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se dit au iour de la Passion : ou si vous voulez (car c'est tout vn) vous vous imaginerez qu'au lieu mesme où vous estes, se fait le crucifiement de nostre Seigneur, en la façon que les Euangelistes le descriuent. I'en dis de mesme, quand vous mediterez la mort, ainsi que ie l'ay marqué en la meditation d'icelle, comme aussi à celle de l'Enfer et en tous semblables mysteres, où il s'agit de choses visibles et sensibles; car quant aux autres mysteres de la grandeur de Dieu, de l'excellence des vertus, de la fin pour laquelle nous sommes creez, qui sont des choses inuisibles, il n'est pas question de vouloir se seruir de cette sorte d'imagination. Il est vray que l'on peut bien employer quelque similitude et comparaison, pour ayder à la consideration; mais cela est aucunement difficile à rencontrer, et ie ne veux traicter auec vous que fort sim

plement, et en sorte que vostre esprit ne soit pas beaucoup trauaillé à faire des inuentions. Or par le moyen de cette imagination nous enfermons nostre esprit dans le mystere que nous voulons mediter, afin qu'il n'aille pas courant çà et là, ne plus ne moins que l'on enferme vn oyseau dans vne cage, ou bien comme l'on attache l'esperuier à ses longes, afin qu'il demeure dessus le poing. Quelques-vns vous diront neantmoins qu'il est mieux d'vser de la simple pensée de la foy, et d'vne simple apprehension toute mentale et spirituelle en la presentation de ces mysteres, ou bien de considerer que les choses se font en vostre propre esprit, mais cela est trop subtil pour le commencement et iusques à ce que Dieu vous esleue plus haut, ie vous conseille, Philotée, de vous retenir en la basse vallée que ie vous montre.

CHAPITRE V.

DES CONSIDERATIONS, SECONDE PARTIE
DE LA MEDITATION.

PRÉS l'action de l'imagination,
s'ensuit l'action de l'enten-
dement, que nous appellons

meditation, qui n'est autre chose qu'vne ou plusieurs considerations faictes, afin d'esmouuoir nos affections en Dieu et aux choses diuines, en quoy la meditation est differente de l'estude et des autres pensées et considerations, lesquelles ne se font pas pour acquerir la vertu ou l'amour de Dieu, mais pour quelques autres fins et intentions, comme pour deuenir sçauant, pour en escrire ou disputer.

Ayant doncques enfermé vostre esprit, comme i'ay dit, dans l'enclos du suiet que vous voulez mediter, ou par l'imagination, si le suiet est sensible, ou par la simple proposition, s'il est insensible, vous commencerez à faire sur iceluy des considerations, dont vous verrez des exemples tous formez és meditations que ie vous ay données. Que si vostre esprit trouue assez de goust,, de lumiere et de fruict sur l'vne des considerations, vous vous y arresterez sans passer plus outre, faisant comme les abeilles qui ne quittent point la fleur, tandis qu'elles y trouuent du miel à recueillir. Mais si vous ne rencontrez pas selon vostre souhait en I'vne des considerations, aprés auoir vn marchandé et essayé, vous passerez à vne autre ; mais allez tout bellement et simplement en cette besongne sans vous y empresser.

peu

J

CHAPITRE VI.

DES AFFECTIONS ET RESOLVTIONS, TROISIESME PARTIE DE LA MEDITATION

A Meditation respand des bons mouuemens en la volonté, ou partie affectiue de nostre ame, comme sont l'amour de Dieu et du prochain, le desir du Paradis et de la gloire, le zele du salut des ames, l'imitation de la vie de nostre Seigneur, la compassion, l'admiration, la reioüissance, la crainte de la disgrace de Dieu, du Iugement et de l'Enfer, la haine du peché, la confiance en la bonté et misericorde de Dieu, la confusion pour nostre mauuaise vie passée et en ces affections

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