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crime politique ne se complique d'aucun crime commun, la nécessité même de cette peine peut être contestée; et cette observation, développée au commencement de ce chapitre, a été appliquée par le Code belge, dont le projet remplace la peine de mort par la détention perpétuelle dans toute cette section.

§ III.

Les actes prévus par les art. 84 et 85 du Code pénal ont un caractère entièrement distinct des faits qui les précèdent dans la même section. Il ne s'agit plus d'un crime de trahison: la loi ne soupçonne même aucune intelligence entre l'agent qu'elle inculpe et les ennemis de l'Etat ; ce qu'elle punit, ce sont des actes imprudents et téméraires qui peuvent attirer sur les citoyens des représailles, sur l'Etat la guerre avec ses chances et ses malheurs. « Si on n'avait pas mis dans le Code, a dit un illustre magistrat, des peines contre l'homme qui expose son pays à la guerre, si le crime était impuni, il n'y aurait aucune satisfaction légale à donner à l'étranger qui se plaint: la guerre serait le seul remède ; ou bien on ferait comme chez les peuples anciens, on attacherait cet homme les mains derrière le dos avec une corde, on lui ferait franchir la frontière, et on le livrerait à l'étranger pour qu'il puisse en faire justice. Il y aurait inhumanité; il faut que le pays ait ses lois, qu'il y ait des juges français pour juger et punir les coupables, afin qu'on offre aux étrangers une juste satisfaction. La loi française a conservé la dignité nationale en mettant parmi les crimes les faits de cette nature, en réservant le juge ment à des juges français. Quelle que soit cette décision, elle devra être respectée; alors si on fait la guerre, elle sera juste [1]. »

Rappelons le texte des deux articles. Art. 84. « Quiconque aura, par des actions hostiles non approuvées par le gouvernement, exposé l'Etat à une déclaration de guerre, sera puni du bannissement; et si la guerre s'en est suivie, de la déportation. » →→ Art. 85. « Quiconque aura, par des actes non approuvés par le gouvernement, exposé des Français à éprouver des représailles, sera puni du bannissement. »>

Il est évident que ces deux dispositions prévoient le même fait, mais en le supposant dans des espèces diverses, et en lui imprimant un ca

[1] M. Dupin, réquis. dans l'aff. Jauge (Journ. du droit crim. 1834, p. 357).

[2] Comment, du Code pén, sur l'art. 84, § 5.

ractère différent. Nous allons successivement examiner ces deux hypothèses.

M. Carnot paraît penser que l'art. 84 ne s'applique qu'aux agents du gouvernement, et il se fonde sur ce qu'il n'y a que les agents qui, par des agressions hostiles ou des infractions aux traités, puissent exposer l'Etat à une déclaration de guerre. [2]. Le Code pénal de 1791 portait, en effet, dans l'art. 2 de la section 1re de la 2e partie : « que lorsqu'il a été commis quelques agressions hostiles ou infractions de traités, tendantes à allumer la guerre entre la France et une nation étrangère....... le ministre qui aurait donné ou contre-signé l'ordre, ou le commandant des forces nationales de terre ou de mer qui, sans ordre, aurait commis lesdites agressions hostiles ou infractions de traités, serait puni de mort. » Mais si le législateur de 1791 n'avait cru devoir s'occuper que des actes hostiles du fonctionnaire, notre Code a effacé cette restriction; l'article, en employant le mot quiconque, ne laisse aucun doute sur sa généralité.

La loi n'a point défini les actions hostiles, et peut-être cette définition était-elle impossible. En général, les actes de cette nature empruntent toute leur valeur politique des circonstances dans lesquelles ils se produisent, Un fait grave, important, n'entraînera aucune conséquence sérieuse, s'il est commis envers une nation que des liens étroits d'amitié unissent à la France. Dans d'autres circonstances, le fait le plus minime peut élever un conflit el jeter l'alarme au sein de deux nations. Il faut donc se borner à dire, dans les termes de la loi, que les actions hostiles sont tous les ac- tes matériels qui, non approuvés par le gouvernement, ont exposé l'Etat à une déclaration de guerre.

