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une infinité d'autres effets, dont ce n'eft pas le lieu de «< parler. Nous reffentons ici bas notre pefanteur vers la «< Terre, parce que nous en fommes très-voifins; mais «< cela n'empêche pas que toutes les parties de notre Globe «< n'ayent une petite tendance ou une très-foible pefanteur << vers le Soleil & vers la Lune. Lorfque ces deux Aftres, «< dont l'un eft très-gros & l'autre très-proche de nous, ré- « pondent fur l'Océan, les eaux s'élevent un peu; parce << que leur tendance vers le haut, eft en déduction de «< leur pefanteur vers le bas. Si l'étendue de l'Océan étoit «<< beaucoup plus petite, l'effet feroit abfolument infenfible, «< mais la grandeur des Mers le rend confidérable, & il « doit se manifester principalement fur les côtes; de même << que l'agitation d'une liqueur fe rend plus fenfible vers « les bords du vafe qui la contient. «

186. Si les deux Aftres agiffent ensemble, s'ils ré- « pondent l'un & l'autre fur le milieu de la Mer; fi outre « cela la Lune eft dans une de ses moindres diftances à la « Terre, l'effet eft alors fort grand. Si au contraire la Lune « eft dans une de ses quadratures, fi elle eft éloignée du « Soleil de 90 degrez, & qu'elle foit en même tems dans «< une de fes plus grandes diftances de la Terre, l'effet sera << moindre, par une double raison. La Lune agira peu, & a fon action fera contrariée par celle du Soleil. qui ten- « dra à faire élever les eaux dans un autre endroit. Dans ce «< cas, qui arrive tous les quinze jours, & auquel on donne «< le nom de mortes-eaux, la Mer monte moins, & elle «< defcend auffi moins; depuis le terme de la pleine Mer << jusqu'à celui de la baffe Mer, il n'y a quelquefois que la «< moitié de la hauteur qu'on obferve dans les Malines.>> 187. En général les marées du matin & du foir ne font pas également fortes; il y a un choix à faire, lorfqu'on veut fortir d'un port, ou y entrer, & que ce Port n'eft pas affez profond. Mais ce qu'il y a qu'il y a de très-remarquable, c'est que l'ordre de ces marées change au bout de fix mois; c'est-à-dire, que fi ce font les marées du matin qui font

actuellement les plus fortes, comme cela ne manque pas d'arriver en hyver, en fix mois, ou un peu plus, elles feront les plus foibles. Ce font effectivement les marées du foir qui font les plus fortes en Eté; & il faut donc les préférer pour entrer dans les Ports & pour en fortir. Il arrive à peu près un égal changement, à l'égard des grandes marées des nouvelles Lunes, comparées aux grandes marées des pleines Lunes; elles font auffi prefque toujours inégales, & la différence eft quelquefois de plufieurs pieds; mais au bout de fix mois les plus fortes marées deviennent les plus foibles, & les plus foibles deviennent les plus fortes. Cet effet doit être principalement attribué à la Lune, qui n'eft pas à la même distance de la Terre au bout de fix mois, lorsqu'elle est dans la même fituation par rapport au Soleil. Si elle fe trouve maintenant à fa moindre distance dans le tems des nouvelles Lunes, en fix mois ce fera tout le contraire, elle fera à sa moindre distance dans le tems des pleines Lunes.

188. Au furplus les Malines n'arrivent pas précisément les jours des nouvelles & pleines Lunes, mais un jour & demi ou deux jours après. Les plus petites marées, ou les mortes-eaux, ne concourent pas exactement non plus avec les quadratures; elles tombent un jour & demi plus tard. Les marées ont rapport à tous les autres effets qui demandent du tems pour recevoir peu à peu leur augmentation, par l'action réitérée de la même caufe ou du même agent. Après qu'elles ont été fort grandes, 1 ou 2 jours après la nouvelle ou la pleine Lune, elles vont en diminuant, jufqu'à un jour & demi après la quadrature, & elles r’augmentent enfuite jufqu'à la pleine ou nouvelle Lune fuivante. Il fe trouve la différence que nous avons dite entre les marées du foir & du matin, de même qu'entre les Malines; mais c'est une régle générale que toutes les fois que la Mer monte davantage par fon flux, elle defcend auffi davantage par fon reflux. Lorfque toutes les circonstances font favorables pour produire une très-grande maline vers le

Commencement d'Avril ou d'Octobre, la Mer en fe retirant laiffe auffi à fec une plage beaucoup plus grande qu'à l'ordinaire. On voit alors à découvert des bancs de fable & des écueils, qui font cachés pendant tout le refte de l'année.

III.

De la Grandeur des Marées dans les différens endroits de la Terre.

189. Les Mers qui ont peu d'étendue, ne font pas fujettes à avoir de marées, parce qu'en tout tems l'action du Soleil & de la Lune eft à peu près la même fur une de leurs extrémités que fur l'autre. La Mer Méditerranée n'a presque pas de flux fenfible, par cette raifon; on y en remarque feulement un peu dans le fond de fes Golfes. Lorfqu'on avance dans l'Océan, beaucoup vers les Poles, on y trouve des marées toujours moins confidérables. Le Soleil & la Lune agiffant vers l'Equateur, & foulevant continuellement les eaux vers le milieu de la Zone torride, les Poles doivent en être comme continuellement privés : ainsi la Mer doit être toujours baffe vers ces deux extrémités de notre globe. Cependant elle n'eft pas réputée telle , parce que c'eft fon état ordinaire. Dans les autres Régions, la difpofition des côtes & leur giffement décident prefque totalement de la grandeur du flux & reflux.

