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plus conforme à l'esprit de notre époque d'accorder aux sujets ennemis non suspects et paisibles l'autorisation de continuer à résider dans le territoire.1

Effets directs du commencement des hostilités.

§ 122. La suspension réelle des relations paisibles d'État à État est en général la conséquence la plus directe de la déclaration de guerre. Privées désormais des voies régulières pour applanir leurs différends, les puissances belligérantes, en réunissant les ressources et les forces dont elles disposent, vont remettre au sort des batailles le soin de prononcer entre elles. Il ne faudra toutefois pas conclure de là, du moins d'après les principes modernes, que la guerre fasse cesser nécessairement tous les liens légaux entre les États et que la paix seule puisse les renouer. Ceux qui soutiennent la thèse contraire disent que la guerre remet en question l'existence même des États. 2 Mais autre chose est l'éventualité, autre chose l'accomplissement d'une catastrophe qui met fin à l'existence d'un État.

En premier lieu il est certain que les conventions stipulées ou renouvelées expressément en prévision des hostilités, continuent à subsister tant que l'une des parties belligérantes ne les aura pas violées. Car en ce cas l'autre devra se dispenser également de leur observation par voie de représailles, soit provisoirement, soit d'une manière définitive. Jusque là le fondement des conventions, l'accord des volontés, subsiste. Citons comme exemple le délai de six mois stipulé fréquemment dans les traités de commerce au profit des sujets respectifs,

1 J. J. Moser, Vers. IX, p. 45. Vattel III, § 63.

2 C'est ce que soutiennent p. ex. Schmalz, Völkerr. p. 69 et jusqu'à un certain point Mably, Droit public. I, p. 169. Contra Wheaton III, 2. 7-9. La question est discutée par Fréd. Ch. Wächter, De modis tollendi pacta inter gentes. Stuttg. 1780. § 53 suiv. Leopold, De effectu novi belli quoad vim obligandi pristinarum pacification. Helmst. 1792. J. J. Moser, Vermischte Abhandl. I. Klüber § 165. Massé, Droit commercial § 144.

Halleck XV, 8 suiv.

De

pour mettre en sûreté leurs personnes et leurs biens.1 même les rapports légaux nés de traités antérieurs et qui ont acquis l'autorité de faits accomplis, continuent à produire leurs effets: de nouvelles stipulations intervenues dans le traité de paix futur peuvent seules y mettre un terme.

En second lieu les rapports généraux et permanents des États ne cessent d'être en vigueur entre les belligérants qu'autant que la volonté de ces derniers ou les besoins de la guerre l'exigent. Ainsi, d'après les usages modernes, les parties ennemies ne négligent pas d'observer entre elles, et notamment à l'égard des souverains respectifs, les lois de l'honneur et du respect. La bonne foi encore impose des devoirs dont il n'est pas permis de s'affranchir sous les armes.

Les conventions contractées antérieurement à la guerre cessent nécessairement de produire leurs effets, lorsqu'elles supposent un état de paix. D'autres doivent être considérées · comme étant abolies de plein droit par la guerre qui a mis un terme à leur cause ou à la possibilité d'un consentement libre et permanent. Conformément à ce principe les usages internationaux n'exigent nullement l'accomplissement des engagements contractés antérieurement envers l'ennemi, et les regardent comme suspendus. Reste à savoir si la paix les fait renaître et jusqu'à quel point? Nous examinerons cette question au § 180 et 181. Il est encore incontestable que, le terme stipulé dans une convention étant échu avant la guerre ou venant à échoir pendant la guerre, la partie victorieuse pourrait se mettre en possession des avantages qui lui ont été assurés par la convention. Mais cette possession devra être ratifiée par les clauses de la paix.

Enfin la guerre ne fait point cesser les droits communs et individuels de l'homme: ils subissent seulement toutes les conséquences inévitables d'un fléau qui frappe sans discernement. Il est en outre évident que les sujets des parties belligérantes

1 Mably à l'endroit cité. de Steck, Essais sur div. sujets. 1785. p. 5. Voir un autre exemple dans Wheaton § 8, 3. Klüber § 152. Martens § 263. Vattel III, § 175. Oke Manning p. 125.

2 Pufendorf, J. univ. IV, obs. 206, 2.

doivent subir les effets des restrictions que ces dernières jugent à propos d'imposer expressément au commerce ennemi ou neutre (§ 123). A défaut de restrictions expresses il n'y a pas lieu à en présumer; car les maximes modernes de la guerre ne permettent pas de porter atteinte aux droits individuels des sujets ennemis: elles ne s'opposent pas non plus à ce que ces droits puissent être régulièrement poursuivis devant les tribunaux compétents.1 Cependant la pratique des nations dominantes se trouve encore en contradiction avec ces maximes.

Effets de la guerre sur le commerce des sujets ennemis.2

§ 123. L'homme a naturellement le droit de faire un usage libre des voies de communication et de commerce établies entre les nations, et la guerre devrait respecter ce droit comme les autres droits privés. Son exercice toutefois sera toujours subordonné aux convenances des parties belligérantes et aux conditions sous lesquelles elles continuent à l'admettre. En effet le commerce, ce levier puissant, si, libre de toute surveillance, il était abandonné à ses propres ressources, se rendrait indépendant et deviendrait lui-même une puissance redoutable, dont les annales de l'histoire fournissent un exemple mémorable dans la Ligue hanséatique. En même temps qu'il dicterait des lois aux gouvernements, il étoufferait par son esprit étroit et exclusif beaucoup d'éléments généreux. Il gênerait surtout les opérations des belligérants et donnerait à leurs positions nettement définies une certaine couleur équivoque. Affranchi de toute surveillance, il portera souvent des secours à l'ennemi: car pour lui, cosmopolite qu'il est, il n'existe d'autre ennemi que celui qui arrête la liberté de ses mouvements. La force même des choses indique par conséquent clairement que les relations réciproques des sujets des parties belligérantes, loin d'être

1 Zachariae, 40 Bücher vom Staat. XXVIII, 7. 2. (tome IV, p. 103.) Contra Wurm dans le journal: Zeitschrift für Staatswissenschaft. VII, p. 350 suiv.