Ainsi il ne suffirait pas que les actes hostiles eussent exposé à de simples hostilités : la loi exige formellement, pour constituer le crime, le péril et l'alarme d'une déclaration de guerre, Ce point a été solennellement reconnu par la Cour de cassation dans l'affaire Jauge; l'arrêt déclare, en effet, que : « d'après les termes dans lesquels l'art. 84 est conçu, en général quant aux personnes, il ne peut s'appliquer qu'aux actions hostiles qui sont de nature à exposer l'Etat à une déclaration de guerre [3]. »

Et ceci nous donnera lieu de remarquer une

[3] Arr. 28 nov. 1834 (Journ. du droit crim, 1834, p. 236).

sorte de lacune dans la loi. Dans l'état politique de l'Europe, il est difficile que le fait isolé d'un simple citoyen, et même d'un fonctionnaire public, puisse allumer la guerre entre deux nations. Une déclaration de guerre n'intervient pas sans que l'Etat offensé ait demandé des explications. Et dès que l'agression a été commise à l'insu du gouvernement auquel appartient l'agent, dès que le gouvernement la désavoue hautement, il est improbable que la guerre puisse jamais en être la conséquence. Il suit de là, et c'est aussi ce que confirme l'expérience, que l'article 84, quoique destiné à réprimer un fait coupable, doit demeurer sans application dans nos lois. Mais il en eût été autrement si le lé gislateur avait modifié l'une des circonstances constitutives de ce crime, s'il s'était borné à exiger que les actes hostiles fussent de nature à exposer l'Etat, non à une déclaration de guerre, mais à de simples actes hostiles: car les agressions qui se manifestent le plus souvent, soit sur les frontières entre des habitans riverains, soit en mer sur des navires isolés, peuvent provoquer des actes de la même nature, mais non une déclaration de guerre. On pourrait objecter que le cas où l'agression provoque des actes hostiles envers l'Etat, rentre dans les termes de l'art. 83. Ce serait une erreur cet article ne punit que les actes qui exposent les Français à des représailles; or cette expression opposée aux actes qui exposent l'Etat à la guerre, dans l'article 84, indique clairement que le premier de ces articles n'a prévu que les représailles exercées contre les particuliers, et nous verrons tout à l'heure que tel est aussi le sens de cette disposition. Reste donc l'hypothèse où l'agression a attiré des hostilités, mais non la guerre envers le pays; et cette hypothèse échappe à l'une et à l'autre de ces deux incriminations.

Que faut-il entendre par des actes qui exposent les Français à des représailles? M. Carnot pense que le législateur a voulu parler des ou trages et voies de fait commis envers des sujets d'une nation étrangère [1]. En effet, puisque ces actes n'exposent que des Français individuellement, et non la société française à des représailles, il s'ensuit que dans la prévision de la loi ils n'ont dù offenser également que des individus. Cependant il nous semble nécessaire

[1] L'art. 136 du Code prussien porte : « Celui qui se permet des outrages contre des sujets d'une puissance étrangère, même hors du royaume, et expose ainsi les sujets prussiens à des représailles

que les représailles soient commandées par le gouvernement étranger. Ainsi nous ne pourrions admettre avec M. Haus, que l'insulte faite à un Anglais à Bruxelles pût motiver l'application de cet article, par cela seul que les Belges qui résident en Angleterre seraient exposés à des représailles, avant même qu'aucune décision de l'autorité étrangère n'eût prononcé de représailles. Ce ne sont là ni les faits, ni les représailles que la loi a eu en vue. En général elle a voulu prévenir les voies de fait et les déprédations qui peuvent s'exercer sur les frontières d'un royaume, sur un territoire ami. Sans doute les espèces peuvent varier à l'infini, mais il faut que les violences soient assez graves pour exposer à des représailles, et ce dernier terme, dans le droit des gens, exige l'intervention d'une autorité étrangère.

