le royaume d'Arles, qu'on appelle aussi de Bourgogne : les grands vassaux se disputaient le reste. La branche directe de Charlemagne vit tour-à-tour l'usurpation d'un chef des Normands et celle d'un comte de Paris couronnées par le succès; elle fut forcée de laisser le trône Allemand et la couronne impériale passer aux bâtards de Louis-le-Germanique. Enfin, elle laissa entièrement échapper le sceptre, qu'elle ne tenait plus que d'une main chancelante.

L'Italie était tout entière sous l'influence des ducs de Spolète et de Frioul, créés comme ceux de l'Allemagne. Ces deux seigneurs s'y disputaient la domination sur Rome que les papes voulaient conserver. Le titre d'empereur, auquel ils aspiraient comme les souverains Allemands, était un nouveau sujet de discorde. Dans cet état de choses, celui que la victoire amenait à Rome recevait la couronne des mains d'un pontife quelquefois souillé de crimes. Les Romains formaient de nouvelles factions pour se délivrer de tous ces chefs barbares qui avaient succédé au glorieux Charlemagne, et de ces évêques que leur imposait Marozie ou Théodora. C'était une série non interrompue de désordres et de scandales.

Ce fut dans ces conjonctures que Louis IV, fils d'Arnoül, mourut sans postérité. Comment Charles-le-Simple qui régnait, aurait-il pu soutenir ses droits au trône d'Allemagne, quand il ne pouvait pas même conserver le patrimoine de sa branche! Aussi les principaux seigneurs allemands s'assemblèrent à Worms, et sans tenir compte, à ce qu'il paraît, de cet héritier du sang de Charlemagne, ils élirent roi l'un d'eux, Conrad Ier, duc de Franconie, ou d'Austrasie, ou de France Rhénane; car on le désigne sous ces différens noms. Ce duc fut élu comme le fut, peu après en France, le fondateur de la dynastie capétienne.

On se demande d'abord, en lisant le récit de cette double

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révolution, pourquoi le résultat de chacune fut différent; pourquoi la couronne resta élective en Allemagne, tandis qu'elle devint héréditaire en France. « L'empire, dit à ce sujet Montesquieu, était sorti de la maison de Charlemagne dans le temps que l'hérédité des fiefs ne s'établissait » que comme une condescendance. Elle fut même plus tard » en usage chez les Allemands que chez les Francais; cela fit que l'Empire fut considéré comme un fiefélectif. Au contraire, quand la couronne de France sortit de la maison de Charlemagne, les fiefs étaient réellement héréditaires dans ce royaume: la couronne, comme un grand fief, le fut aussi (1). » J'ose hazarder une autre explication, peut-être plus véritablement historique que celle du grand homme.

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Il y avait eu à distinguer jusques-là entre la couronne germanique héréditaire et élective, à la fois, de même que celle des Francs, et la couronne impériale déférée par le choix des Romains et par l'adhésion du souverain pontife. Quand la maison de Saxe eut définitivement réuni les titres de ces deux couronnes, il arriva que le mode électif par lequel des rois d'Allemagne, d'Italie ou de France avaient été jusques-là faits empereurs romains, subsista quand il n'y eut plus, par la confusion des deux titres, que des empereurs d'Allemagne. Le roi aurait été héréditaire, mais l'empereur dut continuer à être électif ; les monarques eux-mêmes semblèrent d'abord, en quelque sorte, reconnaître la légalité de cet usage, en faisant élire leurs successeurs de leur vivant. L'ambition des maisons électorales en fit, dans la suite, une loi constitutive.

S. VII. Maison de Saxe.

Conrad I avait été élu, dit-on, par le crédit d'un duc de Saxe, qui trouva son âge trop avancé pour ceindre le bandeau royal. Il était naturel de penser que la postérité de ce duc qui donnait un souverain au pays, parviendrait elle-même à la souverai

(1) Liv. 31, chap. xxx11.

neté. La maison de Saxe monta en effet sur le trône, après Conrad, dans la personne d'Henri I, qu'on a appelé l'Oiseleur. Au reste, ces deux princes ne portèrent que la couronne alors appelée teutonique, et n'eurent aucun rapport avec l'Italie. Ni l'un ni l'autre ne furent empereurs; et c'est certainement sans titre que l'histoire les a compris dans la série des Césars de l'Occident.

Henri réunit d'abord son duché de Saxe à la couronne, et, un peu plus tard, ce qu'on appelait alors le royaume de Lorraine, successivement démembré dans la suite, et presque toujours en faveur de la France. C'était un prince vaillant et plus éclairé qu'on ne l'était communément alors dans les palais. A l'époque de son règne remonte la fondation de plusieurs villes où l'on commença à pouvoir braver le despotisme féodal, et de quelques marches créées pour mettre les frontières à l'abri des Barbares de l'Est : ce fut, dit-on, l'origine des margraviuts de Lusace, de Misnie et de Brandebourg.

