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ses différentes parties,1 à l'exception des charges indivisibles parmi lesquelles l'usage diplomatique ne comprend pourtant pas les dettes dites hypothéquées (§ 71).

Le domaine international peut être revendiqué contre tout possesseur, même contre celui de bonne foi, sans qu'on soit tenu de lui rembourser le prix d'acquisition. Il est vrai que les auteurs ne sont pas tout-à-fait d'accord entre eux sur ce point, sur lequel la jurisprudence n'est appelée à se prononcer qu'en de rares occasions. En adoptant à ce sujet l'opinion de Grotius et de Pufendorf, nous ne faisons que constater les principes de la justice approuvés presque par toutes les nations. Car la possession ne peut, du moins d'une manière absolue, prendre le caractère légal du domaine. Les frais utiles faits par le possesseur de bonne foi dans l'intérêt de la chose, et qui ne sont pas compensés par les fruits perçus, doivent lui être remboursés; il profite des fruits par lui perçus avant la demande, lorsque le propriétaire a gardé le silence. Car par là même ce dernier est censé avoir ratifié la possession, et il ne peut plus attaquer les actes accomplis en conséquence.2

Les règles particulières du droit de la guerre seront exposées au livre deuxième. (Voir § 131. 185 et ss.).

Choses non susceptibles d'être possédées.

La mer.

§ 73. Il est des choses qui de leur nature ne peuvent faire l'objet du domaine privé; tels sont l'air, l'eau courante et notamment la mer, qu'il est impossible d'occuper d'une manière exclusive et permanente. D'une importance égale pour tous les hommes, ils ont tous le même droit d'en jouir librement, droit qui cesse avec l'occupation même. 3 Il n'est pas tout aussi

1 Ainsi jugé par la Cour d'appel de Celle dans l'affaire des obligations d'État du Palatinat rhénan, dans Leonhardi, Austrägalverfahren. p. 550. Dans le même sens Cour d'appel de Jena. p. 888. 897.

2 Günther II, p. 214. Grotius II, 10. 1. Pufendorf IV, 13.

8 L. 13. § 7. D. de injur.:,,Et quidem mare commune omnium est et litora sicuti aër. Usurpatum tamen et hoc est, tametsi nullo jure, ut quis prohiberi possit ante aedes meas vel praetorium meum piscari; quare si quis prohibeatur, adhuc injuriarum agi potest." L'action injuriarum du

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constant si l'État ne peut pas acquérir le domaine de ces choses, et notamment de la mer et de ses différentes portions?1 Cette question a divisé les nations à toutes les époques. Le moyen âge encore imbu des idées romaines, en se fondant sur le rescrit d'un empereur Romain (1. 9 Dig. de 1. Rhodia): „Ego quidem mundi dominus", attribuait à l'empereur Romain le domaine éminent de la mer, quoiqu'il ne soit guère à présumer que les Romains eux-mêmes aient accordé à leur empereur un droit semblable. Aussi Venise se regardait-elle à cette époque comme le souverain de l'Adriatique, en même temps que Gênes revendiquait l'empire exclusif de la mer de Ligurie. Lorsque plus tard l'Espagne et le Portugal entrèrent en lice pour se frayer de nouvelles routes vers les Indes, elles s'arrogèrent le domaine des mers par elles découvertes. La Grande-Bretagne de son côté prétendait jouir de la souveraineté des quatre mers qui entourent les îles britanniques (the narrow-seas), sans toutefois jamais en indiquer les limites exactes. C'est contre toutes ces prétentions que Grotius écrivit son célèbre traité intitulé:,,Mare liberum", publié pour la première fois à Leyde en 1609, et qu'il ouvrit ainsi la lice à cette question de droit politique. Dès lors toutes ces prétentions ont été abandonnées successivement, et ce n'est que le droit au salut du pavillon qui a continué à être revendiqué jusqu'à nos

droit romain s'accordait en général dans tous les cas où quelqu'un était empêché dans la jouissance d'une chose commune. On disait alors: Qui prior venit, potior jure. Comp. Klüber, Droit des gens. § 47.

