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obstant le legitime obiet auquel ils se deuroient et pourroient arrester, leur concupiscence estant comme vn feu volage qui va brusletant çà et là, sans s'attacher nulle part. C'est tousiours chose dangereuse de prendre des medicamens violens, parce que si l'on en prend plus qu'il ne faut, ou qu'ils ne soient pas bien preparez, on en reçoit beaucoup de nuisance. Le mariage a esté beny et ordonné en partie pour remede à la concupiscence, et c'est sans doute vn trés-bon remede, mais violent neantmoins, et par consequent trés-dangereux, s'il n'est discrettement employé.

l'adiouste que la variété des affaires humaines, outre les longues maladies, separe souuent les maris d'auec leurs femmes. C'est pourquoy les mariez ont besoin de deux sortes de chasteté; I'vne pour l'abstinence absoluë, quand

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ils sont separez és occasions que ie viens de dire l'autre pour la moderation, quand ils sont ensemble en leur train ordinaire. Certes sainte Catherine de Sienne vid entre les damnez plusieurs ames grandement tourmentées pour auoir violé la saincteté du mariage : ce qui estoit arriué, disoit-elle, non pas pour la grandeur du peché, car les meurtres et les blasphemes sont plus enormes, mais d'autant que ceux qui le commettent n'en font point de conscience, et par consequent continuent longuement en iceluy.

Vous voyez doncques que la chasteté est necessaire à toutes sortes de gens. Suiuez la paix auec tous, dit l'Apostre, et la sainteté sans laquelle aucun ne verra Dieu. Or par la saincteté il entend la chasteté, comme sainct Hierosme et sainct Chrysostome ont remarqué. Non, Philotée, nul ne verra

Dieu sans la chasteté, nul n'habitera en son sainct Tabernacle, qui ne soit net de cœur. Et comme dit le Sauueur mesme, les chiens et impudiques en seront bannis, et bien heureux sont les nets de cœur, car ils verront Dieu.

CHAPITRE XIII.

ADVIS POVR CONSERVER LA CHASTETÉ.

OYEZ extremement prompte à vous destourner de tous les acheminements et de toutes les amorces de la lubricité. Car ce mal agist insensiblement, et par des petits commencemens fait progrez à des grands accidens. Il est tousiours plus aisé à fuir qu'à guerir.

Les corps humains ressemblent à des verres, qui ne peuuent estre portez les vns auec les autres en se touchant sans courir fortune de se rompre; et aux fruicts, lesquels quoy qu'entiers et bien assaisonnés reçoiuent de la tare, s'entretouchans les vns les autres. L'eau

mesme pour fraische qu'elle soit dedans vn vase, estant touchée de quelque animal terrestre, ne peut longuement conseruer sa fraischeur. Ne permettez iamais, Philotée, qu'aucun vous touche inciuilement, ny par maniere de folastrerie, ny par maniere de faueur. Car bien qu'à l'auenture la chasteté puisse estre conseruée parmy ces actions, plustost legeres que malicieuses, si est-ce que la fraischeur et fleur de la chasteté en reçoit tousiours du detriment et de la perte; mais de se laisser toucher deshonnestement, c'est la ruine entiere de la chasteté.

La chasteté depend du cœur comme de son origine, mais elle regarde le corps comme sa matiere. C'est pourquoy elle se perd par tous les sens exterieurs du corps et par les cogitations et desirs du cœur. C'est impudicité de regarder, d'oüyr, de parler, d'odorer,

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