troduction à la Vie dévote est l'ouvrage d'un saint, mais d'un saint qui a eu ses faiblesses et ses défauts. Peutêtre l'écrivain se fait-il trop sentir dans le livre de saint François de Sales; peut-être ces peintures si gracieuses ne sont-elles pas toujours exemptes de mignardise, et peut-être aussi le directeur lui-même, le guide spirituel tombe-t-il quelquefois dans les subtilités et dans les distinctions dangereuses, trop familières aux casuistes! quand le saint interdit les moindres médisances, n'est-ce pas le casuiste qui permet, par une exception singulière, de décrier les hérétiques? N'est-ce pas encore le casuiste qui autorise les artifices de langage dans le cas où la gloire et le service de Dieu le requièrent manifestement? N'est-on pas un peu

surpris de lire dans l'Introduction à la Vie dévote que le grand bonheur du chrétien est d'être riche en effet et pauvre d'affection, parce que l'on a par ce moyen les commodités des richesses pour ce monde et le mérite de la pauvreté pour l'autre ? N'y a-t-il pas dans cette phrase quelque chose qui choque, et qui paroît peu conforme à la sévérité de l'Évangile? Ces taches sont rares, il est vrai. Rien de pareil néanmoins dans l'Imitation de Jésus-Christ; tout y est pur, tout y respire l'esprit le plus parfait du christianisme. Aussi le livre de l'Imitation de Jésus-Christ estil ce que j'appelle un livre inspiré, je veux dire un livre qui n'appartient à personne. On n'en connoît pas l'auteur; quand on le connoîtroit, l'Imitation de Jésus-Christ seroit encore

l'ouvrage de l'âme chrétienne elle-même et non d'un homme.

Je ne dis pas ceci, on le croira aisément, pour rabaisser l'ouvrage de saint François de Sales après l'avoir tant loué. L'Introduction à la vie dévote est un délicieux et charmant livre, et restera toujours au nombre de ces ouvrages d'élite qui font la consolation des cœurs honnêtes, la nourriture des âmes élevées. Il faut en convenir : quand les livres de dévotion sont vraiment bons, ils sont les meilleurs et les plus aimables des livres; ils sont la bonté même !

S. DE SACY.

a vie de saint François de Sales a été très-souvent écrite. Parmi les auteurs contemporains qui nous l'ont fait connoître, il faut placer au premier rang un neveu du saint prélat, Charles-Auguste de Sales, qui occupa lui-même le siége épiscopal de Genève. Son livre, publié d'abord en latin, puis traduit en françois et imprimé à Lyon en 1634, entre dans les plus grands détails.