Au reste, on ne doit pas perdre de vue, dans l'application de ces deux articles, que ce ne sont point les actes hostiles, les violences ou les déprédations que la loi punit, mais seulement le fait d'avoir par ces actes exposé l'Etat à une déclaration de guerre, ou les Français à des représailles [2]. C'est la paix, ce sont les intérêts nationaux qu'elle a voulu protéger ; c'est le préjudice éventuel que les actes peuvent produire, qui devient la base de la peine. Ainsi la criminalité ne se puise pas dans la gravité intrinsèque des faits, mais dans leur importance politique, dans les chances de guerre ou de représailles qu'ils ont soulevées, en un mot dans la perturbation politique qu'ils ont causée.

Ces dispositions ont été rarement appliquées. Il importe dès lors de recueillir avec plus de soin les espèces où cette application a eu lieu. Le sieur Herpin avait capturé un navire sarde pendant qu'il commandait un navire colombien ; accusé d'avoir commis un acte hostile qui exposait la France à une déclaration de guerre de la Sardaigne, ou du moins à des représailles, il répondait que ce fait ne rentrait point dans les termes des articles 84 et 85, et que d'ailleurs, commis en pays étranger, il n'était pas justiciable des tribunaux de France. La Cour de cassation a rejeté ces exceptions, en se fondant sur ce que toute la criminalité prévue par ces articles consistait uniquement dans le fait d'avoir exposé l'Etat à une déclaration de

de la part du gouvernement étranger, doit être puni comme s'il eût commis le délit à l'intérieur.>> [2] Arr. cass. 13 juin 1824 (Bourguignon, t. 3, sur l'art. 85).

guerre, ou les Français à des représailles; que le préjudice éventuel faisait rentrer l'acte incriminé dans la catégorie des faits que les art. 5, 6 et 7 du Code d'instr. crim. défèrent aux tribunaux français, et que cet acte réunissait d'ailleurs les caractères prévus et punis par les art. 84 et 85 [1]. De cet arrêt, qui a jugé au fond un point de fait, il résulte cette seule règle que les crimes prévus par cet article peuvent, lorsqu'ils ont été commis en pays étranger et qu'ils se trouvent dans les cas prévus par le Code d'instr. crim., être l'objet d'une poursuite en France. Or cette règle peut d'autant moins être contestée, que l'art. 5 de ce Code permet de poursuivre en France tout Français qui s'est rendu coupable, hors du territoire, d'un crime attentatoire à la sûreté de l'Etat.

Dans une seconde espèce qui semble de nature à se renouveler davantage, un attroupement de 50 Français s'était porté sur le territoire sarde et avait exercé des violences envers un poste de la douane étrangère, dans le but d'enlever des objets introduits en contrebande dans la Sardaigne et que les préposés avaient saisis. La chambre d'accusation de la Cour royale de Grenoble a reconnu que ces faits constituaient des actions hostiles non approuvées par le gouvernement, lesquelles exposaient l'Etat à une déclaration de guerre; ou tout au moins des actes non approuvés par le gouvernement, lesquels exposaient des Français à éprouver des représailles [2]. Il est à remarquer que dans cet arrêt, comme dans le précédent, les juges ont cru nécessaire d'accumuler la double accusation des deux crimes prévus par les art. 84 et 85. C'est qu'il est évident que la première, circonscrite dans les termes trop restrictifs de l'art. 84, n'a que peu de chances de succès. L'observation que nous avons faite plus haut se trouve donc confirmée par la pratique.

La peine de la déportation portée par l'art. 84, pour le cas où la guerre a été le résultat des actes hostiles, a été l'objet de plusieurs observations. La commission du Corps législatif s'exprimait en ces termes en 1810: «La peine de la déportation ne paraît pas suffisante, si des actions hostiles non approuvées par le gouvernement ont été suivies de la guerre. Les actes de cette nature qui ont amené ce fléeau constituent un grand crime contre l'État et l'humanité, en

[1] Arr. 18 juin 1824, cité suprà, et arr. 25 avr. 1831, cité infrà.

