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nature divine, que Moïse et les prophètes n'avaient qu'effleurés.

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C'était à lui à nous faire entendre d'où vient que Messie promis comme un homme qui devait sauver les autres hommes, était en même temps montré comme Dieu en nombre singulier, et absolument à la manière dont le Créateur nous est désigné : et c'est aussi ce qu'il a fait en nous enseignant que, quoique fils d'Abraham, «< il était devant qu'Abraham fùt fait, qu'il est descendu » du ciel, et toutefois qu'il est au ciel; » qu'il est Dieu, Fils de Dieu, et tout ensemble homme, fils de l'homme, le vrai Emmanuel, Dieu avec nous : en un mot le Verbe fait chair, unissant en sa personne la nature humainę avec la divine, afin de réconcilier toutes choses en luimême.

Ainsi nous sont révélés les deux principaux mystères, celui de la Trinité et celui de l'Incarnation. Mais celui qui nous les a révélés, nous en fait trouver l'image en nous-mêmes, afin qu'ils nous soient toujours présents et que nous reconnaissions la dignité de notre nature.

En effet, si nous imposons silence à nos sens et que nous nous renfermions pour un peu de temps au fond de notre âme, c'est-à-dire dans cette partie où la vérité se fait entendre, nous y verrons quelque image de la Trinité que nous adorons. La pensée que nous sentons naître comme le germe de notre esprit, comme le fils de notre intelligence, nous donne quelque idée du Fils de Dieu conçu éternellement dans l'intelligence du Père cé

leste. C'est pourquoi ce Fils de Dieu prend le nom de Verbe, afin que nous entendions qu'il naît dans le sein du Père, non comme naissent les corps, mais comme naît dans notre âme cette parole intérieure que nous y sentons quand nous contemplons la vérité.

Mais la fécondité de notre esprit ne se termine pas à cette parole intérieure, à cette pensée intellectuelle, à cette image de la vérité qui se forme en nous. Nous aimons et cette parole intérieure et l'esprit où elle naît; et en l'aimant nous sentons en nous quelque chose qui ne nous est pas moins précieux que notre esprit et notre pensée qui est le fruit de l'un et de l'autre, qui les unit, qui s'unit à eux, et ne fait avec eux qu'une même vie.

Ainsi, autant qu'il se peut trouver de rapport entre Dieu et l'homme, ainsi, dis-je, se produit en Dieu l'amour éternel, qui sort du Père qui pense, et du Fils qui est sa pensée, pour faire avec lui et sa pensée une même nature également heureuse et parfaite.

En un mot, Dieu est parfait; et son Verbe, image vivante d'une vérité infinie, n'est pas moins parfait que lui; et son Amour, qui sortant de la source inépuisable du bien en a toute la plénitude, ne peut manquer d'avoir une perfection infinie; et puisque nous n'avons point d'autre idée de Dieu que celle de la perfection, chacune de ces trois choses, considérée en elle-même, mérite d'être appelée Dieu : mais parceque ces trois choses conviennent nécessairement à une même nature, ces trois choses ne sont qu'un seul Dieu.

Il ne faut donc rien concevoir d'inégal ni de séparé dans cette Trinité adorable; et quelque incompréhensible que soit cette égalité, notre âme, si nous l'écoutons, nous en dira quelque chose.

Elle est; et quand elle sait parfaitement ce qu'elle est, son intelligence répond à la vérité de son être; et quand elle aime son être avec son intelligence autant qu'ils méritent d'être aimés, son amour égale la perfection de l'un et de l'autre. Ces trois choses ne se séparent jamais, et s'enferment l'une l'autre : nous entendons que nous sommes, et que nous aimons; et nous aimons à être, et à entendre. Qui le peut nier, s'il s'entend lui-même? Et non seulement une de ces choses n'est pas meilleure que l'autre, mais les trois ensemble ne sont pas meilleures qu'une d'elles en particulier, puisque chacune enferme le tout, et que dans les trois consiste la félicité et la dignité de la nature raisonnable. Ainsi, et infiniment au-dessus, est parfaite, inséparable, une en son essence et enfin égale en tout sens, la Trinité que nous servons et à laquelle nous sommes consacrés par notre baptême.

