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caractère différent, à la vérité vivement contesté en ce dernier temps, soit en vertu d'anciens priviléges concédés aux diverses nations, soit en vertu de traités et de capitulations qui en garantissent le maintien en termes formels.1 Le même système a été mis en activité par les puissances maritimes envers la Chine, le Japon, la Perse, le Siam, le Maroc. 2

Attributions des consuls actuels.

§ 246. D'après la pratique généralement admise aujourd'hui dans les États européens et du Nouveau-Monde, les consuls, ainsi que nous venons de le dire, forment une espèce particulière d'agents diplomatiques, chargés de la défense des intérêts du commerce de certains pays dans les places où ils sont envoyés. Tantôt sujets du pays qu'ils représentent (consules missi), tantôt sujets du pays même où ils résident (consules electi), ils ne peuvent entrer en fonctions que lorsque les deux gouvernements intéressés sont d'accord sur le choix même de leur personne. En principe aucun gouvernement n'est tenu d'admettre malgré lui des consuls étrangers. Aussi a-t-on soin de se faire accorder expressément cette faculté par des conventions publiques. Dans la plupart des traités de commerce modernes intervenus entre les États où il existe à cet égard des usages incontestés, on trouve des clauses semblables. Il existe cependant certains traités qui excluent expressément l'admission réciproque des agents consulaires. 3

La nomination de l'agent consulaire se fait par lettres de provision délivrées par le gouvernement qu'il représente. D'après la théorie générale, tout État, même l'État mi-sou

1 V. de Miltitz t. II, part. 2, p. 3 suiv. Ces traités sont indiqués par Mirus § 396. Comparez aussi M. Pradier - Fodéré dans la Revue de droit international I, p. 113.

2 V. de Martens, Nouveau Recueil général, t. XVII.

8 Comme, par exemple, dans un traité entre la France et les PaysBas: il paraît toutefois que cette clause a été abrogée. Une décision fédérale du 12 novembre 1815 défend l'établissement des consulats dans les forteresses de la confédération germanique. Comparez aussi de Steck. Essais sur divers sujets internationaux p. 52.

verain en possession d'un pavillon spécial, a le droit de se faire représenter dans les places de commerce étrangères par ces sortes d'agents.

L'agent consulaire ne peut entrer en fonctions qu'après avoir obtenu l'admission du souverain dans le territoire duquel il doit exercer ses fonctions. Cette admission lui est surtout nécessaire s'il est sujet du même souverain. Elle est délivrée par un acte d'Exequatur ou de Placet, qui justifie de sa qualité auprès des autorités locales.

Le titre de l'agent consulaire varie selon l'étendue et l'importance de ses fonctions. Il reçoit ordinairement le titre de consul général, lorsque ses fonctions embrassent tout un territoire ou plusieurs places de commerce; ou bien simplement celui de consul, de vice-consul ou de suppléant. Ces titres toutefois n'ont pas toujours une signification aussi précise.

$247. Les fonctions ordinaires des consuls consistent:2 1° A surveiller toujours la stricte observation des traités de commerce et de navigation, tant par le gouvernement près duquel ils résident, que par la nation qu'ils représentent. Si la bonne entente vient à être troublée, ils doivent faire auprès des autorités compétentes les démarches nécessaires pour la rétablir. Ils prennent

connaissance de l'arrivée des navires de leur nation, de

1 Cela a été expressément stipulé dans le traité entre les ÉtatsGénéraux et le roi des Deux-Siciles, du 27 août 1753, art. XLI. Wenck, Codex juris gent. II, p. 753.

2 Des dispositions très-étendues sur les attributions et les prérogatives consulaires se trouvent dans le traité entre la France et l'Espagne du 13 mars 1769. Wenck, Codex juris gent. III, p. 746. Martens, Recueil t. I, p. 629. Parmi les traités les plus récents nous citons ceux intervenus entre la France et le Texas du 25 septembre 1839, art. 8-13, entre la France et la Sardaigne du 4 février 1852 (Gazette des tribunaux 11 mars 1852). V. Laget de Podio, Juridiction des consuls de France à l'étranger. 2e édit. Marseille 1843. Pour les autres Etats v. Mirus § 390. Phillimore II, 247. B. de Cussy, Règlements consulaires des principaux États. Leipzig 1852. König, Preufsens Consular - Reglements. Berlin 1854, et les ouvrages indiqués au § 244, notamment Neumann (pour l'Autriche). Wertheim, Manuel des Consuls des Pays-Bas. Amsterd. 1861. Charles Döhl, Das Consularwesen des Norddeutschen Bundes. Bremen 1870.

leurs chargements et de leurs équipages. Ils sont chargés aussi de la police des passeports.

2° Ils portent des secours ou des conseils aux commerçants et aux marins de leur nation, toutes les fois que ces derniers les réclament. Ils peuvent exiger des autorités étrangères l'extradition des hommes de l'équipage qui se sont enfuis des navires de leur nation, dans les limites établies par les traités ou par les usages.

3° Ils sont investis d'une espèce de juridiction volontaire pour la constatation des faits et des accidents qui touchent les intérêts privés de leurs nationaux. A cet effet ils délivrent aux marins et aux négociants des certificats authentiques.