1 V. les ouvrages indiqués par d'Ompteda § 218 suiv. de Kamptz § 172 suiv.; surtout de Cancrin, Abhandlungen von dem Wasserrechte. Halle 1789. Günther II, 25. Klüber § 130. Wheaton, Intern. Law. I, 4. § 10 et Histoire des progrès p. 99 suiv. (I, p. 198. 2). Pöhls, Seerecht IV, § 495. Ortolan, Règles intern. de mer, I, p. 109 suiv. Hautefeuille, Des droits des nations neutres. Paris 1848. t. I, p. 175 suiv. et surtout la dissertation de B. D. H. Tellegen, Disp. de jure in mare, impr. proximum. Gron. 1847.

2 V. F. G. Pestel, De dominio maris mediterranei. Rinteln 1764. a V. Tellegen p. 9.

4 Wheaton, Progr. p. 101 (I, 200). Phillimore I, 194. L'ouvrage principal dans lequel les anciennes prétentions de l'Angleterre ont été discutées, est celui de J. Borough, Imperium maris Britannici. London 1686. V. aussi Tellegen p. 36 suiv.

jours par la Grande-Bretagne dans ses mers intérieures, droit toutefois qu'on ne saurait regarder absolument comme un signe de domaine.1

Suite: Du domaine de la mer.2

§ 74. En considérant seulement les rapports naturels des hommes entre eux et avec le monde physique, on ne saurait nier qu'une ou plusieurs nations ne puissent réunir les forces nécessaires pour exercer l'empire d'une mer intérieure ou même du vaste Océan, et dicter les lois sous lesquelles il sera permis aux autres d'y naviguer. Mais cet empire ou cette suprématie, en dehors des difficultés qu'il présenterait et qu'aucune nation ne pourrait surmonter dès que les autres résisteraient à ses prétentions, serait en même temps illicite et contraire à la liberté et à la mission du genre humain, avec quelque modération d'ailleurs qu'il pût être exercé. Il aurait pour effet d'imposer aux nations indépendantes des conditions relatives à l'usage d'un élément qui forme la seule voie de communication entre les diverses parties du globe, voie qu'il est impossible de réglementer. Il impliquerait la faculté de priver le genre humain de la pêche des poissons, de fossiles et de tant de richesses naturelles; des efforts gigantesques suffiraient à peine pour en assurer à un peuple la possession exclusive dans un seul district maritime. La loi naturelle qui s'oppose à ce que l'homme en possession de la plénitude de sa volonté morale puisse être soumis aveuglément aux commandements d'un autre, s'oppose à plus forte raison à ce qu'une nation, en s'emparant d'une chose commune à toutes, vienne dicter aux autres des lois obligatoires qu'elles n'auront pas librement acceptées. Elles devront au contraire les combattre avec toutes leurs forces. Aussi l'idée d'un empire semblable a-t-elle rencontré toujours une opposition énergique. Le droit public de l'Europe n'admet

1 Wheaton, Intern. Law. 1. c. § 9. Edinburgh Review XI, p. 17 suiv. Hautefeuille I, p. 212.

2 On peut consulter avec fruit Ortolan, Règles internat. I, p. 116 suiv. Hautefeuille I, 190. Wildman I, p. 72.

donc aucune espèce de domaine sur l'Océan et ses différentes parties, aussi loin que leurs eaux sont accessibles à la navigation des peuples et des individus, à moins que des traités ou une tolérance tacite ne dérogent au principe de la liberté des mers, dérogation qu'un auteur célèbre regarde comme non obligatoire. C'est ainsi que la police et la surveillance de certains districts maritimes, dans un intérêt de commerce et de navigation, ont été confiées à l'État le plus voisin, lequel en même temps pourra être autorisé de percevoir certains droits de péage pour indemnité des charges qui résultent de cette police. L'intérêt de la sûreté peut en outre conférer à un État certains droits sur un district maritime (§ 75 ci-après).

