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sur le fleuve lui-même, et lorsqu'un fleuve appartient entièrement à un pays, le rivage opposé formera la limite territoriale.1

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Les limites artificielles consistent dans des lignes purement conventionnelles, ordinairement faciles à reconnaître par des signes extérieurs placés à certaines distances, tels que palissades, fossés, tonnes, digues. Elles reposent tantôt sur des traités formels, tantôt sur une possession immémoriale et non contestée. Des frontières contestées sont réglées par des commissions spéciales ou par des traités: 2 s'il devient impossible de retrouver les véritables limites, le terrain contesté est partagé ou déclaré neutre, et administré en commun jusqu'au règlement définitif. C'est le mode adopté, par exemple, à l'égard du district des mines de Moresnet, situé entre la Prusse rhénane et la Belgique. Si un fleuve sépare deux États, l'empire de l'un et de l'autre s'étend jusqu'au milieu du fleuve, sauf convention contraire. Quelquefois le chenal dit „Thalweg" a servi de limite, comme celui du Rhin; ce mode a encore été adopté dans le traité conclu en 1809 entre la Russie et la Suède. Si un fleuve limitrophe se détourne entièrement de son cours et se jette exclusivement dans l'un des deux territoires voisins, la limite ancienne n'en sera aucunement changée, mais les droits de navigation de l'État exclu du nouveau lit deviennent en ce cas l'objet d'un nouveau règlement. Il en sera de même quant aux lacs situés entre deux territoires: il faudra y appliquer également les dispositions du droit civil. Nous traiterons plus loin des limites maritimes d'un territoire (§ 75).

Caractère territorial des choses.

§ 67. Le territoire, avec tout ce qu'il renferme ou ce qui s'y passe, est soumis à la juridiction de l'État.,,Quidquid est

1 V. Günther II, 20. 21.

2 Günther II, 176. 184 suiv. Bielefeld, Institut. polit. II, 6. § 22. 23. 3 Moser, Vers. V, 25. 354. Günther II, 17. 181.

+ Grotius II, 3. 18. Vattel I, 22. 266. de Martens § 121. Günther II, 20. Schmelzing § 220. Klüber § 133.

5 Grotius II, 3. 17. Pufendorf IV, 7. 11. Vattel § 270. Günther II, 25. 198. • Günther II, 55. 203. Des dispositions spéciales règlent le lac de Constance. V. déjà Buder, De dominio maris Suevici. Jen. 1742. Moser, Nachbarl. Staatsr. 440.

in territorio, est etiam de territorio." La vérité de cet axiome ne pouvait être contestée qu'à une époque où la souveraineté territoriale n'était pas encore complétement développée.1 La souveraineté s'arrête aux limites du territoire qu'il ne lui est pas permis de franchir. Elle ne peut donc pas disposer des objets qui se trouvent en dehors de ses limites, lors même qu'ils ne seraient pas occupés. Ainsi l'exploitation d'une mine concédée ne peut jamais s'étendre sur le territoire étranger sans la concession de l'autorité territoriale. Tout ce qui se trouve sur les frontières de pays limitrophes leur appartient en commun. 3

L'exterritorialité, les servitudes publiques constituent des exceptions au principe exclusif de la souveraineté territoriale (§ 42, 43 ci-dessus). Il est aussi certaines choses sans maître, mais qui sont susceptibles d'être possédées à titre particulier. Les bêtes sauvages, par exemple, tant qu'elles errent sur le territoire d'un pays, deviennent sa propriété passagère (dominium transiens) qui cesse dès qu'elles le quittent. Done elles ne sont pas susceptibles d'une revendication. D'après Grotius, elles sont la propriété commune du genre humain et des États. Pufendorf y a ajouté encore d'autres observations qui sont aujourd'hui d'une importance secondaire. C'est aux lois civiles des différentes nations et aux traités publics d'indiquer les choses qui sont susceptibles d'être possédées à titre particulier, ainsi que les droits de l'État à leur égard.

Dépendances de l'état et colonies. 5

§ 68. Sont considérés comme dépendances d'un État les droits réels qu'il possède dans un territoire étranger, tels que 1 C'est ainsi que Thomase écrivait la thèse ainsi intitulée: De inutilitate brocardici: Quidquid est in territorio est etiam de territorio.

2 Comp. aussi Vattel II, 7. 86 suiv.

3 Suivant Ch. A. Menius, Dissert. de finib. territ. Lips. 1740. § 20 les arbres plantés sur la frontière appartiennent au territoire du côté duquel se trouvent les bornes indicatives de la frontière.

Grotius, De J. B. ac P. II, 3 in fine; II, 4. 14. Pufendorf IV, 6. 4 suiv.

5 S. Stryck, De probatione pertinentiarum. Frcf. Viadr. 1668. H. Engelbrecht, De reunione pertinentiarum. Helmst. 1715. Günther II, p. 178.

des servitudes actives, des immeubles, des droits de suzeraineté et d'usufruit (§ 43 et 64 ci-dessus) qui, par le seul fait de leur acquisition, obtiennent un caractère réel. Sont encore considérés comme dépendances les terres, les districts, les pays expressément annexés, qui, bien que situés hors du territoire principal, étant dépouillés cependant de leur autonomie, sont régis par la même constitution, et qu'une administration commune fait comprendre sous une dénomination générique (§ 20. I). Régulièrement la qualité de dépendance d'un territoire peut être l'effet seulement d'un titre formel. Elle ne résulte pas notamment de cette circonstance qu'à une certaine époque un gouvernement y jouissait de certains droits qui ont cessé par la suite. Telle était pourtant la politique de réunion de Louis XIV, laquelle, en s'appuyant sur quelques dispositions du traité de Münster de 1648 (XI, 70), prétendait au XVIIe siècle faire revivre des droits depuis longtemps éteints. Assurément le chef d'un État ne transmet aux successeurs du pouvoir que ce qu'il possède en sa qualité de souverain, non pas à titre privé ou patrimonial; lorsque la transmission s'opère en vertu d'un acte de cession partielle, les stipulations de l'acte déterminent les limites des droits souverains transférés. En cas de doutes il faut interpréter ces droits comme étant restés communs entre le cédant et le cessionnaire. Ces doutes se présentent souvent dans l'interprétation des traités de cession, et il est prudent d'éviter à ce sujet des termes trop génériques.