[2] Arr. Grenoble, 25 avr. 1831 (Journ. du droit crim 1831. p. 365).

troublant la paix de l'État : la commission croit donc que la peine de mort doit y être appliquée. » Le Conseil d'état repoussa cette proposition, en se fondant sur ce que l'article ne s'applique qu'à ceux qui sont supposés n'avoir pas calculé les conséquences de leur conduite; et que, lorsqu'il y a eu calcul ou intelligence, le crime rentre dans les articles précédents [3]. Cette réponse n'est pas absolument exacte: sans doute, si les actions hostiles étaient le fruit d'intelligences entretenues avec les puissances étrangères, les dispositions des art. 76 et 77 pourraient être, suivant les cas, applicables; mais si ces actions, quoique commises avec calcul, c'est-à-dire avec préméditation, n'avaient été concertées avec aucun agent étranger, n'avaient été précédées d'aucun acte préparatoire de la trahison, il est certain que de tels actes ne rentreraient dans les termes d'aucune autre disposition de la même section.

Lors de la révision du Code, on demanda que la détention temporaire remplaçât la peine de la déportation. «Il s'agit de déterminer, disait l'auteur de cette proposition, si la déportation prononcée par cet article sera convertie en une détention perpétuelle ou en une détention à temps. A cet égard, chacun sait que dans la législation criminelle il faut surtout établir une juste harmonie entre les peines à appliquer. Or, comparez le crime prévu par l'article 82 (et puni de la détention perpétuelle), qui annonce dans son action un caractère de fraude, de violence et de corruption, qui est marqué au coin de la bassesse, de la lâcheté et de la trahison, avec celui mentionné dans l'article 84; celui-ci du moins, dans la plupart des circonstances, si toutefois ce crime est possible, est inspiré par les sentiments de bravoure, de générosité même, irréfléchie sans doute, mais qui ne présentent pas dans la culpabilité ce caractère de gravité signalé dans l'article 82. » Le rapporteur combattit cette proposition : « Si l'on juge ce fait par l'intention, est-il une intention plus coupable que celle qui ne tient nul compte des plus graves intérêts de la France ? Si on le juge par les résultats, c'est la guerre, la guerre avec ses chances et ses malheurs; la détention à perpétuité est-elle trop sévère pour punir un individu de telles témérités, quand elles ont lieu en pleine connaissance de cause? Et si ces témé

[3] Procès-verbaux du Conseil d'état, séance du 9 janv. 1810.

rités sont excusables, n'y a-t-il pas des circons tances atténuantes pour adoucir le châtiment?» La déportation attaquée ainsi à deux fois diffé

rentes et par des raisons contradictoires, a été maintenue [1].

CHAPITRE XVII.

-

COUP

DES CRIMES CONTRE LA SURETÉ INTÉRIEURE DE L'ÉTAT. DES ATTENTATS ET COMPLOTS DIRIGÉS
CONTRE LE ROI ET CONTRE LA CONSTITUTION. - IMPORTANCE DE CE CHAPITRE.
D'OEIL SUR LES DIFFÉRENTES LÉGISLATIONS.-DISPOSITIONS DU CODE PÉNAL.—MODIFICATIONS
DE LA LOI DU 28 AVRIL 1832.—DIVISION DE LA MATIÈRE.-SIer. DE la proposition faite et
NON AGRÉÉE De former un cOMPLOT. — SI LA JUSTICE RÉPRESSIVE DOIT S'occuper de ce
DÉLIT.—PRINCIPES DU CODE ET APPLICATION. -§ II. DU COMPLOT. DÉFINITION. -ESPÈCES
DIVERSES DE COMPLOTS.-ÉLÉMENTS ET CARACTÈRES DE CES CRIMES.
CES ÉLÉMENTS, COMME CRIMES DISTINCTS, PAR LA LOI DU 24 MARS 1834.

