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Si le droit que le pouvoir social exerce dans la distribution des peines, n'est point en luimême contesté, il n'en est pas de même des limites dans lesquelles ce droit peut s'exercer, et des règles qui doivent diriger son application. Les systèmes ont succédé aux systèmes. Chaque publiciste est venu, une théorie à la main, tracer un nouveau cercle autour du législateur, ou offrir à son pouvoir une base nouvelle. Les limites laissées à son action répressive, tantôt presque indéfiniment étendues, tantôt resserrées et plus étroites, toujours indécises et vagues, sont aujourd'hui encore l'objet des disputes de la science.

La première étude du jurisconsulte doit être de rechercher et de fixer le principe qui a présidé à la rédaction de la loi pénale, le système dans lequel elle a été conçue. Ce n'est, en effet, qu'en remontant à ce système, qu'il peut connaitre quel esprit respire sous tant de dispositions diverses, quelle pensée a mesuré les délits, a gradué les peines, quel a été le point de départ du législateur, le fondement de son édifice. Ce n'est qu'en dévoilant cette idée générale, qu'il pourra en réfléter la lumière jusqu'aux extrémités du Code, en éclairer

CHAUVEAU. T. 1.

toutes les parties. C'est le premier principe d'interprétation.

Une telle étude présente des difficultés particulières dans notre Code pénal. Presque entièrement rénové par le système des circonstances atténuantes, ce Code n'a plus, pour ainsi dire, que la forme de celui de 1810. Il a secoué l'empreinte du doigt impérial; il a suivi, quoique avec lenteur, les progrès de la civilisation et des mœurs; la liberté politique lui a jeté quelques fécondes semences; ses vieilles dispositions se sont animées d'un esprit nouveau; ses textes ont répudié d'inutiles rigueurs. C'est aujourd'hui une œuvre complexe, où se combine une double action législative, où se révèle un double principe; monument à demi détruit que l'architecte a relevé sur un autre plan. Comment suivre et retrouver les traces des deux ordres d'architecture? comment constater à quel sytème appartient ces dispositions amalgamées de deux législations intervenues à 22 ans de distance? Tel est, cependant, le but que nous nous proposons d'atteindre.

Jetons d'abord un rapide coup d'œil sur les diverses théories qui ont divisé la science. On

1.

ne prétend point entraîner les lecteurs dans une discussion approfondie de ces théories. Nous laissons cette tâche, non sans l'envier, aux publicistes qui s'occupent de rectifier et d'établir les principes des lois. Mais se serait réduire la science du droit aux bornes d'une pratique stérile, que d'accepter le principe sans en rechercher la source, et de supposer la légitimité du droit de punir, parce que ce droit existe.

Jusqu'au dix-huitième siècle, ce droit avait été mal étudié et mal compris. Les anciens légis lateurs ne voyaient guère, dans la distribution de la justice, qu'une arme puissante qu'ils opposaient avec succès aux audacieuses entreprises de ces temps d'anarchie. De là, tant de lois barbares, tant de peines atroces. « La société ne se défendait, a dit M. Guizot, qu'en opposant la force physique; et bien souvent la dureté des lois, le nombre des supplices ne prouvaient, de sa part, que de la sagesse et ledésir de protéger le public. Aussi les chroniques de ces temps louent-elles surtout, comme justes et populaires, les princes qui ont beaucoup et rudement puni. Ils étaient comme les premiers héros de la Grèce, occupés à purger la société de brigands et de monstres [1]. » Mais long-temps après que ces temps de troubles furent passés, lorsque la société reposait sur des bases solides, le système pénal restait empreint de toute la barbarie du moyen âge. Les tortures de l'instruction, le luxe des supplices, devenus plus atroces encore parce qu'ils étaient plus inutiles, restaient debout comme des nécessités sociales et déployaient leurs sanglantes fureurs, sans diminuer le nombre de leurs victimes. La voix de Beccaria qui proclamait, vers le milieu du dix-huitième siècle, que tout châtiment est inique quand il n'est pas nécessaire à la conservation de la liberté publique, cette voix puissante eut un immense retentissement : la philosophie s'empara de cette idée nouvelle et la rendit féconde; l'humanité descendit dans les lois criminelles; les cachots furent ébranlés, les tortures détruites, et bientôt fut proclamé ce principe, alors novateur, que la peine de mort n'est que la simple privation de la vie [2].

