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fait 45 lieues au NE. La premiére route tracée dans celle de nos Cartes, qui repréfente une partie des Côtes de France & d'Efpagne, nous portera au point B. C'est dans ce point où on a viré de bord pour faire 45 lieues au NE; mais comme la Carte ne s'étend pas affez vers le Nord, je divife la feconde route en deux parties pour en tracer une fur chacune des deux Cartes dont je me fers. En partant du point B, je continue à faire le NE jufqu'à ce que je me trouve fur le Parallele d'Oüeffant, ou fur la même ligne Eft & Oüeft que cette Ifle. Je termine donc la premiére partie de ma feconde route au point C; & je remarque que je fuis éloigné de lieues d'Oueffant du côté de l'Oüeft, & que j'ai déja fait 15 lieues de ma seconde route. Ainfi il me reste encore 30 lieues à courir dans l'autre Carte qui eft celle de la Manche: Mais il faut, avant toutes chofes, tranfporter le point C d'une Carte dans l'autre. Je place ce point en K'à 5 lieues à l'Oüeft d'Oüeffant, en me fervant de l'échelle de cette feconde Carte; le point K me tient lieu du point C; je cours de ce point K 30 lieues au NE, & j'arrive au point M qui eft l'extrémité de ma feconde route.

152. L'opération eft la même lorfqu'on paffe d'une Carte réduite dans une autre ; & on a même toujours un fecours de plus; parce qu'il fuffit, pour tranfporter le point, de le mettre par la même latitude & la même longitude. Mais il faut toujours s'affûrer auparavant file premier Méridien eft abfolument le même dans les deux Cartes. Lorfque ces Méridiens font différens, il faut réduire une longitude à l'autre. Suppofé que le premier Méridien dans une des Cartes paffe par l'Île-de-Fer, & que dans l'autre il paffe par l'Obfervatoire de Paris, il y aura entre toutes les longitudes, 20 degrez de différence dont Paris eft plus vers l'Orient que l'Ile-de-Fer. Les longitudes feront plus petites dans la feconde Carte de cette quantité. Si l'on eft par 330 deg. de longitude par rapport à l'Ile-de-Fer, on ne fera que par 310 par rapport à

S

Paris ainfi ces deux nombres doivent fe répondre exactement dans les deux Cartes; ils doivent marquer les mêmes endroits, auffi-tôt que les latitudes font auffi les mêmes. Si l'on eft par 5 degrez de longitude par rapport å l'Ile-de-Fer, c'eft précisément comme fi l'on étoit par 365 degrez: & retranchant 20 deg. de cette longitude, on la réduira à 345 degrez pour Paris.

153. La différence eft beaucoup moins grande entre les premiers Méridiens qui paffent par l'Ile-de-Fer & par le Pic de Ténérife; c'eft ce qui fait qu'on pourroit s'y tromper beaucoup plus aifément. Un de ces Méridiens eft éloigné de l'autre d'environ 2 deg. 3 min. il faut bien fe ref fouvenir que l'Ile-de-Fer étant la plus Occidentale des Canaries, toutes nos longitudes font plus grandes, aussitôt qu'on les compte de l'Oüeft vers l'Eft. Ainfi pour réduire nos longitudes Françoises aux Hollandoifes, qui fe comptent depuis le Pic de Ténérife, il faut retrancher 2 deg. 3 min. des nôtres. Si on veut au contraire réduire les longitudes Hollandoises aux Françoises, il faut ajoûter 2 deg. 3 min. aux Hollandoifes.

De la maniére de corriger le Point fur la Carte, après qu'on a obfervé

la Latitude.

154. Si le Pilote, en obfervant fa latitude, en trouve une qui ne s'accorde pas avec celle que lui fournit la réduction de fes routes fur la Carte, c'eft une marque qu'il s'eft trompé dans l'eftime qu'il a faite de fon chemin, ou qu'il n'a pas réuffi à déterminer affez exactement le rumb fur lequel il a couru. On trouve immédiatement la latitude avec une très-grande précision en obfervant le Ciel; & on eft prefque toujours für de l'exactitude de l'obfervation: au lieu qu'on eft expofé dans la Navigation à une infinité de différentes caufes d'erreurs qui empêchent de

connoître la direction qu'on fuit, & la viteffe du fillage. On peut fe tromper, & même de plus d'un degré, en travaillant à découvrir la variation de la Bouffole. La Dérive eft très-difficile à déterminer exactement; les mouvemens fecrets de la Mer altérent non-feulement le fillage ou la longueur du chemin, ils altérent auffi la direction de la route. L'agitation réitérée & continuelle des vagues eft encore un autre obftacle qui empêche le Navigateur de compter fur l'exactitude de fes déterminations; le Navire ne marche prefque jamais conftamment sur la même ligne; il fe meut prefque continuellement par élans, en s'écartant tantôt d'un côté, & tantôt de l'audu rumb qu'on veut fuivre; & ces élans faits de part & d'autre, ne font pas parfaitement égaux. Le Pilote n'eft que trop excufable après tout cela, fi, malgré fes plus grands foins, il est encore sujet à commettre des erreurs très-considérables. Un des moyens qu'il a de s'en appercevoir, mais qui malheureusement eft trop borné, c'est d'obferver la latitude toutes les fois que l'occafion s'en présente.

