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LE ROI.

Que voulez-vous? Tous ces apprêts sont vains.

Quoi?...

ZACORIN.

LE ROI.

Je viens là-dedans de me laver les mains.

ZACORIN.

Et ne voulez-vous pas les laver davantage?

LE ROI.

Et par quelle raison les laver, dis?

(Haut.)

ZACORIN (à part.)

J'enrage.

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Sire, dans nos climats, la coutume des rois

Est de laver leurs mains toujours deux ou trois fois 1.

De guerre lasse, il imagine de répandre, comme par mégarde, un encrier sur la main du roi. Le Roi quitte son diamant, pour se laver ; et, quand il a fini, Zacorin lui présente à la place la bague enchantée. Mais l'infortuné prince ne l'a pas plus tôt mise à son doigt, la tête lui tourne, il ne sait plus ce qu'il dit ni ce qu'il fait. Il chasse Lucelle de sa présence, en l'accablant d'injures; il donne l'ordre d'élargir Philandre, et entre autres extravagances du meilleur comique, il s'écrie :

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Le Roi de Cocagne, messieurs, prouve d'une manière éclatante qu'il serait possible d'introduire sur notre scène moderne, en évitant les indécences et les allusions personnelles, le genre d'Aristophane 1.Quand la réputation classique de Molière qui seule maintient encore ses pièces au théâtre 2, sera tombée, on verra de quel danger est menacé l'auteur comique dont les ouvrages n'ont pas de base poétique, et sont fondés uniquement sur cette froide imitation de la vie réelle, qui ne peut jamais satisfaire les besoins de l'imagination 3. Mais, parmi les débris du naufrage de Molière, il y a deux ou trois choses dont, pour moi, je regretterais la perte, et notamment celle des coups de bâton à l'usage des adultes, que notre siècle trop délicat ou trop compatissant voudrait abolir *.

1 Textuel. Textuel.

5 Textuel.

4 Le malheur comique doit être tout au plus une humiliation méritée. C'est à ce dernier genre de malheur qu'il faut rapporter ces moyens corporels d'éducation pour les adultes, que notre siècle, ou très-délicat, ou très-compatissant, veut bannir du théâtre, quoique Molière, Holberg et d'autres grands maîtres en aient fait un fréquent usage. Septième leçon.

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CHAPITRE II

DE LA POESIE COMIQUE

PENSÉES D'UN HUMORISTE

OU

MOSAÏQUE EXTRAITE DE LA POÉTIQUE DE JEAN-PAUL

Or, ces vapeurs dont je vous parle, venant à passer du côté gauche où est le foie, au côté droit où est le cœur, il se trouve que le poumon, que nous appelons en latin armyan, ayant communication avec le cerveau, que nous nommons en grec nasmus, par le moyen de la veine cave que nous appelons en hébreu cubile, rencontre en son chemin lesdites vapeurs qui remplissent les ventricules de l'omoplate; et, parce que lesdites vapeurs ont une certaine malignité, qui est causée par l'âcreté des humeurs engendrées dans la concavité du diaphragme, il arrive que ces vapeurs... ossabandus, nequeis, nequer, potarinum, quipsa milus. Voilà justement ce qui fait que votre fille est muette.

Le Médecin malgré lui, acte II, scène vi.

INVITATION A LA DANSE1

Donnons-nous la main, auteur et lecteurs, et dansons ensemble dans ce chapitre, aux sons du violon de

1 Une des gentillesses du genre humoristique est d'inventer pour les chapitres d'un livre, pour les paragraphes d'un chapitre, des dénominations sans aucun rapport avec le sujet traité. Ainsi les chapitres d'Hespérus, roman de Jean-Paul, sont intitulés Première poste aux chiens, Deuxième poste aux chiens, etc. Le Titan du même auteur est divisé en Périodes du Jubilé et les périodes du jubilé en Cycles.

Jean-Paul, le bal humoristique et romantique du dogmatisme littéraire 1.

RONDE

Près de la mer Caspienne est une plaine, la plaine de Bakow. Les Guèbres et les Hindous l'appellent le Paradis des roses. Dans la nuit claire-obscure, une flamme bleue, sans blesser ce qu'elle touche, çà et là danse et parcourt en zig-zag tous les points de l'horizon fantastique; les fleurs en feu s'éteignent, se rallument; des esprits chuchottent dans le vent, et les montagnes se dressent, vagues formes vacillantes, dans le clair de lune indécis : c'est l'image de la poésie romantique2.

ENTRECHAT

La poésie, surtout la poésie comique 3, doit toujours ètre romantique, et le romantisme dans la comédie, c'est l'humour 4.

1 Voici comment Jean-Paul conclut le Prologue-Programme de son Titan: Maintenant donnons-nous la main, auteur et lecteurs, et dansons ensemble dans cet ouvrage ce grand bal de la vie; moi à la tête d'un quadrille, et vous en sautant en mesure derrière moi, accompagnés par le chant des Muses et par la lyre d'Apollon, dansons de volume en volume, de cycle en cycle, de digression en digression, d'une pensée à une autre... (Traduction de M. Philarète Chasles). C'est ce passage qui nous a suggéré l'idée du mode de division et de composition que nous avons suivi.

2 Shakspeare est, comme tout le romantisme, l'image des plaines de Bakow: la nuit est tiède, etc. Poétique, § 25 (Traduction de MM. Dumont et Büchner).

5 § 32.

4 § 32.

PREMIÈRE CONTREDANSE

L'auteur comique vulgaire, pygmée grimpé sur des échasses, attaque et poursuit vaillamment de pauvres misères individuelles1: l'avarice, l'amour-propre, la vanité aristocratique ou bourgeoise, l'ignorance et la pédanterie, les charlatans, les précieuses, les coquettes, les dupes, les imposteurs, les cuistres, etc., etc. Ce vainqueur rabaisse ce qui est bas, rapetisse ce qui est petit, terrasse ce qui est déjà à terre, et croit, par cette généreuse exécution, se rehausser lui-même ainsi que tous les riches en esprit. Fou un peu plus fou que les autres dans la maison de fous du globe terrestre, il prononce orgueilleusement du haut de sa folie qu'il ignore, un sermon triomphant contre ses frères les fous 2.

DEUXIÈME CONTREDANSE

L'humoriste, plein d'indifférence à l'égard des sottises individuelles, se dresse sur la roche tarpéienne d'où sa pensée précipite l'humanité tout entière *. De1 § 32.

2 Il croit être un hippocentaure au milieu d'onɔcentaures; et, comme un prédicateur du matin et du soir, dans cette maison de fous du globe terrestre, il fait, avec une sorte de fureur, du haut de son cheval, son sermon de capucin contre la folie. § 32. $ 32.

3

4 Le Gulliver de Swift, moins humoriste pour la forme, mais plus humoriste par la pensée que son Conte du Tonneau, se dresse sur la roche tarpéienne d'où cette pensée précipite l'humanité. § 32.

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