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christianisme, dans le droit positif et dans la philosophie. Trop souvent néanmoins la pratique des gouvernements l'a regardée avec dérision, et jusqu'à présent on n'est pas encore tombé d'accord sur la question de savoir si, pourquoi et jusqu'à quel point un traité signifie quelque chose ou oblige par lui même ?1

Il faut convenir qu'un traité ne fait naître des droits que par l'accord des volontés (duorum vel plurium in idem consensus), que par suite il ne subsiste qu'avec celui-ci, et dès qu'un changement de volonté survient du côté de l'une des parties contractantes, l'autre peut exiger seulement le rétablissement de l'ancien état de choses et des dommages-intérêts à raison du préjudice par elle éprouvé. C'est la volonté collective fondée sur la communauté d'intérêts et de sentiments moraux, qui rend l'engagement individuel plus solide, en exigeant l'exécution directe et continue de ce qu'on a promis. L'État possède à cet effet des moyens de contrainte suffisants à l'égard des individus: le droit international en est privé, et par suite les traités publics peuvent recevoir seulement l'autorité et la signification naturelles dont nous avons parlé. Il repose surtout sur le besoin commun d'un intermédiaire destiné à créer des relations permanentes et des droits nouveaux entre les différents États. Il trouve une garantie plus puissante encore dans le système politique européen, basé lui-même sur la réciprocité et l'accord des volontés, et dont par suite on ne peut faire partie qu'autant qu'on reconnaît les principes relatifs à la force obligatoire de traités. En dehors de ces principes, aucune confiance, aucun commerce ne sont possibles, car ils répondent aux intérêts de tous. Les traités internationaux signifient donc certainement quelque chose, bien qu'ils soient privés des garanties du droit civil. Pacta sunt servanda". telle a été toujours la règle fondamentale du droit public.2 C'est par leur objet seulement que ces engagements offrent

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1 V. les différentes explications dans Warnkönig, Rechtsphilosophie. § 176.

2 Les anciens publicistes se servaient aussi du lieu commun: La parole d'un prince vaut un serment. V. p. ex. de Neumann, loc. cit. § 83. Il est inutile de recourir à de pareilles propositions, car le principe moral

certaines particularités, en même temps qu'ils jouissent d'une plus grande latitude d'exécution, ainsi que nous allons l'expliquer.

Division des traités publics.

§ 82. Si le droit des gens peut être encore pris et appliqué dans son acception antique de droit naturel commun à tous les hommes, il régira en général les conventions qui ne sont pas soumises aux lois et à la juridiction particulières des différents États. Par suite seraient de son domaine :

toutes les conventions conclues par des personnes qui n'obéissent à aucune autorité, à aucune volonté souveraine, par exemple dans les contrées où aucune association politique ne s'est établie, conventions qui ne peuvent obtenir aucune autre sanction que celle de la volonté individuelle;

ensuite, jusqu'à un certain point, les pactes constitutionnels relatifs à certains objets de droit public interne, convenus entre les souverains et leurs propres peuples.

Mais sans nous arrêter ultérieurement à ces catégories, nous nous occuperons exclusivement de celles qui aujourd'hui font partie du droit international proprement dit. Tels sont: I. Les traités conclus entre plusieurs États ou leurs représentants, par lesquels ces derniers s'obligent réciproquement, ou par voie unilatérale, de manière à restreindre la libre disposition de leurs droits et possessions souverains, ou par lesquels l'un s'engage d'une manière générale envers l'autre traités publics proprement dits -; II. les traités réciproques des souverains, relatifs à des objets à l'égard desquels ces derniers ne sont soumis à aucune loi politique, ni à aucun juge intérieur (v. § 52), par exemple ceux qui ont pour objet le maintien et la garantie réciproques de leurs droits, ou leurs biens propres et indépendants situés en dehors des territoires par eux gouvernés.1

du droit ne permet pas de distinguer entre les engagements des grands et ceux des inférieurs.

1 Vattel II, 12. § 195. 196.

Les conventions conclues par un souverain avec un particulier, ou qui ont pour objet des choses régies par les lois civiles d'un État, sont d'une nature mixte. C'est à ces lois qu'il faut recourir, lorsqu'il s'agit de statuer sur les engagements de la partie contractante non souveraine ou sur la nature des droits réels ou des engagements régis par les lois étrangères. Mais quant aux obligations du souverain, à moins qu'elles ne tombent elles-mêmes sous l'application des lois civiles de son pays, elles sont régies par les règles du droit international.1

Conditions essentielles des traités publics.

1. Cause licite.

§ 83. Une cause licite est la première condition essentielle d'un traité public. Nous entendons par là la possibilité de l'engagement contracté: Un traité n'existe qu'autant que son objet est physiquement et moralement possible. Ainsi, par exemple, toute convention contraire à l'ordre moral du monde et notamment aussi à la mission des États de contribuer au développement de la liberté humaine, est regardée comme impossible; ainsi l'introduction ou le maintien de l'esclavage ne pourra jamais valablement être stipulé dans un traité. Il faudra en dire autant de la clause.qui aurait pour but de faire cesser le commerce entre plusieurs nations, au détriment

1 D'anciens publicistes à la vérité, en exceptant les souverains de l'application des lois civiles, n'ont voulu les soumettre qu'à celle du droit naturel ou des gens. V. les auteurs indiqués par Moser, Staatsr. XXIV, p. 194, et surtout Hellfeld, Dissert. de fontib. juris quo illustres utuntur, § 37 (en tête du t. I. Jurispr. heroic.); mais la jurisprudence moderne l'entend autrement, ainsi que nous l'avons indiqué au § 56. En général toutefois on ne rencontre pas de règles précises à ce sujet dans la plupart des systèmes. V. cependant Vattel II, 12. 214. Riquelme I, p. 176.

