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Lui présentant nos pleurs, désarme son courroux.

Quand pour moi si souvent j'implore la clémence

» N'en aurai-je jamais pour celui qui m'offense? » Je plains le malheureux qui prétend m'outrager, » Et j'abandonne au ciel le soin de me venger. » Si je n'ose haïr l'ennemi qui m'afflige?

» Que ne dois-je donc pas à l'ami qui m'oblige? » Je donne à ses défauts des noms officieux.

» Mon cœur pour l'excuser me rend ingénieux. » Il m'excuse à son tour, et de mon indulgence » Celle qu'il a pour moi devient la récompense. » Ma charité s'étend sur tous ceux que je voi;

» Je suis homme : tout homme est un ami pour moi.

» Le pauvre et l'étranger, le ciel me les envoie, » Et mes mains avec eux partagent avec joie

» Des biens qui pour moi seul n'étaient pas destinés. » Les solides trésors sont ceux qu'on a donnés. » D'une âme généreuse, ô volupté suprême! » Un mortel bienfaisant approche de Dieu même ! » L'amour de ses pareils sera toujours en lui » Des humaines vertus l'inébranlable appui. » Voudrait-il, alarmant ma tendresse jalouse, » Me faire soupçonner la foi de mon épouse ! » O crime, qui des lois crains partout la rigueur, » A tes premiers attraits il a fermé son cœur. » Qui nourrit en secret un désir téméraire,

» Même dans un corps pur porte une âme adultère. » La pudeur est le don le plus rare des cieux : » Fleur brillante, l'amour des hommes et des dieux, » Le plus riche ornement de la plus riche plaine, » Tendre fleur que flétrit une indiscrète haleine.

» L'amour, le tendre amour, flatte en vain mes désirs;

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» L'avarice jamais au sommeil ne m'arrache.

» Je ne vais point, des grands esclave fastueux, » Les fatiguer de moi, ni me fatiguer d'eux.

>> Faux honneurs, vains travaux, vrais enfans que vous êtes, » Que de vide, ô mortels, dans tout ce que vous faites! » Dégoûté justement de tout ce que je voi,

» Je me hâte de vivre, et de vivre avec moi.

» Je demande et saisis avec un cœur avide

>> Ces momens que m'éclaire un soleil si rapide :

>> Dons à peine obtenus qu'ils nous sont emportés,

>> Momens que nous perdons, et qui nous sont comptés! » L'estime des mortels flatte peu mon envie.

» J'évite leurs regards et leur cache ma vie.

» Que mes jours, pleins de calme et de sérénité,

>> Coulent dans le silence et dans l'obscurité :

» Ce jour même des miens est le dernier peut-être :

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Voilà donc cette loi și pleine de douceurs,
Cette route où j'ai cru marcher parmi les fleurs!
Quoi, je trouve partout la morale cruelle !
Catulle m'y ramène, Horace m'y rappelle,
Tibulle m'en réveille un triste souvenir,
Lorsque de sa Délie il croit m'entretenir.
La règle de mes mœurs, cette loi si rigide,
Est écrite partout, et même dans Ovide.
Oui, c'est dans ces écrits dont j'étais amoureux
Que la raison m'impose un joug si rigoureux.
Que m'ordonne de plus, à quel joug plus pénible
Me condamne le Dieu qu'on m'a peint si terrible?
Mon choix n'est plus douteux, je ne balance pas.
Eh quoi! de la vertu respectant les appas,
L'amour de mon bonheur me pressait de la suivre!
Doux, chaste, bienfaisant, pour moi seul j'allais vivre.
O grand Dieu, sans changer j'obéis à ta loi! ́
Doux, chaste, bienfaisant, je vais vivre pour toi.
Loin d'y perdre, Seigneur, j'y gagne l'assurance
De tant de biens promis à mon obéissance.
Que dis-je ? La vertu qui m'avait enchanté,
Sans toi que m'eût servi de chérir sa beauté ?
De ses attraits, hélas! admirateur stérile,

J'aurais poussé vers elle un soupir inutile!

Qu'était l'homme en effet, qu'erreur, illusion, Avant le jour heureux de la Religion?

Les sages dans leurs mœurs démentaient leurs maximes.
Quand Lycurgue s'oppose au torrent de nos crimes,
Législateur impur, il en grossit le cours.
Ovide est quelquefois un Sénèque en discours :
Sénèque dans ses mœurs est souvent un Ovide.
A l'Amour, qui ne prend que sa fureur pour guide,
Des mains de Solon même un temple fut construit.
De tes lois, ô Solon, quel sera donc le fruit?
Et quel voluptueux rougira de ses vices,
Quand ses réformateurs deviennent ses complices?
Toute lumière alors n'était qu'obscurité
Et souvent la vertu n'était que vanité.
Je déteste ces jeux d'où Caton se retire,
En méprisant Caton qui veut que je l'admire.

