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de l'Ifle, au rifque de nous aller perdre fur quelqu'autre Terre. Outre cela, comme nous ignorerions de quel côté nous nous serions trompés, en manquant notre but, nous ne fçaurions pas s'il faudroit l'aller chercher à l'Eft ou à l'Oüeft. Nous évitons tous ces accidens, & nous affûrons le fuccès de notre navigation en pouffant très-loin la précaution de nous mettre de bonne heure fur le parallele du lieu de l'arrivée. Lorfque nous aurons des méthodes immédiates & commodes de déterminer la longitude en Mer, nous pourrons aller alors plus directement au lieu de notre deftination. Cependant comme nous devons croire que les occafions d'obferver la longitude feront toujours moins fréquentes que celles de déterminer la latitude, on peut penfer que l'ufage préfent ne fera jamais totalement abandonné.

159. On fait à peu près la même chose lorsqu'on revient de l'Amérique en France: on dirige d'abord fa route vers le Nord; on fe hâte de fortir de la Zone Torride, afin de trouver des vents moins contraires; on single enfuite à l'Eft, & on fe met fur une latitude qu'on choisit & qu'on fuit conftamment. Cette latitude régle l'atterrage, & on prend exprès celle d'un Cap ou d'une Isle dont on puiffe approcher fans rifque, & qu'on puiffe appercevoir de plus loin. S'il s'agit de-doubler un Cap fort éloigné, il faut fe conformer à la même pratique pour aller d'abord le reconnoître. Suppofé que ce Cap foit environné d'écueils à une trop grande distance, on ira en reconnoître quelque autre en-deçà qui affùrera la longitude, & qui fervira comme de nouveau point de Partance pour former l'efpece de circuit qui doit comprendre la terre qu'on veut doubler.

160. C'est sur cette régle générale & fur la connoiffance qu'on a des vents & des courans, qu'on doit dreffer le plan de fa navigation. Les vents & les courans fe dirigent vers l'Oüeft dans prefque toute l'étendue de la Zone Torride. Les premiers excitent les feconds : il eft rare que

les vents foufflent long-tems du même côté, & que la furface de la Mer ne prenne pas de mouvement dans le même fens. Mais les terres qui font dans la Zone Torride, détournent auffi les vents de leur premiére direction, & elles les en détournent d'une maniére qui eft bien digne de remarque: les vents s'écartent de la ligne droite pour aller rencontrer les Côtes prefque perpendiculairement. Il faut apparemment attribuer cet effet à la facilité qu'ont les Continents de s'échauffer plus que la Mer; ils communiquent leur chaleur à la partie basse de l'air qui fe trouve au-dessus, cet air devenant plus léger, parce qu'il se dilate en s'échauffant, tend à s'élever; il céde en-bas sa place, & il donne lieu à l'air des environs de furvenir en refluant, & de s'élever à son tour après s'être échauffé; ce qui entretient une circulation continuelle, & ce qui fait que le vent fouffle vers la terre de tous les côtés. C'eft ce qu'on remarque en divers endroits de la Mer des Indes & de celle du Sud, de même qu'à une certaine distance d'Afrique dans notre Océan. Une partie de l'air entre les deux Continents fuit la direction des vents alifez, en allant vers l'Oüeft; pendant que l'autre partie prend un autre chemin pour s'approcher de la Côte d'Afrique; & l'efpace du milieu qui n'eft guére éloigné dans la Mer du Nord, de l'interfection de notre premier Méridien & de l'Equateur, eft fouvent fujet à des calmes & à des orages que les Marins ne fçauroient éviter avec trop de foin.

161. On verra à la fin de cet Ouvrage fur une Carte réduite qui représente prefque tout le Globe terreftre, & qui eft principalement deftinée à marquer de combien étoit la variation de la Bouffole en 1700 & 1744, la direction des vents réglés dans la Zone Torride & au-dehors, jufques vers le 31 ou 32 degrez de latitudes tant Septentrionale que Méridionale. On a marqué les directions des vents par de foibles hachures avec des fléches qui indiquent le fens dans lequel fe fait le mouvement. On diftinguera en divers endroits un double rang de fléches,

parce que les vents y changent de fix mois en fix mois, en prenant une direction toute oppofée. On donne le nom de Monfons à ces alternatives de vents contraires qui dépendent des caufes que nous venons d'indiquer, & qui n'ont effectivement lieu que dans les parties de la Zone Torride où la Mer eft interrompue par plufieurs terres. Toutes les autres circonftances étant les mêmes, l'air est toujours déterminé à fe mouvoir vers les Continents où la chaleur du Soleil eft actuellement la plus forte.

