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dès l'année 1260, d'après le témoignage de l'évêque grec Nicéphore Grégoire.1

§ 128. D'après les coutumes modernes il est reconnu que le souverain et les princes des familles souveraines, dès qu'ils ont pris du service dans l'armée active ou qu'ils sont capables de porter les armes, ensuite tous ceux qui font partie de l'armée active et légitime, sont soumis au sort de la captivité.2

Les effets de la captivité commencent à courir, à l'égard des prisonniers de guerre, dès le moment où, réduits à l'impossibilité d'opposer de la résistance, ils se sont rendus volontairement, soit conditionnellement, soit sans condition, et qu'ils ont obtenu la grâce de leur vie.

Les lois de la guerre défendent d'ôter la vie aux prisonniers sous aucun prétexte: car l'ennemi incapable de nuire a droit à des ménagements. Il est permis seulement de prendre à son égard des mesures de précaution et de s'assurer de sa personne. Si toutefois les circonstances rendaient l'application de ces mesures trop difficile, la nécessité de la légitime défense et les fins suprêmes de la guerre feraient repousser la reddition offerte. Ainsi les prisonniers qui, après avoir été désarmės, menacent de reprendre les armes, pourront être tuės impunément. Le meurtre sera moins excusable s'ils se sont rendus sur parole, à moins qu'ils n'y aient manqué les premiers, ou que leur présence dans le camp ne présente des dangers sérieux.

De même le vainqueur a incontestablement le droit de faire appliquer au prisonnier qui s'est livré sans condition, la peine d'un forfait énorme contraire aux lois de la guerre, dont il s'était rendu coupable, d'après les règles de la vindicte sociale. Toute vengeance néanmoins exercée sur un ennemi qui n'a fait que remplir les devoirs militaires, doit être réprouvée: telle sera, par exemple, l'exécution du brave commandant d'une

1 Pütter, Beitr. p. 69. 86.

2 d'Ompteda § 311. de Kamptz § 305. Grotius III, chap. 7. Moser, Vers. IX, 2, p. 250. 311 suiv. Bynkershoek, Quaest. jur. publ. I, 3. Vattel III, § 139 suiv. Klüber § 249. Wheaton IV, 2. 2. Oke Manning p. 155. Wildman II, 25. 26.

3 Vattel III, § 141. 143.

forteresse assiégée, lors même que sa défense courageuse aurait provoqué pendant le siége la menace de cette punition. Espérons que les annales de l'Europe n'aient plus à enregistrer de pareils forfaits.

§ 129. Le traitement du prisonnier de guerre consiste dans la privation effective et temporaire de sa liberté, pour l'empêcher de retourner dans son pays et de prendre de nouveau part aux opérations de la guerre. Les membres des familles souveraines, lorsqu'ils ont été faits prisonniers, sont traités avec les égards dus à leur position. Détenus souvent sur leur simple parole, ils sont affranchis de toutes les mesures vexatoires de sûreté personnelle. De même les officiers, dès qu'ils ont engagé leur honneur, jouissent aussi d'une plus grande liberté. Les sous-officiers et les soldats au contraire, soumis à une surveillance active, sont employés à des travaux convenables pour gagner une partie des frais d'entretien fournis par le gouvernement qui les détient. Ce dernier pourra exiger le remboursement ou en exiger la compensation lors de la conclusion de la paix.

Les prisonniers de guerre sont, pendant toute la durée de leur captivité, incontestablement justiciables des tribunaux du pays où ils se trouvent détenus, notamment à raison des crimes qu'ils y ont commis. Les lois de la guerre réprouvent de mauvais traitements, des procédés arbitraires, des violences de toute espèce, lorsqu'elles ne sont pas justifiées par la nécessité. Ce ne serait surtout que dans le cas où, contrairement aux conditions de leur détention, ils conspireraient contre la sûreté intérieure de l'État, que ce dernier pourrait user valablement à leur égard de moyens de correction ou de répression énergiques. Ceux qui sont restés étrangers aux faits reprochés, ne devront pas subir les conséquences des représailles, quoi qu'en disent certains auteurs anciens qui, sous le nom de pratiques de guerre, ont cherché à justifier des procédés semblables, ne fût-ce que comme de simples menaces.1 Les lois de la

1 Vattel III, § 142. Le traité conclu en 1799 entre la Prusse et les États-Unis contient, dans l'art. 24, quelques dispositions curieuses sur le traitement des prisonniers.

guerre défendent encore de contraindre des prisonniers d'entrer dans l'armée de l'État où ils sont détenus.

La captivité finit dans les cas suivants :

par la paix;

par une soumission volontaire acceptée par le gouvernement ennemi;

par le renvoi conditionnel ou sans condition;

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Les prisonniers qui, après avoir été rendus à la liberté par suite d'une promesse de payer une rançon qu'ils n'ont pas remplie, viennent à être repris une seconde fois, ne sont passibles d'aucune peine, car ils n'ont fait qu'obéir à la voix naturelle de la liberté et de la patrie. Mais s'ils ont manqué en même temps aux conditions plus sérieuses de leur mise en liberté, à celle, par exemple, de ne plus servir contre le gouvernement qui les a renvoyés, ils seront passibles de corrections sévères.