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Le cœur n'est jamais vide : un amour effacé,
Par un nouvel amour est toujours remplacé;
Et tout objet qu'efface un objet plus aimable,
Sitôt qu'il est chassé, nous paraît haïssable.
L'homme s'aimait'; Dieu vient, il nous dit : «Aimez-moi,
» Aimez-vous: l'amour seul comprend toute ma loi. »
Nouveau commandement. Le maître qui le donne
Allume dans les cœurs cet amour qu'il ordonne.
L'homme se sent brûler d'une ardeur qui lui plaît.
Plein du Dieu qui l'enchante, aussitôt il se hait.
Tout en lui jusqu'alors lui parut admirable :
Tout en lui maintenant lui paraît méprisable.
Il s'abaisse du sein de son humilité,

Sort un homme nouveau qu'a fait la Charité;

A la virginité l'un consacre ses jours:
Le corps n'a plus d'empire, et l'âme toute pure
Impose pour jamais silence à la nature.
Deux cœurs tendres qu'unit la main qui les a faits
Goûtent dans leurs plaisirs une innocente paix,
Et leur chaîne est pour eux aussi sainte que chère.
Le pauvre et l'orphelin dans le riche ont un père.
Au plus juste courroux qui peut s'abandonner,
Quand le prince lui-même apprend à pardonner?
Théodose est en pleurs, Ambroise en est la cause:
J'admire également Ambroise et Théodose.

A ces traits éclatans reconnaissons les fruits
Que, fertile en héros, l'amour seul a produits.
Un culte sans amour n'est qu'un stérile hommage :
L'honneur qu'on doit à Dieu n'admet point de partage.
Ses temples sont nos cœurs. « Quel terme, direz-vous,
>> Doit avoir cet amour qu'il exige de nous ? »
Si vous le demandez, vous n'aimez point encore.
Tout rempli de l'objet dont l'ardeur le dévore,
Quel autre objet un cœur pourrait-il recevoir?
Le terme de l'amour est de n'en point avoir.
Ne forgeons point ici de chimère mystique.
Comment faut-il aimer? La nature l'explique.
De toute autre leçon méprisant la langueur,
Ecoutons seulement le langage du cœur.

« La grandeur, ô mon Dieu! n'est pas ce qui m'enchante,

» Et jamais des trésors la soif ne me tourmente.

» Ma seule ambition est d'être tout à toi :

» Mon plaisir, ma grandeur, ma richesse, est ta loi. » Je ne soupire point après la renommée.

» Qu'inconnue aux mortels, en toi seul renfermée, » Ma gloire n'ait jamais que tes yeux pour témoins. » C'est en toi que je trouve un repos dans mes soins. >> Tu me tiens lieu du jour dans cette nuit profonde; » Au milieu d'un désert tu me rends tout le monde.

» Les hommes vainement m'offriraient tous leurs biens:

» Les hommes ne pourraient me séparer des tiens.

» Ceux qui ne t'aiment pas, ta loi leur fait entendre

>> Qu'aux malheurs les plus grands ils doivent tous s'attendre.

» O menace, mon Dieu, qui ne peut m'alarmer!

Et ce n'est plus pour lui, mais pour son Dieu qu'il s'aimé;» Le plus grand des malheurs est de ne point t'aimer.

n se réconcilie alors avec lui-même.

Sitôt que par l'amour l'ordre fut rétabli,

Des plus grandes vertus l'univers fut rempli.
Et qu'est-ce que l'amour trouverait de pénible?
Les supplices, la mort, n'ont rien qui soit terrible :
D'innombrables martyrs se hâtent d'y courir.
Dieu ne veut plus de sang : amoureux de souffrir
Les saints s'arment contre eux de rigueurs salutaires :
Les déserts sont peuplés d'exilés volontaires,
Qui, toujours innocens, se punissent toujours;

>> Que ta croix dans mes mains soit à ma dernière heure, >> Et que, les yeux sur toi, je t'embrasse et je meure, » C'est dans ces vifs transports que s'exprime l'amour.

Hélas! ce feu divin s'éteint de jour en jour :
A peine iljette encore de languissantes flammes!
L'amour meurt dans les cœurs, et la foi dans les âmes.
Qu'êtes-vous devenus, beaux siècles, jours naissans,
Temps heureux de l'Église, 6 jours si florissans?
Et vous, premiers chrétiens, & mortels admirables!

Sommes-nous aujourd'hui vos enfans véritables?
Vous n'aviez qu'un trésor et qu'un cœur entre vous;
Et sous la même loi nous nous haïssons tous.
Haine affreuse, ou plutôt impitoyable rage,
Quand, par elle aveuglés, nous croyons rendre hommage
Au Dieu qui ne prescrit qu'amour et que pardon!
Dieu de paix, que de sang a coulé sous ton nom!
N'ont-ils jamais marché que sous ton oriflamme?
Imprimaient-ils aussi ton image en leur âme,
Tous ces héros croisés, qui d'infidèles mains

Ne voulaient, disaient-ils, qu'arracher les lieux saints?
Leurs crimes ont souvent fait gémir l'infidèle.

