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Je sçay bien que ma nef y doit faire naufrage;
Ma science m'apprend à prédire l'orage;
Je connois le rocher qu'elle cache en son sein:
Mais plus j'y vois de morts, et moins je m'épouvante;
Je me trahis moy-mesme, et l'art dont je me vante,
Pour l'honneur de périr en un si beau dessein.

YDALIE, ÉGLOGUE.

Agréables déserts, bois, fleuves et fontaines,
Qui savez de l'Amour les plaisirs et les peines,
Est-il quelque mortel, esclave de sa loy,
Qui se plaigne de luy plus justement que moy?
Je n'avois pas douze ans, quand la première flamme
Des beaux yeux d'Alcidor s'alluma dans mon âme.
Il me passoit d'un an, et de ses petits bras
Cueillait déjà des fruits dans les branches d'en bas;
L'amour qu'à ce berger je portois dès l'enfance
Crût insensiblement sa douce violence,
Et jusques à tel point s'augmenta dans mon cœur,
Qu'à la fin de la place il se rendit vainqueur.
Dès-lors je prends un soin plus grand qu'à l'ordinaire
De le voir plus souvent, et tâcher à luy plaire;
Mais, ignorant le feu qui depuis me brûla,
Je ne pouvais juger d'où me venoit cela.
Soit que dans la prairie il vît ses brebis paître,
Soit que sa bonne grâce au bal le fit paroître,
Ou soit que, dans le temple, il fît prière aux dieux,
Je le suivois par-tout de l'esprit et des yeux.
A cause de mon âge et de mon innocence,
Je le voyois alors avec plus de licence;

Et souvent tous deux seuls; libres de tout soupçon,
Nous passions tout le jour à l'ombre d'un buisson :
Il m'appeloit sa sœur, je l'appelois mon frère :
Nous mangions même pain au logis de mon père;
Cependant qu'il y fut nous vécûmes ainsi :
Tout ce que je voulois il le vouloit aussi.

Il m'ouvroit ses pensers jusqu'au fond de son âme :
De baisers innocens il nourrissoit ma flamme:
Mais dans ses privautés, dont l'amour se masquoit,
Je me doutais toujours de celle qui manquait ;

Et, combien que déjà l'amoureuse manie
M'augmentât le plaisir d'être en sa compagnie,
Je goûtois néanmoins avec moins de douceur
Ces noms respectueux de parente et de sœur.
Combien de fois alors ai-je dit en moi-même,
Ayant les yeux baissés et le visage blême :
Beau chef-d'œuvre des cieux, agréable pasteur,
Qui du mal que je sens êtes le seul auteur,
Avec moins de respect soyez-moi favorable;
Ne soyez point mon frère, ou soyez moins aimable !
Mais quoi! cet aveuglé ne me regarde pas!
Et quelquefois, songeant aux aimables appas
Dont une autre bergère a son âme blessée,
Me contraint de conter son amour insensée.
A l'heure mes douleurs perdent tout reconfort,
Comme si j'entendois ma sentence de mort,
Si la civilité m'oblige à luy répondre,

Je sens au premier mot mon discours se confondre;
Je ne sais que luy dire, et mon esprit troublé
Témoigne assez l'ennuy dont il est accablé.
Après cet entretien, si la nuit nous sépare,
J'appréhende le mal que le lit me prépare,
Alors que mes pensers, de mon aise ennuyeux,
Défendent au sommeil d'approcher de mes yeux!
Il est vrai qu'au matin aucune fois les songes
Me déçoivent les sens par de si doux mensonges,
Qu'encore que je dusse éviter ses attraits,
Je ne puis m'empêcher d'y repenser après;
Ce qui fait que ma peine est encore plus griève,
Et que je perds l'espoir d'y voir jamais de trève.
Cet aimable berger est pris en des liens
Qu'il ne quittera pas pour s'enchaîner aux miens :
La bergère Artenice a captivé son âme;
Le ciel même bénit leur amoureuse flamme,
Et, comme à la plus belle, a choisi justement
Le plus beau des bergers pour être son amant!
Moy, je suis cependant réduite à me défendre
Des importunités du fâcheux Tisimandre,
Qui tout le long du jour, malgré tous mes efforts,
Ne me quitte non plus que l'ombre fait le corps....
Je pense que voilà ce pauvre téméraire
Qui rumine tout seul sa folie ordinaire :
Il ne faut dire mot; s'il entendoit ma voix,
Il me viendroit chercher jusqu'au fond de ces bois.

