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D'un perfide ennemi j'ai purgé la nature.

A ses monstres lui-même a servi de pâture.
Et, lorsqu'avec transport je pense m'approcher
De tout ce que les dieux m'ont laissé de plus cher;
Que dis-je? quand mon âme, à soi-même rendue,
Vient se rassasier d'une si chère vue,

Je n'ai pour tout accueil que des frémissemens.
Tout fuit, tout se refuse à mes embrassemens.
Et moi-même, éprouvant la terreur que j'inspire,
Je voudrais être encor dans les prisons d'Épire.
Parlez. Phèdre se plaint que je suis outragé.
Qui m'a trahi? Pourquoi ne suis-je pas vengé?
La Grèce, à qui mon bras fut tant de fois utile,
A-t-elle au criminel accordé quelque asile?
Vous ne répondez point. Mon fils, mon propre fils
Est-il d'intelligence avec mes ennemis?

Entrons. C'est trop garder un doute qui m'accable.
Connaissons à la fois le crime et le coupable.
Que Phèdre explique enfin le trouble où je la voi.

SCÈNE VI.

HIPPOLYTE, THÉRAMÈNE.

HIPPOLYTE.

Où tendait ce discours qui m'a glacé d'effroi ?
Phèdre, toujours en proie à sa fureur extrême,
Veut-elle s'accuser et se perdre elle-même ?
Dieux! Que dira le roi? Quel funeste poison
L'amour a répandu sur toute sa maison!
Moi-même, plein d'un feu que sa haine réprouve,
Quel il m'a vu jadis, et quel il me retrouve?

De noirs pressentimens viennent m'épouvanter.
Mais l'innocence enfin n'a rien à redouter.

Allons, cherchons ailleurs par quelle heureuse adresse
Je pourrai de mon père émouvoir la tendresse,
Et lui dire un amour qu'il peut vouloir troubler,
Mais que tout son pouvoir ne saurait ébranler.

FIN DU TROISIÈME ACTE.

ACTE IV.

SCÈNE PREMIÈRE.

THÉSÉE, OENONE.

THÉSÉE.

Aн,qu'est-ce que j'entends? Un traître, un téméraire

Préparait cet outrage à l'honneur de son père?
Avec quelle rigueur, destin, tu me poursuis!
Je ne sais où je vais, je ne sais où je suis.
O tendresse ! O bonté trop mal récompensée!
Projet audacieux! Détestable pensée!

Pour parvenir au but de ses noires amours,
L'insolent de la force empruntait le secours !
J'ai reconnu le fer instrument de sa rage,
Ce fer dont je l'armai pour un plus noble usage.
Tous les liens du sang n'ont pu le retenir !
Et Phèdre différait à le faire punir!

Le silence de Phèdre épargnait le coupable!

OENONE.

Phèdre épargnait plutôt un père déplorable.
Honteuse du dessein d'un amant furieux,
Et du feu criminel qu'il a pris dans ses yeux,
Phèdre mourait, Seigneur, et sa main meurtrière
Eteignait de ses yeux l'innocente lumière.

J'ai vu lever

bras, j'ai couru la sauver.
Moi seule à votre amour j'ai su la conserver.
Et, plaignant à la fois son trouble et vos alarmes,
J'ai servi malgré moi d'interprète à ses larmes.
THÉSÉE.

Le perfide! Il n'a pu s'empêcher de pâlir.
De crainte en m'abordant je l'ai vu tressaillir.
Je me suis étonné de son peu d'allégresse.
Ses froids embrassemens ont glacé ma tendresse.
Mais ce coupable amour dont il est dévoré,
Dans Athènes déjà s'était-il déclaré?

OENONE.

Seigneur, souvenez-vous des plaintes de la reine, Un amour criminel causa toute sa haine.

THÉSÉE.

Et ce feu dans Trézène a donc recommencé ?

OENONE.

Je vous ai dit, Seigneur, tout ce qui s'est passé. C'est trop laisser la reine à sa douleur mortelle. Souffrez que je vous quitte,et me range auprès d'elle.

SCÈNE II.

THÉSÉE, HIPPOLYTE.

THÉSÉE.

Ah, le voici! Grands dieux, à ce noble maintien, Quel œil ne serait pas trompé comme le mien? Faut-il que sur le front d'un profane adultère Brille de la vertu le sacré caractère?

Et ne devrait-on pas,

à des signes certaius,

Reconnaître le cœur des perfides humains?

HIPPOLYTE.

Puis-je vous demander quel funeste nuage,
Seigneur, a pu troubler votre auguste visage?
N'osez-vous confier ce secret à ma foi?

THÉSÉE.

Perfide, ose-tu bien te montrer devant moi ?
Monstre, qu'a trop long-temps épargné le tonnerrc,
Reste impur des brigands dont j'ai purgé la terre.
Après que le transport d'un amour plein d'horreur
Jusqu'au lit de ton père a porté ta fureur,
Tu m'oses présenter une tête ennemie !

Tu parais dans des lieux pleins de ton infamie;
Et ne va pas chercher sous un ciel inconnu
Des pays où mon nom ne soit point parvenu!
Fuis, traître. Ne viens point braver ici ma haine,
Et tenter un courroux que je retiens à peine.
C'est bien assez pour moi de l'opprobre éternel
D'avoir pu mettre au jour un fils si criminel,
Sans que ta mort encore, honteuse à ma mémoire,
De mes nobles travaux vienne souiller la gloire.
Fuis. Et, si tu ne veux qu'un châtiment soudain
T'ajoute aux scélérats qu'a punis cette main,
Prends garde que jamais l'astre qui nous éclaire
Ne te voie en ces lieux mettre un pied téméraire.
Fuis, dis-je ; et, sans retour précipitant tes pas,
De ton horrible aspect purge tous mes états.
Et toi, Neptune, et toi! si jadis mon courage
D'infâmes assassins nettoya ton rivage,
Souviens-toi que pour prix de mes efforts heureux
Tu promis d'exaucer le premier de mes vœux.

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