Les colonies fondées par un État dans un territoire étranger ne peuvent pas toujours être considérées comme dépendances de cet État ou comme domaines de son souverain.1 Quelquefois les citoyens d'un pays, en renonçant à leur mère - patrie, sont allés s'établir sur un sol vierge, libre encore de toute

1 Pour l'histoire des colonies chez les anciens voir Hegewisch, Nachrichten die Colonien der Griechen betreffend. Altona 1808. Raoul - Rochette, Histoire critique des colonies etc. Paris 1815. Heeren, Ideen zur Geschichte der Menschheit. L'histoire des colonies modernes est disséminée encore dans quelques ouvrages spéciaux. Quelques notices se trouvent chez Moser, Beitr. zum neuesten europäischen Völkerr. V, 398 suiv., et dans l'art. de Roscher, Ueber Colonialwesen, inséré dans Rau, Zeitschrift der politischen Oeconomie. Neue Folge VI, 1.

autorité souveraine, et y ont fondé, avec leurs propres ressources et avec leurs seuls moyens, de nouveaux États. Telle fut en général la politique coloniale de la Grèce, politique qui permettait aux colonies de se développer avec une entière liberté et d'atteindre la haute prospérité dont jouissaient plusieurs d'entre elles. De nos jours on peut citer à ce sujet l'exemple du Paraguay. Mais le plus souvent la politique moderne n'a vu dans les colonies que des voies commodes pour remplir les caisses du trésor de la métropole, en les soumettant à un régime d'exploitation par des compagnies privilégiées et à une administration conçue dans l'esprit de monopole.1

Les colonies placées sous le gouvernement direct de la métropole en forment une dépendance politique. Quelquefois une colonie relève de l'autorité suzeraine du territoire où elle a été fondée, en même temps que les colons conservent les droits de cité dans leur mère - patrie et jouissent de sa protection. Dans des contrées dépourvues de toute autorité souveraine, les rapports légaux des colonies peuvent présenter des difficultés sérieuses entre les diverses puissances, comme, par exemple, dans les colonies européennes établies sur les côtes occidentales de l'Afrique. Le maintien seul du status quo servira, dans ces cas, à résoudre les conflits naissants.

Modes d'acquisition du domaine international.3

§ 69. Le droit international admet comme modes d'acquisition réguliers les actes et les événements seulement qui, sans violation de droits préexistants, ont pour objet de garantir d'une manière permanente la disposition directe et exclusive de certaines choses, et notamment de certains territoires, à un ou à plusieurs États. Ces modes sont la cession, les accroissements naturels et l'occupation.

I. La cession ou succession conventionnelle de droits souverains peut être obtenue par des voies pacifiques ou par la

1 V. Günther II, 132.

2 V. Grotius II, 9, 10 et le comment. de Cocceji; Vattel I, 18, § 210. 3 Ortolan, dans la Revue de législation. Paris 1849. III. p. 5 suiv.

guerre. Elle n'opère la transmission de la propriété à l'égard des tiers, que du moment où l'acquéreur réunit en lui la volonté et la faculté de disposer de la substance physique de la chose d'une manière directe. Jusque-là il ne jouit que d'un droit à la propriété, droit dont l'exercice, pourvu que le titre réunisse les conditions prescrites, ne rencontrera aucune entrave, mais qui n'exclura pas les effets intermédiaires d'une possession tierce. Il faut en conséquence, si l'acquéreur ne se trouve pas déjà saisi, qu'une mise en possession ou tradition s'opère à son profit. C'est cette faculté de disposer librement de la substance de la chose qui est le signe incontesté de la propriété à l'égard des tiers: les fictions légales et l'exécution forcée sont des remèdes de droit civil, impraticables en matière internationale. Tout au plus la volonté clairement exprimée et rendue publique peut être regardée comme translative de la propriété. Les anciens auteurs, et en partie encore les modernes, sont peu d'accord sur cette question.1

II. Les accroissements et les transformations naturels des objets, la naissance de nouvelles îles dans les limites territoriales ou maritimes d'un État, les alluvions constituent un second mode d'acquisition. Les principes du droit romain, qui répondent si bien à la nature des choses et à l'équité, sont d'une application incontestable dans cette matière et ont été adoptés par toutes les nations.2 Il est encore incontesté que tout ce qui se trouve en dehors de terres d'alluvion, ne peut s'acquérir que par voie d'occupation. Il y aurait une prétention arbitraire à vouloir revendiquer, au profit d'un territoire, comme ses dépendances, de nouvelles îles qui se sont formées en dehors de ses limites; telle serait celle qui regarderait la Hollande comme une simple alluvion du Rhin. Tant qu'une alluvion peut être ramenée à son état primitif, elle ne constitue pas un objet d'acquisition.3 Quant aux fruits, le droit international n'admet pas la règle du droit civil que le possesseur fait les fruits siens. Il peut en disposer de fait, il peut s'approprier

1 V. Günther II, 86. Ortolan, loc. cit. no. 120. 55. (III, 38).

2 de Cancrin, Wasserr. III, 2. Günther II, 57–62.

8 Wheaton, Intern. Law. I, p. 216. V. aussi § 72, II, a.

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