Beccaria donne pour base au droit de punir,

[1] Guizot, de la peine de mort en matière politique, page 118.

[2] Assemblée constituante, Code de procédure du 22 octobre 1791.

[3] Traité des délits et des peines, § II.

[4] Principes des Lois, liv. 3, chap. 4.

le droit de légitime défense qu'exerce le corps social. Il suppose une convention primitive par laquelle les hommes, auparavant indépendans et isolés, se seraient réunis en société, et auraient sacrifié une portion de leur liberté pour jouir du reste avec plus de sûreté.

La somme de toutes ces portions de liberté forme le pouvoir de la nation, qui fut mis en dépôt entre les mains du souverain. De là cette conséquence tutélaire, que tout exercice du droit de punir, qui n'est pas absolument nécessaire à la défense du corps social, est un abus et non plus un droit [3].

Ce système de la défense directe a été suivi par tous les écrivains qui sont venus après Beccaria; Mably [4] et tous les philosophes du XVIIIe siècle le partagèrent [5] : du même principe, Rousseau avait déduit les lois de son Contrat social [6]. Ce système régna près d'un demi-siècle sans contrôle, soit en France soit en Angleterre Blakstone [7] et Richard Philipps [8] l'ont adopté dans leurs traités dá droit criminel et des jurys anglais. Mais les progrès de la philosophie démontrèrent qu'il n'était pas complètement satisfaisant; ce consentement antérieur des individus relativement à l'application des peines, n'était qu'une fiction. Et en effet, l'état de société est une nécessité morale de la nature humaine; la philosophie a réputé comme une chimère cette doctrine de l'état naturel que le dix-huitième siècle n'avait préconisé que pour retrouver les titres des droits de l'homme alors méconnus. L'existence sociale est l'état naturel de tous les hommes; l'histoire entière se lève pour proclamer ce principe.

Et puis, le droit de légitime défense peut-il se confondre avec le droit de punir? Qu'est-ce que la légitime défense? c'est le droit naturel de repousser la force par la force: c'est le droit de la guerre. Mais ce droit cesse avec l'agression qui l'a fait naître. Lorsque le péril a disparu, lorsque l'agresseur est désarmé, eston fondé à le frapper en invoquant la légitime défense? Il faut donc reconnaître au droit de punir une autre source que ce droit de la défense, puisqu'il doit survivre au danger de

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[5] Voltaire, Commentaire sur le livre des délits chap. 12.

l'attaque, et s'exercer lorsqu'elle a cessé d'être distinctes, rompt l'unité de la théorie et en menaçante. embarrasse incessamment les applications. C'est surtout sous ce point de vue que ce système a été l'objet de vives critiques.

Quelques publicistes ont, néanmoins, persisté dans la théorie de Beccaria, mais en lui faisant subir de graves modifications. Laissant de côté la fiction d'une convention primitive, ils reconnaissent que pour l'homme c'est un devoir de vivre en société, et ils attribuent à cette société, considérée comme force collective, une puissance d'intervention pour la défense du droit attaqué. La limite naturelle où cette action doit s'arrêter, c'est à la garantie du droit qu'elle est appelée à défendre. Les crimes ne sont donc, dans ce système, considérés que dans leur rapport avec la conservation sociale; toute action répressive qui dépasserait ce but cesserait d'être légitime. Ses partisans ont en même temps essayé de le faire coïncider avec un autre principe que nous développerons tout à l'heure, celui de la justice morale: c'est en vertu du droit de la défense que le législateur agit, mais il doit circonscrire son action dans le cercle tracé par la règle du juste et de l'injuste; il peut incriminer les faits nuisibles à la société, mais pourvu que ces faits soient conpables aux yeux de la conscience humaine [1]. On voit que ce système, quelque peu vague, qu'on a appelé théorie de la défense indirecte, renferme à la fois le développement du principe posé par Beccaria et la conciliation de ce principe avec celui de la justice morale. Sous le premier rapport, ses partisans paraissent n'envisager cette défense que comme le droit d'opposer une digue à l'action du crime; le pouvoir social n'a mission que pour se défendre et non pour punir. Mais contre qui se dirige sa défense? Ce n'est pas contre le délinquant qu'elle a saisi et désarmé ; nous avons déjà dit que le droit de défense ne peut survivre à l'attaque. C'est, dit-on, contre les délinquans futurs, contre les crimes à venir. C'est alors faire régner dans la loi le principe de l'intimidation, dont la conséquence directe est une tendance à exagérer les peines. A la vérité, cette tendance inévitable est affaiblie par le concours secondaire du principe de justice morale dont le but est de proportionner les peines à la nature intrinsèque des actes. Mais cette alliance de deux règles, sinon opposées, du moins fort