2 V. sur les différentes significations de la cause des contrats de Neumann à l'endroit cité § 217 suiv. et Cocceji, sur Grotius II, p. 610.

3 de Neumann § 177 suiv. Pufendorf (III, 7. 2) ainsi que Schmalz (p. 64) et Schmelzing (§ 383) soutiennent qu'il n'y a pas lieu à la restitution de ce qui a été donné. Mais il serait difficile de démontrer l'exactitude de cette proposition dans sa généralité.

de leurs besoins mutuels moraux ou physiques. Ainsi encore un manque de foi aux engagements contractés envers des tiers ne pourra être valablement stipulé: dans ce cas la partie coupable sera tenue à des dommages-intérêts envers l'innocente.

Un traité ne peut pas non plus porter préjudice aux droits incontestés d'un tiers ni à ceux qui lui ont été accordés précé demment:1 on ne peut s'engager ni stipuler au nom d'un tiers sur lequel on n'a aucun pouvoir. Néanmoins on peut se porter fort pour un tiers, en promettant le fait de celui-ci, soit par l'emploi de bons offices (bona officia) de nature à le déterminer en faveur du but projeté, soit par une intercession proprement dite, en employant toutes les voies licites selon les circonstances, à l'exception de la force, à moins que l'éventualité d'une intervention armée n'ait été également prévue. Une indemnité toutefois en cas de non-réussite du but projeté, n'est due que lorsqu'elle a été convenue. Les parties peuvent s'entendre encore sur des mesures à prendre à l'égard de tiers. En dehors des espèces que nous venons d'indiquer, une convention internationale ne peut produire d'effets qu'entre les parties. Elle ne profite ni ne nuit à des tiers, 1 à l'exception des cas suivants :

lorsqu'il y a mandat;

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lorsque le tiers, par suite de rapports de protection, se trouve d'une manière conditionnelle ou relative dans la dépendance de l'une ou de plusieurs des parties contractantes; lorsqu'il a été stipulé au profit du tiers ce qu'il a le droit d'exiger en vertu d'un titre précédent, lequel acquiert par là un accroissement de force;

enfin dans le cas où une tierce adhésion a été réservée, comme la condition d'une stipulation qu'on faisait pour soimême, condition comprise implicitement dans toute convention passée au nom d'autrui.

1 V. Moser, Vers. VI, p. 420 suiv.

des gens, § 144.

Vattel § 165-167. Klüber, Droit Pufendorf III, 7. 11. Mably, Droit des gens I, p. 27.

2 V. la loi 83 prim. D. de verb. oblig. de Neumann § 187.

3 Pufendorf loc. cit. § 10. de Neumann § 146 suiv. § 187 suiv.

4 Fr. Lang, De nonnullis fundamentis obligationum ex pacto tertii quaesitarum. Goetting. 1798,

Dans ce dernier cas la validité du traité est suspendue jusqu'au moment où le tiers aura déclaré son intention d'en profiter. Jusque là l'engagement peut être révoqué, à moins qu'on ne soit convenu d'attendre cette déclaration.1

D'ailleurs le droit international n'admet pas les distinctions du droit civil relativement aux contrats nommés ou innommés, à ceux qui donnent ou qui ne donnent pas lieu à une action en justice. C'est encore sans motif qu'on a prétendu que tout traité public supposait une cause (causa debendi) spéciale, en d'autres termes, qu'il devait avoir pour but des prestations réciproques, par le motif que tout engagement reposerait sur un équivalent. En effet la faculté de disposer librement du domaine implique celle d'y renoncer, même à titre gratuit, au profit d'un tiers. Le défaut d'utilité apparente, ni la lésion ne peuvent non plus vicier ces sortes de contrats, pourvu qu'il n'existe pas d'autres causes de rescision.3

Toutefois il en serait autrement de la convention par laquelle un État, en temps de paix, consentirait à se soumettre d'une manière permanente à l'autorité d'un autre, alors surtout que cette soumission, en dépassant les limites du protectorat, aurait pour conséquence de le dépouiller irrévocablement de son indépendance politique. C'est à cette simple proposition que nous croyons pouvoir réduire la théorie des anciens publicistes sur les traités égaux et inégaux, théorie professée depuis Grotius, qui l'a puisée dans certains passages d'Aristote.4

1 Les anciens auteurs présentent sur ce point une grande divergence de vues, née du conflit des lois romaines avec les théories du droit naturel. V. Grotius II, 11. 18. et le Comment. de Cocceji; Pufendorf III, 9. 4 suiv.; de Neumann § 151; Runde, Beitr. 1799. I, p. 137. Les codes modernes reproduisent les principes ci-dessus énoncés, qui sont les plus simples et les plus naturels. V. Allgem. Preufs. Landr. I, 5. § 74. Code Nap. art. 1121. 1165.

2 Grotius II, 14, 4 et 12. de Neumann, De pactis principum I, 3. 90; I, 5. 219. Günther, Völkerr. II, p. 95.

3 de Neumann, loc. cit. I, 5 p. 220. Vattel § 158. de Martens, Europ. Völkerr. § 45 in fine. Schmelzing § 381.

* Vattel § 174 suiv. Cocceji Comment. sur Grotius II, 12 p. 8 suiv. Martens, Europ. Völkerr. § 46 in fine et § 55.

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