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stances résultant de la situation particulière de la puissance alliée, ou des engagements antérieurement contractés envers l'ennemi, s'opposent d'une manière péremptoire à ce que le secours promis puisse être fourni.1 En tous cas l'allié peut, avec une pleine liberté, apprécier la justice de la guerre, à laquelle il est appelé à prendre part.2 Il n'y a donc rien de si incertain et de si peu fréquent que la bonne foi dans l'exécution des traités d'alliance, lorsque surtout ils ne reposent pas sur des intérêts homogènes et permanents, tels qu'ils existent dans les unions ou les confédérations d'États.

§ 116. Lorsque les clauses du traité d'alliance n'ont pas déterminé les obligations réciproques des alliés, la nature des choses et la pratique des États ont consacré à l'égard de ces dernières les principes suivants :

I. Aux traités d'alliance d'un caractère général on applique la règle fondamentale du contrat de société, suivant laquelle la part de chaque associé dans les bénéfices ou pertes est en proportion de sa mise dans le fonds de la société et du but à atteindre en commun (C. Nap. art. 1853). Si les alliés ne réussissaient pas à se mettre d'accord sur l'entreprise commune, ni sur la part des sacrifices à faire par chacune, les unes ne pourraient à la vérité entreprendre une opération de guerre, conclure la paix ou un armistice, ni faire un acte quelconque de nature à causer quelque préjudice aux alliés. Il faudra néanmoins excepter les actes nécessités par le but de l'alliance, lorsqu'il ne pourrait être obtenu autrement: de même les cas où le maintien de l'alliance deviendrait impossible ou que ses clauses auraient été violées entre les alliés eux-mêmes. Les annales de l'histoire fournissent des exemples bien nombreux de guerres entreprises en commun, et qui ont été terminées par des traités de paix conclus séparément!

1 Relativement au cas où des secours ont été promis à la fois aux deux parties belligérantes, v. Grotius II, 15, 13 et le commentaire de Cocceji. Il est difficile d'établir sur ce point des règles fixes.

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2 Les auteurs sont d'accord à ce sujet. On trouve de nombreuses observations sur le moment d'appliquer les casus foederis" dans Moser, loc. cit. p. 43 suiv. Comparez aussi Wheaton III, 2. § 13 et Halleck XVII, 7 et suiv.

Enfin aucune des parties alliées ne peut s'enrichir aux dépens des autres. Chacune doit restituer ce qui a été enlevé à la partie alliée par l'ennemi, après l'avoir recouvré sur lui, conformément aux règles du droit de recousse. De même on devra procéder au partage des bénéfices obtenus en commun, en proportion des ressources fournies par chacune. Les pertes accidentelles au contraire que les vicissitudes de la guerre entraînent nécessairement après elles, sont supportées exclusivement par la partie qui en a été frappée, à moins que ses alliés ne les aient occasionnées par leur conduite peu conforme aux lois de la guerre.

II. Si le secours stipulé entre les alliés est d'une nature spéciale, la partie principale en a la disposition exclusive, sauf convention contraire. L'allié obligé de fournir des troupes doit les équiper et les tenir constamment au complet,1 tandis que leur nourriture et leur entretien sont à la charge de la partie principale. En exposant leur vie pour ménager celle de ses propres troupes, elle commettrait un acte déloyal et contraire au traité. Elle doit généralement éviter à ses alliés tout préjudice qui peut résulter de l'exécution de leurs engagements, et aller à leur secours, si l'ennemi commun venait à les attaquer. Elle ne doit pas non plus conclure la paix sans eux, et elle pourvoira à leur sûreté ultérieure, dont elle fera l'objet d'une clause spéciale dans les stipulations de paix.

Toute contravention aux clauses du traité d'alliance donne à la partie lésée le droit de la dissoudre. En ce cas celle-ci cesse de pouvoir prétendre au partage des avantages qui ont été obtenus en commun, à l'exception du butin antérieurement fait et des droits de revendication sur les objets recouvrés sur l'ennemi, ainsi que nous l'expliquerons au chapitre IV.

§ 117. Pour ce qui concerne la position des puissances alliées par rapport à l'ennemi, il est évident que ce dernier n'est aucunement tenu de souffrir la coalition des forces réunies contre lui, et qu'il peut y réagir par tous les moyens dont il

1 Autrefois on admettait que l'allié fournît de l'argent etc. au lieu de troupes. V. J. J. Moser, Vermischte Abhandl. I, 84. Actuellement tout dépend des conventions des parties.

dispose, sans attendre la mise en activité des secours attendus par l'ennemi. Il cherchera à se débarrasser d'une coalition avant qu'elle ne devienne trop redoutable, et afin de s'assurer la liberté de ses mouvements.

En général on est d'accord à ce sujet, lorsqu'il s'agit de secours stipulés pendant le cours d'une guerre ou en prévision d'une guerre imminente. Mais il en est autrement dès que le traité d'alliance antérieur à la guerre a stipulé un secours particulier et qu'il n'est pas dirigé d'une manière formelle contre une certaine puissance; de même lorsqu'il a pour objet une guerre défensive. Dans ces cas on a prétendu que l'allié ne peut être traité comme ennemi qu'en tant qu'effectivement et conformément à ses obligations, il prend part aux hostilités.1 Cependant, permettre aux parties alliées de garder leur neutralité, pour ne les traiter en ennemies qu'après qu'elles se seront prononcées d'une manière ouverte, ce serait méconnaître les droits légitimes de la partie menacée, à moins que ses intérêts ne lui conseillent une conduite semblable. Elle devra chercher au contraire à rompre une coalition dangereuse, et à cet effet elle posera aux alliés l'alternative suivante: ou de renoncer à la coalition, ou bien d'avoir à subir les conséquences d'une déclaration de guerre. Tel fut, par exemple, le mode de conduite qu'au commencement de l'année 1813 la Russie a adopté envers la Prusse, par rapport à l'alliance particulière de cette puissance avec l'empereur Napoléon. Une pareille alternative, à la vérité, ne peut être proposée aux parties alliées de l'ennemi qu'autant qu'elles se disposent à fournir les secours stipulés. Tant qu'elles ne se sont pas ainsi prononcées, il est permis seulement de leur adresser des questions, conformément à ce qui a été dit aux paragraphes 29 et 45 ci-dessus. Une réponse évasive ou retardée malgré la gravité des circonstances, fournira en ce cas à la partie menacée une raison suffisante pour prévenir le complot en le déjouant. C'est ainsi que le roi Frédéric commença en 1756 la guerre par l'invasion

