Images de page
PDF
ePub
[ocr errors]

nifent. Il pourroit dire des écrivains qui l'ont attaqué se qu'un philofophe célebre dit de fes adverfaires.

» Ils s'attachent moins à prouver leur thefe qu'à » éluder les raifons dont on les accable, femblables » à ces faux témoins, Grecs de nation, defquels Ciceron a fi bien dépeint le caractere: Nunquam » laborant quemadmodum probent quod dicunt » fed quemadmodum fe explicent dicendo. Ainfi » je prévois que s'ils me répondent ils laifferont mes » principales difficultés, & chercheront fi je me fuis » trompé en quelque lieu, fi j'ai fait quelque remarque » qui foit un faux raisonnement, fi mes principes » ont des conféquences abfurdes. S'ils ne font que » cela, je leur déclare de bonne heure, que je ne me » tiendrai pas pour réfuté, ni ma caufe moins vie»torieufe dans le fonds; car la victoire d'une caufe

ne fe perd pas parce qu'il eft arrivé à un Avocať de ne raifonner pas toujours jufte, d'avoir des » penfées en un lieu qui ne font pas tout-à-fait la » fuite de celles qu'il a eues dans un autre, de pouf

fer trop loin en quelques endroits fa pointe, de » s'égarer quelquefois tout cela m'eft arrivé peut» être; mais comme nonobftant ces défauts, qui ne » font que ceux de la perfonne du défenfeur, & non pas ceux de la caufe, je crois avoir dit des chofes qui établiffent incontestablement ce que j'ai voulu foutenir; je déclare encore un coup, que fi les convertiffeurs veulent fe juftifier, il faut qu'ils répon

"dent à ce que je dis de fort & de raisonnable, & qu'ils n'imitent pas cette méthode des controver fiftes, qui fait qu'il n'y a point de livre fi terraffant contre lequel on ne publie des réponses, & qui confifte en ce qu'on cherche les endroits où un » Auteur aura mal cité un passage, employé une raifon tantôt d'une maniere, tantôt d'une autre, » & que l'on peut rétorquer, & commis tels autres » défauts prefque inévitables. Un homme qui fait ramaffer tous ces endroits, & détacher quelque raifon de ce qui en fait l'appui dans les pages précédentes, & la véritable fin ou allufion auquel «l'Auteur l'avoit deftinée, fait une groffe réponse » au meilleur livre, laquelle paroît triompher à ceux » qui ne comparent pas exactement & fans préoccu

pation les deux pieces. Voilà d'où vient qu'on ré» pond à tout; mais, à proprement parler, ce n'est

pas réfuter un livre, c'eft laiffer la caufe dans les »fers, c'eft feulement faire l'Errata de fon adver faire; & pour moi, fi on ne fait autre chofe contre Ge livre, je me tiendrai pour vainqueur.

[ocr errors][merged small]

ANALYSE

DU LIVRE INTITULÉ

DE L'ESPRIT.

DISCOURS

De l'Efprit en lui-même.

I.

L'Esprit confidéré en lui-même est un affemblage d'idées, car c'est par fes effets qu'on apperçoit & non par fa nature qu'on ignore, qu'il faut le définir. L'efprit ne produit pas lui-même fes idées il les reçoit par l'impreffion que les objets extérieurs font fur les fens. Cette impreffion eft confervée par la mémoire, qu'on peut regarder ellemême comme une fenfation continuée. Les impreffions reçues par les fens, & confervées par la mémoire, nous mettent à portée de juger des convenances & des difconvenances que les objets ont entre eux, & relativement à nous. La connoiffance de ces rapports eft ce qu'on appelle proprement idée; mais cette connoiffance s'acquiert par la fenfation même, & le jugement que l'efprit Tome Y. T

porte fur ces rapports n'eft que le prononcé de l'impreffion reçue par la voie des fens. Tout jugement peut donc être rapporté à la fenfation. Mais, dira-t-on, puifqu'il y a des jugements faux, il y a donc des fenfations fauffes; c'eft ce qu'on ne peut pas dire proprement. Mais comme le jugement confifte dans l'appercevance des rapports entre les objets, on fe trompe parce qu'on n'apperçoit pas une quantité de rapports suffisante pour bien juger. Les paffions ou l'ignorance font les caufes de ces erreurs.

Les paffions fixent toute notre attention fur un côté de l'objet qu'elles nous préfentent; l'ignorance ne nous en laiffe pas voir affez de faces pour nous faire faifir tous les rapports que cet objet peut avoir avec d'autres. Les paffions mêmes nous cachent ce qui eft, & nous montrent ce qui n'eft pas en ce fens, on peut dire qu'elles troublent l'exercice des fenfations, & qu'elles en produisent de fauffes. Ce n'eft pas que ces jugements ne foient vrais, relativement à l'impreffion actuellement reçue; mais ils font faux en eux-mêmes, puifque plus de fang-freid, ou la connoiffance d'un plus grand nombre de rapports les fait juger tels.

Une des caufes qui contribuent le plus à perpétuer l'ignorance, les erreurs & les difputes, c'est l'abus des mots. Combien les mots, espace, efprit, matiere, amour-propre, liberté, n'ont-ils pas excité de querelles, faute d'avoir été pris dans le même fens par ceux qui s'en fervoient! L'abus des mots a fouvent égaré des nations entieres. Les Romains éleverent fous le nom d'imperator le pouvoir abfolu qu'ils déteftoient fous celui de Rex. Si l'on

veut donc porter des jugements toujours juftes il faut être calme & inftruit; & il faudroit, pour prévenir les erreurs occafionnées par l'abus des mots, composer une langue philofophique, claire & commune à toutes les nations. Mais c'eft ce qu'on ne doit pas efpérer, à caufe des difficultés de toute espece qui s'y opposeront toujours,

ΠΟΥ

J

« PrécédentContinuer »