ÉGLOGUES.

CLIMÈNE.

A M. LE MARQUIS DE MONTAUZIER.

Tircis mouroit d'amour pour la belle Climène,
Sans que d'aucun espoir il pût flatter sa peine.
Ce berger, accablé de son mortel ennui,

Ne se plaisoit qu'aux lieux aussi tristes que lui :
Errant à la merci de ses inquiétudes,
Sa douleur l'entraînoit aux noires solitudes;
Et des tendres accents de sa mourante voix
Il faisoit retentir les rochers et les bois.

Climène, disoit-il, ô trop belle Climène!
Vous surpassez autant les nymphes de la Seine
Que ces chênes hautains, et si verts et si beaux,
Des humides marais surpassent les roseaux.
Votre divin esprit, votre beauté divine,

Au plus pur sang des dieux marquent votre origine :
Le soleil qui voit tout, et qui nous fait tout voir
N'eut jamais tant que vous d'éclat ni de pouvoir.
Où vous portez vos yeux les forêts reverdissent;
Où vous disparoissez toutes choses languissent:
Les fleurs ne peuvent naître ailleurs que sous vos pas,
Et le printemps n'est point où l'on ne vous voit pas.

Qui n'admire le lustre et la fraîcheur des roses,
Aux roses, qu'a l'Amour sur vos lèvres écloses ?
Où peut-on voir qu'en vous ces œillets et ces lis
Qui paroissent toujours nouvellement cueillis?
Mais, plus ces doux attraits vous rendent adorable,
Plus ces attraits si doux me rendent misérable,
Si vous considérez tant de charmes divers
Comme autant de sujets de mépriser mes vers.

De votre belle bouche une seule parole
M'est ce qu'au voyageur est l'herbe fraîche et molle;
Et l'aise de vous voir est à mon cœur blessé
Ce qu'une eau claire et vive est au cerf relancé.
Jamais rien de si beau n'a paru sur la terre.

*JEAN REGNAULT DE SEGRAIS naquit à Caen en 1624, et mourut le 25 mars 1701. Il entra, à l'âge de vingt ans, dans la maison de Mademoiselle de Montpensier, qui lui donna le titre de son aumônier, puis celui de son gentilhomme ordinaire. Ségrais ayant désapprouvé le mariage de cette princesse avec Lauzun, fut obligé de la quitter Il se retira auprès de madame de La Fayette; ce fut pendant le séjour qu'il fit auprès d'elle que celle-ci composa

Mais toujours vos rigueurs me déclarent la guerre :
Et ce qu'à nos troupeaux est la fureur des loups,
Ce qu'est à nos vergers l'aquilon en courroux,
Ce qu'à nos épis mûrs est la pluie orageuse,
Telle est votre colère à mon âme amoureuse.

Je ne m'en dédis point, je n'aimerai que vous.
Mais Iris m'assuroit d'un empire plus doux;
Et je me sens si las de votre tyrannie,
Que presque j'ai regret à la fière Uranie.
J'ai regret à Philis, encor qu'elle aime mieux
L'indiscret Alidor, la honte de ces lieux;
Qu'elle soit mille fois plus changeante que l'onde,
Qu'elle soit brune encore, et que vous soyez blonde.

