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moins de ceux qui ont le droit ainsi que le pouvoir de s'y opposer. Il en est de même quand il s'agit du changement des titres, d'armes et d'autres distinctions extérieures.1 Telle a été la pratique constante des États. Sous ce rapport les négociations qui ont précédé et suivi l'adoption du titre royal par l'électeur de Brandebourg, et du titre d'empereur que le czar Pierre I s'est décerné lui-même, sont utiles à consulter.

L'opposition peut être justifiée par le motif de l'affaiblissement du prestige attaché au titre, si à ce titre ne correspondent pas des moyens suffisants pour le soutenir dignement; elle peut encore être fondée sur l'abaissement des autres souverains par suite de l'élévation de l'un d'entre eux.?

Au reste le droit revendiqué autrefois par le Saint-Siége de conférer des titres politiques n'est plus sérieusement soutenu aujourd'hui. Les écrivains politiques de la Prusse et la position décidée de son gouvernement vis-à-vis du Saint-Siége out réduit à sa juste valeur cette prétention.3

2. Droit de respect mutuel des États.

§ 32. De même que les hommes entre eux, les nations, à moins qu'elles ne prétendant vivre dans un isolement complet, doivent se respecter mutuellement comme membres de l'association humaine. C'est une obligation qui résulte de leur existence physique. Le respect dû à un État ne peut lui être refusé par un autre que dans le cas où ce dernier contesterait sa légitimité et romprait les relations avec lui. Et alors encore les devoirs commandés par la morale et par l'humanité ne pourront pas lui être refusés.

Les devoirs qui correspondent au droit de respect, d'un caractère tantôt positif, tantôt négatif, sont notamment ceux-ci:

I. Le respect de la personnalité physique. Dès lors il n'est permis à aucune nation d'entreprendre la destruction physique d'une autre, aussi longtemps du moins que son propre salut ne le commande pas impérieusement (§ 29 ci-dessus).

Schmelzing, Europ. Völkerr. § 40. Schmalz, Völkerr. p. 182.

2 Il existe un protocole du Congrès d'Aix-la-Chapelle très - curieux sous ce rapport, que nous communiquons dans l'Appendice.

V. surtout de Ludewig, Opusc. miscell. I, p. 1 et 129.

Ce serait donc commettre une injustice que de fermer à un État enclavé des débouchés de son commerce ou de l'imposer de droits exorbitants qui équivaudraient à une prohibition, et de l'empêcher par là de se procurer les moyens de subsistance nécessaires et qu'il ne possède pas lui-même.1

II. Le respect de la personnalité politique des États, c'està-dire de tous les droits généraux et spéciaux, sanctionnés par leur constitution propre, tant que leur exercice ne dépasse pas de justes limites, ou ne fait pas naître des conflits qui résultent de l'existence de droits opposés.

Ainsi les États dans leurs relations réciproques se doivent les égards et les honneurs consacrés par les règles du cérémonial public. Ils doivent s'abstenir d'actes arbitraires qui sont de nature à usurper sur les droits souverains d'un État étranger ou à en empêcher l'exercice. Toute lésion ou toute usurpation des droits et des établissements d'un souverain étranger, telles que la contrefaçon de monnaies faite surtout avec une diminution du poids, l'emploi illicite d'armes ou d'un pavillon étrangers, et en général toute fraude, constituent des lésions. 2

Les États doivent en outre, dans leurs relations réciproques, respecter les institutions particulières de chacun. Ainsi il ne leur est pas permis d'ignorer dans leurs négociations la constitution d'un pays, à moins qu'ils n'aient le droit d'en contester la validité. De même lorsqu'un souverain fait poursuivre ses droits devant des tribunaux étrangers, ou est appelé, s'il y a lieu, à s'y défendre, il doit se conformer aux lois du pays. Mais d'un autre côté les États ne sont aucunement tenus de s'aider et de s'assister réciproquement dans l'exercice de leurs droits gouvernementaux.

III. Respect de la dignité morale des États, ces derniers faisant partie de l'ordre moral universel, pourvu que par leur conduite ils ne se rendent point indignes du respect des autres. Il n'est donc permis à aucune nation de traiter une autre avec dédain ou d'une manière offensante. Mais en même temps

1 V. Vattel II, 134. Il va sans dire que la simple perception des droits d'entrée ou de transit ne constitue pas une lésion.

* V. Vattel I, § 108.

il suffit que dans leurs rapports les nations se traitent d'égales et s'accordent de plus les honneurs conventionnels dus à leur rang parmi les États. Ainsi, bien que la gloire d'une nation tienne intimement à sa puissance, elle ne peut pourtant exiger des autres qu'elles la traitent comme la plus grande et la plus brave. Il serait seulement injurieux de désigner une nation comme exclue de toute prétention à la gloire. En général c'est la conduite fondée sur le droit et sur la justice qui attire et conserve à une nation la considération des autres peuples. Il est vrai que si, passagèrement et par un acte isolé, elle venait à s'écarter de la ligne étroite de la justice, cet acte seul ne devra pas lui faire perdre la considération à laquelle elle peut prétendre. Certainement il sera permis à tout le monde de juger ces actes en conformité avec la maxime du droit romain:,, peccata nocentium nota esse et oportet et expedit." Car où s'arrêtera le mensonge le jour où les souverains justiciables par le tribunal de l'histoire, dont ils sont pour ainsi dire les organes vivants, refuseront d'accorder à la vérité l'accès dans leurs conseils? Mais, cela à part, chaque souverain a le droit d'exiger qu'une foi entière soit accordée à ses paroles et à ses explications, pourvu que ses actes attestent sa sincérité et sa bonne foi.3

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Les gouvernements doivent veiller en outre que les engagements auxquels ils se sont soumis, soient exécutés également par leurs propres sujets. Jusqu'à présent néanmoins les lois spéciales des États de l'Europe ont gardé un silence à peu près unanime sur la protection qui est due aux droits et aux intérêts particuliers des gouvernements étrangers. La pratique égoïste des États n'a pas hésité à nier la nécessité d'une protection semblable. La contrebande à l'étranger, par exemple, d'après la jurisprudence constante des tribunaux de plusieurs pays, continue à être considérée comme une chose parfaitement

La gloire d'une nation est sans doute un bien très-réel et incontestable. C'est en ce sens que Vattel (I, § 190) a pu dire: attaquer la gloire d'une nation, c'est lui faire injure.