Il doute, il en fait gloire, et, sans inquiétude,
Porte jusqu'au tombeau sa noble inquiétude.
Tout était adoré dans le siècle païen;
Par un excès contraire on n'adore plus rien.
Il faut qu'en tous ses points l'oracle s'accomplisse :
Il faut que par degrés la foi tombe et périsse,
Jusqu'au terrible jour tant de fois annoncé,
Ce jour dont l'univers fut toujours menacé :
Jour de miséricorde, ainsi que de vengeance.

Déjà je crois le voir, j'en frémis par avance!
Déjà j'entends des mers mugir les flots troublés;

En condamnant leurs mœurs, vantons du moins leur zèle; Déjà je vois pâlir les astres ébranlés;

Mais détestons toujours celui qui parmi nous

De tant d'affreux combats alluma le courroux.
Quels barbares docteurs avaient pu nous apprendre
Qu'en soutenant un dogme, il faut pour le défendre,
Armés du fer, saisis d'un saint emportement,
Dans un cœur obstiné plonger son argument?

A la fin de mes chants je me hâte d'atteindre,
Et si je ne sentais ma voix prête à s'éteindre,
Vous me verriez peut-être attaquer vos erreurs,
Vous qui, de l'hérésie épousant les fureurs,
Enfans du même Dieu, nés de la même mère,
Suivez un étendard au nôtre si contraire.
Unis tous autrefois, maintenant écartés,
Qui l'a voulu? C'est vous qui nous avez quittés.
Vos pères ont été les frères de nos pères,
Vous le savez: pourquoi n'êtes-vous plus nos frères ?
Avez-vous pour toujours rompu des nœuds si chers?
Accourez, accourez : nos bras vous sont ouverts.
De coupables aïeux déplorables victimes,

Ils vous ont égarés : vos erreurs sont leurs crimes.
Revenez au drapeau qu'ils ont abandonné :
Par le père commun tout sera pardonné.
Songez, songez que même à nos aînés perfides,
Aux restes odieux de ses fils parricides,

Ce Dieu tant outragé doit pardonner un jour :
Contre toute espérance, espérons leur retour.

Oui, le nom de Jacob réveillant sa tendresse,
Il se rappellera son antique promesse.

Il n'a point épuisé pour eux tout son trésor :
L'arbre long-temps séché doit refleurir encor.
Ils sont prédits les jours ou par des pleurs sincères
L'enfant effacera l'opprobre de ses pères.
Tremblons à notre tour: ils sont aussi prédits
Les jours où l'on verra tous nos cœurs refroidis;
Ce temps fatal approche. O liens salutaires !
Vous captivez encor quelques âmes vulgaires;
Mais un sublime esprit vous brave hautement,
Et se vante aujourd'hui de penser librement.

Le feu vengeur s'allume, et le son des trompettes
Va réveiller les morts dans leurs sombres retraites.
Ce jour est le dernier des jours de l'univers.
Dieu cite devant lui tous les peuples divers;
Et pour en séparer les saints, son héritage,
De sa religion vient consommer l'ouvrage.
La terre, le soleil, le temps, tout va périr,
Et de l'éternité les portes vont s'ouvrir.

Elles s'ouvrent le Dieu si long-temps invisible
S'avance, précédé de sa gloire terrible;
Entouré du tonnerre, au milieu des éclairs,
Son trône étincelant s'élève dans les airs,
Le grand rideau se tire, et ce Dieu vient en maître.
Malheureux qui pour lors commence à le connaître!
Ses anges ont partout fait entendre leur voix ;
Et, sortant de la poudre une seconde fois,
Le genre humain tremblant, sans appui, sans refuge,
Ne voit plus de grandeur que celle de son juge.
Ebloui des rayons dont il se sent percer,
L'impie avec horreur voudrait les repousser.
Il n'est plus temps: il voit la gloire qui l'opprime,
Et tombe enseveli dans l'éternel abîme,
Lieu de larmes, de cris et de rugissemens.
Dans ce séjour affreux quels seront vos tourmens
Infidèles Chrétiens, cœurs durs, âmes ingrates,
Quand, malgré leurs vertus, les Titus, les Socrates,
(Hélas, jamais du ciel ils n'ont connu les dons! )
Y sont précipités ainsi que les Catons!
Lorsque le Bonze étale en vain sa pénitence;
Quand le pâle Bramine, après tant d'abstinence,
Apprend que, contre soi bizarrement cruel,
Il ne fit qu'avancer son supplice éternel!
De sa chute surpris le Musulman regrette
Le Paradis charmant promis par son prophète,
Et, loin des voluptés qu'attendait son erreur
Ne trouve devant lui que la rage et l'horreur.
Le vrai Chrétien lui seul ne voit rien qui l'étonne
Et sur ce tribunal que la foudre environne
Il voit le même Dieu qu'il a cru sans le voir,

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