Othon I le Grand, qui lui succéda, renouvela l'empire de Charlemagne ; il vint en Italie avec une armée victorieuse ; battit les princes qui en affectaient la souveraineté, et réprima ces pontifes qui donnaient au monde chrétien l'exemple des plus monstrueux scandales. Il prit la double couronne du royaume d'Italie et de l'empire d'Occident, titres qui furent toujours unis, dans la suite, en la personne de ses successeurs, et comme étant, en quelque sorte, dépendans l'un de l'autre. Ceci donna lieu à cette dénomination de St.Empire romain de la nation germanique, qui constitua une souveraineté dont la suprématie fut long-temps consacrée dans l'Europe chrétienne. Othon-le-Grand peut être regardé comme le restaurateur de l'Empire.

Il y a quelques remarques à faire sur l'élection d'Othonle-Grand. Quoique la couronne fût élective depuis l'extinction de la race de Charlemagne, il est manifeste que la parenté et le vœu du précédent empereur avaient beaucoup de pouvoir sur l'assemblée élective, quelle qu'elle fût, et que, sous

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vent même, cette cérémonie de l'élection ne fut, en quelque sorte, que confirmative d'une volonté précédemment exprimée. Voici comment Witikind, moine de Corbie, auteur contemporain, a raconté l'avènement de ce monarque: Après la mort d'Henri I, dit-il, le peuple de Franconie et de Saxe élut, Othon son fils, que le père avait désigné pour son successeur; puis il ajoute les circonstances suivantes : « Quand on fut demeuré d'accord que l'élection se ferait à Aix-la-Chapelle, les ducs » et principaux seigneurs s'y rendirent, et s'étant assemblés › avec les princes et le reste de la noblesse, dans une galerie » attenante à l'église bâtie par Charlemagne, ils firent asseoir » le jeune prince sur un trône, l'élirent roi, et lui prêtèrent » serment de fidélité en lui touchant en la main et en lui promettant de le secourir contre tous ses ennemis. Pendant » ceci le grand pontife (l'archevêque de Mayence) l'attendait » dans l'église, à la tête de son clergé, et revêtu de tous les » ornemens pontificaux. Quand le prince sortit de la galerie, il alla au-devant de lui, le prit avec la main gauche, et l'ayant conduit jusqu'au milieu de la nef, il se tourna vers » le peuple et prononça ces mots : Voici, je vous amène Othon que Dieu a choisi, que le feu monarque a nommé, et que les princes ont fait roi; si cette élection vous plait, élevez vos

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Ces acclamations du peuple furent, jusqu'à Conrad III, consignées dans les actes d'élection.

Si l'on en croit quelques écrivains, les quatre ducs de Lorraine, de Franconie, de Souabe et de Bavière firent au sacre d'Othon les fonctions de grand-chambellan, de grand-maître, de grand-échanson et de grand-maréchal. Voilà, ce me semble, la première trace de ces offices de la couronne dont les titulaires acquirent plus tard de si hautes prérogatives.

S. VIII. Maison de Franconie. (11° siècle.)

L'Empire fut agrandi sous les cinq rois de la dynastie saxonne; ils en étendirent les frontières du côté de l'Est

jusqu'au-delà de la Saale et de l'Elbe; l'épée de leurs officiers ou la croix de leurs évêques soumirent plusieurs de ces peuplades Slaves qui les ravageaient; ils fondèrent enfin une puissance que les princes de la maison de France Rhénane, ou de Franconie, rendirent plus vaste encore.

Conrad II réunit à l'Empire le royaume de Bourgogne compris entre le Rhin et le Rhône; Henri III, son successeur, battit les Hongrois, et constitua le Margraviat oriental ou d'Autriche, à-peu-près avec les limites qu'a actuellement encore le pays qui porte cette dénomination; c'est une époque florissante dans l'histoire de l'Empire. Il comprenait à-peuprès les deux tiers de celui de Charlemagne, et s'étendait depuis la Baltique jusqu'à la Méditerranée; plusieurs princes étaient ses tributaires.

Le souverain de l'Allemagne était donc alors incontestablement le monarque dominant en Europe; il avait de vastes possessions en propre, déférait toutes les dignités civiles ou ecclésiastiques, et exerçaît un pouvoir qu'il ne fallait partager avec les grands que relativement à quelques affaires graves. La cour de Rome semblait vouloir baser sur cette puissance un système qui devait fonder la monarchie universelle; l'empereur serait le chef temporel de la chrétienté, tandis qu'elle y exercerait elle-même la suprématie spirituelle la plus étendue : le monde aurait ainsi deux maîtres égaux, en quelque sorte, par l'exercice d'une portion. d'autorité à-peu-près égale; mais l'on pouvait aisément supposer que souvent la pusillanimité de l'un s'abaisserait devant le caractère sacré de l'autre; que le génie triompherait quelquefois du glaive; et qu'enfin, un jour peut-être, les clefs du vicaire de Jésus Christ domineraient formellement le sceptre de celui qu'on n'appelait déjà plus quelquefois que du titre modeste d'avoyer (advocatus) du Saint-Siége (1). Mais, d'une part, il y avait dans l'Empire des germes d'une

(1) Leibnitius, in præfat. Cod. juris gentium, dipl.

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