4° Ils cherchent à arranger à l'amiable les difficultés qui s'élèvent entre les sujets de leur nation, et entre ces derniers et les habitants du pays. Quelques traités leur accordent même le droit d'arbitrage dans les différends. des capitaines avec les hommes de l'équipage.1

Les attributions des consuls placés dans les pays dépendants de la Haute Porte, surtout aux Échelles du Levant, et pareillement dans les États asiatiques et africains, sont beaucoup plus étendues. Des traités récents stipulent encore en faveur des consuls européens dans ces contrées le droit de juridiction criminelle sur leurs nationaux. Ils y sont investis en outre, en vertu d'usages traditionnels, de la juridiction civile, nonseulement à l'égard des contestations de leurs nationaux entre eux, mais aussi avec les indigènes. Enfin ils pourront y être accrédités comme ministres ou chargés d'affaires pour suppléer au défaut d'agents politiques de cette sorte.2

§ 248. Parmi les prérogatives des agents consulaires dans les États européens, nous distinguons notamment l'immunité de

1 V. le traité des Villes hanséatiques avec les États-Unis de l'Amérique de 1852. (N. R. G. XVII, 1, p. 161) et celui de la Prusse avec les PaysBas du 16 juin 1856. (Ibid. p. 187.) Ajoutons de plus le traité de l'Empire germanique avec l'Union Américaine du Nord du 11 décembre 1871 et avee les Pays-Bas du 11 janv. 1872.

2 de Steck, Versuche. 1783. no. XII, p. 88. Mirus § 395. Phillimore II, 271. Halleck X, 21.

charges et de services personnels, qui leur permet de remplir librement leurs fonctions.1 Les traités admettent en outre l'exemption de la juridiction criminelle tantôt d'une manière absolue, tantôt ils exceptent les cas de crimes atroces. Ils sont justiciables des tribunaux des lieux en matière civile, notamment en matière commerciale; mais ils ne peuvent être poursuivis devant les tribunaux de leur résidence à raison des actes qu'ils y font par ordre de leur gouvernement et avec l'approbation des autorités du pays.s Les consuls chargés

1 V. le traité entre les Pays-Bas et la Grèce de 1845 dans le Nouveau Recueil t. V, p. 30. Halleck X, 11.

2 V. le traité indiqué ci-dessus entre la France et l'Espagne de 1769 art. 2. Allgem. Preufs. Gerichts- Ordnung I, 2, § 65. Le principe général a été proclamé dans un arrêt de la Cour royale d'Aix de 1843, ainsi conçu:

Attendu que si les Ambassadeurs sont indépendants de l'autorité souveraine du pays dans lequel ils exercent leur ministère, ce privilége n'est pas applicable aux consuls;

que ceux-ci ne sont que des agents commerciaux; que si les lois de police et de sécurité obligent en général tous ceux qui habitent le territoire français, il en résulte que l'étranger qui se trouve, méme casuellement, sur ce territoire, doit concourir de tous les moyens à faciliter l'exercice de la justice criminelle;

attendu que si la convention diplomatique dont le consul d'Espagne se prévaut pour être dispensé de venir déposer devant la cour, était sans inconvénients pour le temps où elle fut faite, alors que la procédure criminelle était secrète, elle est inapplicable aujourd'hui où, d'après le droit public qui nous régit, les débats sont publics et où les témoins sont tenus de déposer oralement devant le jury;

mais attendu que le consul est étranger; qu'il a pu ignorer l'économie et le mécanisme de la procédure criminelle française et qu'il y a de la bonne foi dans son refus;

la Cour déclare n'y avoir lieu à condamner Mr. Soller à l'amende.

Reste à savoir si cet arrêt est exact dans toutes ses parties. L'instruction générale du 8 août 1814 pour les Consuls de France en pays étranger, leur accorde expressément,, l'immunité personnelle, excepté dans le cas de crime atroce et sans préjudice des actions qui seraient intentées contre eux pour les faits de commerce." C'est ce que, dans une occasion récente, les autorités de Lübeck ont admis aussi en faveur du consul français. Le traité entre la France et la Sardaigne du 4 février 1852 contient des concessions importantes à ce sujet.

2 Dalloz, Jurispr. générale I, 330. Heffter, droit international. 3e éd.

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encore de fonctions diplomatiques pourront même prétendre à l'inviolabilité et à l'exterritorialité des chargés d'affaires, comme, par exemple, dans les États mi- souverains ou dépendants. C'est ce qui est vrai surtout à l'égard des consuls envoyés dans les provinces soumises à la suzeraineté de la Porte, qui leur accorde aussi le droit d'asile et le libre exercice du culte dans leur hôtel.1

D'après les usages généraux, les consuls comme tels ne peuvent guère prétendre au cérémonial des ministres publics. Ils ont seulement le droit de mettre au-dessus de la porte de leur hôtel les armes du souverain qu'ils représentent. C'est d'après le rang de ce dernier que se règle leur rang entre eux. D'ailleurs ils ne jouissent pas d'honneurs particuliers de préséance. s

Chapitre IV.

L'ESPIONNAGE.4

§ 249. On entend par espions les personnes qui, dans l'intérêt d'un gouvernement, mais sans caractère public, tâchent de prendre en secret des renseignements sur la situation des affaires d'un autre État aux lieux mêmes. On distingue à cet effet des espions de guerre et des espions politiques.

Au point de vue moral, il est incontestablement permis de se procurer par des voies secrètes des renseignements qu'on ne pourrait obtenir autrement, surtout lorsqu'il s'agit de se garantir de certains dangers." En pareil cas, on doit éviter seulement de faire usage de moyens contraires à l'ordre public,

1 Mirus § 39.

2 Mais aux termes de plusieurs traités. V. Nouveau Recueil, Supplém. V, p. 172. 411. 412.

3 J. J. Moser, Versuche VII, p. 831. 843. Wheaton, Intern. Law III, 1, § 22.

4 V. surtout de Kamptz, Beiträge zum Staats- und Völkerr. 1, p. 63. Il ne s'occupe principalement que des espions de guerre.

5 Grotius III, 4, 19 et le commentaire de Cocceji.

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