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Le génie indépendant de Bentham qui, suivant l'expression d'un brillant écrivain, sut affranchir entièrement sa pensée du joug des traditions historiques [2], rejeta les systèmes professés jusqu'à lui. « Ce qui justifie la peine, dit-il, c'est son utilité majeure, ou pour mieux dire, sa nécessité. Les délinquans sont des ennemis publics. Où est le besoin que des ennemis consentent à être désarmés ou contenus [3] ? » Dans cette doctrine, l'utilité générale est le principe; le but matériel de la peine, l'idée dominante; ce but est l'effet de la peine sur la multitude, ou l'intimidation. Il importe peu au législateur que la distribution des peines soit conforme aux règles d'une justice réelle, car une justice apparente a les mêmes effets : la loi pénale n'a qu'un objet, celui d'imprimer dans les populations la terreur de la peine, de même que ses incriminations n'ont qu'une seule base, l'intérêt de la majorité de la société à la répression des actes incriminés.

Présentée sous un point de vue aussi absolu, il est aisé de faire ressortir les vices d'une telle doctrine. Elle ne fait qu'appliquer à la société en général le principe de l'intérêt personnel; mais si ce principe n'est pas une règle suffisante de nos actions et de nos devoirs, comment suffirait-il pour légitimer une punition? L'utilité est un élément nécessaire de toute peine, en ce sens qu'aucune peine inutile ne doit être appliquée, mais cette utilité ne constitue pas un droit; car, comment sera-t-elle constatée? ne varie-t-elle pas suivant des circonstances multipliées? d'après les climats, les habitudes et les mœurs des nations? Ce n'est point un principe, mais un fait, par conséquent une base mobile, susceptible de modifications infinies. Avec une telle règle, quelles seraient les garanties des membres du corps social contre l'arbitraire? Qui empêchera que tel fait innocent aujourd'hui, ne soit demain incriminé? Qui posera les limites aux incriminations du législateur et à l'exagération des peines? L'utilité générale, mot indéfini et vague, peut tout justifier, même des atrocités.

[2] M. Lerminier, de l'Influence de la philosophic sur la législation, pag. 357.

[3] Théorie des peines et des récompenses, t. 1er,

pag. 7.

Il faut néanmoins remarquer que ce même système que nous poursuivons dans ses dernières conséquences, pourrait perdre la plus grande partie de ses inconvéniens, dans les mains d'un législateur habile qui traduirait le principe utilitaire dans une utilité bien entendue de la société. Car le premier besoin de cette société est une exacte distribution de la justice; mais ce serait alors, et nous le reconnaitrons plus loin, à l'accession secondaire d'un principe moral que serait dû ce résultat, et non à l'application isolée de la doctrine de l'intérêt.

Il nous reste à exposer une dernière théorie, à laquelle se rattache l'autorité d'un professeur célèbre, M. Rossi [1]. Rejetant à la fois et le principe de l'utilité et celui de la légitime défense, c'est dans la loi morale qui nous est révélée par la conscience, que ce publiciste a cherché le principe et la raison de la justice pénale. Ce tribunal de la conscience, qui sépare le mal du bien, le juste de l'injuste, révèle à l'homme les règles immuables de ses devoirs et lui apprend qu'il est responsable de ses actions. Ces devoirs moraux et cette responsabilité de l'être libre et intelligent sont la base de la justice pénale.

