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Oui, dis-moi, cher ami, que son cœur avili
A payé par la honte un criminel oubli ;
Qu'aux yeux de l'univers désormais méprisable,
Puisqu'elle doit rougir, elle n'est plus aimable.
Peins-la-moi des couleurs qu'apprête le mépris;
Dis que je fus par elle indignement surpris;
Sers-toi de ces couleurs qu'empruntait ton pinceau
Lorsque, de mes erreurs déchirant le bandeau,
Tu me représentais l'objet de ma tendresse
Digne au plus, à tes yeux, d'un seul moment d'ivresse;
Trop vil pour mériter les tendres sentimens
Qu'une flamme épurée inspire aux vrais amans.

Toi qui m'as arraché des bras de ce que j'aime,
Toi, le cruel auteur de mon supplice extrême,
Force-moi de haïr ce qui fut adoré,

Et ce qui plaît encore à mon cœur déchiré.
Ces lauriers desséchés, ces dons de Melpomène,
Ces applaudissemens, ces honneurs de la scène,
Que ta voix me promet pour prix de mes travaux,
Sont un trop faible espoir pour adoucir mes maux.
Hélas! qui me rendra ces voluptés si chères.
Ces nuits, ces jours heureux, ces plaisirs solitaires,
Ces doux momens filés par les mains de l'amour,
Ces baisers, en un mot...... que je rendais toujours?
Ami, j'ai tout perdu ; j'ai perdu mon amante.

Ces nouvelles beautés que ta bouche me vante
N'ont point, comme l'objet qui règne sur mon cœur,
Ce charme impérieux, cet ascendant vainqueur
Qui, de l'amour sur nous établissant l'empire,
Nous fait goûter son charme au moment qu'il attire.
Non, non; d'une autre ardeur je ne puis m'enflammer:
Apprends-moi, si tu peux, l'art de ne plus aimer:
Ou laisse-moi du moins dans les maux que j'endure,
Souffrir, gémir, languir, mourir pour ma parjure.
Trop heureux cependant si tes soins, si le temps,
Si de ton amitié les secours triomphans,
L'emportant à la fin sur mon âme rebelle,
Me sauvent de l'affront d'aimer une infidèle !

IMITATION.

Que mon cœur est jaloux du lever de l'Aurore!

Que son réveil est heureux et brillant!
Elle jouit des fleurs qu'elle colore:
Son œil voit tout dans un moment.
Verrai-je aussi le berger qui m'adore ?
Flambeau du jour, montrez-moi mon amant.

Heureux zéphyrs! la fleur à peine éclose
Ouvre pour vous son sein frais et charmant :
Vous caressez l'œillet avec la rose.

Mirtil n'est pas moins caressant ;
Mais à nos feux un surveillant s'oppose.
Zéphyrs, vers moi transportez mon amant.

Je veux du rossignol surpasser le ramage;
Qu'on vante moins la douceur de son chant;
Je chante mieux, j'aime aussi davantage.
Ma voix rend un son plus touchant;
Le tendre amour me prête son langage.
Oiseaux, cédez je chante mon amant.

A MES SERINS.

Vous vous aimiez, mes aimables serins' Témoin de vos tendres caresses, J'applaudissais à vos heureux destins, Et j'ai souvent envié vos faiblesses. Jeunes époux, libres dans vos baisers. Vous puisiez le bonheur au sein de la nature... Il n'est donc point, hélas! de félicité pure : Point d'amours et de biens qui ne soient passagers! Mon cher serin, ô toi qui, près de ton amante, Veillais à ses besoins, veillais à ses plaisirs ; Toi dont l'ardeur active et diligente Savait répondre à ses moindres désirs, Mon cher serin, tu meurs, et la Parque sévère

Tranche tes jours dans ces mêmes momens;
Dans ces momens si chers aux époux, aux amans,
Où tu goûtais le plaisir d'être père;
Où par tes soins et des devoirs charmans,
Tu soulageais les travaux de la mère!
O mort! affreuse mort! ainsi donc ta furcur
Marque notre heure infortunée
Dans les instans consacrés au bonheur.
Au sein des voluptés, au sein de l'hyménée?
O toi qui maintenant gémis de tes amours,
Toi, du plus tendre époux l'épouse malheureuse,
Pourquoi de tes funestes jours

Prolonger désormais la durée odieuse?
Je t'entends; et tu veux par tes embrassemens
Dans ces germes glacés porter le feu de l'ètre ;

Tu veux ranimer tes enfans.

Épargne-leur plutôt, par des soins plus pressans
La douleur de sentir et le malheur de naître :
Ces deux infortunés éprouveraient peut-être
El tes plaisirs amers, et tes chagrins cuisans:
Qu'ils périssent. Et toi, digne et fidèle épouse

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LE PORTRAIT MANQUÉ.

Venez, Chloé ; je vais peindre vos traits...
Mais que vois-je ! quelle folie!