Hélas! de vains désirs si long-temps enflammé,
Faut-il toujours aimer où l'on n'est point aimé?
Hélas! de quel espoir est ma flamme suivie,
Si, lorsque dans les pleurs je consume ma vie,
Celle pour qui je souffre un sort si rigoureux
Trouve tant de plaisir à me voir malheureux!
En mille et mille lieux de ces rives champêtres
J'ai gravé son beau nom sur l'écorce des hêtres ;
Sans qu'on s'en aperçoive il croîtra chaque jour:
Hélas! sans qu'elle y songe, ainsi croît mon amour!
Pour éclairer autrui comme un flambeau s'allume,
Pour en servir une autre ainsi je me consume.
Ah! si du même trait dont mon cœur est blessé...
Mais ne poursuivons point ce discours insensé,
Je serais trop heureux, belle et jeune Climène,
S'il vous plaît seulement consentir à ma peine.

N'ai-je point quelque agneau dont vous ayez désir?
Vous l'aurez aussitôt ; vous n'avez qu'à choisir :
Et, si Pan le défend de tout regard funeste,
Aux yeux des enchanteurs j'abandonne le reste.
Pan a soin des brebis, Pan a soin des pasteurs,
Et Pan me peut venger de toutes vos rigueurs.
Il aime, je le sais, il aime ma musette;
De mes rustiques airs aucun il ne rejette:
Et la chaste Pallas, race du roi des dieux,
A trouvé quelquefois mon chant mélodieux,

Zaïde, un de nos plus ingénieux romans. Las du grand monde, Ségrais retourna dans sa patrie et s'y maria. Depuis ce moment il s'adonna tout entier à la culture des lettres, dans lesquelles il s'était déjà fait un nom. Ses Eglogues, qui rappellent quelquefois la simplicité des pastorales anciennes, lui méritèrent l'honneur d'être appelé à l'Académie française.

Des grandes déités Pallas la plus aimable,
La plus victorieuse et la plus redoutable.
Par elle, sous le frais de ces jeunes ormeaux,
Je puis, quand il me plaît, enfler mes chalumeaux;
Et je puis ne chanter que mon amour fidèle,
Quoiqu'on ne dût chanter que sa gloire immortelle,
Et que je doive encore à sa seule bonté
Cette délicieuse et douce oisivité.

Sous ces feuillages verts venez, venez m'entendre';

Si ma chanson vous plaît, je vous la veux apprendre:
Que n'eût pas fait Iris pour en apprendre autant ?
Iris que j'abandonne, Iris qui m'aimoit tant.
Si vous vouliez venir, ô miracle des belles!
Je vous enseignerois un nid de tourterelles :
Je vous les veux donner pour gage de ma foi;
Car on dit qu'elles sont fidèles comme moi.
Climène, il ne faut pas mépriser nos bocages:
Les dieux ont autrefois aimé nos pâturages,
Et leurs divines mains aux rivages des eaux
Ont porté la houlette et conduit les troupeaux.
L'aimable déité qu'on adore à Cythère
Du berger Adonis se faisoit la bergère.
Hélène aima Pâris, et Pâris fut berger,
Et berger, on le vit les déesses juger.
Quiquonque sait aimer peut devenir aimable :
Tel fut toujours d'Amour l'arrêt irrévocable.
Hélas! et pour moi seul change-t-il cette loi?

Rien n'aime moins que vous, rien n'aime tant que moi.

Généreux Montausier, dont l'âme vigilante
Assure le repos des bergers de Charente :
Qui, des lauriers de Mars tant de fois couronné,
Des lauriers d'Apollon fais gloire d'être orné ;
Daigne pour un moment sur cette fraîche rive
Ouïr de mon berger la musette plaintive.
Ainsi tout l'univers de Julie et de toi
Entende la louange et l'aime comme moi.

TIMARÈTE.

A MADEMOISELLE DE RAMBOUILLET.

Clarice aime mes vers, faisons-en pour Clarice.
Qui peut rien refuser au beau sang d'Arténice?
Le beau nom d'Arténice a volé jusqu'aux cieux;
Le beau nom de Clarice est aimé de nos dieux :
Ses charmes sont puissans, son âme est noble et belle;
Elle a tout ce qui rend Arténice immortelle :
Juste arbitre du chant des plus fameux bergers,
Comme elle, elle est célèbre aux climats étrangers.

