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des fruits industriels, mais il ne peut pas refuser au propriétaire la restitution de fruits naturels.1

III. L'occupation des biens sans maître dont nous allons parler au paragraphe suivant, forme un troisième mode d'acquisition.

Quant à la prescription et à la possession immémoriale, nous avons déjà vu qu'elles peuvent, jusqu'à un certain point, tenir lieu d'un titre d'acquisition valable.2

Droit d'occupation.

§ 70. Pour occuper valablement, il faut que les biens soient sans maître, et qu'à l'intention d'en acquérir le domaine, vienne se joindre le fait de la prise de possession effective. Examinons chacune de ces trois conditions.

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I. L'occupation ne s'applique qu'aux biens qui, quoique susceptibles d'être possédés, n'ont pas de maître. Elle ne s'étend pas aux personnes qui ne peuvent être l'objet que d'une soumission soit volontaire soit forcée. L'occupation s'applique notamment aux contrées ou aux îles non habitées ou non occupées entièrement, mais aucune puissance sur la terre n'a le droit d'imposer ses lois à des peuples errants ou sauvages mêmes. Ses sujets peuvent chercher à nouer des relations commerciales avec ces derniers, séjourner chez eux en cas de nécessité, leur demander les objets et vivres indispensables, et même négocier avec eux la cession volontaire d'une portion de territoire destinée à être colonisée. La nature, il est vrai, ne défend pas aux nations d'étendre leur empire sur la terre. Mais elle ne donne pas le droit à une seule d'entre elles d'établir sa domination partout où cela lui convient. La propagande de la civilisation, le développement des intérêts commerciaux et industriels, la mise en activité de valeurs improductives, ne le justifient pas non plus. Tout ce qu'on peut

1 V. Grotius II, 8, 23 et 10, 4. Pufendorf IV, 7. 23. Comp. cependant § 73 in fine.

2 Voyez § 11 ci-dessus et Phillimore I, 265.

3 Grotius II, 9. 1. Ortolan, Du dom. internat. 75 suiv.

accorder à ce sujet, c'est que, dans un intérêt de conservation du genre humain, il sera permis aux nations de se réunir, pour se faire ouvrir d'un commun accord les ports d'un pays fermé hermétiquement à leur commerce.1

II. Toute occupation suppose une volonté bien arrêtée de s'approprier d'une manière permanente des biens sans maître. Personne ne peut acquérir à son insu et involontairement.

III. La volonté d'appropriation doit être suivie d'une prise de possession effective, et être constatée par des mesures propres à établir une domination permanente. Le domaine ainsi acquis ne se perd pas par une interruption momentanée et transitoire. De simples déclarations verbales au contraire, des signes incertains d'une appropriation projetée, lorsqu'ils sont contredits par les faits et qu'ils rendent l'intention douteuse, ne pourront pas être regardés comme un titre valable, bien que la pratique des nations se soit quelquefois prévalue de mesures semblables.2

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On peut d'ailleurs prendre possession au nom d'un tiers, en vertu d'un pouvoir général ou spécial, et le domaine lui sera acquis dès le moment de la prise de possession. On peut également, par une ratification subséquente, valider l'occupation effectuée par un „,negotiorum gestor" et acquérir ainsi la possession ou le domaine dès l'instant de la ratification et après en avoir pris connaissance, en vertu de cet axiome „ignoranti non acquiritur possessio."4 La prise de possession qui a lieu au nom de plusieurs États les rend copropriétaires par indivis, à moins qu'il n'ait été procédé à une déclination de leurs portions respectives. Autrefois ce fut le pape qui statuait sur les contestations nées à l'occasion de découvertes

1 V. Vattel I, 18. § 205 suiv. Günther II, 9. Wildman I, 70. Z. 2 Grotius. Vattel I, 18. 207. 208. Günther II, 11. Ortolan no. 68 suiv. Wildman I, 69. Sur la controverse engagée à l'occasion de l'ouvrage de Bynkershoek intitulé: De dominio maris. cap. 1. voy. Klüber, Droit des gens. § 126.

3 V. les exemples dans Wheaton, Intern. Law. I, p. 209. Un pouvoir tacite, qui serait donné à tous les sujets d'un État, est inadmissible. Il n'y a que l'esclave qui puisse acquérir de plein droit pour son maître. 4 V. de Savigny, Besitz. p. 365.

de nouvelles terres. Le partage des Indes, opéré par lui entre l'Espagne et le Portugal, en est un exemple célèbre. Enfin l'occupation effective de la chose principale comprendra aussi ses dépendances, lorsqu'elles ne se trouvent pas dans une possession séparée.2

Aliénation du domaine international.

§ 71. Les modes d'aliénation du domaine public sont en général ceux du droit civil. En dehors de la vente et de l'échange (§ 72), nous distinguons surtout ceux de constitution de rente, de fief et d'hypothèque.

I. La constitution d'une rente perpétuelle au profit d'un État ou d'une personne étrangère, était un mode très - usitė autrefois. Le recès de l'Empire germanique de 1803, dont les dispositions à ce sujet ont été reproduites par l'Acte de la Confédération rhénane et par celui de la Confédération germanique, stipule de nombreuses rentes au profit des princes médiatisés et non médiatisés. A défaut de stipulations contraires, elles grèvent la totalité des biens susceptibles de porter des fruits et affectés à leur payement, et elles ne s'éteignent que par la destruction complète de ces biens ou par l'impossibilité d'en tirer des fruits. Si leur perte n'était que partielle, le montant de la rente serait réduit proportionnellement jusqu'à leur rétablissement intégral. C'est ce qu'a déjà décidé une bulle rendue par le pape Pie V en 1569:,,Census omnes in futurum creandos re in totum vel pro parte perempta, aut infructuosa in totum vel pro parte effecta, volumus ad ratam perire."4

1 V. les bulles de 1454, 1481 et 1493 dans Du Mont, Corps univ. III, 1, 200. III, 2, 302. Schmauss, Corp. jur. gent. I, 112. 130. Günther II, 7. Walter, Kirchenr. § 342.