Mais l'homme ne doit plus être considéré isolément : la société lui a été donnée comme moyen de secours et de développement, elle est son état naturel ; l'existence sociale est l'un de ses devoirs. Ce principe en le combinant avec le premier, conduit à ce corollaire, que la société, ou le pouvoir social qui la représente, a le droit de punir ceux qui jettent le trouble dans son sein; mais que ce droit de punir est subordonné dans son exercice à l'existence de la violation d'un devoir, à l'existence d'une infraction morale. Ainsi, dans cette théorie, la punition n'est point un mal infligé dans l'intérêt d'un nombre quelconque d'individus, ou dans le but de produire une impression utile sur la multitude. La peine n'est en elle-même que la réparation d'un devoir violé, la rétribution du mal pour

le mal.

Cependant comme l'application des peines a pour but final la conservation de l'ordre social, il existe un autre élément indispensable de cette application. La justice absolue n'est pas la même que la justice sociale, quoiqu'elles dérivent de la même source. La justice sociale est limitée par les besoins de l'ordre et par l'imperfection de ses moyens d'action. Le législateur dépasserait donc

[1] Traité du droit pénal.

ses pouvoirs s'il infligeait une peine à un fait dont l'ordre social n'exige pas la répression, ou dont la poursuite amènerait plus de dommages que d'avantages à la société. C'est le principe de l'utilité que nous retrouvons ici, mais comme élément, et non plus comme circonstance constitutive du délit. Sans doute le législateur, en recherchant l'expression du besoin social pent se tromper; mais son erreur aura moins de péril puisque l'utilité d'une peine est insuffisante pour incriminer un fait il faut encore que ce fait soit criminel aux yeux, de la conscience humaine.

:

La conclusion de ce qui précède est que la justice pénale ne peut légitimement s'exercer qu'autant qu'elle appuie les punitions qu'elle inflige sur cette double condition; 1o que l'acte à punir soit immoral, ce qui constitue la justice intrinsèque de la punition; 2° que la punition soit nécessaire à la conservation de l'ordre social. Telles sont les règles qui forment la base de la théorie proposée par M. Rossi.

M. Guizot a écrit ces admirables paroles : « Les hommes n'ont jamais pu supporter de voir le châtiment tomber d'une main humaine sur une action qu'ils jugeaient innocente; la providence seule a le droit de traiter sévèrement l'innocence sans rendre compte de ses motifs. L'esprit humain s'en étonne, s'en inquiète même; mais il peut se dire qu'il y a là un mystère dont il ne sait pas le secret, et il s'élance hors de ce monde pour en trouver l'explication: sur la terre, et de la part des hommes, le châtiment n'a droit que sur le crime [2]. >>

Cette réflexion profonde a été la source de la théorie que nous venons d'exposer; le châtiment n'a droit que sur le crime! Cette idée seule la résume et l'explique ; les systèmes qui justifient la peine par sa seule utilité sont désavoués par la conscience humaine, qui en repousse l'application à des actes qu'elle ne condamne pas. C'est dans l'immoralité intrinsèque du fait, dans la perversité de l'agent, que la punition puise toute sa légitimité. A ce point du vue nous sommes complètement d'accord avec la théorie: nous y trouvons de salutaires limites aux incriminations légères ou despotiques, un principe qui satisfait l'intelligence et la conscience de l'homme, une règle morale féconde en applications utiles. Ce système se complique cependant encore de difficultés graves.

La justice humaine a-t-elle les moyens de

[2] De la peine de mort en matière politique, pag. 100.

déterminer la criminalité absolue des actes, d'après une connaissance complète de la loi morale? A-t-elle les moyens de connaître la criminalité de l'agent d'après une connaissance également complète de son intention? Il est évident qu'elle n'a point cette science et qu'elle est à la fois limitée par l'imperfection de ses moyens d'action. Faut-il en déduire l'impossibilité d'appliquer la théorie? Oui, si l'on veut y chercher la distribution de cette justice morale qui n'est l'attribut que de Dieu seul; non, si l'on consent d'en restreindre l'application aux besoins de la société. Lorsqu'elle agit, il lui suffit de constater que la punition qu'elle inflige est intrinsèquementjuste, c'est-à-dire que l'acte qui en est l'objet est immoral, et que la culpabilité de l'agent est reconnue. Or, elle a les moyens nécessaires d'acquérir cette double certitude : il lui suffit de s'en rapporter à la conscience humaine pour porter ces deux jugemens.