L'acquisition exclusive d'une portion quelconque du vaste Océan par voie d'occupation au contraire est juridiquement impossible. L'endiguement d'un district maritime par des travaux de défense de toute espèce, dès qu'il n'aura pas obtenu le consentement des autres nations, ne constituerait jamais qu'un simple fait, qui disparaîtrait avec la destruction de ces travaux. De même le long usage, lorsqu'il ne résulte pas d'une manière incontestée d'un acquiescement tacite et général des nations, ne conférera aucun droit exclusif sur la mer dont l'usage est une ,,res merae facultatis."2

La mer près des côtes peut être soumise
à la propriété.3

§ 75. Les États maritimes ont le droit incontestable, tant pour la défense de leurs territoires respectifs contre des attaques imprévues, que pour la protection de leurs intérêts de commerce et de douanes, d'établir une surveillance active sur les côtes et leurs voisinages, et d'adopter toutes les mesures nécessaires pour fermer l'accès de leurs territoires à ceux qu'ils refusent d'y recevoir, ou qui ne se seront pas conformés aux

1 Hautefeuille I, p. 222.

2 Vattel I, 23. § 285. 286. Wheaton n'admet pas ici un consentement tacite (Intern. Law § 10 in fine).

3 Hautefeuille I, 234.

dispositions des règlements établis. C'est une conséquence naturelle de ce principe général: „,ut quod quisque propter defensionem sui fecerit, jure fecisse videatur." Chaque nation est donc libre d'établir une surveillance et une police de ses côtes, comme elle l'entend, à moins qu'elle ne soit liée par des traités. Elle peut, d'après les conditions particulières des côtes et des eaux, fixer la distance convenable. Un usage commun a établi à cet effet la portée du canon comme la distance qu'il n'est permis de franchir qu'en des cas exceptionnels, ligne de limite qui non-seulement a obtenu les suffrages de Grotius, de Bynkershoek, de Galiani, de Klüber, mais qui a été consacrée également dans les lois et les règlements de beaucoup de nations. Cependant on peut soutenir encore avec Vattel que la domination de l'État sur la mer voisine s'étend aussi loin qu'il est nécessaire pour sa sûreté et qu'il peut la faire respecter; et l'on pourra regarder avec Rayneval la distance de l'horizon qui peut être fixée sur les côtes, comme limite extrême des mesures de surveillance. La ligne de la portée du canon elle-même, bien qu'elle soit regardée comme de droit commun, ne présente aucune base invariable et peut être fixée par les lois de chaque État, du moins d'une manière provisoire. Autrefois elle comptait deux lieues: aujourd'hui elle comprend ordinairement trois milles marins. C'est ce qu'établissent les traités anglo-américain du 28 octobre 1818 (art. 1) et anglofrançais du 2 août 1839 (art. 9 et 10), ainsi que la loi belge du 7 juin 1832.4

1 L. 3. Dig. de just. et jure. V. Vattel I, 23. § 288.

2 V. les indications dans Tellegen p. 46. Ortolan, Règl. intern. I, p. 176. Hautefeuille I, p. 239. Wildman I, p. 70, b. Traité entre la France et la Russie du 11 janv. 1787, art. 28; entre l'Angleterre et l'Amérique du Nord de 1794, art. 25. Jacobsen, Seerecht p. 580, fait remarquer que par suite de la marée, la limite de la côte est variable. Un traité conclu entre la France et l'Angleterre le 2 août 1839 et relatif à la pêche dans le Canal, prend pour base la marée basse.

3 Vattel I, 23. § 289. Rayneval, Instit. du droit des gens. II, 9. § 10. Jacobsen, Seerecht. p. 586. 590. Tellegen p. 50. Halleck VI, 13. En Espagne on prend pour limites six lieues (millas). Riquelme I, p. 253. L'Angleterre et l'Amérique du Nord étendent la ligne douanière à quatre leagues. Phillimore I, 211 e.

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