tre,

155. Suppofons, qu'en partant des environs de l'Isle voy. la Carte d'Oueffant, du point A dans la Carte de la Manche, nous de la Manayons fait les routes AC, CE, & EG, & que le Ciel che. Pl. VI. ait été couvert pendant toute cette navigation; ce qui eft caufe que nos routes ne font qu'eftimées, c'est-à-dire, que ce n'eft que fur le simple témoignage du Loch, & fur l'ufage que nous avons fait de la Bouflole, que nous croyons être arrivés en G. Lorsqu'on navigue dans le voifinage des terres, on fe conduit en partie par les fondes; mais nous faisons ici abstraction de ce fecours qu'on tire de la connoiffance du fond; nous fuppofons feulement qu'arrivés en G, nous avons vû le Ciel, & qu'ayant obfervé la latitude, nous l'avons trouvée de so deg. 10 min. & non pas de 49 deg. 50, comme elle eft indiquée fur notre Carte. Il ne nous eft pas permis de douter après cela que nous ne nous foyons trompés dans notre eftime: nous croyions être ar

rivés en G, mais nous fommes arrivés 20 minutes plus haut; & il faut donc néceffairement tranfporter notre point vers le Nord. C'eft à cette opération qu'on donne dans la Marine le nom de Correction.

que fi

156. Les Pilotes diftinguent ordinairement trois Corrections dont ils fe fervent felon les différens rumbs qu'ils ont fuivis. Nous aurons occafion de nous expliquer davantage fur ce sujet nous nous bornerons à dire ici que nous n'avons aucune raifon de foupçonner que nous nous foyons plutôt trompés en plus qu'en moins, quant à la longitude, nous devons croire que nos routes fe font faites feulement un peu plus vers le Nord; & il nous faut tranfporter fimplement notre point eftimé G en P fur la même ligne Nord & Sud, par 50 deg. 10 min. de latitude, comme le prefcrit l'obfervation à laquelle nous devons ajoûter foi. Souvent on a lieu de penfer que les erreurs font plutôt dans un certain fens que dans l'autre. Le voifinage des terres détermine prefque toujours les courans à se mouvoir vers un certain côté : le vent outre cela entraîne les eaux de la furface de la Mer felon fa propre direction; mais fi on a déja eu égard à toutes ces chofes, & qu'on ne fçache pas fi l'erreur qu'on commet peut-être encore, porte vers l'Eft ou vers l'Oüeft, il femble qu'on n'a point d'autre parti à prendre que de corriger fimplement le point pour la latitude, en le mettant en P. Au refte il faut fe reffouvenir que ces fortes d'opérations fe reffentent toujours des conjectures fur lefquelles elles font fondées. Quand même l'obfervation donneroit exactement 49 deg. 50 min. pour la latitude, on ne feroit pas für de ne s'être pas trompé dans fon eftime. Il n'y auroit point d'erreur quant à la latitude; mais on pourroit être plus vers l'Eft ou plus vers l'Oüeft.

G

CHAPITRE VI.

Remarques générales fur la Navigation, fur la maniére de s'approcher de terre, de fonder, &c.

I..

157. Fapport à la longitude qui eft caufe

'EST cette incertitude de la Navigation par

que lorf qu'on veut aller d'un Port à un autre, qui en eft confidérablement éloigné, on ne tente jamais de s'y rendre par le rumb de vent le plus direct. Si nous partons de quelque Port de France dans l'Océan, pour aller à la Martinique, nous courons d'abord affez à l'Ouest pour n'avoir rien à craindre de la part du Cap de Finisterre, lorfque nous dirigerons notre route vers le Sud. Deux raifons nous invitent enfuite à entrer promptement dans la ZoneTorride; nous y trouvons des vents toujours favorables qui viennent continuellement de l'Eft. Ce font les vents qu'on nomme Alifez, dont la force, toujours la même, n'eft pas fujette à des reprises comme celle des vents que nous reffentons dans les autres Mers. En fecond lieu, nous nous hâtons de nous mettre par la latitude de la Martinique, 14 deg. 30 min. & nous n'avons enfuite qu'à courir précisément à l'Oüeft: nous vérifions chaque jour, en obfervant la latitude, fi nous fuivons exactement cette route; & de cette forte nous ne pouvons pas manquer de rencontrer l'Ifle, malgré l'imperfection de notre Art quant à la longitude.

158. Si, au lieu de nous conformer à cette régle générale, nous dirigions de fort loin notre route fur la Martinique, nous pourrions, en nous trompant feulement de quelques degrez fur le rumb de vent,paffer à 50 ou 60 lieues

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