2 Martens, Droit des gens. II, 1, 38.

Phillimore I, 247.

3 Une rente ne peut être constituée que sur les fruits d'une chose. V. Multz, De censibus. Altorf 1659. th. 11 et 13. Martini, De jure censuum. Colon. 1660. IV. no. 1. Grusemann, De censu reserv. Rinteln 1705. § 12.

4 Magn. Bullar. Rom. t. II, p. 295. G. Frantzke, Var. resolut. IV, no. 9. Multz 1. c. th. 69. Cette règle néanmoins n'est pas admise géné ralement. V. Censius, S. Rotae Rom. decis. ad tract. de censib. Lugd.

II. La constitution d'un fief au profit d'étrangers est un second mode de transmission. La validité de cet engagement et ses effets légaux sont jugés d'après les lois particulières de chaque État, excepté les fiefs situés dans un territoire étranger (feuda extra curtem) lesquels sont régis par les lois et les usages de ce dernier. 2

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III. Enfin le territoire d'un État peut, en entier ou en partie, être engagé, hypothéqué, ou donné en nantissement à un créancier, avec le droit de juridiction souveraine. Des engagements semblables, très-usités autrefois, sont devenus trèsrares aujourd'hui. La Corse engagée, du moins en apparence, en 1768 à la France par la république de Gênes, la ville de Wismar hypothéquée en 1803 encore par la Suède au duché de Mecklembourg, en sont des exemples récents. Mais en général les usages internationaux ont remplacé ces sortes d'engagements par l'affectation spéciale de certains biens ou revenus au payement des emprunts contractés par l'État, affectation qui, pour être efficace, doit être faite conformément aux lois de cet État. Le langage diplomatique comprend même sous la dénomination de „dettes hypothéquées" celles contractées au profit d'un pays ou de certains districts, et il n'entend par lå que l'engagement permanent qui les grève, sans y attacher aucunement la signification d'une hypothèque civile.5

1658. dec. 1. Martini, loc. cit. chap. VIII. no. 224 suiv. Zoll, De censu reserv. Rinteln 1705. § 21.

1 Günther II, 152. 159.

2 Griebner, De domino directo in territorio alieno. (Jenichen, Thes. juris feud. II, 206). de Cramer, Observ. juris univ. 741, § 14. Du Moulin, sur la coutume de Paris. § 12 no. 4 et sur Chassaneul, De feudis. III, Cujac. lib. I. feud. cap. 2.

§ 7.

3 J. P. O. V, 26. 27. de Senkenberg, De reluitione territ. oppignor. Halae 1740. N. H. Gundling, De jure oppignorati territorii. Halae 1706. rec. 1741. de Neumann in Wolffsfeld, Jus reale principum. (t. IV.) III, 3, 400 seq.

4 de Martens, Recueil. VIII, 1. 229; VIII, 54.

5 D. Haas, Ueber das Repartitions - Princip der Staatsschulden. Bonn 1831. § 24 suiv. Pour ce qui est du § 80 du recès de l'Empire germanique de 1803, voy. Leonhardi, Austrägalverfahren. II, 161. 314. 405; I, p. 640. Emminghaus, Corp. jur. germ. acad. p. 930.

Heffter, droit international. 3e éd.

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La question de savoir si un souverain peut, pour la garantie des emprunts par lui contractés, engager valablement des biens particuliers de ses sujets, ne peut être résolue, d'après les principes du droit public interne, que négativement, les cas de nécessité seuls exceptés.1

Comment se perd le domaine international.

§ 72. Le domaine international se perd dans les cas suivants:

I. Quant aux choses qui ne se trouvent que temporairement sur un territoire (§ 67), qui n'y ont pas été occupées régulièrement ou qui ont recouvré leur liberté naturelle, dès le moment qu'elles en sont sorties.

II. En ce qui concerne le territoire et ses différentes parties, il faut remarquer ce qui suit:

Dans le cas assez rare qu'on appelle avulsion, si la pièce de terre qui s'est détachée d'un terrain et s'est jointe à un autre, n'est pas revendiquée en temps utile par l'ancien maître (§ 69. II), elle cesse de lui appartenir. Hors ce cas la propriété territoriale se perd de plein droit à la suite d'un abandon et d'une possession immémoriale; enfin la perte du domaine peut être le résultat d'une cession volontaire, conventionnelle ou forcée des droits particuliers et souverains d'un État au profit d'un autre.

Les charges qui grevaient un territoire cédé, continuent à subsister sous le nouveau maître (§ 25). Personne en effet ne peut conférer à un autre plus de droits qu'il n'en possède luimême, ni porter préjudice aux droits d'un tiers, suivant l'ancien adage:,,Id enim bonorum cujusque esse intelligitur quod aeri alieno superest."2 Si la cession ou l'aliénation a pour objet une portion du territoire, les charges qui grevaient le territoire entier, sont réparties, à défaut de stipulations contraires, entre

1 Grotius III, 20. 7. Simon, Quomodo jure gent. bona subdit. pro debitis principis obligari possunt. Jen. 1675. (Praesid. acad. I, no. 20). de Neumann in Wolffsfeld, De pact. et contract. Princ. I, 3. 86.

2 L. 31. § 1. D. de Verb. Sign. L. 11. D. de j. fisc.

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