2 L. 18. D. de injur.

3 V. les ouvrages cités par de Kamptz, Lit. § 93.

licite dont personne n'a à rougir.1 Chaque gouvernement, sur ce terrain, semble attendre de l'État voisin l'initiative d'une réforme. Cette initiative on ne la rencontre jusqu'à présent que dans les États fédéraux: là du moins les intérêts collectifs

1 Qu'il nous soit permis de rapporter ici les termes d'un arrêt rendu en sens contraire par la Cour suprême dans laquelle l'auteur a eu l'honneur de siéger.

,,Attendu que la Cour de cassation est compétente pour statuer sur la question de savoir: si une convention est contraire aux bonnes moeurs? Car cette question implique non pas des idées accidentelles, mais des principes constants qui doivent être considérés comme faisant partie de la loi à laquelle ils servent de base;

que les idées sur ce qui est moralement permis ou défendu, ne sont pas des idées locales, circonscrites dans les limites du territoire d'un État;

que la volonté morale, qui est le fondement des bonnes moeurs, consiste essentiellement dans l'obligation de ne léser les droits de personne, ni de s'enrichir aux dépens d'autrui;

que chaque État a le droit incontesté d'exiger une justification de marchandises importées de l'étranger et d'en percevoir des droits;

qu'à la vérité les Etats ne sont pas tenus de s'entr'aider réciproquement dans l'exercice de ce droit, mais qu'une violation à cet égard n'en constitue pas moins une lésion et un acte incontestablement immoral de la part de celui qui l'entreprend dans un but d'intérêt personnel, ou qui le provoque;

que par suite la Cour d'appel rhénane a jugé avec raison que la convention dont il s'agit, et qui avait pour objet l'introduction de marchandises de contrebande dans un pays ami, était contraire aux bonnes moeurs et aux lois etc."

La jurisprudence française professe des principes moins libéraux. Par arrêt du 25 mars et du 25 août 1835 la Cour de cassation a jugé que la contrebande à l'étranger n'est pas une cause illicite d'obligation; qu'elle peut être notamment l'objet d'une société entre Français, ainsi que d'un contrat d'assurance valable. Ces arrêts s'appuient sur les motifs que la contrebande en pays étranger, à l'aide de ruse employée pour tromper les préposés chargés de l'empêcher, n'est prévue ni réprimée par aucune loi française; qu'on viole les lois prohibitives qui n'obligent que les sujets du prince qui les a établies (Sirey 1835, 1, 675 et 805). La jurisprudence anglaise et américaine n'est guère plus libérale. V. dans le sens de notre opinion Pfeiffer, Prakt. Ausf. III, 83 et l'auteur espagnol Pando, Elem. del derecho intern. p. 144; sur les contestations entre États pour faits de contrebande, v. Moser VII, 756. V. aussi la loi prussienne du 22 août 1853 (Gesetzsammlung, 926), qui punit même l'introduction de contrebande dans un pays étranger pourvu qu'il y ait réciprocité.

Heffter, droit international. 3e éd.

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ont été réglés d'une manière satisfaisante pour tous. Nous reprendrons les détails de cette matière dans le chapitre relatif aux obligations qui naissent des délits.

3. Commerce mutuel des nations.1

§ 33. Le but suprême du droit international, ainsi que nous l'avons expliqué (§ 2 ci-dessus), étant le rapprochement mutuel des nations, il fournit par le commerce des moyens d'échange de leurs ressources morales et matérielles, propres au développement de la nature humaine. La liberté de commerce à la vérité n'est pas un principe absolu. Il doit subir plusieurs restrictions. La première résulte de cette justice distributive qui, fondée sur l'égalité en nivelant les positions inégales, s'oppose à ce qu'un État entretienne avec un autre un commerce dont seul il supporterait les charges et ce dernier les bénéfices. Une autre restriction, fondée sur des motifs tout aussi graves, résulte de cette circonstance que l'intérêt de conservation ne permet guère à un État de se placer dans une dépendance absolue d'un autre, en lui accordant une liberté de commerce absolue.

La politique intérieure des États doit seule dicter les mesures de précaution, de défense, de réciprocité et d'encouragement qu'il convient de prendre à cet effet. C'est à elle de proscrire du territoire d'un État les branches nuisibles du commerce, à assujettir celui des étrangers au régime des passeports et aux règlements de police, à favoriser les produits nationaux en grevant les produits étrangers de droits protecteurs, en traçant les routes que ces derniers, lors de leur entrée dans le territoire, doivent suivre, et en les assujettissant à la nécessité d'entrepôt. C'est à elle de décider s'il convient de favoriser le commerce étranger par des traités, par la création de ports libres (§ 243) et d'établissements analogues, ou bien seulement celui de certaines nations (§ 27); d'accorder même des monopoles, s'ils peuvent offrir encore aujourd'hui de réels avantages. Enfin une nation peut, par un traité de commerce,

1 Voir les écrits concernant cet objet dans: Ompteda, Lit. § 277. de Kamptz § 252. Klüber, Droit des gens. § 69. Zachariae, 40 Bücher. IV, 21.

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