162. La Mer participe à la fin aux changemens de directions du vent; & on juge affez que de ces mouvemens il en résulte d'autres; ou parce que les eaux font plus fujettes à trouver des obftacles, & qu'elles rejailliffent par la rencontre des Côtes; ou parce que les eaux qui viennent remplacer celles que le courant principal entraîne, forment néceffairement des courans particuliers, Nous ne devons pas entreprendre d'expliquer ces chofes en détail : il nous fuffit de bien perfuader les Lecteurs qu'elles font de la plus grande importance, & qu'ils ne doivent rien négliger pour s'informer de tout ce qui a rapport aux voyages qu'ils vont entreprendre. Nous raconterons ici un fait fingulier qui eft bien propre à en montrer la néceffité. Il n'y a pas long-tems qu'on mettoit dans la Mer du Sud plus d'un an pour faire le voyage du Chili, lorfqu'on partoit du Callao qui eft le Port de Lima. Il ne tomboit dans l'efprit de perfonne qu'en prenant le large pour chercher les vents favorables ou plus variables, & fe fouftraire aux courans contraires, on n'employeroit qu'un mois & demi ou deux mois à faire cette même Navigation. Ce fut un Pilote Européen qui s'en avifa le pre mier; mais il n'eut pas une médiocre peine à fon retour, à justifier devant l'Inquisition de Lima qu'il n'étoit pas Magicien, & qu'il n'y avoit qu'à prendre la même route que lui pour naviguer auffi vîte.

De l'Ordre

I I.

que les Pilotes doivent mettre dans la Réduction de leurs Routes.

163. Les obfervations que nous faifons en Mer de la latitude, font indépendantes les unes des autres; mais comme nous n'avons pas de femblables moyens pour déterminer notre longitude, & que nous ne réuffiffons qu'à la trouver à peu près par la réduction de nos routes, nous ne fçaurions être trop attentifs à n'en pas perdre le fil. Les Pilotes fe partagent en deux troupes pour faire le Quart, de même que tout l'équipage, & chaque troupe veille alternativement. On écrit avec de la craye fur une espèce de tableau qu'on nomme Table de Loch, le nombre de noeuds qu'on fait, le rumb qu'on fuit,la force & la direЄtion du vent, & les autres circonftances effentielles. C'est à cette Table que les Pilotes qui fe repofoient, ont recours, lorfqu'ils viennent fe charger à leur tour du foin d'obferver toutes les circonftances de la Navigation. On réduit toutes les routes chaque jour, ordinairement d'un midi à l'autre, & le Pilote en fait entrer au moins le réfultat dans fa Relation journaliére.

164. La forme du Journal eft indifférente à bien des égards, mais on trouvera un avantage confidérable à le diftribuer par colomnes on s'épargnera beaucoup d'écriture, & on aura la commodité dans un autre tems de retrouver beaucoup plus aisément, & d'un fimple coup d'oeil, les chofes qu'on voudra y chercher. La Table fuivante peut fervir de modèle: nous allons en parcourir les différens titres, à caufe de la double utilité qui peut en résulter. En même tems que nous réglerons la ditribution des articles, nous appercevrons mieux quelles font les matiéres fur lefquelles il nous refte encore à nous

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expliquer, ou fur lesquelles il faudra infifter davantage
dans la fuite.

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166.

On spécifie à la tête du Journal toutes les circonftances qui caractérisent le Navire dans lequel on eft; comme fa grandeur, le nombre de pieds qu'il enfonce dans l'eau par l'avant & par l'arriére; & on indique auffi la deftination du voyage, autant qu'on le peut. Si l'on ne donne que 12 colomnes aux Tables, on aura au moins le foin de laisser à côté un assez grand espace pour pouvoir y mar quer une infinité de différentes particularités dont il eft à

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