Mais nous-mêmes, qui sommes l'image de la Trinité, nous-mêmes, à un autre égard, nous sommes encore l'image de l'Incarnation.

Notre âme, d'une nature spirituelle et incorruptible, a un corps corruptible qui lui est uni; et de l'union de l'un et de l'autre résulte un tout, qui est l'homme, esprit et corps tout ensemble, incorruptible et corruptible, intelligent et purement brute. Ces attributs conviennent au

tout par rapport à chacune des parties, ainsi le Verbe divin, dont la vertu soutient tout, s'unit d'une façon particulière, ou plutôt il devient lui-même, par une parfaite union, ce Jésus-Christ fils de Marie; ce qui fait qu'il est Dieu et homme tout ensemble, engendré dans l'éternité et engendré dans le temps, toujours vivant dans le sein du Père, et mort sur la croix pour nous sauver.

Mais où Dieu se trouve mêlé, jamais les comparaisons tirées des choses humaines ne sont qu'imparfaites. Notre âme n'est pas devant notre corps, et quelque chose lui manque lorsqu'elle en est séparée. Le Verbe, parfait en lui-même dès l'éternité, ne s'unit à notre nature que pour l'honorer. Cette âme qui préside au corps, et y fait divers changements, elle-même en souffre à son tour. Si le corps est mu au commandement et à la volonté de l'âme, l'âme est troublée, l'âme est affligée et agitée en mille manières, ou fâcheuses ou agréables, suivant les dispositions du corps, en sorte que comme l'âme élève le corps à elle en le gouvernant, elle est abaissée au-dessous de lui par les choses qu'elle en souffre. Mais, en Jésus-Christ, le Verbe préside à tout, le Verbe tient tout sous sa main. Ainsi l'homme est élevé, et le Verbe ne se rabaisse par aucun endroit : immuable et inaltérable, il domine en tout et partout la nature qui lui est unie.

De là vient qu'en Jésus-Christ, l'homme, absolument soumis à la direction intime du Verbe qui l'élève à soi, n'a que des pensées et des mouvements divins. Tout ce qu'il pense, tout ce qu'il veut, tout ce qu'il dit, tout ce

qu'il cache au-dedans, tout ce qu'il montre au dehors, est animé par le Verbe, conduit par le Verbe, digne du Verbe, c'est-à-dire digne de la raison même, de la sagesse même, et de la vérité même. C'est pourquoi tout est lumière en Jésus-Christ; sa conduite est une règle; ses miracles sont des instructions; ses paroles sont esprit et vie.

Il n'est pas donné à tous de bien entendre ces sublimes vérités, ni de voir parfaitement en lui-même cette merveilleuse image des choses divines, que saint Augustin et les autres Pères ont crue si certaine. Les sens nous gouvernent trop, et notre imagination, qui se veut mêler dans toutes nos pensées, ne nous permet pas toujours de nous arrêter sur une lumière si pure. Nous ne nous connaissons pas nous-mêmes; nous ignorons les richesses que nous portons dans le fond de notre nature; et il n'y a que les yeux les plus épurés qui les puissent apercevoir. Mais si peu que nous entrions dans ce secret, et que nous sachions remarquer en nous l'image des deux mystères qui font le fondement de notre foi, c'en est assez pour nous élever au-dessus de tout, et rien de mortel ne nous pourra plus toucher.

Aussi Jésus-Christ nous appelle-t-il à une gloire immortelle, et c'est le fruit de la foi que nous avons pour les mystères.

Ce Dieu-homme, cette vérité et cette sagesse incarnée qui nous fait croire de si grandes choses sur sa seule autorité, nous en promet dans l'éternité la claire et bien

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