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INCRIMINATION DE

QUESTIONS QUI

NAISSENT DE LA COMBINAISON DES DISPOSITIONS DE CETTE LOI AVEC CELLES DU CODE. — ASSI

MILATION AU COMPLOT DE LA RÉSolution d'agir formée par un INDIVIDU, QUAND ELLE EST Suivie d'actes PRÉPARATOIRES.-III. DE L'ATTENTAT.-DÉFINITION DE CE TERME, ET DE SES DIVERSES ACCEPTIONS DANS LA LÉGISLATION.― DE L'ATTENTAT D'APRÈS LE CODE PÉNAL. - ESPÈCES DIVERSES OU IL SE PRODUIT.-CIRCONSTANCES QUI LE CONSTITUENT. MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA LOI DU 24 MAI 1834.-DE L'ATTENTAT D'APRÈS LA LOI DU 9 SEPTEMBRE 1835. — PROVOCATION NON SUivie d'effet. —offense publique envers le roi. — différents CARACTÈRES DE cette offense. (COMMENTAIRE DES ART. 86, 87, 88, 89 ET 90 DU code pénal).

-

Dans tous les temps et chez toutes les nations, les attentats contre la constitution du pays et contre la personne du prince ont figuré au premier rang des crimes. Ils ébranlent l'ordre social dans ses fondements; ils menacent toutes les existences dans une seule; même quand ils avortent, leur seul retentissement alarme et trouble encore la société. Ils forment donc une sorte d'exception au milieu des crimes ordinaires, et par les objets qu'ils attaquent, et par les périls qu'ils entraînent. De là les définitions plus précises, les pénalités plus rigoureuses que toutes les législations leur ont appliquées. De là les incriminations multipliées qu'elles ont semées pour ainsi dire autour de leurs pas, comme

[1] Monit. du 1er déc. 1831, suppl. - L'art. 73 du Code du Brésil ne porte que la prison d'un an à douze ans pour avoir commis sans ordre ou sans autorisation du gouvernement des hostilités contre les sujets d'une autre nation, de manière à com

autant de barrières pour les arrêter dès leur premier essor, pour retenir chacun de leurs actes, pour les comprimer jusque dans la pensée où ils germent encore.

La loi romaine est célèbre par les excès de son despotisme : le crime de lèse-majesté était considéré comme un sacrilége, dit Ulpien [2]; et ce crime comprenait non-seulement les attaques contre la personne du prince, mais les conspirations contre la personne de ses officiers [3], les séditions, les injures, la mutilation de ses statues [4]. Toutes les actions devinrent bientôt des crimes de lèse-majesté : les écrits, les paroles, le silence même, jusqu'aux indiscrétions involontaires d'un songe; la pensée fut punie comme

promettre la paix ou à provoquer des représailles.
[2] L. 1, in pr., Dig. ad leg, jul. majest.
[3] Nam et ipsa pars corporis nostri, l. 5, C.
eod. tit.

[4] L. 6, Dig. ad leg. jul. majest.

le crime lui-même : eâdem severitate voluntatem sceleris quâ effectum puniri jura voluerunt [1]. Tous les témoignages étaient reçus, même ceux des esclaves. Les peines furent d'abord l'interdiction de l'eau et du feu, ensuite le supplice du feu et l'exposition aux bêtes. Si l'accusé était mort avant la condamnation, on faisait le procès à sa mémoire. Tous ses biens étaient confisqués : les fils, enveloppés dans la condamnation de leurs pères, étaient déclarés inhabiles à recevoir aucune succession, aucune donation; ils devaient traîner une vie misérable, portant le fardeau de l'infamie de leurs pères, et n'ayant d'espoir qu'en la mort : sint perpetuò egentes et pauperes, infamia eos paterna comitetur; sint tales ut his perpetuâ egestate sordentibus, sit et mors solatium et vita supplicium [2].