Droits sur les choses qui appartiennent à l'ennemi.1

§ 130. Par une conséquence naturelle des anciennes lois de la guerre, qui avait pour but exclusif la destruction de l'ennemi, le vainqueur pouvait s'approprier, par une simple prise de possession, les biens appartenant à ce dernier, ces biens étant regardés comme caducs et sans maître.2 Les lois regardaient même le domaine des biens enlevés à l'ennemi comme le plus légitime et le plus solide.3 Ceux que le vainqueur n'avait pas l'intention de garder étaient impitoyablement voués à la destruction. Rien n'était excepté de la ruine universelle: les campagnes et les villes, les édifices publics et

1 Grotius III, chap. 5 et 6. Vattel III, 9 et 13. Martens, Völkerr. p. 274 suiv. d'Ompteda p. 308. de Kamptz p. 306.

2 Loi 1. § 1. 1. 5. § 7 pr. D. de acquir. rer. domin. I, 20, § 1. D. de captivis et postlim. Gajus, Comment. II, 69, § 17. J. de divis. rerum.

3 Gajus (Comment. IV, § 16) dit des anciens Romains: ,,Omnium maxime sua esse credebant quae ex hostibus cepissent. Unde in centumviralibus judiciis hasta praeponitur."

privés, les temples même n'y échappaient pas. Encore dans l'époque romano-chrétienne les tombeaux ennemis, dont la religion avait placé le culte si haut, n'étaient pas respectés.1 Tout ce qui, dès le commencement de la guerre, se trouvait sur le territoire ennemi, était la proie du vainqueur.2

Les lois présentaient cependant certaines différences entre elles par rapport à la personne de l'acquéreur. Ainsi les lois romaines admettaient cette distinction fondamentale que la prise de possession des terres ennemies (occupatio bellica) en rendait maître l'État vainqueur, tandis que les biens meubles devenaient la propriété des troupes qui s'en étaient emparées, de manière que les meubles conquis en commun furent partagés proportionnellement entre les individus, après certains prélèvements opérés au profit du fisc et des temples publics.3

Les coutumes modernes de la guerre ont consacré des principes différents, ainsi que nous l'avons déjà observé. La guerre n'est plus regardée comme un état de choses normal: elle ne dissout les rapports régulièrement établis qu'autant que la nécessité l'exige. Elle n'est pas un état d'hostilité éternelle entre les nations civilisées: elle ne perd surtout jamais de vue son véritable but, qui est le retour de la paix. Accident essentiellement transitoire, elle suspend seulement le règne de la paix. C'est un accident dont chacune des parties belligérantes profite avec une entière liberté pour conserver les avantages que lui procurent les succès de ses armes, sans qu'elle ait à en rendre compte devant une autorité quelconque. Mais toujours est-il constant que l'état de possession, résultant des succès de guerre, ne produit tous ses effets que par rapport aux États belligérants: par rapport à leurs sujets au contraire dans les limites seulement de la stricte nécessité. Depuis Grotius cette idée moderne de la guerre s'est fait jour avec une énergie persistante: sortie des ombres de la théorie, elle

1 Loi 4. Dig. de sepulcro violato. Loi 36. Dig. de religiosis: „, sepulcra hostium nobis religiosa non sunt.“

Loi 51. Dig. de acquir. rer. domin. Loi 12 pr. Dig. de captivis. Grotius III, 6. 14 suiv. Cujas, Observat. XIX, 7. Vinnius ad § 17. Inst. de rer. divis. J.-J. Barthélemy, Oeuvr. div. Paris 1798. t. I, p. 1.

est appelée désormais à prendre place au sein des nations civilisées de l'Europe.1

§ 131. Du principe moderne de la guerre que nous venons d'énoncer, découlent naturellement les propositions suivantes:

I. La conquête totale ou partielle d'un territoire n'a pas pour effet direct de remplacer le gouvernement vaincu par le vainqueur, aussi longtemps que la lutte peut se continuer avec quelque chance. C'est seulement après avoir fait subir au peuple vaincu une défaite complète (debellatio, ultima victoria), après lui avoir enlevé la possibilité d'une plus longue résistance, que le vainqueur peut établir sa domination sur lui en prenant possession du pouvoir souverain, domination à la vérité usurpatrice, ainsi que nous l'expliquerons au chap. IV. Jusque là il ne pourra que séquestrer les domaines du gouvernement dépouillé provisoirement et de fait de ses prérogatives. pourra tirer parti de toutes les ressources dont disposait ce dernier et qui sont d'une réalisation facile, pour se dédommager de ses pertes. Ainsi il saisira les revenus de l'État; il prendra les dispositions nécessaires pour se maintenir en possession du territoire conquis. Mais on ne saurait prétendre que la conquête opère de plein droit une subrogation du vainqueur dans les droits du gouvernement vaincu.2

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1 Isambert dans les Annales politiques et diplomatiques (Paris 1823. Introd. p. CXV) a très-bien dit:,, Nous pensons avec Grotius qu'on acquiert par une guerre juste autant de choses qu'il en faut pour indemniser complétement les frais de la guerre; mais il n'est pas vrai que par le droit des gens on acquière le droit de la propriété entière des biens des sujets. On n'admet plus aujourd'hui le principe que la conquête engendre des droits. Il n'y a d'immuable, dans la pratique des nations, que les principes qui dérivent immédiatement du droit de la nature." Zachariae, 40 Bücher vom Staate. IV, 1, p. 102:,,Le droit des gens protége les biens des sujets ennemis: il n'est permis d'y toucher que par exception autant qu'il faut pour atteindre le but de la guerre. Car les biens particuliers des sujets ne font partie des forces de guerre des États que dans les limites du pouvoir qui appartient aux gouvernements sur les biens de leurs sujets." Comparez Halleck, ch. XIX.

2 Les monographies sur cette importante matière sont indiquées par de Kamptz § 307. La théorie de la plupart des auteurs est erronée en ce sens qu'ils confondent la simple occupation avec la prise de possession définitive. Cocceji, dans son Comment. sur Grotius III, 6, et dans sa dissert. De jure victoriae, a exposé la véritable théorie,

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