1 V. de Beulwitz, De auxiliis hosti praestitis more gentium hodierno hostem non efficientibus. Hal. Sax. 1747. Schmidlin, de iurib. gentium mediarum. § 10.

de la Saxe électorale, pour sauver son royaume des projets des puissances qui s'en étaient partagé d'avance les dépouilles.

Théâtre de la guerre.

§ 118. Le territoire des parties belligérantes, les eaux intérieures et les hautes mers forment le champ de guerre naturel. Les territoires neutres en sont exempts. Néanmoins les troupes alliées qui ont pris part aux hostilités, peuvent être poursuivies sur leur propre territoire, lors même que, sous d'autres rapports, la neutralité a été accordée à son gouvernement. Les autres puissances alliées, dès qu'elles sont entrées ouvertement en état de guerre, en supportent toutes les conséquences.

Des conventions ou des motifs politiques peuvent limiter le théâtre de la guerre. L'histoire moderne fournit des exemples de ce genre; car bien souvent les puissances, dans le but de maintenir la paix ou l'équilibre européen menacé, ont consenti spontanément à circonscrire le théâtre de la guerre. Nous rappelons l'expédition en Grèce opérée par les trois grandes puissances; le siége d'Anvers, à la suite de la convention conclue le 22 octobre et le 10 novembre 1832 entre la France et la Belgique; l'intervention en Syrie, par suite des différends entre le Sultan et Mehemet -Aly.1

Droit de la guerre proprement dit;
raison de guerre.

usages,

§ 119. La guerre, comme la paix, a ses lois et ses formalités déterminées qui constituent la nature externe du droit de guerre (jura belli). Un droit pareil était déjà connu dans l'ancien monde, quoique, à la vérité, la volonté arbitraire et

1 V. Nouveau Recueil t. XII, p. 1 suiv.; XIII, p. 39. 57. Flassan, dans son Histoire de la diplom. franç. V, 146, allègue un exemple semblable: pendant l'armistice conclu dans le cours de la guerre de sept ans, le siége de la forteresse de Neisse en Silésie devait être continué sans interruption. Comparez encore Halleck XIV, 26.

Heffter, droit international. 3e éd.

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désordonnée des parties belligérantes y rencontrât peu de limites. 1 Il acquit plus de consistance au moyen âge, sous l'influence tant du christianisme que de l'esprit de chevalerie, en même temps qu'il s'est dépouillé de certaines rigueurs. Mais c'est de nos jours seulement, et après avoir flotté longtemps entre plusieurs systèmes contraires, qu'il s'est assis enfin sur les principes d'humanité et de respect de l'espèce humaine.2 Les nations civilisées admettent la guerre comme un état de choses forcé, comme un mal inévitable, qui ne doit pas dépasser les limites de la stricte nécessité. La guerre, qui arme les hommes les uns contre les autres, n'a pas pour but la destruetion de l'ennemi. La raison et l'humanité, comme le propre intérêt des nations, ont consacré cette maxime fondamentale : ,,Ne causez pas plus de mal à votre ennemi, pendant la guerre même, que la nécessité de le ramener à la raison ne l'exige." L'ancienne maxime de guerre au contraire voulait qu'on fit à l'ennemi le plus de mal qu'on pouvait et qu'on jugeait convenable.3

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1 Tite-Live liv. II, 12. XXXI, 30: Esse enim quaedam belli jura, quae ut facere ita pati sit fas." Polyb. V, 9, 11 of тоù nokéμov róuoi καὶ τὰ τούτου δίκαια.

2 V. les développements dans Ward, Enquiry. chap. X et suiv. V. aussi page 7 ci-dessus.

3 Ainsi dans son discours d'inauguration du Conseil des prises, du 14 floréal an VIII, Portalis disait ce qui suit:

,,Le droit de la guerre est fondé sur ce qu'un peuple, pour l'intérêt de sa conservation ou pour le soin de sa défense, veut, peut, ou doit faire violence à un autre peuple. C'est le rapport des choses et non des personnes, qui constitue la guerre; elle est une relation d'État à État, et non d'individu à individu. Entre deux ou plusieurs nations belligérantes, les particuliers dont ces nations se composent, ne sont ennemis que par accident: ils ne le sont point comme hommes, ils ne le sont même pas comme citoyens; ils le sont uniquement comme soldats."

Talleyrand écrivait à l'empereur Napoléon, en date du 20 novembre 1806, dans le même esprit:

, Trois siècles de civilisation ont donné à l'Europe un droit des gens que, selon l'expression d'un écrivain illustre, la nature humaine ne saurait assez reconnaître.

Ce droit est fondé sur le principe que les nations doivent se faire dans la paix le plus de bien, et dans la guerre le moins de mal qu'il est possible.

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