De quels vains ornemens chargez-vous vos attraits?
C'est la laideur qui peut être embellie;
Les grâces, la beauté ne le furent jamais.
Point de parure, un déshabillé frais,
Rien, s'il se peut; et vous voilà jolie.
Chloé, pourquoi de vos cheveux
A-t-on gêné les replis et les ondes?
Défaites-moi ces ridicules nœuds,

Et laissez-les flotter en tresses vagabondes.
Un ruban qui les lie est tout ce que je veux.
Eh quoi! dans vos regards aucun feu n'étincelle;
Vous avez deux beaux yeux tranquillement ouverts:
L'âme est dans le coup d'œil; mais où la vôtre est-elle?
Je voudrais que ces yeux baissés, presque couverts,
Fissent tomber sur moi ces timides éclairs,
Ces rayons du désir, qui vous rendraient si belle,
Qui me seraient et si doux et si chers!
Votre bouche est charmante: eh bien! par quelle cause,
Par quel motif ne me dit-elle rien?

Un soupir égaré sur ces lèvres de rose

Un seul soupir s'exprimerait si bien!

Ce fauteuil vous tient droite, immobile, gênée :
Pourquoi n'avez-vous pas choisi ce canapé?
Votre ensemble charmant s'y fût développé
Dans l'attitude abandonnée

Où se repose un cœur tendrement occupé.

Ah! Chloé, je vois trop ce que je devais craindre.

Un faux espoir est venu m'animer

J'ai cru qu'en vous peignant je peindrais l'art d'aimer: C'est l'art de plaire qu'il faut peindre.

A MON AMI.

Tu plains mes jours troublés par tant d'orages,
Mes jours affreux, d'ombres environnés !
Va, les douleurs m'ont mis au rang des sages!
Et la raison suit les infortunés.

A tous les goûts d'une folle jeunesse
J'abandonnai l'essor de mes désirs :
A peine, hélas! j'en ai senti l'ivresse,
Qu'un prompt réveil a détruit mes plaisirs.

Brûlant d'amour et des feux du bel âge, J'idolâtrai de trompeuses beautés. J'aimais les fers d'un si doux esclavage; En les brisant, je les ai regrettés.

J'offris alors aux filles de Mémoire
Un fugitif de sa chaîne échappé;
Mais je ne pus arracher à la gloire

Qu'un vain laurier que la foudre a frappé.

Enfin j'ai vu de mes jeunes années L'astre pâlir au midi de son cours : Depuis long-temps la main des destinées Tourne à regret le fuseau de mes jours.

Gloire, plaisir, cet éclat de la vie,
Bientôt pour moi tout s'est évanoui.
Ce songe heureux dont l'erreur m'est ravie
Fut trop rapide; et j'en ai peu joui.

Mais l'amitié sait, par son éloquence, Calmer des maux qu'elle aime à partager; Et, chaque jour, ma pénible existence Devient près d'elle un fardeau plus léger.

Jusqu'au tombeau si son appui me reste, Il est encor des plaisirs pour mon cœur ; Et ce débris d'un naufrage funeste Pourra lui seul me conduire au bonheur.

Quand l'infortune ôte le droit de plaire,
Intéresser est le bien le plus doux;
Et l'amitié nous est encor plus chère,
Lorsque l'amour s'envole loin de nous.

MON RETOUR.

On sait des voyageurs l'ordinaire folie :
Ils racontent toujours, ne finissent jamais.
L'un vient du Canada, l'autre de l'Italie;
Celui-ci du Pérou, celui-là de Calais.
L'un vient de visiter les colonnes d'Alcide,
L'autre de l'Amérique, un autre du Japon.
L'un s'est noirci comme un charbon
Dans le foyer de la zone torride :
L'autre s'est refroidi sous le ciel du Lapon.
Faisant de ces pays un détail inutile,
Tout voyageur enfin tient d'ennuyeux discours :
Mais moi, qui sais les abréger toujours,

Je vous dis en deux mots que je viens de Janville (1).

(1) Petite ville de l'Orléanais, patrie de l'auteur.

LA DÉFENSE INUTILE.

CHANSON.

Voyez, voyez mon imprudence!
J'allais au bois sans craindre rien :

Je bravais tout, sous la défense
De ma houlette et de mon chien.
Houlette et chien, soupirs et larmes,
Sont un appui faible et léger :
Contre un berger,

Contre un berger,

Un cœur sensible a-t-il des armes? Près d'un berger,

Près d'un berger,

Rien n'est secours, tout est danger.

Licas hier me vit seulette :
Qu'il affecta de soins trompeurs !
Bientôt le fer de ma houlette
Fut entouré de mille fleurs.
D'un air riant et plein de charme
Il la suspend au tronc voisin.
Il prend ma main,

Il prend ma main,

Ma main qu'il flatte et qu'il désarme: Il prend ma main,

Il prend ma main,

Et de baisers couvre mon sein.

Mon chien voyait le téméraire,
Mais sans pourvoir à mes dangers :
Tranquille au pied de la bergère,
fl craint les loups, non les bergers.
Je n'ai plus rien pour me défendre;
L'ombre du soir s'étend sur nous.
A mes genoux,

A mes genoux,
Licas osa tout entreprendre :
A mes genoux,

A mes genoux,

Il triompha d'un vain courroux.

COUPLETS.

Lise, entends-tu l'orage? Il gronde, l'air gémit: Sauvons-nous au bocage...

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