Mais le système de M. Rossi n'est pas également satisfaisant sous un autre rapport. Après avoir combattu le principe utilitaire comme base unique du droit de punir, il est forcé de l'admettre comme élément de ce droit. Il ne suffit pas que l'acte soit immoral pour que le pouvoir social doive le frapper, il est nécessaire qu'il expose la société à des périls. L'utilité de la peine est donc l'une des conditions de son application. Or, où seront les garanties contre les exigences injustes du pouvoir social? L'immoralité ne peutelle pas se trouver à un certain degré dans des actions qu'il n'est pas utile de punir? Le duel et le suicide sont des actions immorales; s'en suitil que le législateur ait le pouvoir de les atteindre? Ces questions restent sans réponse; comment fixer les besoins variables et incessans de la société? Comment définir les limites de l'utilité générale?

Ensuite, il existe des faits que la conscience ne désavoue pas et que la société est toutefois dans la nécessité de punir, dans l'intérêt de sa propre conservation. Supposez qu'une maladie reconnue contagieuse ait envahi l'une de nos cités: les peines les plus sévères devront punir toute violation des règles sanitaires [1]. Cependant cette violation qui n'est le plas souvent qu'une contravention toute matérielle, peut n'avoir aucun des caractères du délit moral. Il en est de même du vagabondage, de la mendicité, de l'exercice illégal de la médecine, etc. Fautil laisser ces faits impunis parce qu'ils n'en

freignent pas la loi morale? Faut-il proclamer la théorie insuffisante ou lui créer des exceptions?

Peut-être eût-il été possible, sans déplacer les bases de ce système, d'en faire disparaitre les conséquences que nous venons de signaler.

On admet que l'existence de l'homme en société est un devoir; on admet encore que la mission de la justice pénale est limitée à la défense de cette société. Que conclure de ces prémisses? que tout trouble apporté à l'ordre social est un délit moral, puisque ce trouble est la violation d'un devoir, celui de l'homme envers la société. Ainsi les actions que la justice a mission de punir seraient de deux sortes ou empreintes d'une immoralité, intrinsèque, ou pures en elles-mêmes de cette immoralité, mais la puisant alors dans la violation d'un devoir social : dans ces deux cas il y aurait délit social; l'élément de ce délit serait la criminalité intrinsèque ou relative de l'acte. La plupart des contraventions matérielles rentrent dans cette dernière classe. Pour les incriminer il faut substituer les devoirs de l'homme en société aux devoirs de l'homme isolé, le citoyen à l'homme, la conscience publique à la conscience individuelle.

Résumons en quelques mots ces divers systèmes. On a vu que l'un fait dériver le droit de punir d'une primitive convention entre les membres de la société ; qu'un autre le fait remonter à un droit de défense qu'il attribue au pouvoir social; un troisième à un principe exclusif d'utilité; un dernier enfin à un principe de justice morale. Il est évident que les législateurs qui choisiraient l'un ou l'autre de ces principes pour bannière et en adopteraient franchement le conséquences, arriveraient à des résultats opposés. C'est ainsi que celui qui aurait inscrit sur le fronton de son Code le mot utilité, éprou- ̄ verait une tendance presque invincible à apprécier les actes humains d'après leurs effets accidentels, plutôt que d'après leur perversité intrinsèque. C'est ainsi encore que toute législation qui reposera sur un principe moral tendra à mesurer les peines sur la valeur des actions, à punir plutôt qu'à effrayer.

Toutefois ces différences peuvent s'effacer insensiblement dans l'application, soit que le législateur tempère la rigueur des déductions de chacun de ces principes, soit qu'il cherche à les concilier ensemble. M. Livingston, que la

[1] La loi du 3 mars 1822 et la loi belge du toute violation du régime de la patente brute. 18 juillet 1831, portent la peine de mort contre

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