190. La Mer ne monte que 17 à 18 pieds fur les côtes de Bretagne du côté du Sud, au lieu qu'elle monte de so pieds vers S. Malo & le Mont S. Michel. La Manche offre une très-grande ouverture aux eaux de l'Océan, & quand elles s'y trouvent une fois engagées, & qu'elles font outre cela réfléchies par les côtes d'Angleterre vers celles de France, elles n'ont pas la liberté de refluer ou de rebrouffer chemin, tant qu'il furvient d'autres eaux qui les pouffent dans le même fens; elles s'accumulent donc & elles forment ces grandes marées qu'on observe vers le Mont

S. Michel & Cancale. La même chose a lieu au-deffous de Bristol ou de l'embouchure du Fleuve Saverne, dans le canal de S. George: la Mery monte de 45 pieds dans les Malines, & de 25 dans les mortes-eaux. Il arrive aufli quelque chofe de femblable, & par la même raison, dans le golfe de Panama fur le bord de la Mer du Sud. Les Ifles qui font en pleine Mer, principalement fi elles font petites, ne forment pas un obftacle affez confidérable pour fixer une grande maffe, & les marées y font foibles; elles ne font, par exemple, que de 7 à 8 pieds dans les Ifles de Canaries. Elles font de 11 ou 12 pieds fur les côtes de Portugal; la difpofition Nord & Sud de ces côtes hors de la Zone torride, n'eft pas propre à arrêter les eaux, elle leur permet de gliffer & d'aller plus loin. Nous n'entrons pas dans un plus grand détail fur toutes ces chofes : les Navigateurs ne font intéressés à fçavoir exactement dans cette matiére que les faits feuls, & ils peuvent dans l'occasion confulter les routiers,

I V.

De l'Etablissement des Marées, & de la manière de Calculer l'Heure du Flux & Reflux.

&

191. Nous avons dit que les marées retardoient cha que jour de 48 min. & qu'elles ne revenoient aux mêmes heures que de 15 jours en 15 jours. Il eft pleine Mer fur toute une étendue de côte à la même heure, mais felon que les Ports font plus ou moins retirés dans les terres, que leur ouverture eft plus ou moins étroite, la Mer emploie plus ou moins de tems pour s'y rendre, & il y eft pleine Mer plutôt ou plutard. Chaque Port a donc fon heure particuliére; outre que cette heure eft différente chaque jour. Il a été naturel de confidérer plus particu liérement les marées des nouvelle & pleine Lunes, & d'y

rapporter

rapporter toutes les autres. On nomme Etablissement, cette heure à laquelle il eft pleine Mer, lorfque la Lune eft visà-vis du Soleil, ou qu'elle fe trouve à l'oppofite. A Brest c'est 3 heures 30 min. au lieu que l'Etablissement des marées au Havre de Grace eft 9 heures, parce qu'il y eft pleine Mer à cette heure-là les jours des nouvelle & pleine Lunes.

192. Nous nous dispensons de donner une Table de ces Etablissemens; nous nous contentons d'en marquer un certain nombre en chiffres Romains dans la Carte de la Manche & dans l'autre petite Carte. On voit auprès de Bellifle, parce qu'il y eft pleine Mer aux nouvelles & pleines Lunes à une heure & demie. On voit auffi en jettant les yeux fur la même Carte que 3 heures eft l'établis sement des marées à l'entrée de la Loire, & qu'à Nantes

c'eft 8 heures.

193. La grande différence qui fe trouve entre l'heure << des marées au bas de la Loire & à Nantes, eft bien pro- << pre à montrer combien eft mauvais l'ufage où font quelques Pilotes d'exprimer l'établiffement des Ports par les «< rumbs de vent de la Bouffole. Ils fe fervent du Nord & « du Sud pour indiquer 12 heures; ils indiquent 6 heures << par l'Eft & l'Ouest, 3 heures par le SE & le SO, &c. « Cet ufage qui s'eft introduit dans plufieurs livres, n'est « propre qu'à induire en erreur les perfonnes peu inftrui- « tes, en leur faisant croire que ces prétendus rumbs de « vent, qui défignent l'établissement des marées, ont rap- « port à la direction des riviéres, ou aux régions du mon- « de, vers lefquelles les entrées des Ports font exposées. « Il n'eft pleine Mer plus tard à Nantes qu'au bas de la Loi- «< re, que parce que cette Ville eft confidérablement éloi- « gnée de la Côte, & qu'il faut du tems au flux pour y « faire fentir fon effet. L'établiffement des Ports dans la «< Manche fuit un ordre réglé, qui dépend uniquement du « plus ou du moins de chemin que font les eaux pour y « parvenir. J'ai vû à la Côte de Bretagne l'établiffement <<

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