La législation française avait recueilli la plupart de ces dispositions. Toute entreprise contre la personne du roi ou de ses enfants, et contre la chose publique, était un crime de lèze-majesté [3]. La simple volonté, manifestée par un acte quelconque, suffisait pour constituer le crime [4]. Toutes personnes qui avaient eu connaissance de la conspiration et ne l'avaient pas révélée étaient réputées complices [5]. Tous les témoignages, même ceux des dénonciateurs, étaient admis: la confession seule de l'accusé suffisait pour emporter condamnation [6]. Il n'y avait point de prescription pour les crimes de lèze-majesté, point d'excuse, même pour cause

[1] L. 5, C. eod. tit.

de démence. La peine, uniforme et invariable dans tous les cas, était horrible: c'était d'être écartelé et tiré à quatre chevaux [7]. La confiscation en était l'accessoire; elle était déchargée, dans ce cas, de toutes dettes, hypothèques ou substitutions [8]. Cette peine accessoire était poursuivie contre le cadavre, si l'accusé était mort avant que d'être condamné [9].

Plusieurs législations modernes respirent encore une partie de cette sévérité le Code de Prusse répute haute trahison toute entreprise tendante à changer à force ouverte la constitution de l'État, ou dirigée soit contre la vie, soit contre la liberté de son chef. La peine de mort est appliquée sans distinction aux coupables, avec le supplice le plus rigoureux et le plus capable d'effrayer (art. 93). Non-seulement ils perdent tous leurs biens, mais ils sont punis dans leurs enfants, qui peuvent être exilés ou reclus à perpétuité (art. 95). La non-révélation est punie de dix ans de réclusion (art. 97). Le Code d'Autriche considère les non-révélateurs, et même ceux qui n'ont pas empêché le crime, comme des complices (1re part., art. 54 et 55). Il punit de mort le simple complot, lors même qu'il est resté sans effet (art. 53). Les statuts anglais frappent également de la même peine le seul dessein d'attenter aux jours du roi, de la reine et de l'héritier de la couronne, ou à la liberté du roi [10]. Les attaques à force ouverte contre la constitution sont encore punies de mort par les statuts de New-York, et la même peine s'étend

plice dans les termes suivans: « Ce fait, mené et

[2] L. 1, C. eod. tit. (imp. Arcadius et Hono- conduit dans ledit tombereau à la place de Grève, rius).

[3] « Ordonnons que ceux qui auront aucune chose machiné, conspiré ou entrepris contre notre personne, nos enfans et postérité, ou la république de notre royaume, soient étroitement et rigourenment punis, tant en leur personne qu'en leurs biens, tellement que ce soit chose exemplaire et à toujours. » Ord François 1er, août 1539. art. 1. [4] Bouchel, vo lèze-majesté Arr. 11 janv. 1595. [5] « Ordonnons que toutes personnes qui auront eu connaissance de quelques traités, conspirations, ou entreprises à l'encontre de notre personne, ou de nos successeurs et de la chose publique, soient tenues et réputées criminelles de lèze-majesté, et punies de semblables peines que les principaux auteurs. » Ord. Louis XI, déc. 1477.

[6] Rousseau de la Combe, matière crim., p. 72; Muyart de Vouglans, p. 132.

[7] L'arrêt du parlement du 29 mars 1757, portant condamnation contre Damien, décrit son sup

et sur un échafaud, qui sera dressé, tenaillé aux mamelles, bras, cuisses et gras de jambes; sa main droite tenant en icelle le couteau dont il a commis ledit parricide, brûlée de feu de soufre; et sur les endroits où il sera tenaillé, jeter du plomb fondu, de l'huile bouillante, de la poix résine brûlante, de la cire et soufre fondus ensemble, et ensuite son corps tiré et démembré à quatre chevaux, et ses membres et corps consumés au feu. »>

[8] Bacquet, Traité des droits de justice, ch. 11. n° 17; Le Bret, de la Souveraineté, liv. 3, ch. 13; Mornac, ad leg. 31, Dig. de pignor.; ord. août 1539, art. 2.

[9] Ord. 1670, tit. 22, art. 1.

[10] « When a man doth compass or imagine the death of our lord the king, of our lady his queen, or of their eldest son or heir. » Stat. 25 th. Edward III, C. 2, confirmed by 36 Geo. III, C. 7 and 57 Geo. III, C. 6.)

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