Doncques, ô digne sang d'une divine mère,
Soit qu'au tranquille frais d'un antre solitaire
Le grand pasteur de l'Orne au chant si renommé
Tienne vos sens ravis et votre esprit charmé ;
Soit qu'aux bords émaillés d'une claire fontaine
Vous vous plaisiez aux jeux de ce berger de Seine,
De ce galant berger, en qui furent toujours
Avec les jeunes ris les folâtres amours ;
Ou que vous admiriez la céleste harmonie
Des Apollons nouveaux de la grande Ausonie:

Quittez pour un moment des entretiens si doux :
Écoutez les ennuis d'un pauvre amant jaloux ;
Ecoutez les ennuis d'une aimable bergère.
Aux rivages de Loin, sur la verte fougère,
Timarète aux rochers racontait ses douleurs,
Et le triste Eurylas soupirait ses malheurs :
Tous deux (Dieux! que ne peut l'aveugle jalousie !),
L'un pour l'autre troublés de cette frénésie,
Abandonnoient leur âme à d'injustes soupçons,
Qu'ils faisoient même entendre en leurs douces chansons.
Echo les redisoit aux nymphes du bocage;

Un vieux Faune en rioit dans sa grotte sauvage:
Tels sont les jeux d'amour, disoit-il, et jamais
Ces guerres ne se font qu'on n'en vienne à la paix.
Eurylas commença sur sa douce musette.
A son chant répondoit la belle Timarète :
Tour à tour ils plaignoient leur amoureux souci.
La muse pastorale aime qu'on chante ainsi.

EURYLAS.

Garde pour les vivants ta clarté vagabonde,
Et ne sors plus pour moi, beau soleil, hors de l'onde:
Une ombre du Cocyte est moins ombre que moi.
Si j'en veux croire au moins ce fleuve où je me voi,
A ma pâle couleur, à mon visage blême,

On voit moins que je vis, qu'on ne peut voir que j'aime,
Et que, pour trop aimer, je souffre dans mon sort
Une douleur semblable aux douleurs de la mort.
Que veux-je faire aussi de ma mourante vie?
Et de quel bien jamais peut-elle être suivie?
Puisque j'éprouve, enfin d'amour tout consumé,
Qu'il est un plus grand mal que n'être point aimé.
Hélas! qui sait aimer, sait que ce mal extrême
Est d'en savoir un autre aimé de ce qu'il aime.
TIMARETE.

Dis plutôt que ce mal, ô volage Eurylas!
Est de se croire aimée, et de ne l'être pas.
Clair ruisseau, désormais remonte vers ta source;
Change, père du jour, ton ordinaire course;
Un plus grand changement m'a ravi mon berger :
Il n'est rien après lui qui ne puisse changer.
Voilà cette sinistre et funeste aventure
Dont m'a cent fois donné le malheureux augure
Du haut de ce vieux chêne un corbeau croassant ;

Que m'exprimoit si bien, par son cri gémissant, La chaste tourterelle en cent lieux rencontrée, Toujours triste, et toujours de son pair séparée.

EURYLAS.

Timarète à Damon a pu donner son cœur ?
A Damon, Timarète ? ô le digne vainqueur !
Amants, jamais de rien ne perdez l'espérance;
Amants, jamais en rien ne prenez d'assurance.
Les tigres sous le joug aux bœufs s'accoupleront;
La biche et l'ours affreux désormais s'aimeront;
L'amoureuse colombe, au hibou voulant plaire,
Deviendra comme lui nocturne et solitaire ;
Et, par la paix unis, nos loups et nos agneaux
Ensemble viendront boire aux rives de ces eaux.
TIMARÈTE.

Telle que se fait voir, de fleurs chargeant sa tête,
Une blonde jeunesse au beau jour d'une fête,
Quand le prix de la danse et le son des hautbois
L'attirent des hameaux à l'ombrage des bois;
Amour de tout le cercle écarte la tristesse;
Amour y fait régner l'innocente allégresse ;
Seule elle est en tous lieux, seule de toutes parts
Elle anime les sens, brille dans les regards:
Telle on me vit toujours (ô mémoire affligeante!),
Tandis que d'Eurylas je crus l'amour constante.

