Images de page
PDF
ePub

#

s'attacher ces deux efpeces d'ennemis, qu'à la France de fe croire amie de l'Angleterre. Ces états peuvent faire des treves paffageres; mais leur pofition refpective, & la différence de leur intérêt en fera des ennemis éternels. Il ne s'agit entre eux què de s'attraper.

Quels font les amis nés du parlement? Le public qui ne peut lui nuire, & dont il peut attendre un grand crédit. Qui peut le foutenir contre la tỳrannie des Grands & les intrigues fourdes du clergé ? Le public dont l'opinion à la longue force l'autorité à être jufte. Mais cette opinion ne fe fonde que fur la certitude que le parlement eft le protecteur des loix, de la liberté & de la propriété des citoyens. C'est un titre que les parlements n'ont pas toujours refpecté; il faut l'avouer, foit en abandonnant pour leurs propres intérêts, la cause des peuples quand des miniftres ont voulu les fouler; foit en se prêtant aux impulsions du clergé, quand il vouloit persécuter un homme de lettres. Le clergé a toujours fait adroitement, de fa caufe, la caufe de l'état. Et le parlement n'a jamais voulu voir que c'étoit fon intérêt qu'il abandonnoit pour celui des prêtres. Il est peu d'hommes de lettres perfécutés dans ces derniers temps, qui ne l'aient été préciséînent pour avoir établis dans leurs ouvrages des principes favorables aux magiftrats. Le clergé l'a bien vu. Auffi n'a-t-il pas manqué, par fon cri ordinaire d'impiété & d'irréligion, de fonner l'alarme, & de vous engager à perfécuter les meilleurs amis que vous ayiez dans le public. Ne vous y trompez pas, un écrivain célebre a de nombreux partifans. Il n'a même de célébrité que pour avoir enfeigné

feigné aux hommes des vérités qui les touchent, ou qui les flattent. C'est d'après ces vérités qu'on le juge, & non d'après vos arrêts. Que gagnez-vous en le condamnant? Vous prêtez vos armes aux prêtres dont vous augmentez le crédit. Sans vous en faire des amis, vous augmentez le nombre de vos ennemis de tous les partifans de l'écrivain que vous cherchez à perfécuter.

: Il y a long-temps qu'il eft démontré que ce ne font que les biens de la terre que recherche le clergé en prêchant les biens du ciel. Tout homme de génie oppofé à fes prétentions, en doit être néceffairement perfécuté. Soyez-en le protecteur; établiffez, autant qu'il eft en vous, le droit naturel de la tolérance. C'est le moyen de ruiner la puiffance rivale du clergé. Vous multipliez le nombre de vos partisans; parce que tous les hommes attachés à des opinions quelconques, fauront que vous feul les a empêchez d'être perfécutés. Ils ne verront en vous que des protecteurs, & des protecteurs que divinife le zele que chaque fecte a pour fes fentiments.

Que le parlement fe fouvienne toujours qu'il n'eft rien fans le public; que ce n'eft que par la protection du public qu'il peut contrebalancer le pouvoir de fes ennemis. Le progrès des lumieres l'affoiblit de jour en jour : & fi vous favez profiter des circonftances, vous forcerez vos rivaux à n'être qu'utiles, & à renoncer aux intrigues. Les Jéfuites euxmêmes cefferont de vous donner de l'ombrage. Vous rendrez inutiles tous les pieges que ces moines dangereux tendent aux gens de bien & aux hommes de génie.

La liberté de la preffe fera toujours à l'avantage
Tome Y.

S

du parlement, quand il fe montrera le protecteur né des Gens de lettres & des citoyens. Si vous négligez ces maximes, on peut prédire que dans peu le parlement fera le mépris des Grands par fa foibleffe, & celui des petits par des prétentions ridicules qu'il ne pourra faire valoir.

Votre amitié, Monfieur, m'a permis ces réflexions, le zele pour un corps que je crois utile à l'état, me les a fuggérées. La periécution qu'il a voulu me faire effuyer, ne m'empêche pas de voir fes véritables intérêts. Je les crois étroitement liés avec la gloire du Souverain, & le bien de fes peuples.

EXAMEN

DES CRITIQUES

DU LIVRE INTITULÉ

DE L'ESPRIT.

!

1

« PrécédentContinuer »