2 Les monographies, celles notamment relatives au commerce des neutres, sont indiquées par de Kamptz § 257.

affranchies de toute surveillance, doivent au contraire être contenues dans des limites étroites. Conséquemment tout gouvernement pourra interdire à ses sujets le commerce général ou partiel avec l'ennemi, en édictant des amendes et la peine de confiscation contre les contrevenants. Il peut encore arrêter les sujets ennemis livrés au commerce, et user à cet effet de représailles, dont nous parlerons dans le chapitre relatif aux prises maritimes. Il peut également priver de leurs effets sur son territoire les contrats commerciaux, comme, par exemple, les contrats d'assurance, qui ont pour objets des biens ennemis.? D'un autre côté les parties belligérantes ont la faculté d'autoriser certaines branches du commerce et d'accorder des licences que, bien entendu, elles ne sont nullement tenues de respecter entre elles.3 Mais en thèse générale il n'est pas permis de soutenir qu'une déclaration de guerre emporte toujours une interdiction absolue de commerce entre les belligérants, bien que souvent il en soit ainsi. Ces derniers doivent au contraire s'expliquer clairement à ce sujet, lorsque surtout il s'agit d'une interdiction générale. En effet le droit de commerce est essentiellement individuel et ne dérive pas de l'État, qui ne fait qu'en régler les conditions et qui ne peut pas non plus le frapper d'une manière absolue.5 Ainsi une puissance ne peut

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1 Autrefois l'interdiction était la règle commune. Pufendorf, loc. cit. obs. 207. Bynkershoek, Quaest. jur. publ. I, 3. `,, Quamvis autem nulla sit specialis commerciorum prohibitio, ipso tamen jure belli commercia sunt vetita." Quelquefois néanmoins on admettait des exceptions. Ainsi en 1675 les États généraux, lors de la guerre avec la Suède, proclamèrent la continuation du commerce entre les parties belligérantes.

2 de Steck, Essais sur div. sujets. p. 14 suiv. Wurm à l'endroit cité t. VII, p. 340 suiv.

3 Jacobsen, Seerecht p. 423 suiv. 719-731. Wheaton, Intern. Law. IV, 1. § 22. Oke Manning p. 123. Wildman II, 245. Phillimore III, 613. Contra Wurm, loc. cit. p. 282 suiv.

4 Nau, Völkerseerecht § 263. V. pour la jurisprudence passablement rigoureuse suivie en Angleterre, en Amérique et en France, Wheaton, loc. cit. § 13. Valin, Commentaire sur l'Ordonnance de 1681. III, 6. 3. Phillimore III, 105. Halleck XV, 9 suiv. Oke Manning p. 123, observe avec raison qu'il s'agit ici plutôt de mesures politiques que commerciales. V. aussi Massé, Droit commercial. t. I. 1844. n. 335. Wildman II, p. 15.

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pas obliger ses alliés à se soumettre sous ce rapport à une défense générale, dès qu'elle ne résulte pas des clauses du traité d'alliance. Il doit se contenter d'exiger qu'ils ne favorisent pas effectivement l'ennemi, et il s'y opposera au besoin par voie de saisie ou autrement.1

Les personnes comprises dans l'état de guerre.

§ 124. Maintenant nous allons tracer les règles à observer durant la guerre en commençant par la conduite et le traitement des personnes impliquées dans l'état de guerre.

Notons d'abord que d'après les usages internationaux de l'Europe moderne les effets actifs et passifs ne se produisent dans toute leur rigueur qu'à l'égard des chefs des parties principales ou alliées, et des armées de terre ou de mer entrées en campagne sous leur commandement. Cette force armée ne comprend pas seulement les troupes et les équipages ordinaires, mais aussi ceux qui sont destinés à l'arrière-ban et au renforcement des premiers, comme la Landwehr allemande. Outre les soldats armés, on y compte encore les personnes non combattantes attachées au camp, telles que les aumôniers, les médecins, les vivandiers et les intendants militaires. A l'égard de ces personnes toutefois il est constant qu'ils ne participent pas à la guerre active et qu'ils ne peuvent faire usage des armes qu'en cas de nécessité et pour leur défense personnelle. -Les autres sujets des parties belligérantes remplissent dans le cours de la guerre un rôle purement passif et n'y interviennent que par leurs rapports avec les troupes, en même temps qu'ils subissent nécessairement les conséquences de la guerre et de ses diverses vicissitudes. 2 Il leur est défendu de commettre aucune espèce d'hostilités sans un ordre formel du souverain, qui peut appeler certaines classes ou la population

1 Bynkershoek, Quaest. jur. publ. I, 10. Wheaton, loc. cit. § 14. Wurm, loc. cit. p. 294 professent une opinion plus rigoureuse. On doit néanmoins se demander à quel titre un gouvernement pourrait s'arroger le droit de tracer à ses alliés leur voie de conduite et d'exercer sur leurs sujets une espèce de juridiction.

2 Vattel III, 15, § 226.

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