EURYLAS.

Comme on voit quelquefois par la Loire en fureur
Périr le doux espoir du triste laboureur,
Lorsqu'elle rompt sa digue, et roule avec son onde
Son stérile gravier sur la plaine féconde,
Ainsi coulent mes jours depuis ton changement,
Ainsi périt l'espoir qui flattoit mon tourment.
TIMARÈTE.

Quel de vous, ô grands dieux ! m'a pu faire l'outrage
De rendre mon berger inconstant et volage?
O Pan! n'est-ce point toi? Souvent sous ces ormeaux
J'ai préféré sa voix à tes doux chalumeaux.

EURYLAS.

Cypris, c'est toi qui rends ma bergère infidèle :
J'ai juré mille fois que tu n'es pas si belle.
TIMARETE.

Garde pour Araminte un si flatteur discours,
Araminte ta vie et tes seules amours :
Moins qu'elle, avoit d'attraits la reine de Cythère;
Nul esprit que le sien n'est digne de te plaire:
Ajoute et dis aussi, qu'elle aime mieux Daphnis,
Daphnis plus beau cent fois que le bel Adonis.

EURYLAS.

Et la sainte amitié qu'à Daphnis j'ai promise
Te doit contre Araminte assurer ma franchise :
Araminte est pourtant le chef-d'œuvre des cieux,
A qui n'a jamais vu ta bouche ni tes yeux.
Comme en hauteur ce saule excède ces fougères,

Araminte en beauté surpasse nos bergères;
Mais autant sa beauté cède à tes doux attraits,
Que céderait ce saule aux hauts pins des forêts.
TIMARÈTE.

Mais aussi digne ami qu'amant sûr et fidèle,
Tu peux seule m'aimer, et te plaire avec elle?

EURYLAS.

Mais quoique cent remords me veuillent révolter,
Pour lui donner mon cœur, il faudroit te l'ôter;
Et quand j'en concevrois la coupable pensée,
Le pourrois-je obtenir de mon âme insensée ?
TIMARÈTE.

Que n'es-tu moins trompeur!.. Que veux-je dire? ô dieux.

EURYLAS.

Que n'ai-je pu cent fois vous dédire, mes yeux?

TIMARÈTE.

Qu'ont-ils vu? si ce n'est que, jeune et sans malice,
D'un trop rusé berger j'ignorois l'artifice,
Crédule jusqu'à croire à tous ses vains discours,
Et qu'il étoit encor' d'éternelles amours.

EURYLAS.

Damon de ces erreurs t'a bien désabusée, Damon dont la musette est partout méprisée. TIMARETE.

Puisque d'un autre objet tu t'es laissé charmer, C'en est assez et trop pour ne plus rien aimer.

EURYLAS.

Pour ne plus rien aimer? Ah! bergère inhumaine,
Penses-tu me cacher la moitié de ma peine?
Ah! mon rival n'a point d'aussi malheureux jours:
Fais qu'il soit vrai pourtant, ô mère des amours;
Et sur ton saint autel, dès demain, en revanche,
Je t'offre les petits de ma colombe blanche;
Et si la belle un jour me voit d'un œil plus doux,
Je t'offre encor la mère et son fidèle époux.

TIMARETE.

La voix de mon berger vaut mieux que le ramage
Qu'au printemps fait ouïr le rossignol sauvage;
De l'importun Damon les aigres chalumeaux
Ont presque déserté nos aimables hameaux;
Mais, lorsque mon berger se rend déraisonnable,
A sa divine voix Damon est préférable.

EURYLAS.

On aimeroit de toi jusques à ton courroux, Si l'on pouvoit t'aimer sans en être jaloux. TIMARETE.

Que mon âme à t'ouïr trouveroit de délices, S'il ne falloit souffrir tes injustes caprices!

EURYLAS.

Bons dieux! qu'il faut de fois te haïr en un jour, Quand on te veut aimer de toute son amour! TIMARÈTE.

Que la foi d'un amant est trompeuse et légère!

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